CALDWELL, HENRY, officier dans l’armée et dans la milice, homme politique, seigneur, propriétaire foncier, homme d’affaires et fonctionnaire, né vers 1735 en Irlande, quatrième fils de sir John Caldwell et d’Anne French ; le 16 mai 1774, il épousa Ann Hamilton, de Hampton Hall (république d’Irlande), sœur de Hugh Hamilton, évêque d’Ossory (république d’Irlande) ; décédé le 28 mai 1810 à Québec.
Henry Caldwell devint enseigne dans le 2e bataillon du 24e d’infanterie le 5 septembre 1756. Il fut promu lieutenant le 7 octobre de l’année suivante au sein du même bataillon, qui fut converti en un nouveau régiment, le 69e, le 23 avril 1758. À l’occasion de la prise de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), cette année-là, il attira l’attention du général de brigade James Wolfe*, qui le recommanda à William Pitt ; d’ailleurs Wolfe lui léguera 100 guinées dans son testament rédigé en juin 1759. Le 30 décembre 1758, Caldwell obtint le grade de capitaine dans l’armée et, le 16 mai 1759, il fut nommé adjoint au quartier-maître général Guy Carleton ; à ce titre, il fut attaché à l’état-major de Wolfe au cours du siège de Québec. Le 22 janvier 1760, Caldwell reçut une commission de capitaine dans le 93e d’infanterie, mais il passa au 36e le 14 mars 1764, à la suite du licenciement de ce régiment. Selon la tradition, vers la fin des années 1760, le « beau militaire » qu’était Caldwell aurait inspiré à Frances Moore* le modèle du colonel Ed Rivers, l’un des protagonistes de son roman The history of Emily Montague [...]. Il obtint le grade de major en Amérique le 2 septembre 1772, puis se retira de l’armée en mars 1774 afin de pouvoir peut-être rester au pays.
En avril 1774, Caldwell loua pour 99 ans toutes les propriétés de l’ancien gouverneur Murray* dans la province de Québec. Celles-ci comprenaient, entre autres, les seigneuries de Lauson, de Rivière-du-Loup, de Madawaska et de Foucault, appelée plus tard Caldwell’s Manor et située le long de la rivière Richelieu et de la frontière actuelle du Vermont. S’y ajoutaient la maison et les terres de Sans Bruit, situées à environ trois milles de Québec le long du chemin Sainte-Foy, une maison rue Saint-Jean, dans la haute ville, et la ferme appelée « Gorgendieres Farm », dans la seigneurie de Sillery. Soucieux d’exploiter la seigneurie de Lauson, le nouveau locataire y fit bâtir aussitôt un moulin à farine. Mais la campagne de Benedict Arnold, au cours de l’invasion américaine de l’hiver de 1775–1776, toucha durement les propriétés de Caldwell voisines de la ville de Québec : ainsi, sa maison à Sainte-Foy servit de quartier général aux rebelles et fut brûlée, de même que ses effets, et les moulins de la seigneurie de Lauson furent pillés. Caldwell avait pris part à la défense de la ville à titre de lieutenant-colonel commandant la milice britannique ; son expérience militaire se révéla un grand atout, particulièrement lors de l’attaque infructueuse de Richard Montgomery* dans la nuit du 31 décembre 1775. Après le siège de la ville, Caldwell reçut la mission de porter à Londres les dépêches annonçant la victoire. Ses services militaires lui valurent d’être honoré de l’approbation royale, à l’instar du lieutenant-colonel Allan Maclean*, et de recevoir £500 (cours d’Angleterre) ; en plus, il fut promu au grade honorifique de lieutenant-colonel en Amérique le 10 janvier 1776 et nommé conseiller législatif le 21 mai.
Après son retour, Caldwell fit graduellement tout rebâtir et acquit plusieurs terrains autour de Québec pour une somme d’environ £500 qu’il paya comptant. À partir de mai 1778, il mit à louer les terres de Sans Bruit comprenant environ 400 arpents de terre défrichée, un grand jardin et des bâtisses, ainsi que la ferme ayant déjà appartenu à Joseph-Michel Cadet*, sur la rivière Saint-Charles, puis, en novembre, la grande maison et les dépendances de la rue Saint-Jean. En 1782, il céda à Malcolm Fraser le bail des seigneuries de Rivière-du-Loup et de Madawaska. Profitant du règlement de la guerre d’Indépendance américaine en 1783, Caldwell sut attirer un certain nombre de Loyalistes sur ses terres de Caldwell’s Manor où il répara le moulin, contribua à la construction d’une église et fit ériger un manoir. Mais l’application rigoureuse d’un ordre de la métropole anglaise interdisant de coloniser les régions frontalières vint contrecarrer ses projets. Il put quand même insuffler une nouvelle vigueur à la seigneurie de Lauson en s’en faisant un promoteur actif : bien qu’à peine une vingtaine de concessions eussent été octroyées avant 1783, on en compta plus de 100 de 1786 à 1794, 151 de 1795 à 1798 et 69 de 1798 à 1800. Probablement en partie pour financer cette expansion, il donna à bail bon nombre d’autres terrains au cours des années 1780 et 1790, il vendit plusieurs de ses terres à partir de 1791 et il emprunta près de £2 000 entre 1786 et 1794.
Cofondateur de la Société d’agriculture formée à Québec au printemps de 1789, Caldwell compta parmi le groupe des 16 premiers administrateurs de cette association, dont il assuma la présidence en 1791 et qu’il soutint financièrement. Il aurait bien voulu voir ce type de société s’étendre à toute la province afin de promouvoir l’agriculture, en particulier l’amélioration des races de bestiaux et la culture du chanvre, pour laquelle il remporta un prix en 1791.
Au début du xixe siècle, Caldwell devint un important propriétaire foncier. En effet, le 28 février 1801, il conclut un accord en vue de l’achat, pour la somme de £10 180 (cours d’Angleterre), des propriétés que Murray possédait au moment de sa mort et dont Caldwell était locataire depuis près de 30 ans. De plus, en 1802, il acquit la seigneurie de Gaspé pour £500 et celle de Saint-Étienne, qui était contiguë à la seigneurie de Lauson, ainsi que 1 798 acres dans le canton de Farnham. En 1804, il obtint 12 262 acres dans le canton de Westbury, et, l’année suivante, 26 153 dans celui de Melbourne. Afin d’acquérir ces grands ensembles de terres, il vendit la maison de la rue Saint-Jean, de nombreux lopins de terre à Sans Bruit et dans les environs de Québec, de même que 6 000 acres derrière la seigneurie de Rivière-du-Loup et des lots dans le canton de Melbourne, pour un montant total d’environ £5 000. En 1803 et 1804, il se trouva malgré tout dans l’obligation d’emprunter £3 000. En 1807, il échangea la terre de Cadet, en banlieue de Québec, contre 14 800 acres dans les Cantons de l’Est plus la somme de £300 et, trois ans plus tard, il vendit une terre à l’anse au Foulon pour £1 500.
Grâce au grand nombre de moulins qu’il avait achetés ou fait bâtir, Caldwell put profiter largement des hausses du prix du blé au début du xixe siècle. Il en exporta de grandes quantités. De 1797 à 1804, il acheta quatre embarcations et, en 1803, il engagea un navigateur pour effectuer une livraison de farine à St John’s, Terre-Neuve. En 1809, il fit construire dans le bassin de la rivière Chaudière un quai de 4 000 pieds carrés pouvant recevoir 20 bateaux, et il projetait la construction d’un vaste entrepôt d’une capacité de 100 000 boisseaux de blé. En plus, Caldwell participa à l’approvisionnement des troupes cantonnées en Amérique du Nord. Ainsi, en 1810, il vendit plus de 1 775 000 livres de farine au gouvernement pour le prix de £21 822.
En 1804, profitant du blocus européen impose par Napoléon Ier, Caldwell persuada le premier lord de l’Amirauté, Henry Dundas, d’exploiter les ressources canadiennes de bois pour la marine royale. Il sut s’organiser efficacement pour la coupe et le commerce du bois en installant des scieries à côté de ses moulins à farine et en usant du privilège féodal de reprendre du censitaire, contre compensation, toute parcelle qui lui avait été attribuée. À partir de 1806, il commença à détourner les colons de sa seigneurie de Lauson en se réservant le bois de chêne propre à la construction des vaisseaux du roi, au moment du renouvellement des titres de ses censitaires. Ses moulins à scier étaient les plus connus de Québec et les moulins Etchemin, à l’embouchure de la rivière du même nom, comptaient parmi les plus gros. Les visiteurs de marque qui se rendaient voir les chutes de la Chaudière étaient parfois invités à visiter les installations de Caldwell.
Par ambition autant que par intérêt, Caldwell s’intéressa à la politique coloniale. Dès l’été de 1777, à son retour d’Angleterre, il occupa le siège qu’il avait obtenu au Conseil législatif et demanda à toucher sa rétribution depuis la date de sa nomination. D’un naturel plutôt turbulent et doté d’une forte personnalité, il ne manqua pas de se retrouver en conflit avec les gouverneurs de son époque. Il s’opposa particulièrement en 1778 à certains détails de la loi sur la milice qu’il aurait voulu voir plus précise quant à la définition et à la distribution des obligations des capitaines de milice et des habitants. L’année suivante, tout de même, il appuya, mais en vain, le gouverneur Haldimand dans ses tentatives de rendre l’administration de la justice plus expéditive. En 1781, Caldwell demanda la charge de lieutenant-gouverneur en remplacement d’Hector Theophilus Cramahé*. Même si Haldimand, qui le considérait comme « un homme des plus honorables et des plus respectables, et rempli de zèle pour le service du roi », le recommanda plus chaudement qu’il ne le fit pour Henry Hamilton*, c’est ce dernier qui obtint le poste. Mais le 8 juillet 1784, Caldwell fut nommé par Haldimand pour remplacer provisoirement le receveur général adjoint William Grant (1744–1805) obligé d’aller à Londres rendre compte de son administration. À l’instar de son prédécesseur, il entreprit de percevoir les sommes dues pour les droits de quint et de lods et ventes, mais sans succès. Il remplit ses fonctions jusqu’à la nomination de George Davison* le 1er septembre 1787.
Lors de la création des comités du Conseil législatif en novembre 1786 par le gouverneur Guy Carleton, devenu lord Dorchester, Caldwell se vit assigner à celui chargé d’étudier les problèmes de la milice, des grandes routes et des communications. L’année suivante, il fit partie du comité sur l’éducation dans la province de Québec, présidé par le juge en chef William Smith*. Caldwell comptait parmi les conseillers législatifs alliés de Smith, cet homme controversé dont il semblait désireux de cultiver l’amitié. Cette attitude lui valut d’être décrit par Alexander Fraser, en 1789, comme « un homme de sentiments honorables qui errait par caprice (quelque peu teinté peut-être par des visées intéressées) plutôt que par amour du désordre, ou manque d’un vif attachement à la mère patrie ». Après la réforme constitutionnelle de 1791, Caldwell fit partie du nouveau Conseil législatif ; il prêta serment le 7 février 1793 et y siégea le reste de sa vie.
Caldwell demeura actif dans la milice bien qu’il se plaignit maintes fois de l’avancement accordé à des officiers plus jeunes. En juillet 1787, il avait été promu colonel du Quebec Battalion of British Militia, grade qu’il conserva jusqu’en juin 1794, au moment où, « induit par des circonstances particulières », il donna sa démission et fut remplacé par Francis Le Maistre. Peu après, Caldwell adhéra à l’Association, laquelle avait été fondée en 1794 pour appuyer le gouvernement britannique au Bas-Canada. Le 25 juillet 1795, il prêta serment comme receveur général du Bas-Canada ; il succédait à Joshua Winslow et recevait un salaire annuel de £400. Il exerça cette charge de façon active jusqu’en 1808, au moment où il se fit remplacer par son fils John*, qui lui succédera de façon officielle deux ans plus tard. On découvrira, en 1823, que pendant l’exercice de ses fonctions Henry Caldwell avait détourné près de £40 000 dont £8 000 provenaient des biens des jésuites qu’il gérait à titre de trésorier de la commission formée pour administrer ces biens.
Henry Caldwell mourut le 28 mai 1810 dans sa résidence de Belmont, près de Québec, à l’âge d’environ 75 ans. Son service fut célébré le 31 à la cathédrale anglicane Holy Trinity de Québec. Sa femme étant morte six ans plus tôt, il laissa tous ses biens immobiliers et personnels à son fils unique, sauf la seigneurie de Lauson qu’il légua à son petit-fils Henry John et ce qui restait de Sans Bruit à sa petite-fine Ann ; il fit également quelques dons à des parents et à des amis.
Henry Caldwell est l’auteur d’un récit du siège de Québec par l’armée américaine. Cette relation, rédigée sous la forme d’une lettre adressée au général Murray en 1776, a été publiée à Québec en 1866 par la Literary and Hist. Soc. of Quebec sous le titre de The invasion of Canada in 1775 ; letter attributed to Major Henry Caldwell ; elle fut réimprimée en 1868, 1887 et 1927. La première version, toutefois, est introuvable.
AC, Québec, Testament olographe de Henry Caldwell, 5 juin 1810 (V. P.-G. 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Marcel Caya, « CALDWELL, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/caldwell_henry_5F.html.
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Auteur de l'article: | Marcel Caya |
Titre de l'article: | CALDWELL, HENRY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |