LANGTON, JOHN, colon, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né le 7 avril 1808 à Blythe Hall, près d’Ormskirk, Angleterre, benjamin des quatre enfants de Thomas Langton et d’Ellen Currer ; le 8 mai 1845, il épousa dans le canton de Verulam, Haut-Canada, Lydia Dunsford, et ils eurent six fils, dont Hugh Hornby*, et deux filles ; décédé le 19 mars 1894 à Toronto.

John Langton, disait son père en 1816, était « la petite chose la plus maigre qu’on eût jamais vue, aussi pleine de vivacité que possible, et qui ne bouge[ait] guère qu’en bondissant ou en sautillant ». Marchand à Liverpool, Thomas Langton s’était retiré des affaires pour devenir commanditaire d’une entreprise familiale. En 1815, il entama une longue tournée européenne avec sa famille. En Suisse, John fréquenta à temps partiel la fameuse école de Johann Heinrich Pestalozzi, un ami de son père. Les Langton étaient cependant trop férus de voyages, et sans doute trop conservateurs, pour ne jurer que par les méthodes de ce pédagogue avant-gardiste. Plus souvent, ils faisaient appel aux précepteurs traditionnels des colonies anglaises de Suisse et d’Italie.

Des difficultés commerciales forcèrent Thomas Langton à rentrer en Angleterre en 1820. John retourna donc dans un réseau scolaire qui, allait-il se rappeler, privilégiait l’étude du latin et du grec. En 1826, qui fut à la fois l’année où il entra à la University of Cambridge et une année de récession, son père dut conclure avec ses créanciers un arrangement qui, sans en porter le nom, était en fait une faillite. John, qui était apparemment l’un des enfants les plus choyés de la famille, put terminer ses études à Cambridge grâce à une tante et, en 1833, comme ses perspectives d’avenir étaient limitées, on lui trouva de l’argent pour émigrer. Une fois dans le Haut-Canada, il se lia au groupe de gentlemen britanniques qui s’établissaient comme colons dans les forêts de Peterborough et parmi lesquels se trouvaient Thomas Alexander Stewart*, Charles Rubidge* et James Wallis. Il acheta des terres dans les cantons de Fenelon et de Verulam et se fixa au lac Sturgeon.

La plupart des lettres qui subsistent de Langton datent des années où il vivait en célibataire dans les bois. Sa correspondance révèle un observateur perspicace et réfléchi, de même qu’un bon conteur ; d’ailleurs, il allait toujours avoir le sens de la formule humoristique. En 1837, ses parents, sa tante et sa sœur Anne le rejoignirent sur sa propriété, qu’il avait baptisée Blythe, comme le domaine où il était né. À mesure que son existence s’enlisait dans la routine, il était déchiré entre son attachement pour sa ferme et son désir de satisfaire ses ambitions. Son mariage à Lydia Dunsford, en 1845, ajouta une dimension économique à ces problèmes. Une brève expérience dans le commerce du bois (il fut associé à Mossom Boyd à Bobcaygeon en 1849, puis, de 1851 à 1854, propriétaire des scieries de Blythe, qu’il avait achetées juste avant de s’installer à Peterborough en 1852 et qui ne furent pas rentables) lui confirma qu’une carrière d’entrepreneur forestier n’était pas pour lui. En fait, il avait du talent pour ce vers quoi il se sentait attiré. En qualité de membre de l’élite, il prenait part à toutes sortes d’activités et en était le teneur de livres : régates ou souscription en Angleterre pour l’église anglicane de Fenelon Falls, pour ne mentionner que cela. Quand on forma des conseils de district en 1841, il fut élu dans le canton de Fenelon et, dès 1848, occupait le poste de préfet du district de Colborne. De plus, durant toute cette période, il ne ménagea pas ses efforts pour les conservateurs. Dans les années 1840, il refusa de se présenter à l’Assemblée législative de la province du Canada, mais fut élu dans Peterborough en 1851 et réélu en 1854.

À l’Assemblée législative, comme au conseil de district, Langton s’occupait des finances. Il se fit connaître par ses critiques des comptes publics – ces comptes qui, dit-il en novembre 1854 dans un discours, étaient « plus curieusement compliqués » que ceux de tout autre pays de sa connaissance. Les vérifications superficielles de l’inspecteur général et du Conseil exécutif étaient dénoncées depuis des années, notamment par William Lyon Mackenzie*, et le procureur général John Alexander Macdonald lui-même réclamait des contrôles plus serrés. Reconnaissant sans doute la vivacité d’esprit de Langton ou voyant dans ses propositions la promesse d’une intervention efficace, Macdonald le fit nommer président du nouveau Bureau d’audition créé en 1855.

Langton s’installa donc à Toronto, assuma ses fonctions en octobre 1855 et reçut sa nomination officielle le 27 décembre. À titre de fonctionnaire, il n’eut plus le droit de parler en public à partir du moment où il démissionna de son siège, le 15 février 1856. Cependant, on connaissait déjà son ordre de priorité, et il continuait d’en discuter dans sa correspondance personnelle avec son frère banquier, William. Son but était d’organiser les comptes de manière qu’ils reflètent les dépenses courantes le plus fidèlement possible et que le Parlement puisse adopter des prévisions budgétaires en se fondant sur une connaissance précise des recettes et dépenses de l’année précédente. C’est aussi pourquoi il tentait d’empêcher les départements de devancer le Parlement en dépensant des crédits dont l’affectation n’avait pas encore été autorisée.

Mécontents, des ministres puissants, tel celui des Terres de la couronne, Joseph-Édouard Cauchon*, résistaient aux efforts déployés par Langton pour soumettre les dépenses de leurs départements au contrôle du Parlement. Avec l’appui plutôt tiède de son supérieur, l’inspecteur général William Cayley*, il procéda lentement d’abord. Plusieurs années devaient s’écouler avant que son bureau n’ait un accès illimité aux comptes des départements et que l’on reconnaisse sa vérification comme une opération courante. Pendant ce temps, il profita de ses loisirs pour s’occuper d’enseignement supérieur, qui l’intéressait, et arrondir son revenu en exerçant des fonctions mineures, dont celle d’inspecteur des prisons.

Nommé au « sénat » de la University of Toronto dans les derniers mois de 1855, Langton fut vice-chancelier de 1856 à 1860 et supervisa la construction du University College de 1856 à 1859 [V. Frederic William Cumberland*]. En 1860, avec le professeur Daniel Wilson, il défendit, devant un comité parlementaire, la prétention de l’université à l’exclusivité des subventions gouvernementales, qu’Egerton Ryerson* et d’autres contestaient au nom des collèges confessionnels. Après s’être installé à Québec avec le gouvernement en 1859, il collabora à la Société littéraire et historique de cette ville et en fut président.

En 1866, Langton se trouvait à Ottawa afin de préparer la Confédération. La vérification était désormais bien acceptée, et il cherchait à établir la structure financière qui conviendrait le mieux au dominion. À titre d’arbitre de ce dernier, il négocia, avec les ministres des Finances des colonies, le transfert des comptes qui relevaient des secteurs de compétence fédérale. En outre, il consacra beaucoup de temps à l’énorme problème que posait la répartition de la dette de l’ancienne province du Canada entre le dominion, l’Ontario et le Québec. Une loi sur les revenus et la vérification, adoptée en décembre 1867, créa le Bureau d’audition fédéral, et il fut nommé officiellement vérificateur en mai.

Dès lors, les responsabilités de Langton s’accrurent : il fut membre d’une commission royale d’enquête sur la fonction publique et secrétaire du Conseil du Trésor en 1868, puis, surtout, sous-ministre des Finances à compter de 1870. Cette dernière fonction faisait de lui un proche collaborateur du gouvernement qu’il était censé surveiller à titre de vérificateur. C’était une erreur, comme l’État le reconnut implicitement en séparant les deux postes en 1878. Langton fut mis à la retraite par la même occasion. On lui accorda une généreuse pension, mais il partit dans un climat trouble, car un comité parlementaire lui reprochait de ne pas avoir signalé que son vieil ami sir John Alexander Macdonald avait mésusé du fonds des services secrets. En février 1879, peu après qu’il se fut réinstallé à Toronto, Daniel Wilson nota qu’il était « encore merveilleusement vigoureux mais que la flamme qui l’animait autrefois [était] éteinte ». De 1880 à 1882, il fut président du Canadian Institute.

John Langton sut mettre ses antécédents riches et diversifiés au service de son pays d’adoption. Dans le brouhaha des années qui précédèrent la Confédération, il s’intéressa à une foule de questions et prit le temps de réfléchir aux incidences lointaines de son travail, ce qui ne fut pas le moindre de ses mérites. Grâce à lui, le nouveau dominion adopta des méthodes comptables qui s’appuyaient sur une étude minutieuse des pratiques britanniques et sur des principes formulés avec soin.

Wendy Cameron

Une grande partie de la correspondance de John Langton écrite alors qu’il se trouvait dans le Haut-Canada a été publiée à titre posthume en 1926 sous le titre de Early days in Upper Canada : letters of John Langton from the backwoods of Upper Canada and the Audit Office of the Province of Canada, W. A. Langton, édit. (Toronto).

Son rôle de président de la Société littéraire et historique de Québec est illustré dans les allocutions d’ouverture imprimées dans les Trans. de la société : nouv. sér., 1 (1862–1863) : 1–20, 2 (1863–1864) : 1–34, et 3 (1864–1865) : 1–26. La société a aussi publié plusieurs articles de Langton, y compris « Note on an incident of early Canadian history », 2 (1863–1864) : 67–74, et « Early French settlements in America », 11 (1873–1874) : 37–59 ; d’autres articles de lui sont énumérés dans Morgan, Bibliotheca canadensis.

Il est l’auteur de deux ouvrages qui se rapportent à la University of Toronto : Statement made before the committee of the Legislative Assembly, on the University of Toronto, in reply to those of Rev’d Drs. Cook, Green, Stinson and Ryerson (Toronto, 1860) ; et University question : the statements of John Langton [...] and Professor Daniel Wilson [...] with notes and extracts from the evidence taken before the committee of the Legislative Assembly on the university (Toronto, 1860), ce dernier écrit en collaboration avec Daniel Wilson.

Le Bureau d’audition a publié trois des travaux de Langton concernant les finances gouvernementales, auxquels manquent l’information relative à l’impression, mais qui datent d’environ 1867 : Arbitration between Ontario and Quebec ; Arbitration between Ontario and Quebec [including notes on the statement of affairs] ; et Report of the Board of Audit upon the doubtful points which arise in the settlement of accounts between the dominion and the several provinces. Un ouvrage connexe, publié sous son propore nom, est intitulé Memorandum on the financial operations of the three years since confederation (9 feuilles volantes, s.l., [1870] ; copie à la UTFL) ; le commentaire qu’en a fait Langton à son frère fait partie des Langton family papers (UTA, B65-0014/004 (12)).

Un portrait de John Langton a été publié dans le livre de Thomas Langton, Letters of Thomas Langton to Mrs. Thomas Hornby, 1815 to 1818 ; with portraits, and a notice of his life, [E. J. Philips, édit.] (Manchester, Angl., 1900). Un autre portrait se trouve dans les Langton family papers (B65-0014/004 (18)), et un troisième, peint par Edmund Wyly Grier, se trouve au University of Toronto’s University College.

AN, RG 19 ; RG 58, B, 10, minutes for 1855–1858, 1866 ; RG 68, General index, 1841–1867.— AO, MU-1690–1691.— Lancashire Record Office (Preston, Angl.), PR 2886/8 (St Peter and St Paul’s Church (Ormskirk), reg. of baptisms), 24 mai 1808.— UTA, A70-0005, 1857–1861 ; B65-0014/003–004.— York County Surrogate Court (Toronto), nos 9873, 10239 (mfm aux AO).— Canada, chambre des Communes, Journaux, 1877, app. 2 ; Parl., Doc. de la session, 1869, no 19.— Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Abbott Gibbs et al.), 11–12.— Anne Langton, A gentlewoman in Upper Canada ; the journals of Anne Langton, H. H. Langton, édit. (Toronto, 1950 ; réimpr., 1967) ; The story of our family (Manchester, 1881).— J. A. Macdonald, The letters of Sir John A. Macdonald, J. K. Johnson et C. B. Stelmack, édit. (2 vol., Ottawa, 1968–1969), 1 : 236–238.— [Egerton] Ryerson, Dr. Ryerson’s reply to the recent pamphlet of Mr. Langton & Dr. Wilson, on the university question, in five letters to the Hon. M. Cameron, M.L.C. [...] (Toronto, 1861) ; University question : the Rev. Dr. Ryerson’s defence of the Wesleyan petitions [...] in reply to Dr. Wilson and Mr. Langton [...] (Québec, 1860).— The valley of the Trent, introd. d’E. C. Guillet, édit. (Toronto, 1957).— J. E. Hodgetts, Pioneer public service : an administrative history of the united Canadas, 1841–1867 (Toronto, 1955).— Peter Smith, Short history of Lathom (Lathom, Angl., 1982).— Norman Ward, The public purse : a study in Canadian democracy (Toronto, 1962).— H. R. Balls, « John Langton and the Canadian Audit Office », CHR, 21 (1940) : 150–176.— P. A. Baskerville, « The pet bank, the local state and the imperial centre, 1850–1864 », Rev. d’études canadiennes, 20 (1985–1986), no 3 : 22–46.

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Wendy Cameron, « LANGTON, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/langton_john_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    28 novembre 2024