RAYMOND, JEAN-MOÏSE (Jean-Moyse), marchand, manufacturier, officier de milice, homme politique, juge de paix et fonctionnaire, né le 5 janvier 1787 à La Tortue (Saint-Mathieu, Québec), fils de Jean-Baptiste Raymond* et de Marie-Clotilde Girardin ; décédé le 8 février 1843 à Saint-Jacques-de-l’Achigan (Saint-Jacques, Québec), et inhumé à L’Assomption, Bas-Canada.

Jean-Moïse Raymond passa son enfance à La Tortue ; vers 1800, sa famille s’installa à Laprairie (La Prairie). Il fréquenta le collège Saint-Raphaël à Montréal de 1798 à 1805 et entra comme associé dans l’entreprise commerciale de son père avant 1810. Le 20 novembre de cette année-là, il épousa une jeune fille de 16 ans, Archange Denaut, fille d’un marchand de Laprairie. Cette union resserra ses liens commerciaux et sociaux avec la localité. Cependant, le malheur ne tarda pas à le frapper : sa fille unique mourut en 1812 à l’âge de trois mois et Archange la suivit dans la tombe en janvier 1813.

Le 7 octobre 1813, Raymond obtint, avec le grade de major, le commandement de deux compagnies du bataillon de milice de Boucherville qui furent tenues en réserve à la bataille de Châteauguay plus tard dans le mois. L’année suivante, de retour à Laprairie, il reçut de son père, à titre d’avance sur son héritage, un établissement commercial situé en face de l’église paroissiale. Comme il était l’unique fils survivant, Jean-Moïse participait étroitement aux transactions foncières de son père, infirme et atteint d’une maladie chronique, ainsi qu’aux affaires de plus en plus prospères de la Jean-Baptiste Raymond et Fils, qui produisait de la potasse, sciait du bois et vendait des meubles et produits manufacturés aux fermiers locaux contre du blé. Son deuxième mariage, contracté le 5 juin 1815 avec Angélique (Marie des Anges) Leroux d’Esneval, qui avait 18 ans, fut aussi avantageux que le premier ; le père d’Angélique était Laurent Leroux*, marchand de L’Assomption et notable de plus en plus en vue dans la région. Le couple allait avoir 13 enfants, dont 9 parviendraient à l’âge adulte.

Influent et heureux en affaires, Raymond, comme son père, s’intéressait à la politique. En 1822, il milita dans un mouvement organisé notamment par le parti canadien de Louis-Joseph Papineau* pour faire échec à un projet d’union du Bas et du Haut-Canada. Deux ans plus tard, il accédait, à l’Assemblée, au siège électoral de Huntingdon, que son père avait occupé de 1800 à 1808. Il représenta de 1830 à 1838 la circonscription de Laprairie, qu’on avait formée en 1829 à même celle de Huntingdon. Consciencieux député de l’arrière-plan, il assistait régulièrement aux débats (ce que lui permettait la prospérité de ses affaires) en cette époque où l’absentéisme sévissait. Il participa activement aux travaux de comités permanents et spéciaux sur le commerce. Fidèle partisan de Papineau, il appuya le parti patriote (ancien parti canadien) dans tous les votes importants, y compris celui des Quatre-vingt-douze Résolutions en 1834. Cependant, il n’était pas radical et choqua des patriotes plus extrémistes en s’abonnant, en 1832, à un nouveau journal conservateur dirigé par les sulpiciens, l’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, de Montréal [V. Alfred-Xavier Rambau*]. Même s’il représentait l’une des régions les plus agitées de la province, Raymond ne participa, semble-t-il, à aucune des assemblées locales de mobilisation tenues par les patriotes à l’automne de 1837, et il déconseilla probablement le recours à la violence. En 1830, il était devenu juge de paix du district de Montréal ; en 1831, on l’avait nommé inspecteur d’écoles dans le comté de Laprairie.

Raymond avait pris les rênes de l’entreprise familiale à la mort de son père, en 1825, et il la maintint à Laprairie jusqu’à la fin des années 1830. Toutefois, de maigres récoltes dues à la maladie, des difficultés de crédit et les ravages causés par les rébellions de 1837–1838 lui infligèrent de lourdes pertes. En 1839, il liquida l’entreprise et installa sa famille à L’Assomption, où il avait obtenu une terre de Leroux. La même année, il ouvrit une distillerie de whisky, probablement à Saint-Jacques-de-l’Achigan. Comme le crédit était toujours difficile à obtenir, il avait du mal à régler ses factures ; l’un de ses beaux-frères, Joseph Masson, protesta en 1839 et 1840 parce qu’il n’avait pas honoré des billets à ordre et refusa de lui consentir d’autres avances. L’année suivante, à l’occasion des premières élections tenues sous la nouvelle constitution de l’Union [V. Charles Edward Poulett Thomson], Raymond fut élu par acclamation dans la circonscription de Leinster. Avec Austin Cuvillier, John Neilson, Augustin-Norbert Morin*, Frédéric-Auguste Quesnel* et Denis-Benjamin Viger*, entre autres, il dénonça maintes fois l’Union. Cependant, en janvier 1842, peut-être pour des raisons financières, il quitta son siège pour accepter le poste rémunéré de registrateur du comté de Leinster.

Un peu plus d’un an après sa nomination, Jean-Moïse Raymond succomba à la suite d’une « courte mais violente maladie » et fut inhumé en l’église paroissiale de L’Assomption. Au fil du temps, le remariage de sa mère et les mariages de quelques-unes de ses sœurs l’avaient apparenté à plusieurs personnalités de la région de Laprairie et d’ailleurs dans la colonie, notamment Masson, Edme Henry, Paul-Théophile Pinsonaut*, notaire et homme d’affaires, Pierre-Joseph Godefroy de Tonnancour, avocat et député de Trois-Rivières, et John William McCallum, avocat et major dans la milice. La vie de Raymond, par sa remarquable continuité avec celle de son père, présente bien des traits qui caractérisaient l’élite bas-canadienne des localités et des régions. Ses enfants, par leur vie professionnelle et leur mariage, maintinrent ou consolidèrent la position sociale de la famille. Deux de ses fils devinrent marchands, un autre avocat ; parmi ses filles, l’une épousa un notaire, une autre l’avocat Magloire Lanctôt* tandis qu’une troisième devint religieuse à l’Hôtel-Dieu de Montréal.

Alan Dever

ANQ-M, CE1-2, 20 nov. 1810 ; CE1-54, 5 janv. 1787 ; CE5-14, 5 juin 1815, 11 févr. 1843 ; CN1-32, 1837–1840 ; CN1-134, 1828–1840 ; CN1-199, 1832 ; CN1-299, 1836 ; CN1-380, 1840 ; CN1-394, 1833–1836.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1825–1837.— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. des journaux, 1843, app. F.— Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Abbott Gibbs et al.), 1–2.— L’Aurore des Canadas, 16 févr. 1843.— La Minerve, 13 févr. 1843.— Almanach de Québec, 1814–1825.— F.-J. Audet, « les Législateurs du B.-C. ».— Caron, « Papiers Duvernay », ANQ Rapport, 1926–1927 : 145–258.— Desjardins, Guide parl.— Inventaire des actes notariés du village de Laprairie, 1670–1860, Michel Aubin, compil. (s.l., 1975).— Mariages de Laprairie (N.-D.-de-la-Prairie-de-la-Madeleine), 1670–1968, Irenée Jeté et Benoît Pontbriand, compil. (Québec, 1970).— Mariages du comté de L’Assomption (du début des paroisses à 1960 inclusivement) (3 vol., Montréal, 1962).— P. G. Cornell, The alignment of political groups in Canada, 1841–1867 (Toronto, 1962), 5.— Henri Masson, Joseph Masson, dernier seigneur de Terrebonne, 1791–1847 (Montréal, 1972).— Benjamin Sulte, la Bataille de Châteauguay (Québec, 1899).— J.-J. Lefebvre, « Jean-Baptiste Raymond (1757–1825), député de Huntingdon (Laprairie), 1800–1808 », BRH, 58 (1952) : 59–72 ; «Jean-Moïse Raymond (1787–1843), premier député de Laprairie (1824–1838), natif du comté », BRH, 60 (1954) : 109–120.

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Alan Dever, « RAYMOND, JEAN-MOÏSE (Jean-Moyse) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/raymond_jean_moise_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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