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QUESNEL, FRÉDÉRIC-AUGUSTE, homme politique, avocat et homme d’affaires, né à Montréal le 4 février 1785, fils de Joseph Quesnel*, musicien et poète, et de Marie-Josephte Deslandes, décédé, le 28 juillet 1866, à Montréal.
La famille de Frédéric-Auguste Quesnel joua un rôle important dans la vie sociale et politique du Québec pendant près d’un siècle. Son père devint une des figures dominantes de Boucherville qui était, à l’époque, un centre de vie sociale française. Parmi les 13 enfants de Joseph Quesnel, deux, Frédéric-Auguste (ou Auguste, comme il s’appelait lui-même) et Jules-Maurice*, eurent une fructueuse carrière en politique et en affaires ; un autre, Joseph-Timoléon, fut mêlé à la rébellion de 1837 ; une de leurs sœurs, Mélanie, épousa successivement Joseph-Michel Coursol, trafiquant de fourrures, et Côme-Séraphin Cherrier*, avocat en vue de Montréal et cousin de Louis-Joseph Papineau*.
Frédéric-Auguste Quesnel fut élevé à Montréal par le beau-père de sa mère, un trafiquant de fourrures nommé Maurice-Régis Blondeau*. Tout comme ses frères, il étudia chez les sulpiciens, à leur collège de Montréal, de 1796 à 1803. Frédéric-Auguste était réputé pour la pureté du français qu’il y avait appris, mais, contrairement à son camarade de classe, Louis-Joseph Papineau, il y avait probablement assimilé également les idées conservatrices que l’on retrouvait chez d’autres anciens élèves des sulpiciens.
Il étudia le droit chez Stephen Sewell*, qui devint par la suite solliciteur général. Lorsqu’il fut admis au barreau en 1807, Quesnel parlait aussi couramment l’anglais que le français. Il exerça comme avocat et, en 1819, il avait ses bureaux sur la rue Notre-Dame. C’est à cette époque qu’il jeta les bases de sa fortune, dans la traite des fourrures, à laquelle son frère s’intéressait de près, et dans diverses spéculations telles que la vente de terrains. Lorsque la guerre éclata en 1812, il était déjà capitaine dans le 5e bataillon, qui, en 1814, devint les Chasseurs canadiens ; en 1830, il fut promu major dans le 4e bataillon de Montréal.
Entre temps, Quesnel était entré à l’Assemblée législative où il représenta, de 1820 à 1834, le comté de Kent (rebaptisé comté de Chambly en 1829). Il s’agissait d’une circonscription représentée par deux députés, et son partenaire fut d’abord Denis-Benjamin Viger puis Louis-Michel Viger*. Orateur au verbe élégant, Quesnel appuya, dans les premières années, le groupe de Papineau et de Denis-Benjamin Viger. En 1822, il signa la pétition contre le projet de loi qui visait à réunir le Haut et le Bas-Canada et, en 1823, il prit la parole au dîner d’adieu qui fut donné en l’honneur de Papineau, avant le départ de celui-ci et de John Neilson* pour l’Angleterre, où ils allaient lutter avec succès contre l’adoption de ce projet de loi.
Au cours des années 1820, Quesnel occupa de nombreuses fonctions gouvernementales d’importance secondaire : en 1821, il fut commissaire pour la localité de Boucherville ; en 1829, il seconda les juges de la Cour du banc du roi, à Montréal, et, en 1830, il fit partie d’une commission chargée de la construction d’une prison. On le retrouve aussi, en 1830, membre du conseil chargé de la construction des églises et des presbytères de Montréal. Durant la session parlementaire de 1829–1830, il dirigea un comité qui avait pour tâche de réviser le système judiciaire et qui recommanda l’institution d’une cour d’appel et de cours de circuit. L’Assemblée approuva le projet mais il fut rejeté au Conseil législatif. En 1831, Quesnel devint conseiller du roi.
De tendance modérée en politique, Quesnel se trouva dans une position de plus en plus difficile au fur et à mesure que les prises de position de Papineau devenaient plus radicales. En 1832, il adopta la position conforme à la constitution, qui voulait que le siège de Dominique Mondelet à la chambre ne soit pas déclaré vacant lors de sa nomination au Conseil exécutif ; les partisans de ce point de vue furent défaits sur cette question par 32 voix contre 27. L’année suivante, lui, John Neilson, Augustin Cuvillier* et d’autres modérés refusèrent d’appuyer une résolution en faveur d’une chambre haute élective. En janvier 1834, Quesnel fit partie du groupe minoritaire qui s’opposa aux radicaux au sujet du discours du trône. La rupture finale eut lieu au moment de la présentation des Quatre-vingt-douze Résolutions. « Pour dire en deux mots ce que j’en pense, déclara-t-il, j’en approuve un grand nombre, j’en réprouve plusieurs, mais prises dans leur ensemble et comme formant un tout, je ne les approuve pas. » D’autres modérés, comme Cuvillier et Neilson, adoptèrent la même position, et Neilson, appuyé par Quesnel, tenta sans succès d’introduire des résolutions plus modérées. Les deux hommes furent désavoués publiquement lors d’une assemblée qui eut lieu à Saint-Athanase-d’Iberville (Iberville, Québec). Aux élections suivantes, Louis Lacoste*, soutenu par Papineau, enleva à Quesnel le siège de Chambly. Neilson, Cuvillier et d’autres modérés disparurent également de l’Assemblée.
Mais la carrière politique de Quesnel n’était pas terminée et, en 1836, il fut élu au conseil chargé d’administrer l’école normale de Montréal nouvellement créée et à l’élection duquel catholiques et protestants avaient participé. Comme Papineau et le docteur Edmund Bailey O’Callaghan* avaient également été élus, les discussions qui se tinrent à cette occasion avaient des résonances politiques. En même temps, Quesnel cherchait à préserver certains droits seigneuriaux du séminaire de Saint-Sulpice qui faisaient l’objet de contestation. Des pétitions, adressées aux gouverneurs successifs et dont il fut un des principaux auteurs, aboutirent, en 1840, à la confirmation de la plupart des droits réclamés par les sulpiciens. Entre temps, devant l’aggravation de la situation politique en 1837, Quesnel, George Moffatt et Clément-Charles Sabrevois de Bleury organisèrent, le 6 juillet, une assemblée publique en faveur du gouvernement. En septembre, le gouverneur lord Gosford [Acheson*] nomma Quesnel au Conseil exécutif.
Lorsque la rébellion éclata, le frère de Quesnel, Joseph-Timoléon, fut forcé de s’enfuir de L’Acadie, où il était médecin, pour venir à Montréal, et il dut abandonner sa charge de magistrat. À cette époque, les Patriotes avaient rejeté Frédéric-Auguste qu’ils traitaient de vendu. Il n’avait cependant pas perdu son autorité : en mars 1840, à la tête d’une délégation de 300 personnes, il présenta au gouverneur Charles Edward Poulett Thomson* une pétition soutenue par 6 370 signataires s’opposant à l’union du Haut et du Bas-Canada.
En 1841, Quesnel fut élu, sans contestation, député du comté de Montmorency, avec un programme anti-unioniste. Thomson (devenu lord Sydenham) le classait parmi les députés qui s’opposaient constamment à sa politique. À l’Assemblée, Quesnel appuya Neilson et Robert Baldwin* qui protestaient contre l’Union et, plus tard, Louis-Hippolyte La Fontaine et Baldwin, au moment de leur démission en 1843. Pourtant, au cours des mois qui suivirent, certains craignirent que, sous les pressions de Denis-Benjamin Viger, il n’appuie le gouvernement tory qui avait pris le pouvoir. Aux élections de 1844, il fut battu dans le comté de Montmorency par un autre modéré, Joseph-Édouard Cauchon*.
Mais, une fois de plus, cette défaite ne marqua pas la fin de sa carrière politique car, en 1845, Quesnel fut nommé membre de l’Institution royale pour l’avancement des sciences. En 1845–1846, il fit partie de la commission d’enquête sur le bureau des Travaux publics [V. Hamilton Hartley Killaly*] ; le rapport de cette commission amena une réorganisation de ce département. Le fait que le leader tory William Henry Draper* recommanda sa nomination au Conseil législatif en 1847 mais que ce furent finalement La Fontaine et Baldwin qui le désignèrent en septembre 1848 montre bien sa position intermédiaire. Il siégea à la Chambre haute jusqu’à sa mort. En tant que membre de cette chambre, Quesnel appuya énergiquement le projet de loi de 1849 pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion et condamna le Manifeste annexionniste qui le suivit. Il fut toujours d’avis que l’annexion aux États-Unis ne vaudrait pas mieux que la domination britannique. Au cours du combat pour l’abolition de la tenure seigneuriale, en 1854, Quesnel, qui était très lié aux sulpiciens et à l’Hôtel-Dieu de Montréal, en tant que locataire, puis propriétaire du fief de Saint-Joseph, s’efforça naturellement d’obtenir une indemnisation satisfaisante pour les seigneurs. Bon nombre de ses suggestions furent adoptées dans la législation finale. Pendant les quelques années qui suivirent 1857, il fit partie de la commission de la frontière entre le Bas et le Haut-Canada.
Quesnel connut également une carrière extrêmement florissante en affaires. Il devint un des administrateurs de la Banque du Peuple vers 1848 et, sous sa présidence, de 1859 à 1865, celle-ci traversa une période d’expansion constante. En 1864, il voulut, semble-t-il, liquider ses possessions et vendit, pour $100 000, à William Workman* et Alexandre-Maurice Delisle* un terrain qui devint l’emplacement de la ville de Sainte-Cunégonde (annexée plus tard à Montréal). Il avait été un membre actif de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal avant d’être élu à sa présidence en 1860.
Ses traits puissants, sa chevelure abondante et ses favoris donnent à son portrait un air d’autorité. Il eut longtemps un grand train de maison sur la rue Saint-Antoine, alors à la mode, mais sa vie personnelle fut marquée d’événements malheureux. Il avait épousé en 1813, à Boucherville, Marguerite Denaut. Elle mourut en 1820, et leurs deux fils ainsi que leurs trois filles le précédèrent également dans la tombe. L’importante fortune de Quesnel revint en grande partie à son neveu, Charles-Joseph Coursol*.
La carrière politique de Frédéric-Auguste Quesnel illustre bien les problèmes auxquels un modéré devait faire face, dans les tensions des années 1830 et 1840. L’influence qu’il exerça ultérieurement fait ressortir une réalité souvent laissée dans l’ombre : les partisans de la réforme qui s’opposèrent néanmoins à Papineau eurent souvent une carrière politique réussie après la rébellion. Les réalisations de Quesnel dans le commerce et le domaine financier démontrent, d’autre part, la possibilité pour un Canadien français de faire fortune dans les affaires. On peut voir à quel point Quesnel était respecté et comment il était possible, dans les nouvelles circonstances, de pardonner à de vieux adversaires politiques, en consultant la liste de ceux qui assistèrent à ses funérailles, parmi lesquels on trouve des personnalités aussi diverses que Charles Wilson*, le maire Henry Starnes*, Jean-Baptiste Prat* et celui qui fut parfois l’allié de Quesnel, parfois son adversaire, Louis-Joseph Papineau.
Côme-Séraphin Cherrier, beau-frère de Quesnel, a écrit une « Biographie de l’honorable F.- A. Quesnel », qui parut d’abord dans la Minerve du 5 sept. 1866, avant d’être publiée dans l’Écho du cabinet de lecture paroissial du 15 sept. 1866, et dans l’Opinion publique du 10 oct. 1872. En 1878, Cherrier la fit paraître en brochure sous le titre l’Honorable F.- A. Quesnel (Montréal).
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Frederick H. Armstrong, « QUESNEL, FRÉDÉRIC-AUGUSTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/quesnel_frederic_auguste_9F.html.
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Auteur de l'article: | Frederick H. Armstrong |
Titre de l'article: | QUESNEL, FRÉDÉRIC-AUGUSTE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |