THOMSON, HUGH CHRISTOPHER, marchand, imprimeur, propriétaire d’un journal, rédacteur en chef, homme politique, fonctionnaire, juge de paix et officier de milice, né en 1791 à Kingston, Haut-Canada, fils d’Archibald Thomson et d’Elizabeth McKay ; décédé le 23 avril 1834 au même endroit.
Le père de Hugh Christopher Thomson quitta l’Écosse pour venir s’établir dans le comté de Tryon, dans la colonie de New York, en 1773, et durant la Révolution américaine il fut à l’emploi de Joseph Brant [Thayendanegea*]. À la fin des années 1780, la famille Thomson était installée à Kingston où le père, maître charpentier, s’engagea par contrat à construire une maison pour sir John Johnson et entreprit aussi la construction de la première église anglicane dédiée à saint Georges. En 1794 ou 1795, les Thomson allèrent s’établir à Newark (Niagara-on-the-Lake) et, de là, à York (Toronto) où le jeune Hugh Christopher s’engagea vers 1807 en qualité de commis au magasin général de Laurent Quetton St George. Peu après, on lui confia la direction d’une succursale de ce magasin à Niagara et, en 1810, il fut muté à la succursale de Kingston. La correspondance qu’il échangea de 1808 à 1815 avec son employeur renseigne sur les pratiques commerciales de l’époque et révèle l’intégrité morale de Thomson. Lorsque St George retourna en France en 1815, Thomson acheta le magasin de Kingston et s’associa bientôt à George H. Detlor. Deux ans plus tôt, il avait participé avec Joseph Forsyth*, John Kirby* et d’autres marchands à la création d’une association bancaire à Kingston.
Le 18 septembre 1813, Thomson épousa Elizabeth Spafford qui mourut d’une « maladie chronique » moins d’un an plus tard, à l’âge de 22 ans. Lui-même avait une santé chancelante, ce qui l’empêcha de faire du service actif lors de la guerre de 1812. Le 18 mars 1816, il épousa en secondes noces Elizabeth Ruttan, d’Adolphustown, et de ce mariage naquirent dix enfants, dont sept moururent en bas âge. Thomson avait des intérêts variés et il mena une vie active au sein de la communauté. Il fut juge de paix, officier de milice, marguillier de l’église St George, secrétaire de la Midland District Agricultural Society, greffier adjoint de la couronne et commissaire de la Cour des requêtes du district. Il fut aussi franc-maçon, membre du conseil d’administration de la Kingston Emigration Society, trésorier de la Midland District School Society et un membre généreux de la Kingston Auxiliary Bible and Common Prayer Book Society.
En 1819, Thomson mit fin à ses activités commerciales et devint propriétaire et rédacteur en chef de l’Upper Canada Herald, hebdomadaire lancé en septembre de la même année pour faire concurrence au Kingston Chronicle publié par John Macaulay* et Alexander Pringle. Au milieu des années 1820, l’Upper Canada Herald était, de tous les journaux du Haut-Canada, celui qui avait le plus gros tirage et, en 1826, William Lyon Mackenzie* le décrivait comme « peut-être le plus cohérent, le plus modéré et le plus utile des périodiques de la province ». En plus de publier le journal, Thomson fit des travaux de ville et imprima une vingtaine de brochures, de rapports annuels et de tracts, ainsi que deux minces recueils de vers et quelques ouvrages plus considérables, dont le roman en deux volumes de Julia Catherine Hart [Beckwith*], St. Ursula’s convent, or the nun of Canada, containing scenes from real life, qui parut en (1824). C’était le premier roman écrit par une Canadienne de naissance et le premier à être publié sur tout le territoire actuel du Canada. En 1828 parut A manual of parliamentary practice [...], compilé, édité et publié par Thomson. En réalité, il s’agissait d’une édition plagiée de l’ouvrage de Thomas Jefferson portant le même titre et publié en 1801. Le livre de Thomson ne comportait aucune référence à la loi et à l’histoire des États-Unis, et là où les usages parlementaires différaient il y substitua la façon canadienne de procéder. De concert avec James MacFarlane*, qui avait pris charge du Kingston Chronicle en 1824, Thomson publia aussi à Kingston, en 1831, The statutes of the province of Upper Canada [...], recueil de toutes les lois adoptées dans la province depuis 1793.
Bien que l’Upper Canada Herald ait été politiquement indépendant (Thomson le décrivait comme un journal « loyal et patriotique, ouvert à tous les partis, mais dirigé par aucun ») il appuyait les mesures des réformistes modérés. Il accorda son support à l’agitation réformiste menée par Robert Gourlay* et, dans les années 1820, il appuya les deux principaux leaders réformistes de l’est de la province, Barnabas Bidwell et son fils, Marshall Spring Bidwell*. Le premier accrochage de Thomson avec l’autorité survint en 1823 lorsqu’il publia une lettre adressée au rédacteur en chef (probablement écrite par Thomas Dalton*) qui critiquait le rapport d’un comité de l’Assemblée sur la façon de régler la situation de la « prétendue » Bank of Upper Canada ou, comme l’écrivait l’auteur, sur la façon d’embrouiller la situation. L’article fut considéré comme une atteinte aux privilèges de la chambre d’Assemblée, et Thomson, en sa qualité d’éditeur, fut appelé à comparaître devant la barre de l’Assemblée où il fut sévèrement réprimandé par le président Levius Peters Sherwood* pour avoir publié un « libelle faux, scandaleux et méchant ».
Ce blâme de la part d’un membre de l’élite tory peut avoir influé sur la décision de Thomson de se présenter comme réformiste modéré aux élections générales de 1824, où il se classa en tête du scrutin en tant que l’un des deux députés de la circonscription de Frontenac. Il connut le même succès aux élections générales de 1828 et de 1830. La réprimande de Sherwood peut aussi expliquer pourquoi Thomson se porta rapidement à la défense de la liberté de la presse dans un numéro spécial de l’Upper Canada Herald lorsqu’en 1826 l’imprimerie de Mackenzie fut saccagée par une bande de jeunes tories sous la conduite de Samuel Peters Jarvis*. De la même façon, en 1828, il protesta contre la peine sévère imposée à Francis Collins du Canadian Freeman pour ses soi-disant libelles à l’égard de John Beverley Robinson* et de Christopher Alexander Hagerman*. Cependant, pour Thomson, il y avait une ligne de démarcation ténue entre la liberté et la licence, et lorsque Mackenzie franchit cette ligne, il perdit l’appui de Thomson.
Au sein des comités où il siégea durant les dix ans qu’il passa à l’Assemblée, Thomson se révéla un homme impartial, au jugement sûr. Mais dans l’enceinte de la chambre il manquait d’éloquence et ne prenait pas souvent la parole. Probablement en raison de son expérience des affaires et de sa compréhension des problèmes financiers, il fit partie de nombreux comités chargés d’étudier des questions relatives aux finances. Alors qu’il enquêtait sur les importations de porcs en 1826, il découvrit que le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* avait abusé de son autorité en permettant à deux tories éminents, James Gray Béthune* et Peter Robinson*, d’importer des porcs des États-Unis. Parce qu’il avait publié cette accusation dans l’Upper Canada Herald, il fut poursuivi sur l’insistance de Maitland comme une « personne méchante et mal intentionnée » qui cherchait à faire du lieutenant-gouverneur un sujet « de haine publique, de mépris et de disgrâce ». Toutefois, le procureur général Robinson abandonna discrètement la poursuite lorsque Maitland quitta la province.
De 1824 à 1830, Thomson prit fait et cause pour les réformistes modérés au sein de l’Assemblée, s’opposant au monopole de l’Église d’Angleterre sur les réserves du clergé et attaquant la position du gouvernement dans la controverse soulevée par la question des non-naturalisés [V. John Rolph*]. À l’automne de 1827, il se lia d’amitié avec John Walpole Willis*, envoyé d’Angleterre pour combler une vacance à la Cour du banc du roi. Quand Maitland destitua Willis parce que celui-ci avait déclaré que la cour ne pouvait siéger en l’absence du juge en chef William Campbell, les réformistes de toutes tendances élevèrent des protestations. Thomson publia en entier la longue défense présentée par Willis et déplora l’action du pouvoir exécutif, la qualifiant « de coup mortel porté à l’indépendance judiciaire [des] cours provinciales ». Le Kingston Chronicle rétorqua que Willis faisait preuve « d’obstination » et de « faiblesse d’esprit » en tentant d’interrompre le cours de la justice pour une « question de procédure douteuse ». L’affaire fut oubliée quand Willis retourna en Angleterre, mais elle contribua à assurer une majorité aux réformistes lors des élections générales de 1828.
Après 1830, Thomson abandonna ses alliés réformistes et devint un fidèle partisan du gouvernement. Ce changement d’allégeance politique témoigne de l’admiration de nombreux réformistes pour sir John Colborne*, le successeur de Maitland. Il montre aussi les tensions imposées au mouvement réformiste par l’élection de Mackenzie en 1828. Après avoir occupé son siège à la chambre, Mackenzie manifesta une propension à vouloir dominer les débats, et son radicalisme ainsi que son manque de civilité eurent tôt fait d’indisposer quelques réformistes parmi les plus modérés, y compris Thomson. Critiquant ouvertement son collègue, Thomson vota avec les tories contre certains projets de loi de Mackenzie, geste qui lui valut d’être dénoncé par celui-ci dans le Colonial Advocate, mais applaudi par le Kingston Chronicle qui lui tendit le rameau d’olivier et se réjouit de son retour « au sein de la société civilisée ». En décembre 1831, Thomson appuya une proposition présentée par James Hunter Samson* qui visait à expulser Mackenzie pour diffamation contre l’exécutif et contre l’Assemblée. Usant d’une ironie cinglante, Mackenzie invectiva Thomson pour s’être rangé « du côté des persécuteurs de la presse ». Cependant, l’opposition de Thomson à Mackenzie n’était pas une volte-face ; en fait, Thomson exerçait ce même jugement indépendant que « les amis de la discussion libre » avaient reconnu en lui présentant à Kingston une coupe d’argent en 1825. Un de ces « amis » était Samuel Oliver Tazewell*, graveur de la coupe.
La plus grande réalisation politique de Thomson fut la création du pénitencier provincial de Kingston. Il présenta la première proposition à ce sujet en 1826, mais aucune suite n’y fut donnée jusqu’au moment où Colborne fit allusion à cette idée dans son adresse au Parlement en 1830. Thomson fut alors nommé président d’un nouveau comité dont le rapport préliminaire fut adopté à l’unanimité. En 1832, lui et John Macaulay furent nommés commissaires ; leur tâche consistait à visiter les établissements pénitentiaires américains, à se procurer des plans et à soumettre une évaluation des coûts d’une telle entreprise. Au début de 1833, l’Assemblée adopta leur rapport circonstancié et vota un montant de £12 500, réparti sur trois ans, pour l’achat d’un terrain et l’érection d’un bâtiment. Étant devenu un expert des questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des pénitenciers, Thomson surveilla les premières étapes de la construction et rédigea le projet de loi qui couvrait tous les aspects de l’administration et de l’entretien de l’établissement. S’il n’était pas mort prématurément, il serait probablement devenu le premier directeur du pénitencier.
Hughi Christopher Thomson, qui avait toujours été de santé délicate, se trouvait à York où il assistait à une séance de l’Assemblée à la fin de décembre 1833, lorsqu’il fut victime d’une hémorragie pulmonaire. Robert Stanton*, beau-frère de sa femme, qui avait passé une nuit à son chevet, déclara à un ami commun, John Macaulay, « qu’il sembl[ait] abattu et démoralisé s’il n’a[vait] pas une vieille connaissance pour lui tenir compagnie ». Thomson parvint à reprendre des forces grâce aux bons soins des docteurs John Rolph et John King, et, lorsque la navigation reprit en avril, on le ramena à Kingston. Thomson fit une rechute et mourut le jour de la saint Georges. Son frère Edward William*, qui était à son chevet au moment de sa mort, écrivit : « il mourut en chrétien sans bouger un doigt et en louant Dieu jusqu’à son dernier soupir ». En rédigeant la notice nécrologique de Thomson, James MacFarlane, son ancien adversaire du Kingston Chronicle, loua son dévouement au service de la population, déplora les calomnies dont il avait été l’objet et déclara que dans sa vie privée il avait joui « de l’estime de tous ». MacFarlane ajoutait que Thomson était « un ami chaleureux et loyal ; un bon voisin serviable, et un mari et un père des plus affectueux ». Sa veuve, Elizabeth, demanda et reçut du gouvernement provincial une allocation de £100 en reconnaissance des services rendus par son mari. En 1824, elle avait pris la direction de l’Upper Canada Herald pendant que Thomson se trouvait à York, devenant ainsi la première femme du Haut-Canada à éditer un journal. Devenue veuve, elle dirigea de nouveau le journal et continua l’œuvre de son mari jusqu’en 1837.
G. [H.] Patterson, dans son article « An enduring Canadian myth : responsible government and the family compact », Journal of Canadian Studies (Peterborough, Ontario), 12 (1977), no 2 : 3–16, affirme sans aucune preuve que les opinions exprimées par A Plough-Jogger dans le numéro du 7 juin 1825 du Upper Canada Herald (Kingston, Ontario) sont identiques à celles de Thomson et ont leur source dans les écrits de lord Bolingbroke et de David Hume ; Patterson soutient également que les expressions « Court influence » et « court party » se retrouvent dans les lettres adressées au Herald par One of the People et Hampden les 26 avril et 17 mai 1825 respectivement, alors que ces expressions apparaissent véritablement dans l’écrit de A Plough-Jogger. Comme Patterson, Thomson lui-même n’a jamais utilisé le terme « court party » et n’a jamais entrepris de controverses avec le rédacteur en chef du Kingston Chronicle sur la question de la loi de finances. [h. p. g.]
AO,
H. Pearson Gundy, « THOMSON, HUGH CHRISTOPHER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/thomson_hugh_christopher_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
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