FRASER, JOHN, soldat et instituteur, né vers 1734, probablement en Écosse ; décédé le 13 février 1803 à Québec.
John Fraser servit dans le 78e d’infanterie pendant la guerre de Sept Ans et combattit lors de la bataille des plaines d’Abraham, le 13 septembre 1759. Au cours de la poursuite britannique qui suivit, Fraser donna la chasse à un médecin français en fuite, Philippe-Louis-François Badelard. Celui-ci braqua son pistolet sur Fraser, mais ce dernier, fort et agile -c’était une sorte de géant –, le maîtrisa avant qu’il ne pût faire feu. Dans les années qui suivirent, les deux anciens adversaires devinrent voisins, et Fraser salua régulièrement Badelard d’un amical « bonjour, mon prisonnier ».
Une fois licencié, Fraser s’établit à Québec. Dans cette ville comme ailleurs dans la colonie, on manquait d’écoles à la suite de la Conquête. Au cours des années 1760, les communautés religieuses catholiques, les jésuites, les ursulines et la Congrégation de Notre-Dame, rouvrirent leurs écoles primaires, mais le petit groupe britannique, principalement protestant, n’était pas aussi bien servi. Craignant les conséquences linguistiques et religieuses de la fréquentation, par leurs enfants, des institutions catholiques de langue française, les membres de ce groupe s’efforcèrent de mettre sur pied des écoles de langue anglaise. Fraser devint probablement le premier instituteur de langue anglaise à Québec ; il enseignait depuis quelque temps quand, le 1er septembre 1765, Patrick McClement, premier instituteur autorisé et soutenu financièrement par le gouvernement, ouvrit une école au collège des jésuites. De 1766 à 1769, trois autres écoles ouvrirent leurs portes à Québec, dont l’une sous la direction de James Jackson, qui, en juin 1768, succéda à McClement à titre d’instituteur officiel. En 1768, Fraser avait adressé une requête au gouvernement afin d’obtenir une autorisation officielle d’enseigner, mais elle lui fut refusée. Le 25 septembre 1769, toutefois, il succédait à Jackson comme « instituteur officiel à Québec ». Il touchait le subside gouvernemental de £30 par année et les frais de scolarité de chaque élève, mais il connut apparemment un modeste succès par la suite. La compétition était réduite au minimum, évidemment, car en 1773 certains des habitants protestants de la ville se plaignaient au gouvernement britannique de la pénurie d’écoles. Avant 1778, Fraser vécut rue Sainte-Anne, mais, cette année-là, il acheta comptant, au prix de £200, une maison de pierre d’un seul étage sise au 3, rue des Jardins, où il emménagea avec sa femme, Agnes Maxwell, et sa fille. Il est possible qu’Agnes ait été alcoolique :l’année précédente, Fraser avait fait imprimer un avis dans la Gazette de Québec, pour avertir les vendeurs de spiritueux que, comme « elle s’était depuis quelque temps conduite d’une façon très désordonnée, en buvant, à la grande inquiétude de [sa] famille », il ne se portait plus responsable des dettes qu’elle pouvait contracter.
En 1790, il y avait six écoles protestantes anglaises à Québec, que fréquentaient près de 200 élèves ; parmi les instituteurs, toutefois, seuls James Tanswell, qui recevait £100 par année, et Fraser, qui en recevait £30, touchaient un subside du gouvernement. Cette année-là, Fraser enseignait, chez lui, la lecture, l’écriture, l’orthographe et l’arithmétique à 14 garçons et 4 filles, âgés de 4 à 16 ans, qui lui versaient 15 shillings par trimestre ; de 1791 à 1798, il eut de 10 à 18 élèves par année. Tous n’étaient pas protestants : Georges -Barthélemi Faribault*, par exemple, fit pendant quelques années ses classes chez Fraser. Les efforts entrepris dès 1784 pour créer un système scolaire financé à même les fonds publics, conçu non seulement en vue de l’instruction des protestants anglais, mais aussi en vue de l’anglicisation des Canadiens, aboutirent finalement en 1801, à la suite des pressions exercées par l’évêque anglican Jacob Mountain*, à la création de l’Institution royale pour l’avancement des sciences. L’école de Fraser fut immédiatement intégrée à ce système.
John Fraser mourut deux ans plus tard ; il fut inhumé le 16 février 1803 par le ministre presbytérien Alexander Spark. Lui survivaient sa deuxième femme, Ann Hudson, deux filles (une de chaque mariage) et un beau-fils. Fraser leur laissait une modeste succession, dont une bibliothèque de 180 volumes environ et une concession de 400 acres dans le canton de Granby, officiellement enregistrée un mois plus tôt. La Gazette de Québec écrivit qu’« un nombre de citoyens respectables de Québec [... étaient] redevables de leur éducation » à cet « ancien et respectable » instituteur. L’école du 3, rue des Jardins, continua de fonctionner après la mort de Fraser, sous la direction de l’instituteur Daniel Wilkie*.
ANQ-Q, CN1-284, 9 mars, 17 mai, 28 déc. 1803 ; CN1-285, 23 mai 1800.— AP, St Andrew’s (Québec), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 16 févr. 1803.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 48–2 : 651–654.— « Les dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 71, 121, 172.— La Gazette de Québec, 5 sept. 1765, 19 juin 1777, 3 mars, 9 juin 1803.— « A list of Protestant house keepers in the District of Quebec (Octr. 26th, 1764) », BRH, 38 (1932) : 753s.— L.-P. Audet, Le système scolaire, 2 : 136, 139, 231, 344, 347.— P.-G. Roy, « Le chirurgien Badelard », BRH, 2 (1896) : 45 ; « Le premier professeur d’anglais au Canada », BRH, 31 (1925) : 416s.
Marianna O’Gallagher, « FRASER, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fraser_john_5F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/fraser_john_5F.html |
Auteur de l'article: | Marianna O’Gallagher |
Titre de l'article: | FRASER, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |