TAZEWELL, SAMUEL OLIVER, horloger, bijoutier, accordeur de pianos et lithographe ; circa 1820–1838.

Samuel Oliver Tazewell quitta l’Angleterre pour s’établir dans le Haut-Canada avant le mois de mai 1820. Son nom figure en effet dans le Kingston Chronicle du 19 mai 1820, où il annonçait l’ouverture de son atelier de réparation de montres et horloges. Il y mentionnait que, « grâce à de nombreuses années d’expérience à Londres », il était « parfaitement renseigné sur les échappements brevetés à levier, horizontaux et doubles, les horloges à répétition, et autres ». Un an plus tard, dans le même journal, il annonçait qu’il tenait une bibliothèque de près de « plus de mille volumes parmi les mieux choisis, romans, pièces de théâtre, voyages par mer et par terre, et autres ». En juin 1825, il était l’un des « amis de la libre discussion » qui remirent une coupe d’argent au rédacteur en chef de l’Upper Canada Herald, Hugh Christopher Thomson*, en signe d’admiration pour la « virile indépendance » avec laquelle il dirigeait le journal ; c’est Tazewell lui-même qui avait gravé cette coupe. Plus tard dans l’année, son nom figurait sur une liste de cotisants à un fonds de secours destiné aux victimes de l’incendie dans la région de la Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Le 16 octobre 1828, Tazewell annonçait dans le Canadian Freeman son intention d’ouvrir, le 1er novembre, une bijouterie à York (Toronto) et garantissait « entière satisfaction à tous » en raison de ses « années d’expérience dans la ville de Londres ». Cependant, s’il alla à York, ce fut pour peu de temps, car au printemps suivant il était de retour à Kingston où, en plus d’exercer le métier de bijoutier, il réparait des montres, faisait de la gravure et accordait des pianos. En 1831, après avoir découvert à Kingston la pierre calcaire appropriée, il fabriqua sa propre presse et devint le premier lithographe du Haut-Canada.

À la demande de Thomson, Tazewell avait écrit, pour le Herald du 24 novembre 1830, un article sur ce procédé d’impression. Neuf mois plus tard, il annonçait dans le Kingston Chronicle la mise en service de sa nouvelle presse. Elle pouvait, disait-il, reproduire « des cartes, plans, vues, lettres circulaires, de la musique, des en-têtes de factures commerciales, les horaires des navires à vapeur, avec dessin du navire si désiré, des formules d’acte notarié et de mémorendums, des avis de funérailles illustrés d’emblèmes bien choisis, des lettres de change, et autres » ; en outre, Tazewell fournissait des « caricatures imprimées d’après esquisse ». Le 2 août 1831, le lieutenant-gouverneur sir John Colborne* reçut quelques-unes de ses premières pièces ; avant la fin de l’année, Tazewell avait réalisé un plan de Kingston et un ou deux dessins humoristiques.

En janvier 1832, Thomas Dalton, rédacteur en chef du Patriot and Farmer’s Monitor, écrivait avec admiration : « Le fait est que Tazewell, à force de chercher, / A découvert que l’église anglaise / Est faite de pierre à lithographier ; / Et pas seulement l’église anglaise / Mais toutes les maisons de pierre de la cité. » Tazewell pouvait aussi compter sur l’appui du capitaine Richard Henry Bonnycastle, qui rapporta dans l’American Journal of Sciences and Arts de juillet 1833 la découverte, au Canada, d’une pierre qui pouvait servir à la lithographie. L’article, illustré de dessins lithographiés par Tazewell, montre la sorte de pierre qu’il utilisait.

À la fin de 1832, Tazewell avait installé sa presse à York dans l’espoir d’obtenir des contrats gouvernementaux du nouvel arpenteur général, Samuel Proudfoot Hurd*. Il eut bien quelques travaux à commission, mais le dessinateur principal, James Grant Chewett*, se dressa contre lui car les lithographies, moins coûteuses, menaçaient de lui enlever les bénéfices qu’il tirait de ses cartes dessinées à la main. De plus, comme son père, William, venait d’être refusé au poste d’arpenteur général, Chewett était résolu à faire la vie dure à Hurd. D’abord, il refusa de laisser sortir du bureau quelque plan ou carte que ce soit, puis il se plaignit que la presse de fabrication artisanale et la pierre canadienne qu’utilisait Tazewell étaient de piètre qualité. Hurd riposta en commandant des pierres importées et une presse new-yorkaise ; Chewett exigea alors que seuls des dessinateurs qualifiés puissent les utiliser. Hurd chercha à gagner du temps en autorisant Tazewell à installer la nouvelle presse dans sa boutique et à s’en servir pour exécuter les commandes que le commissaire des Terres de la couronne avait déjà passées. Sur ce, le 28 mai 1834, Colborne intervint en ordonnant à Hurd de faire transporter la presse dans son service et de ne plus engager Tazewell. Comme aucun des dessinateurs ne connaissait le fonctionnement de la presse, elle resta inutilisée. Pour se faire payer le travail qu’il avait fait, Tazewell dut intenter un procès qui s’acheva en 1835 par un règlement à l’amiable.

À titre de membre de la Society of Artists and Amateurs of Toronto, Tazewell participa en 1834, avec une douzaine d’autres artistes de la ville (dont Paul Kane*), à une exposition publique. Il présenta « six lithographies sur pierre canadienne » et trois croquis des chutes du Niagara. Un de ses fils, présenté dans le catalogue sous le nom de « maître Tazewell », était exposant honoraire, tout comme « maître Hurd », fils de l’arpenteur général.

Privé de contrats gouvernementaux et empêché d’utiliser la presse new-yorkaise, Tazewell écrivit le 9 février 1835 une lettre ouverte dans laquelle il accusait les dessinateurs du gouvernement d’éliminer « l’art utile [qu’est] la lithographie » et d’empêcher « la personne qui a[vait] introduit cet art dans la province de gagner sa vie et d’entretenir sa nombreuse famille ». Colborne refusa tout de même de le réengager. En septembre 1835, installé à St Catharines, Tazewell était de nouveau bijoutier, horloger et accordeur de pianos ; il continua de produire à l’occasion des lithographies.

Le 10 mars 1836, Tazewell adressa au successeur de Colborne, sir Francis Bond Head*, une requête où il accusait Chewett de l’avoir persécuté et d’avoir « anéanti » ses chances de s’établir à titre de lithographe. Lui-même, poursuivait-il, n’était pas le seul à en souffrir ; les colons, après avoir eu l’occasion de se procurer des plans lithographiés « au bas prix d’un quart de dollar », devaient désormais verser 12s 6d pour de petits plans de canton et « jusqu’à dix dollars pour des plus grands ». Head transmit cette requête à Chewett, qui nia toute responsabilité, vilipenda Tazewell et déclara avoir suspendu l’utilisation de la presse « à cause des coûts rattachés à la production des quelques copies demandées ». L’affaire n’eut pas d’autres suites.

À partir de ce moment, les activités de Tazewell deviennent difficiles à retracer. Le 27 février 1837, sa femme, Mary Ann, mourut à St Catharines. L’année suivante, un annonceur anonyme sollicitait, dans le St. Catharines Journal, and Welland Canal (Niagara District,) General Advertiser, des souscriptions de 1 $ pour une lithographie qui représentait la généalogie des membres du family compact ; il demandait aux intéressés d’envoyer leur nom à l’« Artist of the Family Compact Map, North American Hotel, Toronto ». Sans doute était-ce le dernier effort tenté par Tazewell dans le Haut-Canada et il quitta probablement la province peu après. Hugh Scobie* fut le premier, après lui, à faire de la lithographie dans le Haut-Canada, près d’une décennie plus tard.

Si Samuel Oliver Tazewell ne parvint pas à obtenir un poste dans l’administration publique, c’est avant tout parce que la bureaucratie l’en empêcha. Cependant, il semble qu’il indisposa même ceux qui lui voulaient du bien par sa suffisance, son caractère récriminateur, son impulsivité et son manque de jugement.

H. P. Gundy

Il n’existe pas de recension complète des ouvrages de Samuel Oliver Tazewell. La plupart des ses œuvres connues sont présentées et plusieurs sont reproduites dans Mary Allodi, Printmaking in Canada : the earliest views and portraits (Toronto, 1980). Une copie du portrait de William Dunlop (York [Toronto], circa 1833), que Tazewell a peint et dont on soupçonnait l’existence, a bel et bien été localisée récemment à la UTFL. La MTRL possède ce qui est probablement le seul exemplaire qui reste de An introduction to Greek declension & conjugation adapted to the abridgments of Matthiæ’s grammar, un manuel scolaire lithographié par Tazewell pour l’Upper Canada College à York en 1833. De plus, Tazewell est reconnu pour avoir imprimé plus de 20 cartes et plans de ville, dont des copies se trouvent dans la Coll. nationale des cartes et plans, aux APC, dans la Map Coll. aux AO (dont une copie coloriée à la main de la carte de Kingston, Ontario), et au Royal Ont. Museum, Sigmund Samuel Canadiana Building (Toronto).

AO, MU 2106, 1835, no 5 ; RG 1, A-I-7, 9, file on maps (lithographie).— APC, RG 5, A1 : 89128–89134, 89741–89751.— R. H. Bonnycastle, « On the transition rocks of the Cataraqui », American Journal of Sciences and Arts (New Haven, Conn.), 24 (juill. 1833) : 97–104.— Canadian Freeman, 16 oct. 1828.— Kingston Chronicle, 19 mai 1820, 18, 25 mai 1821, 20 août, 5 nov. 1831, 1er janv. 1832.— Patriot and Farmer’s Monitor, 6 oct., 7 déc. 1832, 19 juill., 9, 26 nov. 1833.— St. Catharines Journal, and Welland Canal (Niagara District,) General Advertiser (St Catharines, Ontario), 12 nov. 1835, 9 mars 1836, 2 mars 1837, 20 sept. 1838.— Upper Canada Herald, 13 mai 1823, 21 juin, 22 nov. 1825, 24 nov. 1830.— Toronto directory, 18331834.— H. P. Gundy, « Samuel Oliver Tazewell, first lithographer of Upper Canada », Rev. de l’Assoc. des humanités (Kingston), 27 (1976) : 466–483.

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H. P. Gundy, « TAZEWELL, SAMUEL OLIVER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tazewell_samuel_oliver_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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