LIÉNARD DE BEAUJEU DE VILLEMONDE, LOUIS (baptisé Louis-Joseph), officier dans l’armée et dans la milice, seigneur, né le 16 septembre 1716 à Montréal, troisième fils de Louis Liénard* de Beaujeu et de Thérèse-Denise Juchereau de Saint-Denys, née Migeon de Branssat ; décédé le 5 juin 1802 à Cap-Saint-Ignace, Bas-Canada.
Issu d’une famille noble qui avait une longue tradition militaire, Louis Liénard de Beaujeu de Villemonde reçut une commission d’enseigne en second dans les troupes de la Marine en 1732 et fut promu enseigne en pied six ans plus tard. En 1741, il servait au fort Saint-Frédéric (près de Crown Point, New York) et, en 1743, au fort Niagara (près de Youngstown). L’année suivante, il reçut une commission de lieutenant. Avec son frère, Daniel-Hyacinthe-Marie Liénard* de Beaujeu, il s’embarqua en juin 1746 pour participer à l’expédition de Baie-Verte (Nouveau-Brunswick), sous les ordres de Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay*. Le 22 septembre, ce dernier l’envoya prendre les ordres, pour ses troupes, du duc d’Anville [La Rochefoucauld*], lequel était venu de France avec des forces considérables pour chasser les Britanniques de l’Acadie. Beaujeu participa à la bataille de Grand-Pré (Nouvelle-Écosse), le 11 février 1747, contre le lieutenant-colonel Arthur Noble*. Au cours de la campagne d’Acadie, Beaujeu, qui était un catholique pieux, tua un soldat britannique, lui aussi catholique ; selon l’écrivain Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé, Beaujeu, souffrait encore de cet incident à la fin de sa vie.
À Québec, le 18 juillet 1747, Beaujeu épousa Louise-Charlotte Cugnet, fille de François-Étienne Cugnet*, membre du Conseil supérieur. Un an plus tard, il était à faire rapport sur les fortifications du fort Saint-Jean, sur le Richelieu, quand il fut rappelé à Québec pour les funérailles de sa femme, décédée en donnant naissance à leur fille, Julie-Louise. Promu capitaine en 1751, Beaujeu remplaça Pierre Gaultier* de Varennes et de La Vérendrye ; il fut nommé commandant des postes de Kaministiquia (Thunder Bay, Ontario) et de Michipicoton (Michipicoten River). Le 22 février 1753, à Québec, il épousa Geneviève Le Moyne de Longueuil, âgée de 17 ans, fille de Paul-Joseph Lemoyne* de Longueuil ; ils allaient avoir sept enfants. Au mois de juillet de la même année, Beaujeu se trouvait à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), où il avait été nommé commandant, mais, dès le 15 octobre, il commandait le fort de la Presqu’île (Erie, Pennsylvanie). Il était de nouveau commandant à Michillimakinac en mai 1754, mais il ne semble pas y être resté longtemps.
Le 20 juillet 1755, Beaujeu se fit concéder la seigneurie qui devait porter son nom sur la rive ouest du lac Champlain, mais cette concession, apparemment, ne reçut pas la confirmation royale. En juillet 1756, il était au fort Carillon (près de Ticonderoga, New York), et, le 30 du même mois, François de Lévis* l’envoya à la tête de 100 Canadiens et de 120 Indiens, avec mission de faire des prisonniers sur la route qui allait du fort Lydius (appelé aussi fort Edward ; aujourd’hui Fort Edward) au fort William Henry (appelé aussi fort George ; aujourd’hui Lake George). Il s’empara, dans une embuscade, de six hommes d’un détachement d’avant-garde, mais les Indiens placés sous ses ordres l’empêchèrent d’attaquer le gros de la troupe. Cette action lui valut de vives louanges dans une lettre que Lévis adressa au gouverneur Vaudreuil [Rigaud*].
Beaujeu commandait de nouveau à Michillimakinac en 1757, et il se vit décerner la croix de Saint-Louis en février 1759. On rapporte qu’il s’enrichit en faisant la traite à Michillimakinac, bien qu’une telle activité fût défendue aux commandants des forts. En mai et juin 1758, il avait engagé, à Montréal, cinq hommes pour transporter des marchandises de traite à son usage. En octobre 1759, sa femme fut blâmée d’avoir abusé des services de protection pour l’envoi à Montréal de biens personnels provenant de la ville de Québec tombée aux mains de l’ennemi. Elle avait fait charger, à bord des barques, des coffres, dont « plus de la moitié [... étaient] sûrement des marchandises, où il y [avait] à gagner trois ou quatre cents pour cent ». En juillet 1760, Beaujeu engagea deux hommes à Montréal pour transporter des marchandises de traite à Michillimakinac. Juste avant la chute de Montréal, en septembre, le gouverneur Vaudreuil lui envoya, par Charles-Michel Mouet* de Langlade, à qui on avait confié le commandement de Michillimakinac, l’ordre de se retirer au pays des Illinois. Beaujeu partit en octobre avec 4 officiers et 128 hommes, puis il hiverna à la rivière à la Roche (rivière Great Miami, Ohio) ; les Sauks et les Renards l’obligèrent à trafiquer contre des vivres pour ses hommes toutes ses marchandises, dont il estima plus tard la valeur à plus de 65 000#. Il arriva au fort de Chartres (près de Prairie du Rocher, Illinois) en 1761, où ses hommes furent placés en garnison. Sur la fin de l’année, il s’était embarqué, à La Nouvelle-Orléans, pour la France. L’année suivante, il était à Kaskaskia (Illinois), et, la guerre de Sept Ans terminée, il passa l’hiver de 1763–1764 au fort de Chartres, usant de l’influence de l’armée française pour amener les Indiens à mettre fin à leurs hostilités avec les Britanniques. En 1767, on le disait résident du « Missisipi ».
En octobre 1769, la femme de Beaujeu, à la suite d’un accord avec son frère Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, devenait propriétaire de la seigneurie de l’Île-aux-Grues, de l’Ile-aux-Oies et des îles adjacentes, où les Beaujeu allèrent vivre alors. Beaujeu fit construire un manoir à l’île aux Grues et s’occupa du peuplement de la seigneurie. Il y était à l’automne de 1775 lorsque l’armée révolutionnaire américaine envahit la colonie [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*]. En mars 1776, avec les Américains qui assiégeaient Québec, le gouverneur Guy Carleton donna commission à Beaujeu, qu’un défenseur de la garnison appelait « ce partisan à la fidélité éprouvée », de lever une troupe de secours parmi les Canadiens le long de la rive sud du Saint-Laurent, en aval de Québec. Beaujeu rassembla une troupe d’environ 150 hommes, mais quand son avant-garde fut faite prisonnière à la maison de Michel Blais*, dans le village de Saint-Pierre-dela-Rivière-du-Sud, il dispersa les hommes qui lui restaient et se cacha. Le fils de Beaujeu, Charles-François, qui faisait partie de la marine française, combattit avec les Américains pendant la révolution.
Apparemment, Louis Liénard de Beaujeu de Villemonde passa les 25 dernières années de sa vie aux prises avec des difficultés financières. Au début des années 1770, il devait £500 à Jacques Perrault*, dit Perrault l’aîné. En février 1779, il vendit sa « grande et belle maison à deux étages » donnant sur la place d’Armes, à Québec. En août 1782, il mit sa seigneurie en vente, mais il ne trouva pas d’acheteur. Deux ans plus tard, il emprunta £144 de Samuel Johannes Holland ; en août 1789, il vendit au marchand Alexander Wilson, pour la somme de £20, les petites îles Patience et au Canot, qui étaient connues sous le nom de fief de Grandville et qui faisaient partie de sa seigneurie. Malgré toutes ses difficultés, Beaujeu n’en continua pas moins de mener la vie d’un seigneur. Ainsi, en novembre et décembre 1788, il avait signé des pétitions qui s’opposaient au mouvement de réforme politique mené par les marchands de la colonie [V. Jean-Baptiste-Amable Adhémar* ; George Allsopp]. En juillet 1790, il fut promu au rang provincial de capitaine et mis sur la liste des militaires à la demi-solde, pour services rendus pendant la Révolution américaine. Lorsque le brigantin Atlas se perdit, en octobre 1790, pendant une tempête au large de l’île aux Grues, Beaujeu accueillit avec générosité l’équipage et les passagers survivants et les logea chez les familles qui habitaient l’île. En juin 1800, il mit de nouveau sa seigneurie en vente, mais il ne l’avait pas encore vendue au moment de sa mort, le 5 juin 1802. Sa succession était à ce point obérée que ses héritiers y renoncèrent. En août 1802, sa seigneurie, alors entièrement peuplée, fut vendue aux enchères publiques ; le marchand Daniel Macpherson s’en porta acquéreur au prix de £2 100.
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David Daniel Ruddy, « LIÉNARD DE BEAUJEU DE VILLEMONDE, LOUIS (baptisé Louis-Joseph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lienard_de_beaujeu_de_villemonde_louis_5F.html.
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Auteur de l'article: | David Daniel Ruddy |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |