BADELARD (Badelart), PHILIPPE-LOUIS-FRANÇOIS, officier et chirurgien, né le 25 mai 1728 à Coucy-le-Château, France, fils de Philippe-Martin Badelard, tonnelier, et d’Esther Bruyer ; le 23 mai 1758, il épousa à L’Ancienne-Lorette (Québec) Marie-Charlotte Guillimin, veuve de Joseph Riverin*, négociant, et ils eurent deux enfants, dont Louise-Philippe qui épousera en 1779 Jean-Antoine Panet ; décédé le 7 février 1802 à Québec et inhumé deux jours plus tard à L’Ancienne-Lorette.

On sait peu de chose de la vie de Philippe-Louis-François Badelard en France, si ce n’est qu’il pratiqua la médecine et la chirurgie dans un hôpital de Metz et qu’il servit dans les troupes régulières françaises. En 1757, il vint à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton, Nouvelle-Écosse), à titre de chirurgien major des deux bataillons du régiment de Berry. La même année, il accompagna son régiment qui se rendait à Québec à bord de la Toison d’or, mais le navire fit naufrage à trois lieues de sa destination. Badelard échappa à la tragédie et, le 27 septembre, il gagna les quartiers qui avaient été assignés à son régiment dans l’île d’Orléans. Il participa à la bataille des plaines d’Abraham et fut fait prisonnier par John Fraser, soldat dans le 78e d’infanterie.

Sous le Régime anglais, Badelard fut d’abord nommé chirurgien des milices, canadiennes et il participa à ce titre au siège de Québec par les Américains en 1775 [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*]. Le 15 mai de l’année suivante, il fut affecté au poste de chirurgien de la garnison de Québec. C’est cependant grâce à son étude sur la maladie de Baie-Saint-Paul que son nom est resté inscrit dans les annales de la médecine canadienne. En 1776, trois ans après l’apparition de la maladie dont l’origine semble être reliée à la présence de soldats écossais à Baie-Saint-Paul, Badelard fut désigné par le gouverneur Guy Carleton, en remplacement du docteur Menzies, de Québec, pour s’enquérir de la nature de cette affection et pour soigner gratuitement les personnes qui en étaient atteintes. À diverses reprises, entre 1776 et 1784, il se rendit visiter les paroisses où la maladie s’était manifestée. Au cours de cette dernière année, au moment où l’épidémie atteignait 5 p. cent de la population, il écrivit une brochure intitulée Direction pour la guérison du mal de la baie St-Paul, qui figure parmi les premiers textes médicaux parus au Canada. Elle fut imprimée en 1785, aux frais du gouvernement, et distribuée gratuitement dans les régions rurales, principal foyer de la contamination, et dans les régions urbaines. L’année précédente, un condensé de la brochure avait été publié à quatre reprises dans la Gazette de Québec. Dans son exposé, Badelard observe que les symptômes se manifestent, dans un premier temps, par une inflammation de la gorge et l’apparition de pustules ulcéreuses sur les organes génitaux, dans un second temps, par des douleurs aiguës au niveau des articulations, et à l’étape ultime de la maladie, par un gonflement du périoste suivi d’une destruction généralisée des tissus osseux. Se basant sur ces symptômes, il suggère des traitements à suivre pour guérir cette maladie qu’il n’ose pas encore identifier, mais que le chirurgien Charles Blake, de Montréal, puis le docteur François-Xavier Swediaur, d’Écosse, qualifieront à juste titre de maladie vénérienne. Les remèdes que Badelard propose pour obvier au mal se révèlent en fait essentiellement curatifs. Il ne dit pratiquement rien des mesures prophylactiques possibles. D’ailleurs, le recours aux méthodes préventives semble à peine avoir attiré son attention. Outre les purges et les bains à l’eau tiède, c’est l’usage du mercure qui s’avère à son avis le traitement le plus efficace, bien que cette dernière thérapie provoque chez certains patients la perte des dents, la cécité et un affaiblissement de la mémoire. Il souligne aussi l’importance de l’alimentation des malades dont le régime doit être léger, à base de légumes, de céréales, de produits laitiers et de bouillons de viande.

Badelard était un chirurgien réputé, notamment pour son habileté à effectuer des cystotomies. Outre ses fonctions dans l’armée, il bénéficia d’une clientèle civile appréciable. Il fut, entre autres, médecin du séminaire de Québec de 1765 à 1779, et compta Mgr Briand* parmi ses patients. Sa renommée lui valut de siéger au Bureau des examinateurs en médecine de Québec en 1801 et 1802.

Jouissant d’une certaine aisance, comme l’indiquent les 6 075# (dont 5 499# en billets d’ordonnance) qu’il apportait à son mariage, Badelard demeura dans un quartier en vue de Québec. Il habita d’abord rue des Jardins jusqu’en 1784, puis rue Saint-Louis où il possédait deux maisons, dont une évaluée en 1785 à £200. Sa femme avait aussi une terre à L’Ancienne-Lorette. Lors du décès de ses parents, Badelard avait hérité de quelques propriétés à Coucy-le-Château, dont il laissa l’usufruit à sa sœur Louise-Suzanne, probablement en 1788 à l’occasion d’un voyage en France. Le 13 juillet 1797, il faisait saisir par la voie des tribunaux une maison en pierre de deux étages, sise rue des Ursulines, dont le propriétaire, George Wilds, était incapable d’acquitter les versements ; celle-ci fut revendue quelques mois plus tard pour la somme de £234. À sa mort, Badelard donna 12 000# à l’Hôpital Général de Québec pour instituer à perpétuité une fondation qui permettrait l’hébergement de quatre pauvres chaque hiver.

Même s’il était un spécialiste des plus écoutés et des plus respectés parmi les francophones du milieu médical, Philippe-Louis-François Badelard ne possédait pas, semble-t-il, un caractère facile ; Louis-Joseph de Montcalm*, du moins, s’en plaignit à plusieurs reprises, et Marie-Charlotte Badelard quitta son mari vers 1770 afin d’éviter les « mauvais procédés » et la « violence » qu’il lui infligeait. Sur le plan religieux, il n’était pas un fervent pratiquant, et l’on rapporte qu’à sa mort le curé Charles-Joseph Brassard* Deschenaux de la paroisse Notre-Dame-de-l’Annonciation, à L’Ancienne-Lorette, tenta d’interdire l’inhumation de sa dépouille dans le cimetière paroissial.

Jacques Bernier

Philippe-Louis-François Badelard est l’auteur d’un ouvrage intitulé Direction pour la guérison du mal de la baie St-Paul (Québec, 1785), lequel avait été publié en condensé à quelques reprises dans la Gazette de Québec des 29 juill., 5, 19 août, 28 oct. 1784, sous le titre d’« Observations sur la maladie de la Baye [...] données au public par ordre de son excellence le gouverneur ».

AD, Aisne (Laon), État civil, Saint-Sauveur de Coucy-le-Château, 25 mai 1728.— ANQ-Q, CN1-83, 31 août 1786 ; CN1-92, 28 oct. 1784, 11 août 1785 ; CN1-115, 23 mai 1758 ; CN1-205, 17 oct. 1781, 17 juill. 1782 ; CN1-206, 26 juill. 1798 ; CN1-230, 27 mai 1803 ; CN1-284, 13 sept. 1797 ; ZQ-75.— AP, Notre-Dame-de-l’Annonciation (L’Ancienne-Lorette), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 23 mai 1758, 9 févr. 1802.— APC, MG 23, GV, 8 ; RG 8, I (C sér.), 1714A.— ASQ, C 35 ; Évêques, no 17.— « Cahier des témoignages de liberté au mariage commancé le 15 avril 1757 », ANQ Rapport, 1951–1953 : 52.— « Les dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 23, 73, 122.— La Gazette de Québec, 1er oct. 1789, 4 nov. 1790, 11 févr. 1802.— Almanach de Québec, 1788–1801.— M.-J. et G. Ahern, Notes pour l’hist. de la médecine, 21–32.— Sylvio Leblond, « Une conférence inédite du docteur Joseph Painchaud », Trois siècles de médecine québécoise (Québec, 1970), 59.— J.-E. Roy, « La maladie de la Baie », BRH, I (1895) : 138–141.— Benjamin Sulte, « Le docteur Badelart », BRH, 21 (1915) : 343–347 ; « Le mal de la baie Saint-Paul », BRH, 22 (1916) : 36–39.

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Jacques Bernier, « BADELARD (Badelart), PHILIPPE-LOUIS-FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/badelard_philippe_louis_francois_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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