GOGUET, DENIS. négociant, receveur des droits de l’Amirauté de Québec et trésorier de France, né en 1704 à La Flotte, dans l’île de Ré, France, fils de Marguerite-Thérèse-Sibylle et de Denis Goguet. marchand : il épousa à Québec le 24 novembre 1738 Louise-Élisabeth, fille de Jean-Joseph Feré Duburon, lieutenant dans les troupes de la Marine, et de Jeanne Durand ; décédé à La Rochelle, France, le 30 janvier 1778.

Denis Goguet fit ses premiers voyages au Canada en 1731 et 1732, comme agent de Simon-Pierre Thiollière, marchand de La Rochelle ; il ne séjourna probablement dans la colonie que pendant les mois d’été. Peut-être n’est-il pas revenu au Canada, du moins comme représentant de Thiollière, l’année suivante, puisqu’en octobre 1733 le procureur de ce dernier à Québec était Jean Taché*, un autre Rochelais. Quelle qu’ait été l’activité de Goguet cette année-là, il était à Québec au printemps de 1734 comme subrécargue à bord du Comte de Toulouse et porteur de connaissements, d’instructions et d’une procuration des frères Pascaud, propriétaires de la plus importante firme rochelaise à commercer au Canada [V. Antoine Pascaud*] ; Goguet s’était fait des relations sur lesquelles il pouvait compter pour une brillante carrière.

Goguet – et c’est ainsi que le qualifie un document de 1734 – était un marchand forain, c’est-à-dire un commerçant de la métropole qui passait chaque été dans la colonie, et parfois l’hiver tout aussi bien, résidant une année chez un marchand établi, et chez un autre la suivante. Mais, les Pascaud faisant au Canada un vaste commerce régulier, Goguet passa l’hiver à Québec plus souvent que nombre d’autres forains et resta de si nombreuses années commissionnaire des Pascaud qu’il devint à tout le moins un semirésidant de la communauté commerciale de la basse ville de Québec. Un document de 1737 lui donne le titre de « négociant à Québec », alors qu’un autre, de l’année suivante, le dit « négociant résidant ordinairement en la ville dela Rochelle de présent En Cette Ville de Québec ». Les relations de Goguet avec le Canada furent renforcées par son mariage à une Canadienne, en 1738. La décennie suivante fournit plusieurs indications de son insertion de plus en plus grande dans la société québécoise : la location d’un banc dans la cathédrale, l’achat d’une maison de titre de propriété se révéla par la suite non valable) et la naissance de huit enfants au Canada, dont trois survécurent à la première enfance.

En 1741, les Pascaud se virent octroyer un monopole de la pêche de la morue et de la chasse du phoque et du morse aux îles de la Madeleine. C’est à Goguet qu’incomba la responsabilité de gérer la « pêche » – comme on disait à l’époque – du phoque et du morse. Un contrat de l’année 1742 esquisse les méthodes d’exploitation de ces « pêches ». Un petit navire partait de Québec chaque mois de septembre avec à son bord un capitaine, un maître des pêcheries, un charpentier de navire, un tonnelier, cinq matelots et un mousse. Tous, à l’exception du mousse, qui touchait un salaire de 120#, se partageaient, pour leur rémunération, un tiers du produit de la pêche, Goguet ayant un droit de préemption sur leur part. En 1744, les Pascaud, dont la haute réputation ne s’était jamais démentie dans le commerce du Canada, se virent accorder le contrat d’approvisionnement du magasin du roi à Québec, qu’ils conservèrent pendant plusieurs années. Le prestige du commissionnaire au Canada était nécessairement fonction de la qualité de ses relations métropolitaines, et le succès des Pascaud contribua, dans les années 1740, à porter Goguet au sommet de sa carrière canadienne. Si le commerce restait la raison d’être de sa résidence au Canada, il ne refusa pas l’honneur d’un poste officiel et fut nommé, le 23 avril 1743, receveur des droits de l’Amirauté de Québec.

Le retour de Goguet en France en 1747 mit fin à sa résidence au Canada ou à tout le moins prépara son départ définitif. Il est certain en tout cas qu’en 1750 il était de nouveau « négociant de La Rochelle » et qu’il avait son propre agent à Québec, qui paraît avoir été Jacques Perrault. Goguet passe pour être devenu le principal destinataire des fourrures canadiennes ; l’intendant Bigot était au nombre de ses clients. La même année 1750, Goguet devint l’un des trésoriers de France, ce qui paraît étonnant dans le cas d’un commissionnaire colonial rentré depuis peu dans la métropole. Le 16 juin 1756, il fut élu syndic des marchands de La Rochelle et, en 1769, il acheta l’office de secrétaire du roi, une sinécure qui comportait de nombreux privilèges et conférait la noblesse héréditaire. Il acquit aussi une propriété foncière, ainsi que l’exigeait son haut rang, en devenant seigneur de La Sauzaie.

Il est impossible de ne pas voir une grande ambition chez Denis Goguet. Au début, sa carrière suit une voie parallèle à celle d’Antoine Pascaud, père de ses propres associés, qui avait, d’une façon semblable, fait sa fortune au Canada, épousé une Canadienne puis transféré ses affaires à La Rochelle. Mais la montée des Pascaud vers les offices prestigieux et la noblesse dura deux générations. La différence entre Goguet et les Pascaud, à cet égard, n’est peut-être pas tant l’indice d’une plus grande habileté chez le premier ou d’aspirations divergentes entre les deux hommes que l’indication du fait que, dans les années 1750, la ligne séparant la noblesse et la grande bourgeoisie commençait à s’effacer.

Dale Miquelon

AD, Charente-Maritime (La Rochelle), État civil, Saint-Jean de La Rochelle, 21 janv. 1778.— ANQ-Q, Greffe de Claude Barolet, 22 oct. 1731, 15 oct. 1734, 18 août 1738, 2 sept. 1742, 18 août 1751 ; Greffe de Nicolas Boisseau, 15 avril, 30 oct. 1741, 30 oct. 1743 ; Greffe de Jean de Latour, 18 nov. 1738, 6 oct. 1740 ; Greffe de Claude Louet, 21 mars, 1er oct. 1765 ; Greffe de J.-C. Panet, 26 juin 1746, 11 oct. 1747, 4 oct. 1753, 8 nov. 1758, 7 oct. 1761, 1er, sept. 1762 ; NF 25, 27, no 1 008.— APC, MG 24, L3 ; Rapport, 1904 ; 1905, I.— P.-G. Roy, Inv. jug. et délib., 1717–1760, III : 61, 233 ; IV : 226 ; V : 144, 161, 195 ; Inv. ord. int., II : 262 ; III : 18, 39, 46, 52, 66, 85.— Tanguay, Dictionnaire, IV : 317.— Frégault, François Bigot, II : 84, 360.— Émile Garnault, Le commerce rochelais art XVIIIe siècle, d’après les documents composant les anciennes archives de la chambre de Commerce de La Rochelle (5 vol., La Rochelle et Paris, 1887–1900), I : 87.— Robert Henri, Les trafics coloniaux du port de La Rochelle au XVIIIe siècle, Soc. des antiquaires de l’Ouest, Mémoires (Angoulême, France), 4e sér., 4 (1960) : 23, 29, 35, 186, 190s.

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Dale Miquelon, « GOGUET, DENIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/goguet_denis_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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