PERRAULT, JACQUES, dit Perrault l’aîné, négociant, né à Québec le 2 juin 1718, fils aîné de François Perrault* et de Suzanne Pagé, dit Carcy ; il épousa Charlotte, fille de Pierre Boucher* de Boucherville, le 20 octobre 1749 à Québec ; décédé à Québec le 20 mars 1775.

Presque tous les membres de la famille de Jacques Perrault s’occupèrent de commerce. Le père, François Perrault, s’était établi à Québec comme marchand vers 1714 et tous ses fils, à l’exception de Joseph-François, qui entra dans les ordres, œuvrèrent dans le monde des affaires : Guillaume-Michel se réfugia à La Rochelle, France, en 1760, puis s’établit à la Martinique pour y refaire sa fortune ; Jean-Baptiste travailla à l’exploitation des forges du Saint-Maurice avec l’un de ses oncles ; Louis-François seconda Jacques à Québec jusqu’en 1760 et se lia par la suite à Haldimand, qui étendit sa protection à toute la famille Perrault.

Jacques Perrault ne jouissait pas d’un statut social élevé à sa naissance, mais son travail, la richesse qu’il put acquérir et ses relations contribuèrent à son ascension. Ayant reçu une solide formation académique – l’examen de sa correspondance le prouve – il fut aidé par son père, qui l’associa en 1740 au bail à ferme du poste de la rivière Nontagamion (Nétagamiou), sur la côte du Labrador. Il fut favorisé par un mariage avantageux avec la fille du coseigneur de Boucherville, s’alliant à des personnages haut placés dans l’administration de la colonie et à des familles connues dans le monde des affaires. La haute société, le gouverneur La Jonquière [Taffanel*] et l’intendant Bigot en tête, assista à la signature de son contrat de mariage. Il devint un intermédiaire de confiance, élargit le cercle de ses relations d’affaires et porta ses opérations commerciales à un niveau remarquable, traitant avec les plus grands personnages français puis britanniques du Canada entre 1750 et 1775. C’est de lui, par exemple, que Murray acheta une maison en 1764.

La recherche de la sécurité semble avoir guidé Perrault dans le choix de ses investissements. Il s’occupa de la traite des fourrures et de la pêche, tint un « magasin général » où il écoulait les marchandises qu’il importait de France et des Antilles, acheta des terres et des emplacements, se fit construire des bateaux, prêta de l’argent, sans négliger le lucratif commerce de l’eau-de-vie. La diversité de ces fonds, outre qu’elle créait plusieurs possibilités de profit, permettait l’interdépendance ou le cloisonnement des secteurs d’activité, au gré de l’homme d’affaires, selon les avantages ou les risques de la conjoncture économique. Ses principaux correspondants français résidaient à Paris, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Le Havre et aux Antilles.

Jacques Perrault eut à souffrir de la guerre et du siège de Québec : son commerce fut suspendu, sa maison détruite, et il dut se réfugier à Trois-Rivières avec sa famille. Au lendemain de la défaite militaire, Perrault, qui était greffier de la Maréchaussée et marguillier de la fabrique de Notre-Dame depuis 1758, hésita sur le parti à prendre. Il décida finalement de rester au Canada, car la vie s’annonçait plus aisée dans une colonie dirigée par les Anglais que dans une métropole ruinée et embarrassée par les « revenants ». Il n’eut pas à le regretter. Dès 1760, il put correspondre avec Denis Goguet, son plus important associé en France, par la voie de la Nouvelle-Angleterre puis par Londres, où il trouva un nouvel associé digne de confiance. Plus d’une vingtaine d’émigrés lui confièrent à cette époque la gestion de leurs avoirs au Canada et il administra ainsi près de 150 000# de biens.

Grâce à un chiffre d’affaires annuel variant de 250 000# à 300 000#, Perrault accumula assez de biens pour laisser en héritage une fortune d’environ 150 000#, tous frais de succession et toutes dettes payés, incluant la maison de la rue Saint-Pierre à Québec qu’il tenait de son père, un lot de grève non loin de là, une maison et des terres dans la baronnie de Longueuil. Au commerçant actif succéda sa veuve, dame de la haute société, qui reçut la moitié du legs et transforma radicalement la nature des avoirs de la communauté en abandonnant toutes les entreprises et en laissant en valeurs mobilières plus de vêtements et d’argentene que tout autre bien. Les enfants, pour leur part, ne tirèrent pas grand profit de l’héritage : alors au nombre de 11, ils se partagèrent l’autre moitié, ne recevant qu’un peu moins de 7 000# chacun. Les rigoureux principes égalitaristes de la Coutume de Paris en ce qui concerne le partage des biens touchèrent les héritiers Perrault comme tous les autres. Cette importante dispersion des capitaux à chaque génération – qui risquait d’être néfaste aux hommes d’affaires canadiens – incita les enfants de Jacques Perrault à se tourner vers l’administration ou vers la prêtrise plutôt que de tenter de suivre les traces de leur père dans les affaires : citons Jacques-Nicolas*, d’abord marchand, qui devint seigneur, député, puis membre du Conseil législatif ; Charles-François, décédé en 1794, et Charles, décédé en 1793, qui furent tous deux prêtres ; Jean-Olivier*, avocat, juge de la Cour du banc du roi, qui fut membre des conseils législatif et exécutif.

Jacques Mathieu

Le lecteur pourra consulter une bibliographie détaillée dans Jacques Mathieu, « Un négociant de Québec à l’époque de la Conquête : Jacques Perrault l’aîné », ANQ Rapport, 1970, 27–82.  [j. m.]

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Jacques Mathieu, « PERRAULT, JACQUES, dit Perrault l’aîné (1718-1775) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/perrault_jacques_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
Date de consultation:    1 décembre 2024