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WALSH, JOHN, prêtre catholique, archevêque et auteur, né le 23 ou le 24 mai 1830 dans la paroisse de Mooncoin, comté de Kilkenny (république d’Irlande), fils de James Walsh et d’Ellen Macdonald ; décédé le 31 juillet 1898 à Toronto.
John Walsh venait d’une famille d’agriculteurs assez aisée dont des membres avaient souvent joué un rôle marquant dans les affaires ecclésiastiques de l’Irlande. Il entra au St John’s College de Waterford à un âge précoce et y réussit les cours d’humanités et de philosophie qui préparaient à la prêtrise. Après une seule année de théologie, il décida cependant de quitter son diocèse, Ossory, pour œuvrer dans les missions canadiennes.
Même si Walsh était jeune quand il quitta l’Irlande, les années qu’il y avait passées l’influencèrent de façon durable. Il était né un an après l’émancipation des catholiques, et cet événement modela l’attitude qu’il allait avoir, en public, sur les questions religieuses et civiles, tout en lui instillant un sain respect pour l’art de la diplomatie et du compromis. L’émancipation et le fait d’avoir grandi dans l’ombre de Daniel O’Connell firent de lui un nationaliste et un partisan passionné de l’autonomie politique de l’Irlande. Quant à son tempérament religieux, il était le produit de la révolution pieuse engendrée par le courant ultramontain de l’Église irlandaise. Walsh choisit le sacerdoce à une époque où le catholicisme irlandais, sous l’influence d’une hiérarchie ambitieuse, connaissait une extraordinaire transformation spirituelle. C’était un temps de ferveur, d’autodiscipline, de construction d’églises et de chauvinisme catholique.
Imbu du triomphalisme d’une Église revitalisée, mais rejetant sereinement nombre des corollaires politiques de cette position de force, Walsh quitta l’Irlande en avril 1852. Pourquoi choisit-il le Canada ? Cela demeure un mystère. Il n’avait pas été recruté personnellement, mais c’est peut-être à cause de William Walsh*, évêque de Halifax et lui aussi ancien étudiant du St John’s College, qu’il opta pour les missions canadiennes. À l’automne de 1852, il reprit ses études de théologie au séminaire de Saint-Sulpice à Montréal. Accepté comme candidat au diocèse de Toronto par l’évêque Armand-François-Marie de Charbonnel, il fut ordonné le 1er novembre 1854.
Pendant 13 ans, Walsh occupa avez zèle une grande variété de fonctions dans le diocèse. En décembre 1854, il devint le premier prêtre résidant de la mission de Brock. Installé à Oshawa, il exerçait son ministère auprès des catholiques des cantons de Brock, Reach, Uxbridge, Scott, Georgina, North Gwillimbury, Thorah et Mara. Profitant de l’isolement des longs mois d’hiver, il continuait d’étudier la théologie et soumettait au Toronto Mirror des articles et des lettres qu’il signait du pseudonyme d’Ossory. Il put construire une église, dans le canton de Georgina, St Anthony the Hermit, avant que sa santé ne l’oblige à rentrer à Toronto en septembre 1856. Déjà, une grave maladie l’avait forcé à prendre un long repos : en se rendant à Toronto pour la première fois, à l’été de 1854, il avait été atteint du choléra. Régulièrement victime de rechutes jusqu’à la fin de sa vie, il n’allait jamais être robuste.
En avril 1857, Walsh devint curé de l’église St Mary de Toronto et aumônier du couvent des Sisters of Loretto. Puis, en juin 1858, il prit, à la direction de la paroisse St Paul, la succession du père Thomas Fitzhenry, que Mgr Charbonnel avait abruptement congédié à cause d’un désaccord personnel sur une question administrative. Comme Fitzhenry jouissait d’une grande popularité auprès de ses paroissiens, ce n’est que grâce à son magnétisme que Walsh sut les gagner et épargner un schisme à la paroisse. C’était la première fois que ses talents de conciliateur étaient sérieusement mis à l’épreuve.
En mars 1860, le coadjuteur de l’évêque de Toronto, John Joseph Lynch*, promut Walsh, qui n’avait pas encore 30 ans, recteur de la cathédrale St Michael. Le prince de Galles devait faire une visite à Toronto en septembre. Walsh convoqua une grande assemblée de catholiques dans l’espoir de prévenir tout affrontement entre eux et les membres les plus radicaux de l’ordre d’Orange, qui insistaient pour que le prince, au sortir de la gare, passe sous une série d’arcs érigés par eux. Il exhorta les catholiques à faire la sourde oreille aux rodomontades des orangistes et invita les protestants à faire de même. Ses paroles eurent un effet apaisant sur toute la population torontoise. À sa demande, on rédigea un mémoire qu’un groupe, dont John Elmsley* faisait partie, remit en mains propres au secrétaire itinérant du prince, le duc de Newcastle, qui était catholique. Le mémoire assurait le prince de la loyauté des catholiques et l’implorait de ne pas nouer de relations avec les loges locales de l’ordre d’Orange. Finalement, tous les arcs furent démantelés, sauf un, qui allait être dépouillé de ses slogans orangistes. La visite du prince s’avéra donc une défaite humiliante pour le fanatisme orangiste et une victoire pour la modération des Irlando-catholiques.
Son bon sens et son jugement sûr ayant contribué à calmer l’anxiété des catholiques et à faire pencher l’opinion publique de leur côté, Walsh fut de nouveau récompensé par son évêque. En 1861, il fut autorisé à quitter le rectorat de St Michael et à retourner à l’église St Mary. Par choix, il y demeura jusqu’en 1867 ; Jean-Baptiste Proulx* prit alors sa succession. Entre-temps, soit le jour de Pâques 1862, Lynch avait fait de Walsh son vicaire général, puis il l’avait pris comme théologien officiel au troisième synode provincial de Québec en mai 1863. L’année suivante, l’évêque lui ayant confié la mission de remettre au pape son rapport périodique sur le diocèse, Walsh fut reçu en audience privée par Pie IX. Après une tournée européenne, il passa plusieurs mois en Irlande.
Pendant les cinq années où il fut vicaire général, Walsh se fit connaître comme un éloquent prédicateur et conférencier. En maintes occasions, il impressionna les foules par la fermeté de ses convictions, surtout lorsqu’il parlait du rôle prédominant de l’Église dans l’histoire du salut, ainsi que par la clarté et la concision de ses exposés. Remarquable rhétoricien au sens classique, il ne se montrait pas moins enthousiaste quand il abordait des questions purement profanes. Ainsi il donna de nombreuses conférences sur l’histoire des luttes politiques des Irlandais devant des auditoires largement composés d’« exilés » comme lui. Toutefois, il n’avait aucune affinité avec ceux qui prônaient le recours à la force. Il se méfiait des nationalistes radicaux qui se croyaient investis de la mission de défendre publiquement les intérêts irlando-catholiques contre les loges orangistes qui dominaient la vie politique de Toronto. Certes, la liberté des Irlandais lui tenait à cœur (et personne n’en doutait), mais son engagement dut subir l’influence d’un pays et d’un clergé qui cherchaient avant tout à maintenir leur respectabilité sociale et politique et à préserver l’autorité de l’Église sur les associations bénévoles.
Walsh quitta subitement le vicariat général le 4 juin 1867 pour devenir le deuxième évêque de Sandwich. Son prédécesseur, Mgr Pierre-Adolphe Pinsoneault*, avait démissionné en septembre 1866. Il avait présidé au transfert du siège épiscopal de London à Sandwich (Windsor) et la série de querelles qui l’avaient opposé à des prêtres, des paroissiens et des communautés religieuses causa un immense embarras aux autorités ecclésiastiques. De plus, au moment de sa démission forcée, le diocèse croulait sous 40 000 $ de dettes. À l’occasion de sa consécration, qui eut lieu le 10 novembre 1867 en la cathédrale St Michael, Walsh s’entendit aimablement rappeler, par le père Patrick Dowd, « les problèmes particuliers du diocèse vacant ». Trois jours plus tard, à London, en l’accueillant officiellement dans le diocèse, le père Peter Francis Crinnon lui parla dans le même sens. Le 14, Walsh fut installé en sa cathédrale à Sandwich ; il était le plus jeune évêque catholique d’Ontario.
Walsh avait commencé à affirmer son autorité peu après son élection. D’abord, il réinstalla le père Jean-Marie Bruyère dans ses fonctions de vicaire général du diocèse. C’était une preuve de bon sens et de générosité que de ne pas l’associer trop étroitement aux échecs et aux scandales du régime Pinsoneault. Bruyère était en effet un administrateur ecclésiastique accompli. Walsh lui laissa beaucoup de latitude et, comme il avait lui-même le génie de l’administration, ils en vinrent, avec le temps, à former une équipe hors pair. Ensuite, le 11 novembre 1867, Walsh publia sa première lettre pastorale, où il exprimait son allégeance totale à Rome. Tout inspirée des Saintes Écritures et remplie de références à la théologie catholique officielle, elle se distingue de ses lettres suivantes par un appel sans équivoque à l’unité de but et d’action, appel qui allait devenir la caractéristique de ses 22 ans d’épiscopat. Bruyère avait déjà commencé à liquider la dette du temps qu’il était administrateur du diocèse. Walsh eut la prudence de l’autoriser à poursuivre son « programme de réforme, de réduction des dépenses, d’économie ». Moins de trois mois après sa consécration, Rome félicitait Walsh des efforts entrepris pour se débarrasser du fardeau financier dont il avait hérité.
Parmi les décisions controversées de Walsh, la première fut de transférer sa résidence de Sandwich à London, ce qu’il fit le 19 janvier 1868. Il était convaincu de ne jamais pouvoir gouverner son vaste diocèse, qui englobait neuf comtés, à partir d’une localité aussi petite et isolée que Sandwich. Il prit cette décision à l’encontre de l’avis de Mgr Lynch et malgré les protestations de plusieurs éminents catholiques de Sandwich. Ceux-ci craignaient que le déménagement ne nuise à la situation financière de la paroisse et ne mène à la fermeture de l’Assumption College, qui traversait une période troublée. La requête présentée par Walsh en vue de la translation du siège épiscopal à London fut agréée par Rome le 15 novembre 1869. Walsh prit le titre d’évêque de London en mai suivant.
Afin de réconforter les catholiques francophones de Sandwich, qui s’étaient habitués à la présence d’un évêque, Walsh avait entrepris des négociations avec la communauté des pères de Saint-Basile. Le 27 septembre 1869, il signa un concordat qui confiait aux basiliens la direction de l’Assumption College et de la paroisse de Sandwich. Une fois encore, en plaçant sa confiance en Denis O’Connor*, qui devint supérieur du collège et responsable des affaires temporelles de l’église, Walsh prouvait qu’il savait choisir l’homme de la situation. O’Connor allait diriger les destinées du collège durant 20 ans, et il succéderait à Walsh comme évêque de London en 1890. Parlant des confrères d’O’Connor au collège, Walsh fit observer un jour : « Ils n’ont créé aucun problème par l’enseignement de doctrines erronées. » En fait, Walsh ne trouvait aucune raison de se quereller avec les communautés religieuses du diocèse.
Les rapports de Walsh avec les membres de son clergé séculier étaient tout aussi exemplaires. Il gagna immédiatement leur respect tant il les impressionnait par son sens profond de l’équité et son souci de les traiter presque comme des égaux dans l’administration du diocèse. Contrairement à Pinsoneault, il évitait soigneusement tout démêlé public avec les prêtres querelleurs et réglait toujours ces problèmes en privé. Il avait la chance d’avoir de bons prêtres. En particulier, James Theodore Wagner et William Flannery* l’aidèrent beaucoup à donner au diocèse des bases plus respectables et plus solides.
De son côté, Walsh attira beaucoup de candidats à la prêtrise. En 22 ans, il ordonna 39 prêtres et invita bon nombre d’ecclésiastiques canadiens-français du diocèse de Québec à occuper des charges dans les paroisses francophones des comtés de Kent et d’Essex. L’augmentation sensible des vocations s’accompagna d’une multiplication tout aussi spectaculaire du nombre des nouvelles paroisses. De 1870 à 1887, Walsh en fonda 22, qu’il dota toutes d’un prêtre résidant. Cette croissance reflétait assez fidèlement l’augmentation de la population catholique du diocèse : composée de 41 764 fidèles en 1861, elle en comptait 56 638 en 1881.
L’œuvre maîtresse de Walsh fut la construction de la cathédrale St Peter, joyau de l’expansion que son diocèse connut au xixe siècle. Il allait ouvrir des douzaines d’églises paroissiales, mais aucune n’allait rivaliser avec ce glorieux exemple du néo-gothique français, qui était le foyer majestueux de la vie liturgique du diocèse. En mars 1880, soit dix ans après la liquidation complète de la dette de 40 000 $, Walsh se sentit assez sûr de lui pour confier l’exécution des plans à l’architecte Joseph Connolly. La levée de la première pelletée de terre eut lieu en juillet ; moins d’un an plus tard, le 22 mai 1881, Walsh bénit et posa la première pierre devant une foule de 2 000 personnes. La cathédrale, construite en quatre ans au coût de 136 000 $, fut consacrée le 28 juin 1885. L’évêque fut si impressionné par le travail de Connolly qu’il lui commanda les plans de l’église St Patrick de Kinkora en 1882 et de St Joseph de Chatham en 1887.
Incapable, à cause de sa santé, d’assister au Premier Concile du Vatican, en 1869–1870, Walsh écrivit néanmoins des textes longs et pénétrants sur la litigieuse question de l’infaillibilité du pape. Le 15 mai 1869, il publia une lettre pastorale de 50 pages qui expliquait la signification de la bulle d’indiction du concile, Æterni Patris. Le 2 février 1870, il en fit paraître une autre de 33 pages où il défendait la prétention historique de l’Église à l’infaillibilité et répondait à cinq objections couramment soulevées contre la tenue du concile. Malgré leur longueur et leur érudition, ces deux lettres furent lues à haute voix dans toutes les églises du diocèse. Lynch, qui avait demandé instamment à Walsh de le rejoindre à Rome pour les sessions du concile, fut très impressionné par ses écrits. En juin 1870, il dit même à son ancien vicaire général de se sentir libre, à l’avenir, de parler au nom de toute l’Église canadienne chaque fois qu’il écrirait sur l’infaillibilité du pape. Walsh se prononça publiquement une dernière fois sur le sujet en 1875. Son document de 65 pages défendait la doctrine de l’infaillibilité et répondait à un opuscule dans lequel William Ewart Gladstone disait douter que l’allégeance des catholiques aux pouvoirs civils soit encore certaine, étant donné la récente promulgation de cette doctrine. Jamais Walsh ne participa de plus près à une controverse purement politique qu’en écrivant ce texte, le plus brillant de ses écrits polémiques.
Lynch n’était pas uniquement le métropolitain et le supérieur ecclésiastique de Walsh. Une belle amitié, fondée sur le respect, unissait les deux hommes, ce qui ne les empêchait cependant pas d’avoir des méthodes politiques fort différentes. Lynch était, de loin, celui qui exprimait ses positions le plus ouvertement : il était très attaché au gouvernement libéral d’Oliver Mowat* en Ontario. Walsh était d’un naturel trop modéré et prudent pour se mettre autant en évidence. Bien qu’il ait été partisan avoué des libéraux-conservateurs de sir John Alexander Macdonald avant 1896, puis des libéraux fédéraux de Wilfrid Laurier*, il mettait tous les hommes politiques dans le même panier, quel qu’ait été leur parti. Il était prêt à négocier avec n’importe lequel d’entre eux tant qu’ils respectaient les droits de l’Église et s’occupaient avec justice des préoccupations des catholiques. En bon Irlandais, il considérait la politique comme une grande scène où défendre son esprit de clocher.
Même si Walsh savait parfaitement quelle voie suivre dans la question des écoles séparées, il joua délibérément un rôle secondaire dans le drame permanent suscité par l’inégalité flagrante entre les écoles catholiques de l’Ontario et celles de la province de Québec. En général, il consultait Lynch avant d’exprimer son avis ou de faire une déclaration publique. En privé, il se laissait aller à des commentaires sur les propositions qu’Egerton Ryerson* faisait dans les années 1860 en vue de la création d’un réseau d’écoles secondaires, ainsi que sur le type de formation religieuse que les écoles publiques devaient donner aux catholiques. En public, il insistait pour que tous les parents catholiques de son diocèse financent les écoles séparées au moyen de leurs taxes. Sur les délicates questions de la nomination des inspecteurs d’écoles et de la qualification des religieux enseignants, il n’était pas d’accord avec Lynch, tout comme il désapprouva en 1884 l’inefficacité avec laquelle l’archevêque agit dans ce qu’on a appelé l’affaire du programme biblique de Ross [V. Christopher Finlay Fraser]. Cependant, lorsque l’autorité de Lynch sur le Toronto Separate School Board fut contestée en 1878 par plusieurs éminents administrateurs laïques et par Patrick Boyle*, rédacteur en chef de l’Irish Canadian de Toronto, qui avait soulevé l’opinion pour que les membres de ce conseil soient élus au scrutin secret, Walsh fut le premier évêque à se porter à la défense de son métropolitain. Dans une lettre circulaire datée du 2 décembre, il publia la réplique de Lynch aux agitateurs et critiqua leur proposition en termes virulents. Son objection était assez simple : on ne pouvait envisager d’élire les membres du conseil au scrutin secret tant que la loi n’obligerait pas les catholiques à financer les écoles séparées, tout comme elle contraignait les protestants à financer les écoles publiques.
En 1877, soit en plein cœur de ces controverses, Lynch demanda à Rome de faire de Walsh son coadjuteur. Les autorités du Vatican acceptèrent vite sa requête, mais elle n’eut pas de suite. En effet, Walsh ne désirait guère renoncer à son indépendance pour devenir l’assistant d’un archevêque volontaire qui n’avait pas la réputation de partager son pouvoir. Finalement, il convainquit Mgr George Conroy*, délégué apostolique envoyé en mission spéciale au Canada, d’amener Rome à revenir sur sa décision.
Si Walsh commit une bévue pendant qu’il était évêque de London, ce fut en nommant le père John Connolly curé de la paroisse St Patrick, dans le canton de Biddulph, au début de février 1879. Des querelles souvent violentes, centrées sur James Donnelly* et sa famille, et découlant des inimitiés traditionnelles du comté de Tipperary, opposaient les catholiques de la paroisse. Comme celle-ci était à prédominance irlandaise, Walsh pensa à tort que seul un prêtre irlandais pourrait y ramener le calme et la réconciliation. L’affaire tourna mal. Le premier geste de Connolly fut d’organiser un comité de vigilance, dans l’espoir naïf que le canton, en se disciplinant lui-même, se débarrasserait de ses fauteurs de troubles. Cependant, le comité, composé entièrement d’ennemis de la famille Donnelly, se constitua en pouvoir autonome et orchestra le meurtre de cinq membres de cette famille à l’aube du 4 février 1880. En janvier 1881, un jury acquitta le premier accusé traduit en justice. Entre-temps, le père Connolly avait été impliqué indirectement dans l’affaire : c’était lui qui avait eu l’idée de former le comité, et il avait eu des démêlés avec les Donnelly. Finalement, Walsh étouffa ce scandale potentiel qui aurait pu ruiner son épiscopat. Selon l’écrivain Orlo Miller, il rencontra secrètement, le 14 mai 1881, au palais épiscopal, Adam Crooks*, ministre de l’Éducation et premier ministre provincial suppléant, et Charles Hutchinson, procureur de la couronne du comté de Middlesex. Sur ses instances, Crooks et Hutchinson acceptèrent de ne pas poursuivre Connolly pour son rôle dans ce que l’on allait désigner par la suite comme la « tragédie du canton de Biddulph ».
Le 2 octobre 1882, au retour d’un séjour en Irlande, Walsh fut accueilli par une grande manifestation d’affection : 3 000 personnes l’attendaient devant le rectorat de la cathédrale. Après avoir écouté les discours de bienvenue et reçu une bourse de 1 000 $, il s’adressa à la foule. Il fit allusion à la situation politique dont il avait récemment été témoin en Irlande : « La forme de gouvernement sous laquelle nous vivons est la plus équilibrée au monde : en elle s’allient une liberté sans licence et une autorité sans despotisme, et elle donne à tous le plus haut degré de liberté rationnelle et bien réglée qui soit, tout en assurant une grande protection à la vie et à la propriété. »
Le 13 août 1889, soit 15 mois après la mort de Lynch, Walsh devenait archevêque de Toronto. Il prit possession de son siège le 27 novembre au cours d’une imposante cérémonie qui ne fut troublée que par un groupe de jeunes partisans de l’ordre d’Orange qui lancèrent des pierres et des projectiles de fortune sur sa voiture pendant qu’elle approchait de la cathédrale St Michael. Événement sans précédent, cette attaque contre un prélat catholique choqua protestants et catholiques de la ville.
Pendant les neuf années où il fut archevêque, Walsh exerça son autorité comme il l’avait fait dans le diocèse de London. Ses responsabilités pastorales comptaient beaucoup pour lui : son principal souci était d’assurer le bien-être spirituel de ses ouailles et de stabiliser les relations entre les catholiques et les autres chrétiens. Il présida à la régularisation de la vie ecclésiastique, à des visites pastorales, à la promotion des vocations sacerdotales et religieuses ainsi qu’à l’établissement de nouvelles paroisses et églises.
La première initiative pratique de Walsh fut d’agrandir et de rénover la cathédrale St Michael, construite dans les années 1840 par William Thomas*. Il finança la construction de la chapelle St John, fit poser des fenêtres à claire-voie et des lucarnes, et fit redécorer l’intérieur en des « couleurs au symbolisme adapté à une église ». Au printemps de 1891, les travaux étaient terminés, et une deuxième cérémonie de consécration eut lieu à la cathédrale le 7 juin. Conscient de l’urgence d’ouvrir un autre cimetière catholique, Walsh, avec l’aide de sir Frank Smith* et d’Eugene O’Keefe*, acheta un terrain de 52 acres à 5 milles de la ville. Il l’appela Mount Hope Cemetery et le bénit le 9 juillet 1898.
Tout archevêque de Toronto devait s’occuper des grandes questions politiques de l’heure. Walsh le faisait, mais il préférait négocier en coulisse au lieu d’intervenir de façon spectaculaire comme l’avait fait Lynch. La question du scrutin secret aux élections des conseils des écoles séparées soulevait encore des controverses ; Walsh maintenait ses objections personnelles. Toutefois, il eut la sagesse d’éviter un affrontement quand, dans les premiers mois de 1894, le Parlement provincial fut prêt à adopter un projet de loi qui permettrait aux conseils locaux de choisir cette option [V. Christopher Finlay Fraser]. Il sentait que le climat était trop agité pour que les évêques s’opposent à la volonté du gouvernement, et contrairement à son habitude il ne négligea rien pour convaincre plusieurs de ses collègues de l’imiter en se soumettant silencieu-sement à l’inévitable. L’archevêque James Vincent Cleary de Kingston, qui depuis la mort de Lynch était l’évêque ontarien le plus politique, fut le seul membre de la hiérarchie provinciale à dénoncer les intentions du gouvernement. Walsh, lui, préférait encore la diplomatie aux éclats de colère.
C’était dans cet état d’esprit qu’il avait fait face à la question des écoles du Manitoba. À titre de prélat catholique, il fut horrifié par la loi qui, en mars 1890, abolit arbitrairement le financement public des écoles séparées de cette province. En même temps, il voyait que tout mouvement de protestation publique risquait de compromettre l’avenir des écoles catholiques de l’Ontario. Aussi opta-t-il pour la prudence. C’est à contrecœur qu’il signa la pétition datée du 13 décembre 1892 dans laquelle les évêques catholiques du Canada demandaient au gouverneur général en conseil l’exonération de taxes pour les contribuables catholiques du Manitoba. Par la suite, il refusa de signer tout genre de pétition. Il croyait sincèrement que l’agitation braquerait l’opinion protestante contre de nouvelles concessions aux catholiques ontariens et pourrait même retarder sérieusement la restauration des droits des catholiques manitobains. Vers la fin de sa vie, il écrivit à l’archevêque de Saint-Boniface, Adélard Langevin*, une longue lettre dans laquelle il le pressait d’accepter le compromis conclu entre Laurier et Thomas Greenway* en 1896 en vue de commencer à rouvrir les écoles séparées.
À l’occasion pourtant, Walsh était capable de manifester sa colère. Lorsque les édiles de Toronto retirèrent toute subvention aux hôpitaux confessionnels (y compris celui de St Michael en juin 1893), il s’écarta de la voie diplomatique et répliqua par une dénonciation cuisante. Dans une brillante lettre circulaire publiée en première page du Catholic Register, de Toronto, il défendit vigoureusement le droit de tous les hôpitaux à une part des fonds publics. Moins d’une semaine plus tard, le conseil municipal revenait sur sa décision et remettait les subventions en vigueur.
Malgré son âge, Walsh ouvrit une aile pour les filles au Sacred Heart Orphan Asylum en 1891 et fonda la St Vincent de Paul Children’s Aid Society of Toronto en 1894 et la St John’s Industrial School for Boys en 1897. Il érigea 16 églises et 3 chapelles, et autorisa la construction d’une résidence pour les basiliens et de 3 couvents. De plus, il ordonna 12 prêtres séculiers et 3 prêtres réguliers. S’intéressant toujours aux affaires irlandaises, il demeurait un infatigable partisan de la Land League et de l’autonomie politique. En 1895, la chute de Charles Stewart Parnell causa une scission parmi les autonomistes, et Walsh suggéra à Edward Blake* de tenir un congrès international pour restaurer l’harmonie et continuer la lutte. L’Irish Race Convention eut lieu à Dublin en septembre 1896, mais il n’y assista pas.
John Walsh mourut subitement à la fin de juillet 1898. Tous, quelle qu’ait été leur confession, en éprouvèrent un chagrin sincère. Un éditorial du Globe dit de lui : « Tout dévoué qu’il fût aux intérêts de son Église, personne ne peut lui attribuer une parole qui aurait visé à attiser le sectarisme ou à envenimer les relations entre catholiques et protestants. Plus d’une fois, il a parlé avec une calme dignité et une grande charité qui ont eu un effet remarquable sur la communauté protestante. Durant toutes les années où il a été archevêque de Toronto, il a voulu faire régner la paix, l’harmonie et l’égalité entre tous les citoyens canadiens. »
Les renseignements sur la réunion secrète de John Walsh, Adam Crooks et Charles Hutchinson qui a eu lieu le 14 mai 1881 sont extraits d’une entrevue avec H. Orlo Miller réalisée par l’auteur le 4 juill. 1987, à London, Ontario. Miller fait référence à cette réunion dans son roman Death to the Donnellys [...] (Toronto, 1975), 215 ; quand The Donellys must die (Toronto, 1962) fut publié, il n’avait pas assez de preuve pour inclure l’incident dans le récit. [m. p.]
Les publications de Walsh comprennent : The Council of the Vatican and the doctrines it suggests and illustrates (London, 1870 ; copie aux Arch. of the Diocese of London) ; et The doctrine of papal infallibility stated and vindicated ; with an appendix on the question of civil allegiance (London, 1875) ; une seconde édition de ce dernier ouvrage [...] with an appendix on civil allegiance, and certain historical difficulties a été publiée au même endroit en 1875.
ARCAT, L, AA05.83, AA07.06, AB01.06, AE08.04 ; LB01.204–205,.280,.283 ; LB06.09, .79 ; LB07 ; LRC 6003, 6009 ; W.— Arch. of the Diocese of London, R. H. Dignan, « Early history of the Catholic Church in southwestern Ontario, 1635–1889 » (circa 1919–1932) (copie) ; John Walsh papers.— The city and diocese of London, Ontario, Canada ; an historical sketch, compiled in commemoration of the opening of St. Peter’s Cathedral, London, June 28th, 1885, J. F. Coffey, compil. (London, 1885).— A documentary history of Assumption College [...], introd. de Michael Power, édit. (2 vol. parus, [Windsor, Ontario], 1986- ), 2.— History and album of the Irish Race Convention, which met in Dublin the first three days of September, 1896 [...] (Dublin, [1897]).— Jubilee volume, 1842–1892 : the archdiocese of Toronto and Archbishop Walsh, [J. R. Teefy, édit.] (Toronto, 1892), i-xxx.— Canadian Freeman (Toronto), 9 mars 1860, 19 juin, 14 août, 9 oct. 1862, 19 nov., 17 déc. 1867.— Catholic Record (London), 24 oct. 1880, 25 mars 1881, 6 oct. 1882, 2 mai, 4 juill. 1885, juin 1893, 6 août 1898.— Chatham Tri-Weekly Planet (Chatham, Ontario), 24 oct. 1887.— Globe, 8 juin 1891, 1er août 1898, 28 nov. 1899.— W. P. Bull, From Macdonell to McGuigan : the history of the growth of the Roman Catholic Church in Upper Canada (Toronto, 1939).— J. T. Flynn, « The London episcopacy, 1867–1889, of the Most Reverend John Walsh, D. D., second bishop of London, Ontario » (thèse de
Michael Power, « WALSH, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/walsh_john_12F.html.
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Auteur de l'article: | Michael Power |
Titre de l'article: | WALSH, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |