CANNON, JOHN, maître maçon, architecte, homme d’affaires, officier de milice et homme politique, né vers 1783 à St John’s, quatrième fils d’Edward Cannon*, maître maçon, et de Helena Murphy ; décédé le 19 février 1833 à Québec.
Les parents de John Cannon étaient des catholiques irlandais qui, en 1774, étaient déjà établis à Terre-Neuve ; son père travailla comme maître maçon aux fortifications et aux édifices gouvernementaux de St John’s. Durant la guerre qui éclata en 1793 entre la France et la Grande-Bretagne, le jeune John se porta volontaire avec son père.
En 1795, Edward Cannon s’installa avec sa famille à Québec, où il se lança de nouveau dans la construction. Il obtint plusieurs gros contrats de maçonnerie, notamment celui de la cathédrale anglicane Holy Trinity (1799–1804), de l’hôtel de l’Union (1805) et de l’ajout à l’église de Baie-Saint-Paul (1804–1805). Il employait comme apprentis trois de ses fils, Ambrose (jusqu’à sa mort en 1804), Laurence et John (à compter de 1800), et leur versait une rémunération. En 1808, il fonda avec John et Laurence la société Edward Cannon and Sons. Cette association fut peut-être motivée par la signature, au cours de la même année, d’un important contrat de maçonnerie avec le gouvernement pour la nouvelle prison qui allait être construite rue Saint-Stanislas entre 1808 et 1814 sous la surveillance de l’architecte François Baillairgé. Dès 1809, John prenait véritablement la tête de l’entreprise car son père, alors âgé d’environ 70 ans, se retirait peu à peu des affaires. Sous sa direction, la société Edward Cannon and Sons construisit une maison pour Nicolas-François Mailhot en 1810 (laquelle fut aménagée en hôtel l’année suivante) et une autre pour le menuisier-charpentier Charles Marié en 1813. En 1814, les Cannon se lancèrent à fond dans la spéculation en achetant rue Saint-Louis des terrains vacants où ils entendaient construire deux grandes maisons pour les revendre ensuite. Un de ces bâtiments était en construction lorsque, par suite du décès d’Edward Cannon en 1814, puis de Laurence l’année suivante, la société familiale fut dissoute.
John Cannon poursuivit seul sa carrière de maître maçon et devint bientôt entrepreneur de maçonnerie. En fait, dès 1825, il se donnait le titre d’« architecte et constructeur », même si rien n’indique qu’il avait reçu une formation professionnelle. Il participa à plusieurs grands projets, tant pour des clients qu’à son propre compte. Il construisit notamment un des bâtiments de l’Hôpital Général, d’après les plans de son ami Baillairgé (1818) ; il fit tous les travaux de plâtrerie à l’intérieur de la cathédrale Notre-Dame, toujours avec Baillairgé (1820–1821) ; de plus, il construisit des maisons de rapport sur un terrain qui lui appartenait rue Saint-Denis (1822–1823 ; 1831) et fit de la maçonnerie à l’église St Patrick, œuvre de l’architecte Thomas Baillairgé* (1831–1832).
La carrière de Cannon ne fut pas facile. En effet, il dut souvent faire face, en justice ou à titre privé, à des contestations portant sur la qualité de son ouvrage ou sur des questions monétaires : le plâtre de Notre-Dame se décolorait ; dans une de ses maisons de rapport, la finition laissait tellement à désirer que le locataire Joseph Bouchette*, arpenteur général du Bas-Canada, traîna Cannon en arbitrage ; deux plâtriers, irlandais comme lui, James Sharp (qui avait fait son apprentissage avec lui) et Michael Quigley, gagnèrent le procès qu’ils lui intentèrent pour se faire payer de leur travail à l’Albion Hotel et dans ses maisons de la rue Saint-Denis.
Les constantes difficultés financières de Cannon venaient en partie du fardeau que lui imposait le testament de sa mère, décédée en 1821, et aussi du fait que certains de ses clients, tel Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé, ne payaient pas leur maison. Mais elles découlaient surtout de ses propres spéculations immobilières. Le cas de l’Albion Hotel est à cet égard le plus frappant. En 1824, lors d’une vente par autorité de justice, Cannon acheta une propriété située rue du Palais, moyennant la somme rondelette de £3 000 qu’il avait amassée grâce à des emprunts et à des hypothèques. En décembre 1825, après avoir aménagé en hôtel le corps central et deux ailes du bâtiment, il le loua à l’aubergiste Thomas Payne. Jamais il ne récupéra sa mise de fonds.
Cannon participait modérément à la vie sociale et publique de Québec. Enseigne dans le 3e bataillon de milice de la ville de Québec en 1813, il fut promu lieutenant dès 1824. Membre donateur de la Société du feu de Québec depuis au moins 1809, il en fut élu président pour l’année 1818. À compter de 1822, il fut souvent administrateur délégué de la Banque d’épargne de Québec, fonction qui était attribuée par roulement hebdomadaire. Considéré comme un expert en matière agricole, il était appelé de temps en temps à assister à des concours de la Société d’agriculture, au sein de laquelle il était membre du comité en 1823.
Ami intime du lieutenant-gouverneur du Bas-Canada, sir Francis Nathaniel Burton, qui était de sang irlandais, Cannon commença apparemment à s’intéresser à la politique au début des années 1820 et il acquit, semble-t-il, une certaine popularité en s’opposant publiquement à un projet d’union entre le Bas et le Haut-Canada, qui avait été proposé en 1822. Aux élections législatives du Bas-Canada en 1824, il fut élu député de la circonscription de Hampshire, peuplée en grande partie de Canadiens. Selon le Canadien, il avait surtout des appuis « dans la paroisse de Pointe aux Trembles [Neuville], où il se fai[sait] un commerce de pierre très considérable » et où le notaire et agent seigneurial François-Xavier Larue* faisait campagne pour lui. Toutefois, son élection fut contestée parce qu’il avait soi-disant soudoyé des électeurs, en avait menacé d’autres de poursuites pour dettes et avait ouvert « des maisons d’entretien et de traitement public ». En 1826, le jour de la Saint-Patrice, au terme d’une séance qui dura du début de l’après-midi jusqu’à deux heures du matin, l’Assemblée conclut que l’Irlandais avait effectivement fourni de l’alcool aux électeurs. Son élection fut invalidée et la chambre l’expulsa. D’après Louis-Joseph Papineau*, « quoiqu’il n’eut dépensé que peu de choses comparativement au mal qui s’était commis dans d’autres Élections, la Chambre a[vait] donné un juste exemple de sévérité, en coupant court au mal dès le principe ». Larue se présenta à la place de Cannon lors d’une élection partielle tenue en mars et avril et il remporta la victoire. Cannon fut quant à lui réélu dans la circonscription de Hampshire en 1827. Il siégea jusqu’en septembre 1830 à l’Assemblée où il fit preuve d’indépendance, tout en penchant pour le parti canadien. En décembre 1831, lord Aylmer [Whitworth-Aylmer*] le nomma commissaire responsable de la construction de l’Hôpital de la Marine de Québec ; en février 1832, il exerça à deux reprises les fonctions d’évaluateur foncier pour le gouvernement.
En outre, Cannon joua un rôle important dans l’organisation de la vie sociale et religieuse des catholiques irlandais de Québec. En 1817, il signa à l’intention de l’évêque du diocèse, Joseph-Octave Plessis, une pétition réclamant un prêtre anglophone pour la ville de Québec et, sept ans plus tard, il assura à Simon Lawlor le titre canonique, c’est-à-dire la garantie de solvabilité que les ecclésiastiques devaient présenter avant leur ordination. En octobre 1827, il était vice-président du comité qui s’était formé pour demander au successeur de Plessis, Bernard-Claude Panet, la permission de construire une église pour les catholiques anglophones de Québec. Il fut l’un des cinq délégués qui menèrent sur le sujet des négociations ardues avec le conseil de fabrique de la cathédrale Notre-Dame, et il influa probablement beaucoup sur la décision qui permit au révérend Patrick McMahon* de revenir exercer son ministère en 1828, surtout auprès des catholiques irlandais. En 1831, Cannon présidait le comité de construction de l’église. Toutefois, la première messe ne fut célébrée à l’église St Patrick que le 7 juillet 1833, soit presque cinq mois après sa mort. En 1829, il avait été élu président de la nouvelle section de la Society of the Friends of Ireland in Quebec et, en 1832, il était vice-président de l’Institut des artisans de Québec, fondé en 1830 pour améliorer la compétence des ouvriers et artisans, surtout anglophones, qui étaient pour la plupart irlandais.
Le 9 février 1808, Cannon avait épousé Angèle Grihaut, dit Larivière, fille d’un ferblantier de Québec ; ils eurent quatre fils et une fille. Après la mort d’Angèle, il épousa le 13 février 1827 Archange Baby, veuve de Ralph Ross Lewen, major de la garnison de Québec ; tous leurs enfants moururent en bas âge. Cannon habita des maisons confortables dans la haute ville, d’abord rue Buade, puis rue Sainte-Geneviève. Si l’on en juge d’après sa bibliothèque, ses intérêts étaient variés ; elle contenait au moins 280 livres parmi lesquels on trouve des recueils de plans d’architecture, des livres d’histoire, des biographies, des récits de voyage, des dictionnaires, des traités religieux et des ouvrages de poésie. Ses enfants reçurent une bonne instruction : sa fille fréquenta le couvent des ursulines, deux de ses fils embrassèrent une profession libérale, l’un comme notaire, l’autre comme avocat, et un troisième devint prêtre.
John Cannon mourut le 19 février 1833 et fut inhumé trois jours plus tard dans la chapelle Sainte-Anne de la cathédrale Notre-Dame. Parmi les signataires de son certificat d’inhumation, on trouve presque autant de Canadiens que de Britanniques, notamment le secrétaire provincial Dominick Daly*, l’homme politique John Neilson* qui était également éditeur, l’éducateur Joseph-François Perrault*, le juge Edward Bowen* et l’avocat William King McCord*. Même si, à sa mort, Cannon possédait neuf propriétés urbaines et cinq propriétés rurales (dont les terres dans les Cantons-de-l’Est que son père avait acquises vers le début du siècle), il était ruiné. Ses dettes s’élevaient à £12 000 et, parmi ses nombreux créanciers, les plus importants étaient le conseiller exécutif John Hale*, à qui il devait £1 400, les héritiers de François Baby* et Pierre de Sales* Laterrière, la Banque de Montréal et la Banque de Québec. Ses créances dépassaient £4 000 (Aubert de Gaspé, par exemple, lui devait £1 500), et on estimait qu’une « somme considérable, faite d’arrérages de rentes constituées », devait aussi lui revenir. Cependant, ses héritiers, trouvant la situation désespérée, renoncèrent à la succession en faveur des créanciers en la qualifiant de « plus onéreuse que profitable ».
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Christina Cameron, « CANNON, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cannon_john_6F.html.
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Année de la publication: | 1987 |
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