MONTMOLLIN, DAVID-FRANÇOIS DE, ministre de l’Église d’Angleterre et propriétaire foncier, baptisé le 18 mars 1721 à Neuchâtel (Suisse), fils de Louis de Montmollin, fonctionnaire, et de Salomé Gaudot ; décédé le 17 décembre 1803 à Québec.
David-François de Montmollin, le cinquième de 11 enfants, appartenait à une famille de la petite noblesse terrienne de Neuchâtel. Son père siégeait au Grand Conseil et au Conseil étroit, les deux corps administratifs du canton. Cependant, David-François avait peu de goût pour la vie politique. À 17 ans, catéchumène de l’Église réformée, il s’inscrivit à la faculté de médecine de l’université de Bâle, en Suisse. Il semble qu’il ait fait son cours en trois ans. En 1744, il se rendit à Leyde, aux Pays-Bas, et, l’année suivante, il adhéra à l’Église flamande. En 1748, il était à Londres où il poursuivait ses études de médecine. Il y épousa Jane Bell le 2 juin 1762. Des cinq enfants nés de ce mariage, deux moururent en bas âge.
En 1761, les protestants de la ville de Québec avaient signé une pétition par laquelle ils demandaient qu’un assistant de langue française fût assigné à John Brooke*, qui remplissait à titre non officiel les fonctions de missionnaire anglican de Québec. Ce dernier espérait que son adjoint serait en mesure « de susciter l’intérêt des papistes et de se faire accepter des protestants de langue française ». En 1768, aucun assistant n’avait encore été nommé, et il se peut qu’on ait décidé de remplacer Brooke par un ministre de langue française, capable aussi d’exercer son ministère en anglais. À cette époque, Montmollin dépendait de la paroisse huguenote de La Patente, à Spitalfields (maintenant partie de Londres). Comme beaucoup de huguenots londoniens, il s’était probablement joint à l’Église d’Angleterre. Le 12 février 1768, il fut nommé titulaire de la cure de Québec. Il est bien possible que des influences aient joué dans ce choix, car Montmollin fut ordonné le 4 mars par l’évêque de Londres, Richard Terrick, soit après qu’il eut obtenu sa nomination. En outre, il avait été choisi de préférence à Leger-Jean-Baptiste-Noël Veyssière*, même si ce dernier jouissait de l’appui de Francis Maseres*, procureur général de la province de Québec. Montmollin arriva à Québec probablement en juin 1768. Il eut bientôt à subir l’hostilité du gouverneur Guy Carleton, qui craignait que la nomination de ministres de langue française dans la colonie – Montmollin à Québec, Veyssière à Trois-Rivières et David Chabrand* Delisle à Montréal – n’indisposât la hiérarchie catholique. Plus précisément, Montmollin vint en conflit avec le gouverneur parce que ses ouailles devaient partager la chapelle des récollets avec les catholiques.
En août 1770, Montmollin écrivait que ses fidèles étaient très peu nombreux. De ses 30 communiants, une quinzaine au plus assistaient à l’office, et même la moyenne des assistants n’avait été que de trois dans les derniers temps. Le nombre de protestants diminuait rapidement, car les Français et beaucoup de Britanniques quittaient Québec. En outre, la plupart des protestants de la ville étaient presbytériens et avaient leur propre ministre, George Henry. Cependant, la pire difficulté résidait dans le manque d’ardeur de la congrégation ; Montmollin attribuait cette apathie à la diversité ethnique de ses paroissiens, ainsi qu’à l’existence nomade qu’avaient menée la plupart d’entre eux et qui était peu propice à la pratique religieuse.
D’autres, tels Henry Caldwell en 1775, Christian Daniel Claus* en 1782 et le révérend John Doty l’année suivante, croyaient que le problème qui se posait à Québec était symptomatique d’un malaise plus profond ; selon eux, la situation pitoyable de l’Église d’Angleterre dans la colonie résultait de la politique de nommer des ministres de langue française, lesquels, affirmaient-ils, connaissaient peu l’anglais et encore moins les rites anglicans. En 1785, envoyé au Canada pour faire enquête, le révérend Charles Mongan fit parvenir au gouvernement britannique un mémoire d’un auteur inconnu qui décrivait Montmollin comme un vieillard incapable de s’exprimer en bon anglais et, pire encore, comme un homme dont la vie privée prêtait au scandale. « Que doivent penser les Canadiens de notre religion, se demandait-il, quand ils voient chaque jour son ministre la discréditer en exploitant un débit d’alcool minable, et se conduire de façon scandaleusement indécente au point de servir et de vendre du rhum aux soldats de la garnison – et cela se passe dans la capitale de la province, siège du gouvernement et résidence de l’évêque français et d’autres dignitaires du clergé catholique. » À la suite de ces doléances, la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts recommanda que le révérend Philip Toosey*, arrivé depuis peu dans la colonie, devînt l’assistant de l’un des ministres de langue française. Toosey opta pour Québec, mais Montmollin, qui le considérait comme un intrus, l’empêcha de célébrer les offices de façon régulière.
En 1788, les plaintes contre les trois ministres d’expression française étaient parvenues aux oreilles de Charles Inglis, nommé, l’année précédente, évêque de la Nouvelle-Écosse, avec juridiction sur la province de Québec. L’évêque proposa à Carleton, devenu lord Dorchester, de laisser les membres du clergé de langue française rectors de leur paroisse respective, mais qu’à toutes fins utiles ils fussent remplacés par leurs assistants de langue anglaise. À la suite de cette proposition, Dorchester recommanda que Toosey assumât cette charge auprès de Montmollin. Le 9 juin 1789, Inglis arriva à Québec, point de départ de la première visite pastorale effectuée dans la colonie par un évêque anglican. Il jugea Montmollin tout à fait inapte à remplir ses fonctions. Il n’y avait dans sa paroisse ni marguilliers ni conseil de paroisse, si bien qu’après que Montmollin eut exercé son ministère pendant 20 ans, « les Anglais constituaient un groupe d’individus isolés, sans aucune organisation et sans aucune forme de discipline ou de direction ». Le 24 juin, l’évêque exprima à Montmollin son désir de le voir prendre sa retraite. Bien qu’âgé de 68 ans au moins, le rector fut outré d’une telle suggestion et s’en plaignit amèrement à Dorchester, disant qu’on n’aurait jamais dû concevoir une telle idée, compte tenu de ses nombreuses années de service.
Montmollin craignait surtout que sa mise à la retraite ne le privât d’un revenu dont il avait grand besoin, car il était lourdement endetté. À son arrivée à Québec, il était financièrement à l’aise et possédait en Suisse une propriété de rapport. En plus de son traitement de £200 par année, il recevait des honoraires pour ses services auprès des régiments de la garnison. Par contre, le gouverneur lui avait refusé de percevoir une dîme des catholiques, et Montmollin avait échoué dans ses tentatives en vue d’obtenir le poste et les émoluments de Brooke comme aumônier de la garnison, même si ce dernier n’avait nullement l’intention de revenir à Québec. Au début, Montmollin avait emménagé rue du Sault-au-Matelot mais, à la fin d’octobre 1774, il avait acheté pour £500 une maison en pierre de trois étages, rue Buade ; à la fin de l’année, il en louait le rez-de-chaussée à un marchand. En 1782, il était en mesure de faire quelques petits prêts mais, l’année suivante, il commença à s’endetter par suite de ses efforts en vue d’établir ses fils : John Frederick et John Samuel allaient lancer un commerce de marchandises sèches, et Francis Godot allait devenir officier dans le 60e d’infanterie. En 1789, ces charges financières empêchaient Montmollin de prendre sa retraite car, même si Inglis lui garantissait son traitement, il avait besoin des honoraires que lui procuraient les offices religieux.
Dorchester, mis au courant par Inglis que la majorité des membres de la congrégation souhaitait le départ de Montmollin, refusa de plaider la cause de ce dernier, lequel, le 31 juillet 1789, après « une scène pénible », céda aux instances d’Inglis et accepta de quitter son poste. Toutefois, il arracha à son évêque un certificat de bonnes vie et mœurs, bien que le prélat entretînt à l’égard de son subordonné des sentiments partagés, pour ne pas dire plus : « [Montmollin], disait-il, manifestait un certain zèle et une assez bonne force morale, mais il ne comprenait ni la discipline ni les pratiques de notre Église. Il ne parlait ni ne comprenait l’anglais. Il avait un esprit vil, des manières grossières et l’air vulgaire et répugnant. »
Montmollin soupçonna Toosey, qu’il dépeignait comme « un Crésus qui en voulait toujours plus », d’être la cause de ses malheurs, mais c’est en vain qu’il tenta de le supplanter. Toutefois, au printemps de 1792, Toosey se rendit en Angleterre, laissant encore une fois à Montmollin le soin de la paroisse. Après son arrivée dans la colonie vers la fin de 1793, le nouvel évêque de Québec, Jacob Mountain*, qui trouva Montmollin « très vieux et infirme », lui désigna un assistant en la personne de son frère Jehosaphat Mountain. En réalité, ce dernier s’acquitta « de toutes les fonctions » jusqu’au retour de Toosey, sauf lorsqu’il devait accompagner l’évêque en visite pastorale ; c’est alors Montmollin qui le remplaçait. De 1790 à 1795, Montmollin célébra environ 500 baptêmes, mariages et sépultures.
Peu de temps après sa retraite, la situation financière de Montmollin continua de se détériorer. En février 1790, John Frederick et John Samuel avaient déjà fui la province, laissant à leur père, qui s’était porté garant pour eux, une dette de £1 550 contractée envers la firme Fraser and Young [V. John Young]. En 1794, Montmollin vendit sa maison et un terrain situé à l’arrière pour la somme de £1 224 et régla cette dette. Par la suite, sa situation s’améliora. En 1796 et 1797, il fut nommé aumônier adjoint des 5e et 60e d’infanterie. De plus, en novembre 1796, il avait commencé à faire de petits prêts, lesquels se chiffraient, en septembre 1803, à £800 environ. En janvier 1803, à titre de chef en vertu du système des chefs et associés de canton [V. James Caldwell], il avait reçu une concession d’environ 10 000 acres dans le canton de Wentworth.
La fonction de rector qu’occupa Montmollin l’amena nécessairement à se lier davantage avec les Britanniques qu’avec les Canadiens de la ville de Québec. Cependant, c’est avec les membres de la petite communauté huguenote qu’il entretenait les liens les plus étroits, particulièrement avec François Lévesque*, Jean Renaud* et le marchand Pierre Fargues. Leurs décès survenus entre 1780 et 1794 laissèrent Montmollin de plus en plus seul, jusqu’à ce que lui-même mourût le 17 décembre 1803. Il laissait à sa femme une somme de £650, ainsi que quelques créances et plusieurs propriétés.
Il est difficile de juger de la qualité du ministère de David-François de Montmollin en se fondant sur les témoignages de ses contemporains ou de ceux qui vécurent peu de temps après lui. Si Henry Caldwell et Inglis ne le tenaient pas en haute estime, il semble avoir été bien vu par George Allsopp et le juge en chef William Osgoode*. En 1822, la Gazette de Québec en parlait comme d’un ancien ministre « très respecté », expression reprise aux environs de 1848 par l’évêque George Jehoshaphat Mountain* qui déclara que, même à cette époque, on se souvenait de Montmollin « comme d’un vieillard respectable, bien renseigné et habile, qui portait un habit ecclésiastique démodé et une grosse perruque blanche ». Néanmoins, au cours de son existence, Montmollin eut à subir, avec Chabrand Delisle et Veyssière, le mépris des Canadiens et d’un bon nombre de Britanniques de la colonie, ainsi qu’un manque d’égards et un ostracisme virtuel de la part du clergé auquel il appartenait. Enfin, après leur mort, ils tombèrent tous trois dans l’oubli.
L’auteur voudrait bien exprimer sa reconnaissance envers feu l’honorable George Carlyle Marler et feue Élyse de Montmollin, tous les deux descendants de David-François de Montmollin, pour l’aide précieuse qu’ils lui ont fournie dans la préparation de cette notice biographique. [j.h.l.]
ANQ-Q, CE1-61, 19 déc. 1803 ; CN1-16, 3 janv. 1803 ; CN1-25, 30 oct., 7 déc. 1774, 12, 21 mai 1781, 24 mai 1782, 18 déc. 1788 ; CN1-99, 2 sept., 29 oct. 1804 ; CN1-178, 7 nov. 1796, 16 mai, 7 nov. 1797, 9 févr., 30 mars, 4 avril, 5, 11 mai, 8 nov. 1798, 29 mai 1801, 10 avril 1802, 2 sept. 1803, 20 juin, 24 juill., 6, 11 août, 29 oct. 1804, 22, 23 déc. 1808, 1er févr. 1809 ; CN1-224, 2 avril 1787, 30 déc. 1788, 17 mai 1790 ; CN1-230, 6, 28 nov. 1794 ; CN1-256, 20 janv. 1790 ; CN1-262, 14 nov. 1797, 16 mai 1801.— AP, Cathedral of the Holy Trinity (Québec), fonds A. R. Kelley, Montmollin à lord Dorchester, juin 1789.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 21 : 64–68 ; MG 23, A1, 2 : 1432–1453 ; A4, 14 : 26, 42 ; 18 : 33s. ; C6, sér. 1, 1 : 69, 93 ; GII, I, sér.1, vol. 2 :182 ; RG 1, L3L : 4093, 36207 ; RG 4, A1 : 6211s., 4 mai 1818, 18 juin 1819 ; RG 8, I (C sér.), 828 : 104s. ; 931 : 3.— Arch. de l’État (Neuchâtel, Suisse), fonds S.-P. Andrié, actes perpétuels, 1754–1791, 65s. ; fonds Abraham Bourgeois, 1 : 223 ; fonds C.-F. Bovet, 7 : 79 ; fonds Boy de la Tour, lettre no 3752.— Arch. privées, G. C. Marler (Montréal), G. C. Marler, « David Francis de Montmollin, 1721–1803 : a short biography » ; Edmond Perret (Genève, Suisse), Charles Biéler, « Heurs et malheurs du premier pasteur anglican de Québec, David-François de Montmollin de Neuchâtel (Suisse) » ; Edmond Perret, « Rev. David-François de Montmollin (1721–1803), first rector of Quebec : essay for a revised estimate ».— BL, Add. mss 21665 : 184s. (copie aux APC).— Lambeth Palace Library (Londres), Fulham papers, 1 : ff.106, 110–112, 167, 169–170 ; 38 : 22, 58.— PRO, CO 42/28 : ff.388–389 ; 42/49 : ff.46–47 ; 42/92 : f.118 ; 42/96 : f.186 ; 42/100 : f.400v.— QDA, 60 (B–14), doc. 2 ; 83 (D–2), 15 janv. 1783 ; 84 (D–3), 9 juin, 27 août 1789, 25 juin 1792.— USPG, C/CAN/Que, I : 1er nov. 1764, 5 août 1770, 9 oct. 1782 ; Journal of SPG, 16 : 280–282.— A collection of several commissions, and other public instruments, proceeding from his majesty’s royal authority, and other papers, relating to the state of the province in Quebec in North America, since the conquest of it by the British arms in 1760, Francis Maseres, compil. (Londres, 1772 ; réimpr., [East Ardsley, Angl., et New York], 1966), 148s.— Docs. relating to constitutional hist., 1759–91 (Shortt et Doughty ; 1918), 1 : 72.— La Gazette de Québec, 26 févr., 13 août 1784, 21 févr. 1788.— Kelley, « Church and state papers », ANQ Rapport, 1948–1949 : 307 ; 1953–1955 : 99–101, 103–105.— Registers of the church of La Patente, Spitalfields, William Minet et W. C. Waller, édit. (Lymington, Angl., 1898), 153.— R.-P. Duclos, Histoire du protestantisme français au Canada et aux États-Unis (2 vol., Montréal, [1913]), 1 : 36.— Ernest Hawkins, Annals of the diocese of Quebec (Londres, 1849).— « David-François de Montmollin », BRH, 42 (1936) : 104s.— Roger de Montmollin, « Un Neuchâtelois, premier pasteur de Québec », Soc. d’hist. du canton de Neuchâtel, Musée neuchâtelois (Neuchâtel), nouv. sér., 37 (1950), no 1 : 26–28.
James H. Lambert, « MONTMOLLIN, DAVID-FRANÇOIS DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/montmollin_david_francois_de_5F.html.
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Titre de l'article: | MONTMOLLIN, DAVID-FRANÇOIS DE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |