CHRISTIE, GABRIEL, officier et seigneur, né à Stirling, Écosse, le 16 septembre 1722, fils de James Christie, marchand, et de Catherine Napier, décédé à Montréal le 26 janvier 1799.

Gabriel Christie, contrairement à deux de ses frères qui étaient respectivement solicitor et banquier, à Stirling, choisit la carrière militaire, et son avancement fut semblable à celui de bien des fils de familles bourgeoises attirés par l’aristocratie. Le 13 novembre 1754, il devient capitaine au 48e d’infanterie. Il participe au siège de Québec en qualité de major, grade obtenu le 7 avril 1759. Christie est toujours dans la colonie lorsqu’il est promu lieutenant-colonel en 1762. En 1764–1765, à l’époque du soulèvement de Pondiac*, Christie, comme assistant quartier-maître général, utilise la corvée publique pour le transport du ravitaillement de Montréal à Lachine, point d’embarquement vers Détroit et Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan). Par ce fait, il entre en conflit avec le gouverneur Murray qui s’objecte à l’utilisation de la corvée publique depuis qu’un gouvernement civil est en place ; ce fait n’est qu’un exemple des malheureuses querelles survenues entre Murray et les militaires [V. Ralph Burton*] et lève le voile sur l’utilisation que fit Christie de ses fonctions officielles à des fins personnelles.

En 1776, le poste de quartier-maître général est attribué à Thomas Carleton*, frère du gouverneur Guy Carleton*. Christie proteste mais se voit répondre que ses chances d’avancement seraient meilleures s’il était en Angleterre ; en fait, il s’y rend probablement à cette époque. L’année suivante, il sera élevé au grade de colonel. Son bataillon est mis en garnison aux Antilles durant une grande partie de la guerre de la Révolution américaine, mais dans les années 1780, lorsque Christie cesse ses activités militaires, il s’établit au Canada tout en continuant d’effectuer quelques voyages en Angleterre. Le 19 octobre 1781, avant la fin de la Révolution américaine, il devient major général et, le 10 mai 1786, il est fait colonel-commandant du 1er bataillon du 60e d’infanterie. Ses promotions ne s’arrêtent pas là ; le 12 octobre 1793, il devient lieutenant général et, le 1er janvier 1798, il obtient le grade de général. En un mot, Christie fait une brillante carrière militaire qui n’est pas nécessairement reliée à des actions d’éclat. Le personnage de Christie serait toutefois incomplet si l’on ne tenait compte de ses activités de grand propriétaire foncier.

Christie, contrairement à Henry Caldwell* qui se préoccupait aussi d’acquérir des biens fonciers et, par conséquent, participait à la même mentalité aristocratique, ne semble pas s’être intéressé au commerce des fourrures. Pourtant il a une fortune assez considérable lorsqu’il prend la décision de s’établir au Canada, mais il manifeste une prédilection pour la propriété foncière. La conjoncture est d’ailleurs favorable à la réalisation de ses desseins en ce domaine. Au lendemain de 1760, nombre de seigneurs, nobles et bourgeois, soit qu’ils retournent en France, soit qu’ils connaissent des difficultés financières, sont disposés à vendre leurs fiefs. Le comportement de Christie, en plus d’avoir une signification sociale, répond aussi à des mobiles économiques : la croissance démographique est vigoureuse, les réserves forestières des seigneuries sont importantes et, assez rapidement, s’annonce la commercialisation du secteur agricole. En septembre 1764, il achète de Paul-Joseph Le Moyne de Longueuil la seigneurie de L’ Islet-du-Portage. Le placement est bon à long terme mais Christie s’intéresse davantage aux seigneuries du district de Montréal ; il revendra donc, en 1777, cette seigneurie à Malcolm Fraser*. En 1764, il acquiert en commun avec Moses Hazen* les seigneuries de Bleury et de Sabrevois pour la somme de £7 300 versées à la famille Sabrevois de Bleury. À la suite d’un conflit l’opposant à son associé, Christie perd temporairement une partie de la seigneurie de Bleury au profit de Hazen, ce qui est loin de mettre fin aux affrontements juridiques entre les deux hommes. De la famille Payen de Noyan, il achète la même année la seigneurie de Noyan dont il partage la propriété avec John Campbell. En 1765, la seigneurie de Lacolle, propriété de la famille Liénard de Beaujeu, tombe entre ses mains et, l’année suivante, il acquiert la seigneurie de Léry possédée par Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry. Vers 1777, il ajoute à ses domaines les seigneuries de Lachenaie et de Repentigny. Tout cela ne suffit pas à apaiser son ambition. Christie possède déjà des terres en Angleterre et, en avril et octobre 1792, il fait deux demandes de concessions de terres dans les Cantons de l’Est ; ces requêtes ne semblent cependant pas avoir été fructueuses. Le 23 novembre 1796, Jean-Baptiste Boucher de Niverville lui vend la seigneurie de Chambly.

Christie vit en partie de la perception des droits seigneuriaux qui lui rapportent, dit-il, £700 en 1790. Comme il a sa résidence à Montréal, il ne visite ses seigneuries qu’occasionnellement et les administre par l’intermédiaire d’agents. Christie ne s’en désintéresse cependant pas ; en 1775, elles sont évaluées à £20 000. Un conflit qui l’oppose aux censitaires de Lachenaie à propos du droit de banalité révèle un homme à la fois soucieux de ses intérêts et ouvert au compromis. Son attitude relève du paternalisme mais aussi du sentiment de son importance. Pendant longtemps, il s’intéresse à l’exploitation des ressources forestières de ses seigneuries. Dès 1766, il avait fait une expédition au lac Champlain et, par la suite, il participe activement au commerce des produits forestiers. En fait, durant un certain temps, le seigneur se double d’un homme d’affaires.

Christie croit avant tout à la nécessité de sauvegarder l’intégrité des patrimoines. Aussi appuie-t-il le projet de réforme de Francis Maseres* qui vise à permettre une plus grande liberté de tester. Lui-même, lorsqu’il écrit son testament, favorise les mâles. À son décès en 1799, ses terres échoient à son fils Napier qui, à sa mort en 1835, les cède à son demi-frère William Plenderleath* à condition que celui-ci prenne le nom de Christie. Gabriel Christie est un type social en ce sens qu’il représente l’état d’esprit d’un certain nombre d’immigrants, officiers de l’armée britannique, à maints égards assez près par leur mentalité de la noblesse issue de la Nouvelle-France.

De sa femme légitime Sarah Stevenson, Christie eut un fils, Napier, et deux filles : Catherine, née le 15 janvier 1772, et Sarah, née le 20 novembre 1774, laquelle épousa le révérend James Marmaduke Tunstall, recteur de la Christ Church à Montréal. Il eut aussi un fils naturel, James, et trois autres de sa maîtresse Rachel Plenderleath : Gabriel, George et William, qu’il reconnut le 13 mai 1789 au moment de la rédaction de son testament à Leicester, en Angleterre.

Fernand Ouellet

APC Rapport, 1890, 17s., 76–79, 260 ; 1891, 15, 19s.— La Gazette de Québec, 26 mai 1785. P.-G. Roy, Inv. concessions, I : 261, 267 ; II : 200 ; IV : 242s., 245, 253, 261, 265. Ivanhoë Caron, La colonisation de la province de Québec (2 vol., Québec, 1923–1927), II. A. S. Everest, Moses Hazen and the Canadian refugees in the American revolution (Syracuse, N.Y., 1976). Neatby, Quebec, 40s., 60s.— J.-B.-A. Allaire, Gabriel Christie, BRH, XXIX (1923) : 313s.— F.-J. Audet, Gabriel Christie, BRH, XXX (1924) : 30–32. P.-G. Roy, Un amateur de seigneurie, Gabriel Christie, BRH, LI (1945) : 171–173.

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Fernand Ouellet, « CHRISTIE, GABRIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/christie_gabriel_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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