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CASAULT, LOUIS-JACQUES, prêtre, professeur, supérieur du séminaire de Québec, recteur de l’université Laval, né à Saint-Thomas-de-Montmagny (Montmagny, Québec) le 17 juillet 1808, fils de Louis Casault et de Françoise Blais, décédé à Québec le 5 mai 1862.
Le grand-père paternel de Louis-Jacques Casault, Jean-Baptiste, était arrivé au Canada en 1759, venant de la paroisse de Saint-Pierre-Langers, près de Granville, en Normandie. Son petit-fils eut en lui, jusqu’aux abords de l’adolescence, un lien vivant avec la France, car Jean-Baptiste Casault, qui n’oublia jamais sa patrie, mourut à l’âge vénérable de 87 ans et fut inhumé le 11 juin 1822 à Saint-Thomas-de-Montmagny.
Louis-Jacques Casault fut placé fort jeune encore dans une école de la paroisse et on l’initia aux rudiments du latin. Très doué et remarquable par son application à l’étude, il fit des progrès si heureux et si rapides que ses parents crurent devoir faire des sacrifices pour lui procurer l’avantage de recevoir une instruction plus élevée. Il entra le 1er octobre 1823 au petit séminaire de Québec, où il fit en cinq ans un brillant cours d’études. À son arrivée à Québec, il ne laissait pas présager ses succès futurs, comme nous l’explique l’un de ses camarades de classe : « L.-J. Casault était déjà vieux pour un élève de Trente-Sixième, comme on disait alors. Élevé à la campagne, n’ayant guère fréquenté que les petites écoles – et Dieu sait ce qu’elles étaient alors à cette époque –, tout en lui annonçait une excessive réserve et une grande timidité. Bref, l’impression qu’il produisit d’abord sur ses confrères lui fut peu favorable ; mais on ne tarda pas à changer d’opinion. Dès les premières leçons qu’il reçut, ses remarquables talents se firent jour ; et tandis que les petits espiègles qui s’étaient égayés aux dépens du nouveau, continuaient à ramper dans les bas-fonds de la Trente-Sixième, lui se plaçait d’un seul bond à la tête de ses camarades et bientôt il fallait le transférer dans une autre classe, pour fournir de nouveaux aliments à son zèle et le mettre à même de cueillir de plus nobles couronnes. » Au témoignage du remarquable éducateur que fut l’abbé Jérôme Demers*, alors supérieur du séminaire de Québec et professeur de physique, le jeune Casault était « le meilleur élève que, dans toute sa longue carrière, il eût encore rencontré ».
Au terme de ses études classiques, Louis-Jacques Casault opta pour la prêtrise. Le 5 octobre 1828, il reçut la tonsure de Mgr Bernard-Claude Panet*, évêque de Québec. Tout en faisant son cours de théologie, l’abbé Casault fut employé comme surveillant de salle et professeur dans les classes de quatrième, de troisième et de seconde. Ordonné prêtre le 27 novembre 1831, il fut nommé quelques jours plus tard par Mgr Panet vicaire de l’abbé Félix Gatien, curé depuis 1817 de la paroisse de Sainte-Famille-du-Cap-Santé. Son goût pour l’étude et l’enseignement le ramena trois ans plus tard, à l’automne de 1834, au séminaire de Québec, où il devait passer le reste de son existence.
Il y fut désigné pour enseigner la physique, que l’on séparait enfin de la philosophie. Il conserva cette chaire de 1834 à 1854, s’y faisant suppléer quand d’autres charges le réclamaient. « Comme professeur, au jugement d’un de ses anciens élèves, il était remarquable par la clarté et la brièveté de ses explications, qui ne cessaient jamais d’être affectueuses et paternelles ; et de cette parole, d’habitude si timide, jaillissait invariablement la lumière. » Agrégé le 14 août 1840, l’abbé Casault entra le lendemain au conseil du séminaire. Il fut directeur des écoliers de 1843 à 1851. Dans cette charge, il se révéla un homme soucieux de faire observer la plus exacte discipline. Rien n’était plus redouté que « d’aller chez monsieur Casault ». Il savait qu’un des meilleurs moyens de combattre le mauvais esprit chez les élèves, c’est de leur montrer beaucoup d’intérêt et de chercher par tous les moyens possibles à améliorer leur sort. Au petit séminaire, il fit agrandir les cours de récréation. Il embellit les domaines de Maizerets (Québec) et du Petit-Cap (Cap-Tourmente), à Saint-Joachim. Il institua une fête annuelle en l’honneur de Mgr François de Laval*.
Mais l’œuvre essentielle de l’abbé Casault fut la fondation de l’université Laval, à Québec. Ce projet d’une université, il le tenait de deux hommes dont il fut le disciple préféré, les abbés Jérôme Demers et John Holmes *. Plusieurs années avant que Mgr Ignace Bourget* eût proposé ouvertement l’établissement d’une université à Québec, l’abbé Casault, « qui comprenait,. au témoignage de l’abbé Jean-Baptiste-Antoine Ferland, qu’une université n’est pas seulement, comme le pouvaient penser quelques-uns, un collège ayant le pouvoir de conférer les degrés ou de donner des diplômes, mais un établissement distinct et au-dessus des collèges par la nature et l’étendue de son enseignement », étudiait avec soin toutes les questions relatives à l’enseignement supérieur, et en particulier le fonctionnement et le mécanisme des universités européennes. Il faisait publier dans l’Abeille des notes historiques sur l’« Université d’Oxford » (17 et 24 janvier 1850) et sur les « Académies de France » (30 mai, 5 et 20 juin 1851), comme pour préparer les esprits au projet qu’il prévoyait devoir être bientôt soumis au public. Presque chaque soir de l’année 1849–1850, il entretenait son ami, l’abbé Charles Trudelle, professeur de seconde, de son sujet favori, qui était devenu chez lui comme une obsession.
En 1851, l’abbé Casault succédait à l’abbé Louis Gingras comme supérieur du séminaire de Québec. Il disposait alors de l’autorité et de l’influence nécessaires pour faire entrer ses plans dans la voie de la réalisation. Mais l’initiative vint de Mgr Bourget qui, le 31 mars 1851, écrivait à l’archevêque de Québec, Mgr Pierre-Flavien Turgeon, pour lui suggérer de confier au séminaire de Québec la fondation d’une université qui, dans sa pensée, serait une université provinciale sous la juridiction des évêques de la province ecclésiastique de Québec : la tête aurait été le séminaire de Québec et les membres les divers collèges que l’on aurait « ainsi rehaussés en les rendant collèges universitaires ».
À Québec, l’abbé Casault et les directeurs du séminaire, après avoir supputé les ressources dont ils disposaient en argent et en hommes, songeaient de plus en plus sérieusement à la fondation d’une université, mais, réalistes et se défiant sans doute du dessein grandiose de l’évêque de Montréal, ils en étaient venus à la conclusion qu’une telle institution, pour avoir quelque chance d’avenir, devait débuter modestement et ne dépendre que d’une seule autorité. Dans leur pensée, il n’était pas question d’une université provinciale soumise à la juridiction des évêques de la province ecclésiastique, mais d’une université diocésaine, rattachée directement au séminaire de Québec, dont le chef suprême serait l’archevêque. C’est le plan que, le 30 mars 1852, l’abbé Casault communiqua à Mgr Turgeon qui, à son tour, le 12 avril, transmit à Mgr Bourget ce « projet d’établissement d’une université à Québec ». Après bien des tergiversations, l’évêque de Montréal dut se résoudre à accepter ce que Québec avait décidé. Il constata, dans sa lettre du 4 mai suivant à Turgeon, que « toutes les mesures [étaient] prises à Québec pour demander au Pape une Bulle d’érection canonique et au gouvernement un Bill de reconnaissance civile de l’Établissement universitaire que l’on [était] résolu d’y former ». En effet, le 10 mai, le conseil du séminaire, présidé par l’abbé Casault, adoptait deux textes : la pétition que l’on adresserait à la reine Victoria et le projet de charte universitaire qu’on lui présenterait.
L’abbé Casault s’était déjà préoccupé d’obtenir l’approbation de lord Elgin [Bruce], gouverneur général du Canada depuis le 1er octobre 1846. Or Elgin déplorait que les universités se fussent déjà trop multipliées dans le pays. Mais elles ne desservaient que la population anglophone : King’s College, qui devint l’University of Toronto, fondé en 1827 ; McGill College à Montréal en 1829 ; Victoria College à Cobourg (Ontario) en 1841 ; Queen’s College à Kingston en 1842 et Bishop’s College à Lennoxville (Québec) en 1843. Casault insista auprès d’Elgin pour que le groupe francophone fût pourvu d’au moins une université. « Il surprit le noble lord, selon Ferland, par la lucidité de sa parole et la hauteur de ses vues. » Lorsque l’archevêque de Québec eut corroboré, dans sa lettre du 10 mai, ce que Casault avait exposé oralement, à savoir que le séminaire de Québec disposait des moyens nécessaires pour fonder une université, qu’on avait élaboré un projet de charte et qu’on prévoyait la date à laquelle la future université pourrait ouvrir ses portes aux étudiants, Elgin n’hésita plus à appuyer le projet qu’on lui soumettait. Le 13 mai, Étienne Parent*, qui depuis 1847 détenait le poste de sous-secrétaire provincial, communiquait à Mgr Turgeon la copie d’un ordre en conseil, daté de la veille, qui exprimait le bien-fondé de l’établissement d’une université francophone pour la population catholique du Bas-Canada.
Le même jour, Mgr Turgeon transmettait à Elgin un exemplaire du projet de charte universitaire et le priait de faciliter la démarche de l’abbé Casault, qui partirait dans deux jours pour l’Europe, accompagné de l’abbé Thomas-Étienne Hamel, alors séminariste, comme secrétaire. Le 5 juin le secrétaire provincial communiquait de nouveau avec Mgr Turgeon pour lui faire part d’un nouvel ordre en conseil, qui annonçait que le gouverneur général donnerait un avis favorable à la requête du séminaire auprès de la reine. À Londres l’octroi de la charte royale allait se faire rapidement. Le 26 juin le sous-secrétaire aux Colonies avisait l’abbé Casault, arrivé depuis peu dans la capitale britannique, qu’il avait reçu sa pétition et qu’il attendait désormais le rapport du gouverneur du Canada. Le 7 juillet le même fonctionnaire apprenait au même correspondant qu’il avait reçu de lord Elgin une lettre recommandant l’octroi d’une charte universitaire royale au séminaire de Québec. Le 16 juillet le secrétaire aux Colonies, sir John Pakington, informait lord Elgin qu’il avait reçu son communiqué ; il avait recommandé à la reine d’accorder le privilège demandé, et celle-ci s’était montrée favorable au projet. Le 9 août l’archevêque de Québec était informé à son tour par l’aide de camp du gouverneur du succès de la démarche de l’abbé Casault. La charte sera acceptée telle que les directeurs du séminaire l’avaient rédigée. À la prière de Casault, elle sera datée du 8 décembre 1852. Le document officiel parvint à Québec le 14 janvier suivant.
Rome ne procédait pas aussi rapidement que Londres. L’abbé Casault s’y était rendu en juillet 1852, muni d’une lettre, datée du 12 mai précédent, de Mgr Charles-François Baillargeon, coadjuteur de Québec, le présentant comme « envoyé auprès du Saint-Siège pour solliciter l’érection d’une université catholique dans cette province ». Le secrétaire de la Propagande lui avait alors répondu que « le Souverain Pontife pourrait plus facilement accéder à la demande de Nos Seigneurs les Évêques du Canada, lorsqu’il n’aurait plus à craindre de voir les privilèges qu’il nous aurait accordés devenir inutiles par le mauvais vouloir de l’autorité civile ». C’est ce que lui rappelait l’abbé Casault dans sa lettre du 21 janvier 1853, en lui transmettant une copie authentique de la charte qu’on venait de recevoir à Québec : « J’espère que ce document, poursuivait Casault, sera trouvé satisfaisant et qu’il déterminera Sa Sainteté à nous accorder la faveur qui lui a été demandée pour nous. » Les réticences de Rome s’expliquent par le fait que l’Angleterre, en proie à « l’agression papale », refusait alors de reconnaître les diocèses que Pie IX avait créés par son bref du 29 septembre 1850 ; Londres ne voulait pas non plus accorder l’existence légale à l’université catholique de Dublin. Mais à la réception du texte de la charte, le pape signa un bref, daté du 6 mars 1853, autorisant l’archevêque de Québec à conférer les degrés en théologie. C’est seulement le 15 mai 1876 que, par la bulle Inter varias sollicitudines, l’université Laval se verra gratifiée d’une charte pontificale.
L’université était donc née. L’abbé Casault et les directeurs du séminaire, désireux de la baptiser d’un nom qui fût bien accueilli de tous, « soucieux aussi de faire rejaillir jusque sur le fondateur du Séminaire la gloire dont elle pourrait briller, l’appelèrent du nom de Laval ». D’après la charte, les deux charges de supérieur du séminaire et de recteur de l’université seraient désormais inséparables. L’abbé Casault, supérieur du séminaire depuis 1851, devint donc, en vertu de cette fonction, le premier recteur de l’université. Il était assisté d’un conseil qui était composé des directeurs du séminaire et des trois plus anciens professeurs titulaires de chaque faculté. La première séance du nouveau conseil eut lieu le 21 février 1853. Comme aucune faculté n’existait encore, seuls, avec le recteur, y participèrent les directeurs, qui étaient alors les abbés Joseph Aubry, Félix Buteau, Michel Forgues*, Léon Gingras, Louis Gingras, Edward John Horan* et Elzéar-Alexandre Taschereau*. L’université Laval devait comprendre quatre facultés : celles de théologie, de droit, de médecine et des arts.
La faculté de théologie ne put être créée immédiatement : le nombre des étudiants ecclésiastiques était trop restreint et les besoins du ministère paroissial si pressants et si multiples qu’on ne pouvait encore laisser aux séminaristes le temps de se consacrer librement à l’étude des sciences sacrées. Ce ne fut donc que plus tard, en 1866, que cette faculté fut inaugurée.
La faculté de médecine fut, au contraire, dès l’année 1853, organisée et mise en mouvement. Une école de médecine existait à Québec depuis le 15 mai 1848. Le conseil de l’université trouva dans cette école les éléments qu’il lui fallait pour grouper un certain nombre de professeurs qui fussent préparés à donner l’enseignement médical. Six de ces professeurs quittèrent leur chaire pour accepter une situation équivalente à l’université. Ce furent Jean Blanchet*, élu doyen, professeur de pathologie générale, Charles-Jacques Frémont, professeur de pathologie externe et de médecine opératoire, James Arthur Sewell, professeur de pathologie interne et de thérapeutique spéciale, Jean-Zéphirin Nault, professeur de matière médicale et de thérapeutique générale, Jean-Étienne Landry*, professeur d’anatomie descriptive et chirurgicale, et Alfred Jackson, professeur de tocologie.
Il ne fut pas aussi facile de fonder la faculté de droit, et ce n’est que pendant l’année 1854 que l’on commença à la mettre sur pied. Après de multiples démarches, on trouva deux professeurs, Augustin-Norbert Morin, juge de la Cour supérieure, nommé professeur de droit naturel et de droit des gens le 13 juin 1854, puis doyen de la nouvelle faculté, et Jacques Crémazie*, professeur de droit civil, le 4 septembre suivant. Le 12 juin 1855 le conseil universitaire pouvait leur adjoindre le juge William Badgley*, professeur de droit criminel, l’avocat Jean-Thomas Taschereau*, professeur de droit commercial, et l’avocat Joseph-Ulric Tessier*, professeur de procédure. Malheureusement la plupart de ces professeurs furent empêchés, par les occupations qui les retenaient au dehors de l’université, de préparer et de donner leurs cours, si bien que pendant quelques années on dut borner l’enseignement de la faculté aux cours de droit civil et de droit romain.
Le droit civil était assuré par Jacques Crémazie, tandis que l’enseignement du droit romain était donné par Auguste-Eugène Aubry, qui commença son cours le 15 janvier 1857. Aubry avait été recruté à Paris par l’abbé Thomas-Étienne Hamel, alors étudiant à l’école des Carmes. La correspondance Casault-Hamel ouvre des perspectives intéressantes sur les qualités que l’on exigeait du candidat et sur ce que serait sa situation à Québec. Ainsi Casault écrivait, le 22 février 1855, à Hamel : « Il devra être jeune (de 30 ans à peu près), religieux, avoir de bons talents, être studieux, s’exprimer facilement, avoir une bonne prononciation et enfin être Docteur en Droit. » Le recteur précisait ensuite à son correspondant quels seraient les conditions de travail et le salaire du professeur : « La besogne qu’il aura à faire ici sera d’enseigner le Droit Romain [...]. Les leçons de la Faculté durent au moins une heure et il en aura 6 à donner par semaine hors le temps des vacances. Le salaire auquel il pourrait prétendre sera de 800 piastres pour la première année. Si nous sommes contents de lui, nous ajouterons 100 piastres à cette somme pour la seconde année et ainsi de suite pour les années suivantes, de manière cependant que ce salaire, une fois arrivé à 1 200 piastres, y demeure fixe. » L’abbé Casault ajoutait, en terminant sa lettre, que si le futur professeur était « homme de talents et de travail », il pourrait « facilement augmenter beaucoup son revenu par des occupations compatibles avec les devoirs de son emploi ».
Certains professeurs usaient plus que libéralement de ce moyen d’arrondir substantiellement leur traitement, car le recteur mandait à Hamel, le 20 décembre 1856, que la faculté de droit « allait mal », au point qu’il craignait qu’elle ne se fit dans le public « une réputation bien mauvaise » ; Jacques Crémazie était « dans la réalité le seul professeur qui faisait sa besogne ». Quant au doyen, Augustin-Norbert Morin, et à William Badgley, tous deux juges de la Cour supérieure pour le Bas-Canada, ils étaient sans doute trop accaparés par leurs fonctions pour s’occuper efficacement de leur enseignement. « Nos juges, ajoutait Casault, c’est bon pour l’honneur, il en faudrait d’autres pour le travail. » En septembre 1857, Aubry, écrivait Casault à Hamel le 28 septembre 1857, avait « demandé d’être chargé des cours de droit criminel et de droit commercial » que le juge William Badgley et l’avocat Jean-Thomas Taschereau avaient « abandonnés ».
C’est à la faculté des arts qu’Aubry devait donner des cours supplémentaires. Cette faculté, la quatrième à organiser, fut la moins privilégiée. Camille Roy* nous en donne la raison : « On ne pouvait, en effet, fonder à Québec l’enseignement supérieur des sciences et des lettres à une époque où il eût été difficile de recruter un nombre suffisant d’auditeurs. Les jeunes gens qui avaient reçu dans nos collèges et dans nos petits séminaires une première formation littéraire ou scientifique ne se préoccupaient pas de pousser plus loin en ce sens leur instruction. Obligés de s’établir tout de suite dans le monde pour y gagner leur vie et d’entrer sans retard dans l’une ou l’autre des professions libérales, ils commençaient, au sortir même du cours classique, leurs études de théologie, de droit ou de médecine, et ils n’avaient ni temps ni argent à consacrer aux études supérieures des lettres et des sciences. C’est pourquoi l’Université Laval ne crut pas opportun d’ouvrir, dès les premières années de son existence, des chaires d’enseignement supérieur à la Faculté des Arts. »
Mais faute de pouvoir organiser des cours réguliers de lettres et de sciences, l’université institua des leçons publiques ou conférences du soir. Aubry les inaugura, en septembre 1857, par un cours d’histoire universelle, qui obtint un grand succès. Ce cours avait lieu trois fois la semaine. Aubry le professa durant les années universitaires 1857–1858 et 1858–1859, pour le terminer le 14 avril 1859. Il avait alors comme collègues à la faculté des arts le jésuite français Jules Tailhan, qui assurait, depuis septembre 1858, un cours de philosophie, et l’abbé Jean-Baptiste-Antoine Ferland, qui donnait un cours d’histoire du Canada.
En plus de veiller à l’organisation de l’enseignement dans les facultés, le recteur Casault, qui avait installé provisoirement le personnel de la nouvelle université dans un pavillon du séminaire, eut à s’occuper de la construction des édifices universitaires. Dès l’année 1853, il convoqua architectes et entrepreneurs pour discuter plans et devis. En mai 1854, un terrain était acquis qui jouxtait le séminaire, et une nouvelle rue se traçait depuis les remparts jusqu’à la rue Sainte-Famille. Cette rue de l’université allait grouper le long de son parcours le pavillon central, dont la pierre angulaire fut posée le 21 septembre 1854, le pavillon de la faculté de médecine édifié la même année, et le pensionnat, dont la construction était terminée en septembre 1855. L’architecte qui avait dressé les plans du pavillon central et du pensionnat était Charles Baillairgé*, neveu de l’architecte et sculpteur Thomas Baillairgé*, qui avait été le protégé de l’abbé Jérôme Demers.
Mais il ne suffisait pas de bâtir en pierres. Il fallait surtout bâtir en hommes, autrement dit préparer des professeurs compétents. Le 26 août 1853 partaient pour l’Europe les abbés Louis Beaudet, Alphonse Marmet et Cyrille-Étienne Légaré, qui étudieraient les lettres à l’école des Carmes de Paris. L’année suivante, l’abbé Thomas-Étienne Hamel rejoignit Beaudet et Légaré – Marmet était décédé dans l’intervalle – pour suivre des cours de mathématiques. Beaudet, Légaré et Hamel réintégrèrent Québec munis, les deux premiers, de la licence ès lettres, et le troisième, de la licence ès sciences mathématiques. L’abbé Casault ne termina donc pas son rectorat sans constater que, s’il avait pourvu avec une certaine munificence – que certains taxèrent d’extravagante – au logement de son personnel enseignant et étudiant, il n’avait pas pour autant négligé la préparation académique de ses professeurs, puisqu’il comptait déjà dans leurs rangs trois diplômés de la Sorbonne. Rome, pour sa part, avait conféré à l’abbé Elzéar-Alexandre Taschereau, après un séjour de deux ans sur les bords du Tibre, de 1854 à 1856, le grade de docteur en droit canon.
En dépit d’une santé chétive, l’abbé Casault assumait vaillamment une fonction où abondaient les problèmes de tous genres, les uns reliés directement au fonctionnement même de l’université, les autres concernant l’affiliation des collèges. C’est pour desservir la population francophone que l’université Laval avait été fondée. La charte autorisait le conseil universitaire à accorder le diplôme de bachelier ès arts aux élèves de tous les collèges catholiques du Bas-Canada. Il fallait donc établir des règlements aussi uniformes et aussi équitables que possible pour les maisons d’enseignement secondaire. Les mêmes examens subis par tous les candidats créeraient une émulation bienfaisante. C’est ce qu’indiquait le recteur Casault dans sa lettre, datée du 18 février 1853, à l’archevêque de Québec, qui la communiqua à tous les évêques de la province et, par leur intermédiaire, aux séminaires et aux collèges de leurs diocèses. L’abbé Casault avait joint à sa lettre un projet de règlement en 13 articles pour l’obtention du baccalauréat ès arts et l’inscription aux cours de l’université. Ce projet devint le « Règlement provisoire pour les épreuves du baccalauréat ès arts et de l’inscription, dans l’Université Laval », tel qu’il fut publié pour la première fois dans l’Annuaire [...] de 1856–1857.
Les collèges, à part évidemment le petit séminaire de Québec, qui compta les deux premiers bacheliers avec Pierre Roussel et Benjamin Pâquet*, estimèrent que le règlement de Laval était trop exigeant. Une « opposition extrême » au programme des examens universitaires tel qu’il avait été arrêté à Québec, se manifesta surtout dans la région de Montréal, où des directeurs de collèges étaient d’avis, en 1858, que l’affiliation de leurs maisons à Laval devrait se faire sans un contrôle aussi étroit de l’université sur les épreuves du baccalauréat et de l’inscription. Mais le recteur Casault demeura inflexible : « C’est la qualité et non la quantité qu’il faut à l’Université Laval », répétait-il sans cesse. Il était du reste encouragé à maintenir cette politique de l’excellence par des collègues, comme l’abbé Michel-Édouard Méthot*, qui, dans sa biographie de Casault, louait l’ancien recteur de n’avoir pas dévié de la ligne de conduite qu’il s’était tracée : « Le Baccalauréat ès Arts est le degré qui ouvre la porte à tous les autres [...]. Or, comment s’assurer que des candidats venus de diverses institutions ont acquis cette somme de connaissances littéraires et scientifiques qu’on exige partout d’un jeune homme instruit ? L’idée de donner à tous les collèges classiques le pouvoir de conférer ce grade à leurs propres élèves est trop dangereuse pour que M. Casault s’y arrêtât un seul instant. Il ne voyait point d’autre moyen que de soumettre indistinctement tous les candidats à un examen sérieux sur toutes les matières qui font ordinairement l’objet de l’enseignement secondaire. » Sur le point de quitter sa fonction de recteur, l’abbé Casault adressa à Mgr Baillargeon, administrateur du diocèse, sous forme de trois lettres datées des ler, 3 et 4 juin 1859, un long plaidoyer dans lequel il défendait avec vigueur les normes qu’il croyait dignes et de l’université Laval et des maisons qui consentiraient à s’affilier à elle, en vue de promouvoir le progrès de l’enseignement universitaire et classique dans la province.
L’abbé Elzéar-Alexandre Taschereau succéda, en 1860, comme supérieur du séminaire de Québec et recteur de l’université Laval à l’abbé Casault, qui accepta alors la direction du grand séminaire et reprit l’enseignement de la théologie. Membre du conseil universitaire, assistant supérieur, vice-recteur depuis le 9 avril 1862, alors qu’on venait de créer ce poste, il était en mesure de faire bénéficier ses collègues de l’expérience qu’il avait si laborieusement acquise. Mais déjà, à moins de 54 ans d’âge, il pressentait sa fin. La veille du premier de l’an 1862, le personnel de l’université lui présentait son portrait dû au pinceau de Théophile Hamel, portrait, au témoignage de Ferland, « d’une parfaite ressemblance ».
L’abbé Casault était valétudinaire depuis de nombreuses années. Il souffrait surtout de la goutte, et c’est une crise plus aiguë de cette maladie qui l’emporta le 5 mai 1862. On lui fit à la cathédrale de Québec des funérailles grandioses. Il fut inhumé dans la crypte de la chapelle du séminaire. Son cercueil renfermait une inscription en plomb, dont le texte fut reproduit sur une épitaphe de marbre dévoilée, le 8 janvier 1863, dans l’ancienne chapelle extérieure, et remplacée, en 1909, dans la chapelle actuelle. À Sainte-Foy, en banlieue de Québec, sur le campus de l’université, une modeste stèle rappelle aux générations récentes le souvenir de celui qui mérite, « si grande » a été la part qu’il a « prise à son érection », d’être « proclamé le fondateur » de l’université Laval.
Archivio della Propaganda Fide (Rome), Scritture riferite nei Congressi : America Settentrionale, 6 (1849–1857).— ASQ, Université, 38–40, 100ss.— Le séminaire de Québec (Provost), 468s.— L’Abeille (Québec), 8, 13 mai 1862.— F.-É. Casault, Notes historiques sur la paroisse de Saint-Thomas de Montmagny (Québec, 1906), 243.— C.-F. Cazeau, Allocution de M. le grand vicaire C. F. Cazeau, Souvenir consacré à la mémoire vénérée de M. L.-J. Casault, premier recteur de l’université Laval (Québec, 1863), 7–10.— F. [-X.] Gatien et David Gosselin, Histoire du Cap-Santé depuis la fondation de cette paroisse jusqu’à 1830 [...] continuée depuis 1830 jusqu’à 1887 (Québec, 1899), 165.— F.-A.-H. Larue, Éloge funèbre prononcé par F. A. H. Larue, M.D.L., Souvenir consacré à la mémoire vénérée de M. L.-J. Casault, premier recteur de l’université Laval (Québec, 1863), 35–58.— M.-É. Méthot, Notice biographique sur Louis-Jacques Casault, Souvenir consacré à la mémoire vénérée de M. L.-J. Casault, premier recteur de l’université Laval (Québec, 1863), 11–33.— Camille Roy, L’abbé Louis-Jacques Casault, fondateur et premier recteur de l’université Laval, La Nouvelle-France (Québec), 11 (1903) : 209–222.— Philippe Sylvain, Auguste-Eugène Aubry (1819–1899), Cahiers des Dix, 35 (1970) : 191–226 ; Les difficiles débuts de l’université Laval, Cahiers des Dix, 36 (1971) : 211–234.— Philippe Sylvain et Antonine Gagnon, La vie quotidienne de l’étudiant universitaire québécois au xixe siècle, SCHÉC Rapport, 39 (1972) : 41–55.
Philippe Sylvain, « CASAULT, LOUIS-JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/casault_louis_jacques_9F.html.
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Auteur de l'article: | Philippe Sylvain |
Titre de l'article: | CASAULT, LOUIS-JACQUES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |