GORE, sir CHARLES STEPHEN, officier, né le 26 décembre 1793, fils d’Arthur Saunders Gore, 2e comte d’Arran, et d’Elizabeth Underwood ; il se maria le 13 mai 1824 avec Sarah Rachel, fille de James Fraser*, conseiller législatif de la Nouvelle-Écosse, et ils eurent six enfants ; décédé à Londres le 4 septembre 1869.

L’honorable Charles Stephen Gore entra dans l’armée en 1808 et, le 4 janvier 1810, il fut promu au grade de lieutenant dans le 4e régiment. Il rejoignit le 43e en Espagne en juillet 1811 et participa au siège et à l’assaut des places fortes de Ciudad Rodrigo et de Badajoz, ainsi qu’à toutes les interventions de la division légère de 1812 à 1814.

En 1812, il fut nommé aide de camp du major général James Kempt* et, en août 1814, il l’accompagna au Canada où ce dernier avait été nommé commandant du district de Montréal. Il retourna en Angleterre sur le rappel du général et le servit avec bravoure durant la campagne de Waterloo. Le 15 juin 1815, il avait été nommé capitaine du 85e régiment dont il fut promu major le 21 janvier 1819. Après cinq années de service dans le régiment, pendant lesquelles il participa à la prise et à l’occupation de Paris, le major Gore fut détaché comme aide de camp de Kempt qui venait d’être nommé commandant de la Nouvelle-Écosse et de ses dépendances. Ils atteignirent Halifax le 2 juin 1820. Promu lieutenant-colonel le 18 septembre 1822, Gore servit alors en Jamaïque comme adjoint au quartier-maître général jusqu’en 1826, puis devint adjoint au quartier-maître général en Amérique du Nord britannique. Promu major général le 9 novembre 1846, Gore devint le 1er avril 1847 l’officier général commandant du district de l’Est du Canada à Montréal.

Pendant l’insurrection de 1837, après presque 20 ans de service, Gore joua un rôle marquant et plutôt sujet à controverse. Désigné par le commandant des troupes, sir John Colborne, pour mener une expédition contre les villages dissidents de Saint-Denis et Saint-Charles situés à une vingtaine de milles à l’est de Montréal sur la rivière Richelieu, il arriva à Sorel à bord d’un vapeur le 22 novembre, accompagné d’un shérif adjoint pour représenter l’autorité publique. Gore disposait d’une colonne d’infanterie formée de quatre compagnies des 24e et 32e régiments, d’un petit détachement d’artillerie possédant un obusier et d’une troupe plutôt symbolique de la Royal Montreal Cavalry connue également sous le nom de Montreal Volunteer Cavalry. Il devait marcher sur Saint-Denis, quartier général du docteur Wolfred Nelson, l’un des chefs insurgés les plus efficaces, tandis que le lieutenant-colonel George Augustus Wetherall partait du fort Chambly et marchait vers le nord sur Saint-Charles.

En dépit de la pluie verglaçante et des routes quasiment impraticables, Gore décida d’avancer pendant la nuit afin de surprendre l’adversaire, et, à dix heures du soir, sa mince colonne, renforcée alors par deux compagnies du 66e régiment, était en route. C’est ainsi qu’il manqua un courrier, le lieutenant George Weir du 32e régiment, qui avait été envoyé par Colborne avec des ordres urgents pour son commandant de campagne d’attendre des renforts, ou bien, au cas où la bataille serait engagée, de se replier si les forces de l’adversaire étaient supérieures. Pour éviter les insurgés qu’il pensait rencontrer à Saint-Ours, Gore prit une petite route à l’intérieur des terres, et la troupe britannique au bord de l’épuisement n’atteignit pas Saint-Denis avant presque dix heures du matin le 23 novembre, au moment même où le lieutenant Weir, qui avait été arrêté pendant la nuit, était sadiquement assassiné près de la sortie sud du village. Les hommes de Nelson – qui devaient être environ 700 mais dont seulement 120 à peu près possédaient des armes à feu de tout genre – étaient sur le qui-vive et lui bloquaient la route à partir de deux gros édifices en pierre et d’une puissante barricade. Bien qu’il n’eût pas plus de 300 hommes, Gore passa à l’attaque. À trois heures de l’après-midi, cependant, son infanterie se trouvait dans un état d’infériorité, son obusier s’était avéré inutile, les munitions commençaient à manquer dangereusement, le ravitaillement était inexistant et il avait quelque 22 morts et blessés. D’autre part, George-Étienne Cartier* venait juste de traverser le Richelieu avec des renforts de 100 hommes bien armés et Nelson avait aussitôt donné l’ordre de contre-attaquer.

Les Britanniques vaincus se traînèrent péniblement dans Sorel le 25 novembre, jour de la victoire de Wetherall à Saint-Charles. Gore partit tard dans la même journée pour Montréal, mais dans la soirée du 30, il était de retour à Sorel pour une seconde attaque contre Saint-Denis, avec ses troupes originales renforcées par cinq compagnies supplémentaires, trois du 32e régiment, une du 24e et une du 83e, deux canons et douze cavaliers de la Royal Montreal Cavalry. Le samedi 2 décembre, il entra dans Saint-Denis sans rencontrer d’opposition. Il s’ensuivit deux journées de recherches infructueuses, de mise à sac et à feu, et, le dimanche soir, quelque 50 édifices avaient été apparemment saccagés ou détruits. D’après un témoin digne de confiance, le lieutenant E. Montagu Davenport, les troupes régulières avaient reçu l’ordre de détruire la propriété de ceux qu’on savait être des insurgés, mais Gore avait formellement interdit le pillage, et un factionnaire patrouillait les rues pour veiller à ce que l’ordre soit respecté. Néanmoins les troupes devinrent incontrôlables, et de nombreuses maisons furent détruites pour le simple plaisir de la chose, ou du moins mises à feu. Tandis que la distillerie du docteur Nelson était démolie, nota Davenport, les maisons longeant la route vers Saint-Ours furent incendiées volontairement et sans discrimination, ce qu’il considéra comme un acte de vengeance de la part des volontaires.

De bonne heure le 4 décembre, Gore partit pour Saint-Hyacinthe à la recherche de Louis-Joseph Papineau* et d’autres chefs insurgés. Plus tard dans la même journée, on découvrit à Saint-Denis le corps affreusement mutilé du lieutenant Weir. Deux jours après, Gore s’achemina vers Sorel, laissant trois compagnies en garnison à Saint-Denis, et il retourna à Montréal le 7 décembre avec le 32e régiment qui portait le corps de Weir.

Le colonel Gore encourut de nombreux reproches, principalement dans les milieux patriotes, pour les incendies allumés à Saint-Denis. En fait, en février 1849, il fut violemment attaqué sur le sujet par Henry John Boulton pendant les débats de l’Assemblée sur la loi d’indemnisation pour les pertes subies pendant la rébellion. Sir Allan Napier MacNab prit sa défense, mais l’accusation fut maintenue jusqu’à ce que, lors d’une session suivante, Boulton non seulement se rétracta mais affirma qu’une explication avec Gore l’autorisait à dire que ce dernier avait tenté tout ce qu’il pouvait pour empêcher les incendies et qu’il avait donné des ordres pour que les récalcitrants comparaissent devant des conseils de guerre locaux et soient fustigés. Chose curieuse, le gouvernement ne se préoccupa jamais de chercher qui était responsable de ces ordres donnés pour détruire la propriété des insurgés, mais étant donné que des incendies similaires eurent lieu à Saint-Charles et à Saint-Denis, il faut en déduire que ces ordres émanaient du quartier général lui-même [V. John Colborne]. Au début des années 1850, l’historien Robert Christie* tenta de donner une explication rationnelle de l’incident de Saint-Denis et d’autres incidents similaires : « Dans certaines occasions, les passions des hommes dépassent le contrôle de l’autorité humaine, et, malheureusement, ce fut le cas. » La justesse de cette remarque est évidente, bien que le fait reste qu’un commandant d’armée est indiscutablement responsable de la conduite de ses hommes, s’il est, en fait, physiquement et mentalement capable d’exercer cette responsabilité.

Le 4 juillet 1849, Gore fut affecté à Kingston, Haut-Canada, comme commandant. Toutefois, pendant ses dernières années de service à Montréal il n’avait pas bénéficié de l’entière confiance de lord Elgin [Bruce] qui, à une époque où l’adoption du projet de loi d’indemnisation pour les pertes subies pendant la rébellion causait quelque inquiétude pour l’ordre public, écrivit à propos de Gore que c’était chose « communément acceptée qu’on ne pouvait pas se fier à son jugement sur des questions difficiles ». Mais Kingston constituait un poste éminemment « sûr », et, après trois années sans incidents pendant lesquelles il devint populaire à cet endroit, Gore fut envoyé à Halifax le 20 septembre 1852 comme commandant de la Nouvelle-Écosse et de ses dépendances. En juin 1855, il s’embarqua finalement pour le Royaume-Uni où il était rappelé. Il reçut sa dernière promotion en février 1863, en étant créé général, et il fut nommé à ses dernières fonctions en décembre 1868, comme lieutenant-gouverneur de l’hôpital Chelsea à Londres. Il reçut entre autres comme décorations la médaille de la guerre d’Espagne (neuf barrettes) et la médaille de Waterloo ; il fut fait compagnon de l’ordre du Bain en 1838 et grand-croix du même ordre en 1867.

On a dit du colonel Gore en 1837 qu’il eut plus de succès comme quartier-maître général que dans des tâches opérationnelles. Mais sa bravoure personnelle ne fut jamais mise en question ; sa longue carrière comme officier d’état-major fut pleine de succès, même si elle ne fut pas brillante ; il s’avéra un commandant de district efficace, avisé et très respecté, en Amérique du Nord britannique.

John W. Spurr

APC, RG 8, I (C series), 1 275.— PRO, WO 17/1 518, 1 536–1 558, 1 830–1 835, 2 367–2 369, 2 399–2 402 (mfm aux APC).— Coll. Elgin-Grey (Doughty), I : 166.— E. M. Davenport, The life and recollections of E. M. Davenport [...] written by himself ; « notes of what I have seen and done », from 1835 to 1850 (Londres, 1869), 49–65, 69–72.— Daniel Lysons, Early reminiscences, with illustrations from the author’s sketches (Londres, 1896), 69–76.— Montreal Gazette, nov.–déc. 1837, févr.–mars 1849.— Boase, Modern English biog., I : 1 184.— Burke’s peerage (1967), 105.— DNB.— G.-B., WO, Army list, 1809–1839.— Hart’s army list, 1840–1869.Historical records of the 91st Argyllshire Highlanders, now the 1st battalion Princess Louise’s Argyll and Sutherland Highlanders [...], G. L. J. Goff, compil. (Londres, 1891), 336.— L.-N. Carrier, Les événements de 1837–1838 (Québec, 1877), 75–78, 82–85.— Christie, History of L.C., IV : 451–470.— William Kingsford, The history of Canada (10 vol., Toronto et Londres, 1887–1898), X : 53–61, 68.— Joseph Schull, Rebellion : the rising in French Canada, 1837 (Toronto, 1971), 73–77, 79, 84–88.

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John W. Spurr, « GORE, sir CHARLES STEPHEN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gore_charles_stephen_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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