BOWEN, EDWARD, avocat, juge, et homme politique, né à Kinsale (République d’Irlande) le 1er décembre 1780 ; il épousa en 1807 Eliza Davidson, fille de James Davidson, médecin des Royal Canadian Volunteers, et ils eurent huit filles et huit garçons, dont l’un, Edward Henry, deviendra juge ; décédé à Québec, le 11 avril 1866.

Edward Bowen vint au Bas-Canada en 1797 après avoir fait ses études secondaires à la Drogheda Academy (République d’Irlande). C’est sa grand-tante, l’épouse du receveur général Henry Caldwell*, qui le fit venir à Québec. Bowen fit l’apprentissage du droit probablement aux études de Jonathan Sewell* et de John Caldwell*. Il fut admis à la pratique en 1803. Grâce à ses relations puissantes, il bénéficiait déjà du « patronage » gouvernemental (postes de greffier et assistant greffier de diverses cours, 1801–1805, de lieutenant, 1804–1812, et de capitaine de milice, 1812–1827). En 1808, à la demande du gouverneur sir James Henry Craig* et à condition d’abandonner la pratique privée, il accéda au poste de procureur général du Bas-Canada. Mais déjà Londres avait pistonné Norman Fitzgerald Uniacke* pour ce poste. S’il dut démissionner, Bowen se consola en devenant le premier conseiller du roi en 1809 et en touchant, à ce titre et à celui de procureur général pro tempore durant l’absence d’Uniacke (été 1810–janvier 1812), des honoraires intéressants de plus de £600 pour 1811. En 1812, grâce à sir George Prevost*, il accéda, à 39 ans, au poste de juge de la Cour du banc du roi de Québec. Il déclina alors la place de procureur général du Haut-Canada que lui offrait Londres. Il cumula d’autres fonctions lucratives : traducteur français du Conseil exécutif (1816–1817) et secrétaire français de la province (1816–1824/26 ?). Il recevait un traitement global généralement supérieur à £1 000 par an d’autant plus, qu’après 1817, le salaire des juges atteignit £900 par an (£2 500 en 1864). Il siégea comme président de la Cour d’appel dans certaines causes (1839–1843) et fut promu juge en chef de la Cour supérieure en 1849. Plus jeune, il avait prôné une réforme du système judiciaire (1815) et s’était impatienté des lenteurs de la cour lorsque plusieurs juges siégeaient ensemble (1820). En 1818, il entendit une cause reliée aux troubles entre la North West Company et la Hudson’s Bay Company à la Rivière-Rouge [V. Thomas Douglas*].

Sur le plan politique, là encore à la demande de Craig, Bowen représenta le comté de William Henry (Sorel) de 1809 à 1812. Il milita dans les rangs du parti britannique. Il s’occupa aussi de son comté en essayant d’amener le gouvernement à y construire un bureau de poste et des routes, à y améliorer l’école et à y changer la tenure seigneuriale en tenure en franc et commun soccage (question encore en suspens en 1829). En 1813, il signa l’adresse de félicitations à Prevost. En 1822–1823, il participa à la rédaction et à la présentation de la pétition de Québec contre le projet d’union des deux Canadas, union qui, de l’avis des signataires, exciterait craintes et jalousies. Il entra au Conseil législatif en 1824. Il en fut même le président pro tempore en 1834 et surveilla les travaux de rénovation des salles du conseil en 1828. Bowen ne s’était nullement rapproché du parti canadien. En 1814, il avait sollicité l’avis de Sewell sur l’opportunité d’emprisonner le personnel du Spectateur pour libelle diffamatoire. En 1825, à l’instar d’autres juges britanniques, il s’avisa de refuser un bref de sommation rédigé en français. Ce qui lui attira une lettre rendue bientôt publique d’Augustin-Norbert Morin qui sous le pseudonyme d’un « étudiant en droit » lui rappelait les droits du français devant les tribunaux bas-canadiens. En 1835–1836, une enquête inachevée de l’Assemblée mit en cause sa conduite judiciaire. Et en 1839, il qualifiait d’erreur le rappel de John Colborne en Angleterre.

À compter de 1814, Bowen se plaignit continuellement de ses difficultés financières et de la ruine qui le menaçait. Effectivement, il eut maille à partir avec quelques créanciers dont J. Davidson (probablement John Davidson, son beau-frère) qui mit en vente 9 700 acres de ses terres entre 1818 et 1821 et la Banque de Montréal en 1826. Il réussit quand même à faire éduquer ses nombreux enfants et il profita de généreuses concessions de terres d’un gouvernement enclin à l’avantager. Quelques lots furent acquis aussi par achat. On ne connaît qu’une partie de ses propriétés : six lots dans le canton de Melbourne (1802–1805), six lots dans le canton de Tewkesbury (1807), lots à Sorel (1812) et à Laprairie (La Prairie), 5 351 acres dans le canton de Jersey (1823–1829), avec promesse d’une seconde concession qu’il sollicite (1828–1829), 540 acres le long de la route Kennebec (1837). En 1863, il tentera de hâter l’adoption d’un projet de loi haussant la pension des juges en faisant intervenir John Sandfield Macdonald* auprès de Louis-Victor Sicotte*, procureur général du Bas-Canada.

La gêne, relative, de Bowen ne l’empêcha pas de participer à divers mouvements, dont l’Incorporated Church Society, diocèse de Québec, dont il fut vice-président, de 1849 à 1854 au moins, la Société du feu de Québec en 1805, 1815 et 1819, la Quebec Emigrant Society en 1821, la Ladies Compassionate Society en 1821. Il contribua aussi à des souscriptions pour les victimes de Waterloo en 1815, pour une école anglicane de filles en 1816, pour le soulagement des pauvres du district de Québec en 1818, pour l’érection d’un monument à Wolfe* et à Montcalm* en 1828.

Par ses liens de parenté et ses relations sociales, par ses nombreuses fonctions et grâce aussi à un talent évident, Edward Bowen faisait partie de l’élite des hauts fonctionnaires de la colonie qui, conjointement avec la bourgeoisie marchande britannique, monopolisait le pouvoir exécutif, une partie du pouvoir législatif et le « patronage » de l’État (places, spéculation foncière, contrats). Contrairement à beaucoup d’autres du même groupe, Bowen connaissait bien le français et les lois françaises.

Jean-Pierre Wallot

APC, MG 23, GII, 10, pp.2 343s., 2 382–2 391, 2 394–2 397, 2 426–2 429, 2 449–2 460, 2 469–2 477, 2 482–2 485, 2 511–2 514, 2 537–2 548, 2 991–2 993, 3 156–3 159, 3 195–3 198 ; GIII, 3, 1, pp.132, 146 ; 13, p.143 ; MG 24, B1, 183, pp.700s. ; B3, 1, pp.50s., 53ss ; 3, pp.289ss ; B14, 8, pp.1 778–1 783, 1 789–1 791 ; B30, 2, pp.1 016s. ; K11, p.81 ; MG 27, II, D10, 12, pp.1 930–1 936 ; MG 30, D62, 6, pp.61–112 ; RG 1, L3L, 4, pp.1 213–1 216, 1 299, 1 531, 1 568 ; 7, pp.2 107, 2 148 ; 8, pp.2 387–2 399, 2 449, 2 494s. ; 13, pp.5 115–5 118 ; 14, pp.5 224–5 227, 5 250, 5 344 ; 19, p.8 706 ; 46, pp.23 629ss, 23 647–23 649, 23 656ss, 23 664–23 669, 23 674–23 681, 23 683–23 686, 23 697, 23 712, 23 749, 23 753s. ; 52, p.26 790 ; 53, pp.26 826–26 830 ; RG 4, A1, S (32 lettres et documents concernant Edward Bowen de 1802 à 1840) ; B8, 18, pp.6 453–6 457 ; B28, 135, no 1 581 ; B46, 3, p.1 342 ; RG 8, I (C series), 30, pp.69–72 ; 113, p.70 ; 115, pp.78, 88s. ; 246, p.62 ; 278, pp.149, 158, 160 ; 279, pp.22, 38, 269 ; 386, pp. 11s. ; 509, p.141 ; 599, pp.100, 102 ; 601, p.55 ; 603, pp.116, 118, 120, 123, 126, 134, 176 ; 634, pp.28, 253, 307, 356 ; 688A, pp.13s., 20, 22 ; 833, pp.19, 21–23 ; 1 218, pp.31, 34, 44, 50, 106, 137 ; 1 695, p.3 ; RG 68, 1, General index, 1651–1841 ; 1841–1867.— Archives privées, J. E. Colborne (Mackrell, Angl.), papiers de sir John Colborne (copies aux APC, MG 24, A40, 24, 2 nov. 1839).— BUM, Coll. Baby, Corr. générale, lettre d’Edward Bowen au juge Pyke, 5 mai 1820 ; lettre de Guérout et Lemesurier à Louis Gareau, 20 déc. 1820 ; lettre de l’abbé Joyer à Mlle de Lavaltrie, 19 déc. 1820.— PRO, CO 42/107, p.337 ; 42/109, p.128 ; 42/110, p.2 ; 42/112, pp.224, 311 ; 42/117–1, p.25 ; 42/117–2, p.246 ; 42/122, p.243 ; 42/130–2, pp.321, 324 (copies aux APC).— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 18001837 ; Conseil spécial, Journaux, 18381841.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journaux, 18411861. — La Gazette de Québec, 18001820, 18371840.— Le Jeune, Dictionnaire, 1 : 238.— P.-G. Roy, Les juges de la prov. de Québec, 75.— G. Turcotte, Cons. législatif de Québec, 97.— Chapais, Hist. du Canada, III : 123, 192 ; IV : 74, 91, 114s.— Christie, History of L.C., IV : 208210.

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Jean-Pierre Wallot, « BOWEN, EDWARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bowen_edward_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    28 novembre 2024