CÔTÉ, AUGUSTIN, journaliste, imprimeur, éditeur, libraire et propriétaire de journal, né le 13 mars 1818 à Québec, fils d’Augustin Côté, mineur, et de Louise Letarte ; le 30 avril 1845, il épousa dans la paroisse Saint-Roch de Québec Émilie-Caroline Lemieux, et ils eurent 13 enfants ; décédé le 30 septembre 1904 à Québec et inhumé le 3 octobre au cimetière Saint-Charles.

Issu d’un milieu modeste, Augustin Côté n’aurait fait que des études élémentaires. En 1834, après quatre années d’apprentissage en imprimerie, il aurait travaillé avec John Lovell* à Montréal. À partir de 1837, il aurait suivi des cours privés, parvenant à acquérir une formation suffisante pour devenir, cinq ans plus tard, rédacteur adjoint à la Gazette de Québec. Lorsqu’en octobre 1842 l’édition française de ce journal disparaît, Côté met sur pied une petite imprimerie et, en association avec Joseph-Édouard Cauchon*, lance, le 1er décembre, le Journal de Québec. Dès lors, son destin se confond avec celui de ces deux entreprises.

Contrairement à beaucoup d’éditeurs et propriétaires de journaux de cette époque, Côté reste plutôt dans l’ombre, se mêlant peu personnellement et directement à la vie sociale et politique de son temps. Les seules fonctions officielles qu’il exerce, hors de sa sphère professionnelle, sont celles de magistrat rémunéré et de capitaine de milice. En 1858 et 1859, il est secrétaire-archiviste de la Société typographique de Québec, dont il devient membre honoraire à compter de l’année suivante. En 1861, il décline la proposition qui lui est faite de se présenter aux élections législatives et, en 1867, il refuse la direction des Postes qu’on lui offre d’occuper à Québec.

C’est d’abord à la fonction d’imprimeur qu’est associé le nom d’Augustin Côté. Imprimeur, il le restera sans discontinuer plus d’un demi-siècle, de 1842 à 1898. Ses débuts, rue de la Montagne (côte de la Montagne), sont des plus modestes : la seule presse dont il dispose est celle-là même qui avait servi en 1764 à William Brown* pour lancer la Gazette de Québec et qui était restée en usage chez Samuel Neilson* jusque vers 1834. Au fil des ans, l’entreprise se modernise et devient sinon une affaire importante tout au moins une affaire saine. En 1855, les agents de la R. G. Dun and Company évaluent son actif net à 2 000 $. Le favoritisme gouvernemental dont bénéficie l’Imprimerie Côté et Compagnie du fait de ses liens avec Cauchon et l’appui du clergé constituent ses principaux atouts. Elle prospère suffisamment pour se classer, au début des années 1870, dans le groupe des sociétés dont la valeur nette de l’actif se situe dans la fourchette des 25 000–35 000 $ et se déclarer, dans les pages publicitaires de l’Annuaire de Québec des années 1874 à 1877, « un des plus considérables [établissements] du genre en cette province ». En 1869, Côté déménage ses bureaux et ses ateliers rue Sainte-Anne, à l’hôtel de l’Union, qu’il vient d’acheter. Quelque temps après, il acquiert une presse Marinoni, puis une presse Gordon. C’est dans la seconde moitié de la décennie 1870 que la situation se dégrade. Le 3 janvier 1878, Côté est déclaré en faillite ; toutefois, faisant valoir que cette faillite « provient [...] uniquement de la dureté des temps pour le commerce en général, pour les éditeurs-propriétaires de journaux en particulier », il échappe à la liquidation. En août 1882, l’Imprimerie générale A. Côté et Compagnie qui a subi « des renouvellements et des agrandissements » est transportée rue du Fort. Dernier sursaut qui ne permet pas de rétablir la situation. La cote de crédit de l’entreprise se trouve au plus bas et, au début des années 1880, la valeur nette de son actif n’atteint que 500 $. En octobre 1889, Côté abandonne la publication du Journal de Québec sans pouvoir trouver preneur. Lorsqu’en 1898 il cesse ses activités, personne ne reprend son affaire. Son matériel est vendu et dispersé aux quatre coins de la province et, dès 1900, un restaurant occupe la place de ses anciens ateliers.

Histoire typique et exemplaire que celle de cette imprimerie parce qu’elle rend compte des divers secteurs traditionnels de la profession. Côté est même un temps libraire à l’enseigne de la Librairie catholique A. Côté et Compagnie. Outre les travaux de ville, il publie des journaux et imprime des livres. La publication de livres et tous travaux d’impression de longue haleine relèvent de ce qu’on appelle alors les labeurs. Phénomène rare sinon unique dans la profession, Côté a laissé un catalogue de ses productions. Bien qu’incomplet et parfois erroné, ce Catalogue de livres, brochures, journaux, etc. sortis de l’Imprimerie générale [...] depuis sa fondation, le 1er décembre 1842, publié à Québec en 1896, donne une idée assez bonne de son travail. Hormis quelques périodiques, 277 titres sont répertoriés. Même si la majorité sont en français, on y trouve 16 titres en anglais et 3 en langues amérindiennes. Ce sont les almanachs, calendriers et annuaires les plus divers qui l’emportent (21 %), suivis des ouvrages historiques (17 %), des publications institutionnelles (15 %) et des manuels scolaires (10 %) ; les œuvres plus proprement littéraires représentent la portion congrue. Le client le plus important paraît être l’Église : catéchismes, livres de piété, ouvrages dogmatiques, le Calendrier du diocèse de Québec [...], brochures et plaquettes diverses représentent 36 % des ouvrages répertoriés. Il est plus difficile d’évaluer la part réelle des publications gouvernementales imprimées, car Côté a exclu de son catalogue les lois provinciales, les Journaux de l’Assemblée législative et les rapports de divers départements. La courbe du rythme des productions de l’imprimerie est fluctuante : jusqu’en 1870, la moyenne tourne autour de deux ou trois titres par an pour atteindre, par la suite, des sommets (14 en 1874, 19 en 1877), mais la faillite de l’entreprise en 1878 occasionne une chute brutale l’année suivante, suivie d’une reprise cahoteuse.

Toutefois, Côté n’est pas un simple exécutant. Il fait, à certains égards, œuvre d’éditeur sans qu’il soit possible de toujours tracer la ligne exacte entre les deux fonctions. On lui reconnaît particulièrement le mérite de deux publications majeures : la première, Abrégé de l’histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à 1840 [...], qu’il demande à François-Xavier Garneau* d’écrire à l’instar d’un ouvrage de l’Américain John Dawson Gilmary Shea et qu’il publie en 1856, dans le but de « donner au public des livres d’école écrits par des Canadiens, au point de vue canadien, édités et imprimés par des Canadiens », ainsi que « de rendre moins chers les livres » scolaires, et qui connaît un succès considérable ; la seconde, Relations des jésuites, qu’il réédite en trois volumes en 1858, grâce à une subvention qu’il réussit à obtenir de George-Étienne Cartier*. En outre, on compte à l’actif de Côté des œuvres d’Arthur Buies, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau*, Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé, Napoléon Legendre, Eudore Évanturel, l’abbé Henri-Raymond Casgrain et d’autres.

Côté est enfin l’artisan du Journal de Québec dont il est, de 1842 à 1889, le propriétaire et l’imprimeur. Ses autres participations à la vie de la presse québécoise sont fugaces et peu nombreuses. De mai à octobre 1848, il imprime Quebec Spectator, and Commercial Advertiser, dont il est actionnaire, durant les cinq premiers mois de 1870, la Gazette des familles acadiennes (et canadiennes), à partir de 1888, la Semaine religieuse de Québec et, d’après son catalogue, la Gazette officielle de Québec de 1866 à 1878.

Cependant, le Journal de Québec constitue l’entreprise principale, et presque exclusive, de Côté en matière de presse. Lancé pendant la phase de reconstruction de la presse francophone après la saignée à blanc subie à la suite des événements de 1837–1838, il prétend, sur le plan politique, prendre la place, « parmi les défenseurs des libertés constitutionnelles », de l’Aurore des Canadas, de Montréal, qui avait adopté les positions de Denis-Benjamin Viger* et s’était mis à combattre pour la révocation de l’Union. Le Journal de Québec est d’abord un bihebdomadaire de quatre pages, aux dimensions modestes (environ 9 pouces sur 14) et dont l’abonnement s’élève annuellement à 4 $. À partir du 2 mai 1843, il est publié trois fois par semaine et, en juillet 1847, il adopte définitivement « le format des grandes publications européennes » (approximativement 18 pouces sur 24). C’est le 3 mai 1864, après un court essai durant la session parlementaire de 1862, que le Journal de Québec commençe à paraître chaque jour tout au long de l’année. Seul quotidien en français de la capitale pendant quelques années, le premier de la province à avoir réussi l’aventure, il ne peut toutefois soutenir la concurrence des nouveaux titres arrivés sur le marché québécois. Au tout début, le journal hérite de la liste des abonnés francophones de la Gazette de Québec, évaluée à quelques centaines de noms. En 1849, son tirage atteint 1 200 exemplaires, en 1856, 1 000 et en 1870, 1 350. À partir de 1872, ce chiffre diminue progressivement pour se stabiliser à 600 de 1877 jusqu’à la fin de 1889. Durant les 15 dernières années de son histoire, le Journal de Québec est le quotidien qui a la plus modeste diffusion non seulement de la ville de Québec, mais encore de la province. Il est vrai que les responsables du journal n’ont jamais vraiment risqué la moindre innovation. Durant 47 ans, l’aspect du journal reste quasiment immuable et le contenu même évolue peu.

         Le Journal de Québec demeure une feuille du milieu du xixe siècle, d’abord et avant tout politique. Et c’est principalement sous cet angle qu’il est intéressant. Mais à ce titre, il est le plus souvent présenté comme le journal de Cauchon, occultant quelque peu le rôle de Côté. Pourtant, ils l’ont fondé ensemble, en sont conjointement propriétaires pendant un temps, et Côté en assume seul la charge après le retrait de Cauchon (probablement en 1855). Ils semblent aussi avoir partagé les fonctions de rédacteur et d’éditeur jusqu’en 1847, date à laquelle leurs rôles respectifs se dissocient, Côté prenant le titre de gérant et Cauchon (devenu son beau-frère depuis 1844), celui de rédacteur en chef. Jusqu’en 1875, Cauchon dirige véritablement les destinées du Journal de Québec voué à soutenir sa carrière politique et à défendre ses options personnelles. C’est ainsi qu’en 1873, à la suite du scandale du Pacifique [V. sir Hugh Allan* ; sir John Alexander Macdonald*], le journal passe dans le camp libéral après avoir combattu depuis les débuts pour les libéraux-conservateurs. Ce changement de cap marque l’amorce de la baisse des tirages, baisse qui s’accélère après le départ définitif de Cauchon. Ses successeurs, parmi lesquels figure Narcisse-Henri-Édouard Faucher* de Saint-Maurice, ont à gérer un héritage difficile. À la fin de la décennie 1870, le Journal de Québec est redevenu conservateur et ses adversaires ont eu beau jeu d’accuser Côté d’avoir mis son journal au service de son gendre Edmund James Flynn*. Mais il est trop tard pour rétablir la situation. Le Journal de Québec ne sait pas prendre le tournant du nouveau journalisme et tombe parmi les tout premiers dans l’hécatombe des vieux journaux conservateurs à la charnière des deux siècles.

Il est difficile, à l’heure actuelle, d’établir le rôle précis que joua Augustin Côté tant dans la publication des livres que dans l’histoire du Journal de Québec. Il paraît avoir surtout été un homme de métier, et, dans une histoire de l’imprimerie au Québec, il serait à coup sûr une des figures marquantes du fait de la durée de sa carrière et de la diversité de ses activités.

Gérard Laurence

ANQ-Q, CE1-1, 13 mars 1818 ; CE1-22, 30 avril 1845, 3 oct. 1904 ; CN1-19/3, 21 oct. 1870 ; T11-1/28, no 296 (1855) ; 230, no 203 (1889) ; 304, no 330 (1863) ; 338, no 388 (1898) ; 354, no 413 (1878) ; 525, no 707 (1878) ; 721, no 1071 (1901) ; 1025, no 1720 (1877) ; 1163, no 2094 (1879) ; 1243, no 2356 (1874) ; 1305, no 2629 (1891) ; 1352, no 3469 (1885).— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 8.— Daily Telegraph (Québec), 19 avril 1900.— L’Événement, 10 août 1899.— Le Journal de Québec, 2 janv. 1844, 15 juill. 1847, 1er déc. 1849, 21 févr. 1850, 14 juill. 1855, 3 janv. 1856, 3 janv. 1857, 9 févr. 1869, 4 janv. 1881, 11 août 1882, 1er oct. 1889.— Le Soleil, 24 sept. 1900, 21 mai, 1er oct. 1904.— Le Travailleur illustré (Québec), 19 oct. 1878.— Bradstreet commercial report, 1859, 1862–1864, 1867, 1872–1875, 1878–1885.— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 2 : 23.— The Canadian newspaper directory, or, advertiser’s guide, William Meikle, compil. ([Toronto ?], 1858).— Jean De Bonville, la Presse québécoise de 1884 à 1914 ; genèse d’un média de masse (Québec, 1988).— DOLQ, 1.— Geo. P. Rowell & Co’s American newspaper directory (New York), 1869–1881.— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 1 ; 2 ; 3.— L’Imprimé au Québec : aspects historiques (18e–20e siècles), sous la dir. d’Yvan Lamonde (Québec, 1983).— Livre et Lecture au Québec (1800–1850), sous la dir. de Claude Galarneau et Maurice Lemire (Québec, 1988).— N. W. Ayer & Son’s American newspaper annual and directory (Philadelphie), 1884–1914.— G. L. Parker, The beginnings of the book trade in Canada (Toronto, 1985), 85–87, 182, 269.— Règlements de la Société typographique de Québec ([3e éd.], Québec, 1866).— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec.— Paul Rutherford, A Victorian authority : the daily press in late nineteenth-century Canada (Toronto, 1982).— Raymond Tanghe, « Sources primordiales en bibliographie », SBC Cahiers, 1 (1962) : 49–56.

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Gérard Laurence, « CÔTÉ, AUGUSTIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cote_augustin_13F.html.

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Auteur de l'article:    Gérard Laurence
Titre de l'article:    CÔTÉ, AUGUSTIN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    28 novembre 2024