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CHRISTIE, ROBERT, avocat, officier de milice, fonctionnaire, journaliste, historien et homme politique, né le 20 janvier 1787 à Windsor, Nouvelle-Écosse, fils cadet de James Christie et de Janet McIntosh ; le 24 février 1812, il épousa Monique-Olivier Doucet, et ils eurent au moins un fils, probablement mort en bas âge ; décédé le 13 octobre 1856 à Québec.
Le père de Robert Christie, cordonnier de son métier, était originaire d’Écosse. Il possédait un grand nombre de terres et occupait des postes mineurs à Windsor. Son fils étudia dans cette ville, au King’s College, et obtint son diplôme quelque temps avant 1803. Apparemment, il se lança en affaires à Halifax, mais, comme cela se faisait couramment à l’époque, il alla poursuivre sa vie professionnelle à Québec. En 1805, son père le plaça en effet pour cinq ans comme clerc et apprenti chez l’avocat Edward Bowen*. Le 3 octobre 1810, il reçut une commission d’avocat ; pendant la guerre de 1812, il servit comme capitaine dans le 4e bataillon de milice de Québec.
Se tournant vers le journalisme au printemps de 1816, Christie fonda et rédigea un hebdomadaire, le Quebec Telegraph, un des premiers journaux commerciaux de Québec, qui contenait aussi des reportages sur l’agriculture et des nouvelles étrangères. Ses comptes rendus des événements de la chambre d’Assemblée annonçaient les écrits que Christie produirait plus tard sur la politique bas-canadienne. Destiné aux lecteurs anglophones et francophones, le journal fut publié dès le début dans les deux langues. À la fin de novembre 1816, Robert-Anne d’Estimauville* en devint le rédacteur en chef, mais l’entente ne dura que quelques semaines : les deux hommes se querellèrent à la mi-décembre, et d’Estimauville partit. Des problèmes administratifs continuèrent d’assaillir le journal jusqu’à ce qu’il cesse de paraître, en juillet 1817.
Entre-temps, le 26 janvier 1816, la chambre d’Assemblée avait nommé Christie son greffier en loi en lui confiant le mandat de rédiger des projets de loi ; sa nomination fut confirmée en mars 1817 par une commission gouvernementale. En 1819, il fut aussi nommé greffier d’une commission formée de Jean-Thomas Taschereau*, Michel-Louis Juchereau* Duchesnay et George Waters Allsopp*, qui était chargée de trancher les revendications foncières de la Gaspésie, ce qui marqua pour lui le début d’un lien durable avec cette région. Au début de son engagement dans la politique bas-canadienne, Christie était un admirateur du parti canadien, dirigé par James Stuart. Ce dernier, lui-même ancien élève du King’s College, exerça peut-être sur lui une influence considérable. Mais l’opposition de Christie au gouvernement fut de courte durée et, après avoir gagné la faveur du gouverneur en chef, lord Dalhousie [Ramsay*], il se mit à soutenir l’exécutif. Le gouvernement lui accorda d’autres nominations et contrats et il demeura greffier en loi de la chambre d’Assemblée jusque vers 1827.
Le 15 octobre 1827, Christie fut élu député de la circonscription de Gaspé, qui comptait une importante population anglophone. La même année, il accéda à la présidence de la Cour des sessions trimestrielles du district de Québec, mais son parti pris pour le gouverneur en chef et l’exécutif fut la cause d’un conflit entre l’Assemblée et lui. Le gouvernement lui ayant demandé cette année-là de dresser une nouvelle liste de magistrats pour la province, il en radia les députés qui s’étaient opposés à Dalhousie. Les commissions de plusieurs magistrats de Québec, dont John Neilson*, François Blanchet* et François Quirouet*, tout comme celles de certains magistrats de Montréal, ne furent pas renouvelées. Les juges de la Cour du banc du roi, James Kerr*, Taschereau et l’ancien mentor de Christie, Bowen, refusèrent la nouvelle liste quand elle fut soumise à leur approbation, mais Christie ne prit pas garde à l’avertissement qu’ils lui servaient de ne pas permettre qu’on porte atteinte en aucune façon au système judiciaire. L’Assemblée était déterminée à établir l’indépendance du pouvoir judiciaire, et quand, en 1829, le comité spécial qu’elle avait créé pour étudier les méthodes de nomination des juges de paix remit son rapport, l’affaire atteignit son point culminant. Le document rendait compte des vives réactions de Christie ainsi que de ses querelles avec Louis Bourdages* et d’autres hommes politiques avec lesquels il avait discuté de la liste. Christie n’eut pas le droit de se défendre et pâtit peut-être aussi de ses liens avec le secrétaire de Dalhousie, Andrew William Cochran*, un de ses anciens confrères de classe au King’s College.
Le salaire de Christie fut radié de la nouvelle liste civile, mais l’affaire n’était pas aussi simple que le congédiement d’un fonctionnaire mineur. À la suite du rapport de son comité spécial, l’Assemblée expulsa Christie de la chambre le 14 février 1829. Toutefois, les électeurs de Gaspé continuèrent de voter pour lui et, de 1829 à 1832, il fut expulsé cinq fois en tout. Selon ses adversaires – Neilson et Bourdages surtout – l’expulsion de Christie constituait une invalidation légale que seule l’Assemblée pouvait lever. Par contre, ceux qui lui reconnaissaient le droit de siéger Andrew Stuart*, Charles Richard Ogden* et Jean-François-Joseph Duval par exemple – faisaient valoir qu’accepter cette prétention revenait à placer l’Assemblée au-dessus de la volonté exprimée par le peuple. Lorsque la question fut soumise à l’attention du gouvernement britannique, le secrétaire d’État aux Colonies, lord Goderich, un whig, en s’appuyant sur des précédents trouvés dans l’histoire de la Grande-Bretagne et en établissant un certain parallèle entre ce cas et celui de John Wilkes, maintint que Christie avait le droit de siéger. Par la suite, la controverse se compliqua du fait que Christie adhéra à un mouvement qui prônait la séparation de la Gaspésie et son annexion à la province du Nouveau-Brunswick. Quant aux électeurs de Gaspé, ils étaient furieux de ce qu’ils percevaient comme un déni de leur droit de représentation et étaient en outre attirés par l’attention que le Nouveau-Brunswick portait depuis peu au commerce du bois et à l’administration des terres de la couronne dans la région de la Miramichi. Le mouvement, comme d’autres avant lui, s’éteignit cependant quand, en 1833, John Le Boutillier* fut élu député de Gaspé. Christie se retira temporairement de la politique et ne fut réélu dans cette circonscription qu’en 1841.
Quelques années plus tôt, Christie avait entrepris une autre carrière, peut-être plus importante, comme historien du Bas-Canada. En septembre 1816, le Quebec Telegraph commença à publier des extraits de son récit des mandats des gouverneurs en chef sir James Henry Craig* et sir George Prevost*, qui couvrait les années 1807 à 1815. L’ouvrage fut publié en entier à Québec en 1818. Jusqu’en 1829, Christie fit paraître des comptes rendus de l’administration des gouverneurs en chef qui s’étaient succédé de sir Gordon Drummond à Dalhousie. Ils parurent plus tard dans son ouvrage en six volumes, A history of the late province of Lower Canada. Ce livre, d’un style trop fleuri pour avoir une valeur littéraire, doit cependant son importance historiographique à sa chronique impartiale et détaillée des événements et aux documents qu’il contient, quelques-uns n’existant plus au complet sous leur forme originale. En comparaison de l’ouvrage en deux volumes de William Smith*, History of Canada ; from its first discovery, to the peace of 1763, paru à Québec en 1815, écrit polémique contre la tyrannie du Régime français, l’œuvre de Christie était pondérée. Même Louis-Joseph Papineau* concédait que l’histoire de Christie dépeignait favorablement le rôle qu’il avait joué lors des événements de 1837, malgré quelques erreurs de détail. Aucune synthèse de l’histoire du Canada ne serait écrite en anglais avant The history of Canada de William Kingsford*, publiée en dix volumes à Toronto de 1887 à 1898, mais cet auteur ne s’appuierait pas largement sur des documents originaux pour l’écrire. On peut aussi considérer que Christie assura la transition entre les historiens de sa génération et ceux de l’époque romantique de Francis Parkman*, car peu de temps avant de mourir il présenta Parkman à Papineau.
Pour Christie, « l’histoire d’un peuple fai[sait] partie de ses biens publics » et, pendant son deuxième mandat, cette fois à l’Assemblée législative de la province du Canada, il pressa le gouvernement d’assumer la responsabilité de la cueillette, de la conservation et de la publication des documents historiques et des archives publiques. En 1844 et 1845, il proposa la création d’un comité qui examinerait l’état des archives et des documents publics relatifs à la Nouvelle-France, à la province de Québec et au Bas-Canada, et en assuma la présidence. Le comité devait adopter des mesures sur la cueillette, l’organisation et la conservation, « et puiser à toutes les sources accessibles, les documens anciens et authentiques qui [avaient] rapport aux premiers établissemens du Canada, et qui [... étaient] de nature à jeter de la lumière sur son histoire primitive, à la faire mieux connaître ». Par la suite, sous les auspices du gouvernement et de la Société littéraire et historique de Québec, des documents sur la Nouvelle-France furent copiés à Albany, dans l’état de New York, et en France. En 1846, Christie présida le comité chargé d’enquêter sur l’état des archives judiciaires et parlementaires du Bas-Canada, qui présenta un rapport en vue d’assurer la conservation de ces documents souvent gardés dans des conditions déplorables, tant dans le Haut que dans le Bas-Canada. De nouveau en 1849, Christie pressa l’Assemblée d’affecter des fonds à la préservation d’une variété de documents, ceux-ci portant cette fois sur le gouvernement civil et militaire de la province avant 1791 et sur la Compagnie de Jésus avant sa suppression la même année, documents qui étaient éparpillés dans divers départements du gouvernement. Les historiens du Canada lui doivent donc beaucoup.
Christie conserva son siège à l’Assemblée de 1841 à 1854. Comme auparavant, il défendit les intérêts de la Gaspésie, particulièrement en ce qui touchait les revendications foncières, l’administration de la justice et l’enregistrement des mariages, autant de secteurs où des problèmes se posaient parce que, dans cette région, le peuplement avait précédé l’organisation du gouvernement. Il préconisait avec vigueur la restriction des dépenses gouvernementales et le contrôle des finances par l’Assemblée ; son rôle de critique lui valut avec quelque raison d’être surnommé le « Hume canadien ». Il n’était pas favorable à l’union des Canadas. C’est lui qui, en 1842, présenta la motion sur le changement de la capitale, se plaignant que Kingston n’était pas situé au centre de la majorité des établissements canadiens. Bien que conservateur de nature et sceptique envers le « gouvernement responsable », Christie n’était pas un homme de parti et votait plutôt selon la question à l’étude. Il collaborait fréquemment à des journaux et, de 1848 à 1850, il fut rédacteur en chef du Quebec Mercury, d’allégeance conservatrice. Il avait une opinion sur toutes les questions qu’examinait l’Assemblée et son attitude changeante, comme ses fréquents commentaires, amena le Globe à le décrire comme un « radoteur ». D’un tempérament toujours vif, il devint plus irascible avec l’âge, allant même jusqu’à provoquer un député en duel. Dans les années 1840 cependant, il se réconcilia avec un ancien adversaire, John Neilson. Papineau, qui avait aussi été l’un de ses adversaires acharnés, devint un ami intime de Christie à la fin de la vie de celui-ci, et Christie soutint les tentatives faites en vue de lui faire verser le salaire qu’il aurait dû recevoir avant 1837 comme président de l’Assemblée. Grâce à sa franchise et à son honnêteté évidente, Christie se tailla une réputation d’incorruptibilité.
La santé de Robert Christie commença à décliner en 1854. Il espérait être nommé au comité qui étudiait l’abolition du régime seigneurial dans le Bas-Canada, une des causes auxquelles il tenait le plus, mais il fut défait par Le Boutillier aux élections de cette année-là. Il mourut subitement d’une crise cardiaque le 13 octobre 1856.
Robert Christie est l’auteur de : Memoirs of the administration of the colonial government of Lower-Canada, by Sir James Henry Craig, and Sir George Prevost, from the year 1807 until the year 1815, comprehending the military and naval operations in the Canadas during the late war with the United States of America (Québec, 1818), publié aussi sous le titre de The military and naval operations in the Canadas during the late war with the United States, including also the political history of Lower Canada during the administration of Sir James Henry Craig and Sir George Prevost, from 1807 until 1815 (Québec, 1818 ; réimpr., New York, 1818) ; A brief review of the political state of Lower Canada, since the conquest of the colony, to the present day, to which are added, memoirs of the administrations of the colonial government of Lower Canada, by Sir Gordon Drummond, and Sir John Coape Sherbrooke (New York, 1818) ; Memoirs of the administration of the government of Lower Canada, by Sir Gordon Drummond, Sir John Coape Sherbrooke, the late Duke of Richmond, James Monk, esquire, and Sir Peregrine Maitland ; continued from the 3d April, 1815, until the 18th June, 1820 (Québec, 1820) ; et Memoirs of the administration of the government of Lower Canada, by the Right Honorable the Earl of Dalhousie, G.C.B., comprehending a period of eight years, vizt : – from June, 1820 till September, 1828 (Québec, 1829). Ces volumes furent intégrés dans un ouvrage paru sous le titre de Hist. of L.C. (1848–1855 ; 1866).
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Shirley C. Spragge, « CHRISTIE, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/christie_robert_8F.html.
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Auteur de l'article: | Shirley C. Spragge |
Titre de l'article: | CHRISTIE, ROBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |