VINCENT, CHARLES (baptisé Auguste-Victor-Charles), prêtre, basilien et éducateur, né le 30 juin 1828 à Vallon (Vallon-Pont-d’Arc, France), fils de Joseph-Victor Vincent et de Marie-Thérèse-Augustine Charrière, décédé le 1er novembre 1890, à Toronto.

Charles Vincent étudia à Aubenas, France, avant d’entrer au noviciat des basiliens à Vernoux-en-Vivarais, Ardèche, en 1848. Il poursuivit ses études théologiques au collège basilien d’Annonay, avant d’être admis dans la congrégation le 18 septembre 1851. À cette époque, les basiliens envisageaient de s’établir à Toronto, à la suite d’une invitation de l’évêque Armand-François-Marie de Charbonnel*, ancien étudiant d’Annonay. En 1852, Vincent, un autre membre non ordonné de la congrégation et deux prêtres formèrent le premier groupe de basiliens qui se rendit à Toronto afin d’y fonder une école. La décision de partir avait été particulièrement difficile pour Vincent, à cause des liens très étroits qui l’unissaient à sa famille. Craignant que ses parents ne s’opposent à son départ, il préféra ne pas les avertir, même si, à l’époque, son père était gravement malade. Les supplications de sa mère, qui voulait qu’il revienne, furent pour lui une vraie torture, jusqu’au moment où il put retourner en France cinq ans plus tard.

À Toronto, les basiliens fondèrent le St Mary’s Lesser Seminary, qui ouvrit ses portes le 15 septembre 1852. Au tout début de l’année suivante, l’institution fusionna avec le St Michael’s College dirigé par les Frères des écoles chrétiennes ; Jean-Mathieu Soulerin*, qui était arrivé en même temps que Vincent, devint supérieur. Vincent dispensa les cours sans trop de difficultés, en dépit du fait qu’il n’avait jamais étudié l’anglais. Au moment où Charbonnel l’ordonna prêtre, le 22 mai 1853, la langue anglaise ne lui causait plus de problèmes.

Le St Michael’s College fut logé dans l’évêché jusqu’à ce que les basiliens trouvent un endroit pour y établir en permanence le collège et l’église paroissiale St Basil, sur la propriété de John Elmsley*. Soulerin, en tant que supérieur du collège et curé de la paroisse, en vint à compter de plus en plus sur Vincent, qu’il décrivait comme étant, « de tous ses confrères, celui qui a[vait] le meilleur esprit, qui se t[enait] le mieux à son affaire, se plai[sait] et se fai[sait] avec les élèves, et a[vait] conservé la piété première ». À partir de 1857, Vincent occupa les fonctions d’économe du collège et seconda Soulerin. Mais Vincent se disait indigne de la confiance que son supérieur lui témoignait. En 1856, il avait écrit une lettre au supérieur général des basiliens, dans laquelle il s’accusait de négligence, de tiédeur, de manque de respect de l’autorité et d’une tendance à dormir trop tard le matin ; « je manque, écrivait-il, de cette énergie qui fait les saints ». Il hésitait à prononcer les vœux officiels, introduits dans la communauté en 1852, et les retarda jusqu’à sa visite en France, en 1857.

Après 1865, son énergie et sa maturité furent mises à l’épreuve, lorsque Soulerin fut élu supérieur général de l’ordre des basiliens et retourna à Annonay. Vincent lui succéda comme supérieur du St Michael’s College et comme curé de la paroisse St Basil. Il devenait de fait le chef des basiliens d’Amérique. Les années qui suivirent se révélèrent particulièrement difficiles pour lui, à cause d’une querelle avec l’évêque John Joseph Lynch, qui avait succédé à Charbonnel en 1860.

Lynch, qui avait fondé, en 1856, l’Our Lady of Angels Seminary (qui devint par la suite la Niagara University), dans l’état de New York, se montrait critique et méfiant envers le travail des basiliens à Toronto. Le nœud de ces difficultés était probablement la jalousie de l’évêque pour ce qui touchait ses responsabilités, en particulier son droit et son devoir de surveiller les basiliens de son diocèse ; ces derniers n’avaient pas encore reçu l’approbation papale en tant que communauté religieuse pleinement reconnue, et leur situation légale était par le fait même ambiguë. Dans les années 1860, l’évêque se plaignait de la discipline et de la qualité de l’enseignement au collège, et du fait que les étudiants fussent mêlés aux paroissiens durant la grand-messe. Il refusait aussi d’ordonner de jeunes basiliens, à moins qu’ils ne lui fassent vœu d’obéissance et ne lui prêtent serment de demeurer dans son diocèse. Soulerin trouvait l’attitude de l’évêque déconcertante et gênante. Vincent, plus jeune et plus respectueux que Soulerin, eut plus de succès dans ses relations avec Lynch, mais, en 1872, les difficultés devinrent plus aiguës à l’occasion d’une querelle touchant l’activité d’un des membres de la communauté. En 1874, Lynch, devenu entre-temps archevêque, réclama la destitution de Vincent. Non seulement Soulerin refusa, mais il décida de nommer Vincent provincial, afin de renforcer sa position. Lynch demanda alors à Rome d’intervenir, mais le Saint-Siège adopta une attitude de conciliation ; Vincent resta en place et l’affaire s’arrangea peu à peu.

Vincent était devenu un administrateur compétent. En 1871–1872, il fit agrandir les bâtiments du collège ; ces travaux étaient payés en 1876, en dépit du fait que le gouvernement avait cessé de verser sa contribution annuelle de $3 000 depuis 1869. Puis, pour faire plaisir à l’archevêque, il entreprit d’apporter des modifications à la structure de l’église, agrandissant le chœur, de façon à ce que les étudiants puissent se tenir des deux côtés de l’autel, sans avoir à se mêler aux autres fidèles. Un changement plus important survint en 1881, lorsque le St Michael’s College fut affilié à l’University of Toronto. Cette affiliation était en grande partie l’œuvre du père John Reed Teefy, mais Vincent apporta à son jeune confrère l’aide dont il avait besoin. Tous ces changements semblèrent faire plaisir à l’archevêque qui, à partir de ce moment-là, s’intéressa surtout à ce que les étudiants catholiques tirent parti de ce que leur offrait le St Michael’s College. De toute façon, sa réconciliation avec Vincent avait été consacrée de façon officielle lorsque celui-ci, à l’occasion de son 25e anniversaire d’ordination, en 1878, avait été nommé vicaire général de Toronto.

En tant que supérieur du St Michael’s College, avant même qu’il ne soit nommé provincial en 1874, Vincent avait occupé des fonctions de direction. La seule autre maison qui existait en 1865 était celle d’Owen Sound, dans le diocèse de Hamilton. En 1867, Vincent avait ouvert la première école basilienne des États-Unis, un petit séminaire à Louisville, Ohio ; en 1873, cependant, celui-ci avait fermé ses portes. En 1870, il avait envoyé le père Denis O’Connor* à Sandwich (Windsor), dans le diocèse de London, pour diriger le groupe de basiliens qui prenaient en main l’Assumption College (aujourd’hui rattaché à l’University of Windsor) ainsi que la paroisse. Quatre ans plus tard, l’évêque John Walsh*, de London, en témoignage de la confiance qu’il vouait aux basiliens, les invita, lors de leur querelle avec l’évêque Lynch, à prendre la charge d’une paroisse à Chatham ; celle-ci devait être échangée en 1878 contre celle de St John the Baptist, à Amherstburg. La dernière fondation de Vincent fut celle de la paroisse St Anne, à Detroit, créée en 1886, qui devait être le premier établissement permanent des basiliens aux États-Unis.

Comme le rapporta, en 1892, le livre du jubilé de l’archidiocèse de Toronto, Vincent, en tant que supérieur, pasteur et provincial, avait toujours montré un jugement pratique sûr et prompt et une grande finesse psychologique. Il avait le sens de l’humour et était d’une remarquable simplicité. On sait aussi que ses confrères basiliens le trouvaient doux et gentil, facile d’approche, se faisant davantage aimer que craindre. À cause des responsabilités sans cesse croissantes que lui imposait son poste de provincial, et parce que sa santé laissait de plus en plus à désirer, Vincent abandonna sa charge de curé de St Basil en 1880 et celle de supérieur du St Michael’s College six ans plus tard. Finalement, en 1890, quelques mois avant sa mort, le diabète le força à démissionner de ses fonctions de provincial.

James Hanrahan

Robert Joseph Scollard, de Toronto, possède 61 volumes dactylographiés intitulés « Notes on the history of the Congregation of the Priests of Saint Basil », qu’il a compilés depuis 1928. Les volumes I, VI–IX, XII, XIV, XXIII et XXXIV ont servi à la préparation de cette biographie.

Basilian Arch. (Toronto), A.313, 1852, 51–53 (St Michael’s College, Lettres, 1852–1890).— Univ. of St Michael’s College Arch. (Toronto), Charles Vincent, Letters.— R. J. Scollard, Dictionary of Basilian biography : lives of members of the Congregation of Priests of Saint Basil from its beginnings in 1822 to 1968 (Toronto, 1969).— F. J. Boland, « An analysis of the problems and difficulties of the Basilian fathers in Toronto, 1850–1860 » (thèse de ph.d., univ. d’Ottawa, 1955).— James Hanrahan, The Basilian fathers (1822–1972) : a documentary study of one hundred and fifty years of the history of the Congregation of Priests of St. Basil (Toronto, 1973).— Mary Hoskin, History of St. Basil’s parish, St. Joseph Street (Toronto, 1912).— Jubilee volume, 1842–1892 : the archdiocese of Toronto and Archbishop Walsh, [J. R. Teefy, édit.] (Toronto, 1892).— Charles Roume, Origines et formation de la communauté des prêtres de Saint-Basile : contribution à l’histoire religieuse du Vivarais (Privas, France, 1965).— L. K. Shook, Catholic post-secondary education in English-speaking Canada : a history (Toronto et Buffalo, N.Y., 1971).— « Laudemus viros gloriosos : Charles Vincent, C.S.B., 1828–1890 », Basilian Teacher (Toronto), 4 (1959–1960) : 145–147.— L. K. Shook, « St. Michael’s College : the formative years, 1850–1853 », CCHA Report, 17 (1950) : 37–52.

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James Hanrahan, « VINCENT, CHARLES (baptisé Auguste-Victor-Charles) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/vincent_charles_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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