NEED, THOMAS, homme d’affaires, fonctionnaire, magistrat stipendiaire, officier de milice, journaliste et auteur, né le 14 mars 1808 à Mansfield Woodhouse, Angleterre, troisième fils de John Need et de Mary Welfitt ; le 23 mai 1850, il épousa à Balderton, Nottinghamshire, Angleterre, Elizabeth Anne Godfrey, et ils eurent une fille ; décédé le 8 mars 1895 à Nottingham, Angleterre.
Thomas Need connut une enfance aisée dans une région où sa famille pouvait retracer ses origines jusqu’au début du xvie siècle. Son père, propriétaire campagnard, faisait partie de la magistrature locale. L’éducation de Thomas suivit la tradition familiale : à 11 ans, il entra à la Rugby School et, en 1830, il avait obtenu sa licence ès arts du University College d’Oxford. Nullement attiré par les professions militaires et commerciales qui étaient de tradition chez les Need, il ne voulait pas non plus œuvrer dans l’Église d’Angleterre comme on le faisait chez les Welfitt ; il choisit donc d’immigrer dans le Haut-Canada, comme d’autres gentilshommes de sa condition. C’est ainsi qu’il arriva à York (Toronto) à la fin de mai 1832 et s’établit dans le canton de Verulam, près de Peterborough, au mois d’avril suivant.
La modeste fortune et le talent de Need allaient lui garantir un rôle important dans cette région de colonisation. Il s’associa à George Strange Boulton*, avocat et homme politique de Cobourg, pour acheter des terrains. En 1833–1834, il fut un membre important de la commission gouvernementale chargée de surveiller la construction de la première écluse du canal Trent, à l’endroit qui allait devenir Bobcaygeon. En 1834, il fonda le village et fit ériger à côté de l’écluse les bâtiments distinctifs de tout établissement de pionniers : une scierie, un moulin à farine et un magasin général. Nommé magistrat stipendiaire de la Cour des requêtes en 1835, il verra son mandat renouvelé deux ans plus tard. En janvier 1836, il devint le premier greffier de Verulam. En 1841, il représenta cette région dans le district récemment formé de Colborne, mais la surdité qui le gagnait l’obligea à abandonner ce poste. Il se porta aussi volontaire à titre de lieutenant dans la milice et, entre 1838 et 1842, il fut parfois correspondant du Cobourg Star pour les affaires de la région.
Lorsqu’on détourna l’eau de sa scierie pour réparer le canal en 1837, Need en profita pour retourner en Angleterre. Poussé par l’intérêt que suscitaient son expérience canadienne et les récits de voyage exotiques, il prépara, avec l’aide d’un ami d’Oxford, un livre inspiré de son journal. Comme il souhaitait incorporer certaines touches fantaisistes à son récit autobiographique, il décida de ne pas lui donner le titre de son journal entièrement factuel, « Woodhouse » – du nom de la maison de son enfance en Angleterre et de sa cabane de rondins au Canada –, et de le publier sans nom d’auteur. Six years in the bush [...], qui parut en 1838, est un coup d’œil rapide et enthousiaste sur l’histoire d’un homme instruit qui s’est bien adapté à la vie dans les régions sauvages. Avec une grande économie de mots, Need parvient à équilibrer les observations fréquentes de ses premières années dans le Haut-Canada et les notes plus rares des dernières années, pendant lesquelles ses obligations augmentaient. Son livre, d’abord annoncé comme une suite de celui de Catharine Parr Traill [Strickland], The backwoods of Canada [...], paru en 1836, obtint une assez bonne presse dans les périodiques britanniques, malgré le grand nombre d’ouvrages publiés sur la vie de pionnier. Un critique fit observer que ce « livre tout simple [était] l’un des plus précieux du genre que l’on ait vus », un autre estimait que « le récit quotidien de ses occupations et de ses divertissements [... était] très intéressant, tant en soi qu’à cause du caractère de l’auteur ». Le livre piqua évidemment la curiosité des voisins cultivés que Need avait dans le Haut-Canada, notamment John et Anne Langton. Celle-ci ne se formalisait pas des « écarts par rapport à l’indéniable » mais n’en considérait pas moins que ce livre était « une bien petite chose pour avoir tant attiré l’attention, d’après ce que l’on peut voir dans les périodiques ». Quoiqu’il ait été parmi les premières œuvres du groupe du lac Sturgeon, le petit livre de Need fut éclipsé par les récits plus longs de la vie dans les bois qu’écriraient d’autres immigrants, dont Frances Stewart [Browne*], Susanna Moodie [Strickland*] et Samuel Strickland*.
Need revint dans le Haut-Canada à l’automne de 1838 et rapporta des exemplaires de son livre à ses amis, auxquels il n’avait rien caché de son aventure littéraire. Stimulé peut-être par l’accueil reçu, il entreprit une série d’essais sur la vie et les gens de son village, qui ne furent cependant jamais publiés. Un héritage de sa tante maternelle en 1843 et la lenteur avec laquelle la région du lac Sturgeon se développait le persuadèrent de retourner en Angleterre, ce qu’il fit de manière définitive en 1847. Il vendit ses biens dans le Haut-Canada ou en confia l’administration à d’autres gentlemen pionniers : Mossom Boyd, John Langton ainsi que Robert et James Frederick Dennistoun. Après son mariage, Need mena une vie élégante et urbaine à Nottingham, tout en trouvant plaisir à débusquer le renard et à se rendre tous les ans en Écosse pour des expéditions de chasse. Intellectuel de nature, il se tourna, avec le temps et la surdité, vers la littérature et la poésie. Il fit un dernier voyage en Ontario au cours de l’été de 1884, sans raison apparente.
La décision que Thomas Need avait pris de publier Six years sous le couvert de l’anonymat, la dispersion de son cercle d’amis du Haut-Canada et son propre retour en Angleterre ont contribué à lui nier sa place dans l’histoire littéraire canadienne durant près d’un siècle. D’ailleurs une bibliographie publiée en 1895 attribuait son livre à Susanna Moodie. William Renwick Riddell*, qui fit des recherches une vingtaine d’années plus tard, découvrit l’identité de Need mais choisit de respecter l’anonymat que l’auteur avait souhaité. Ce n’est qu’après la publication des lettres de John Langton, en 1926, qu’on connut la contribution de Need à la littérature canadienne.
Thomas Need est l’auteur de : Six years in the bush ; or, extracts from the journal of a settler in Upper Canada, 1832–1838 (Londres, 1838 ; réimpr., Bobcaygeon, Ontario, [1981]).
AN, RG 43, CII, 1, 2434 : 216–217 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 490, 503.— AO, MU 2186 ; RG 22, sér. 387, box 1, file 1836(1), Verulam Township minutes, 8 janv. 1836.— Gentleman’s Magazine (Londres), juill.–déc. 1850 : 201.— Anne Langton, A gentlewoman in Upper Canada ; the journals of Anne Langton, H. H. Langton, édit. (Toronto, 1950 ; réimpr., 1967).— John Langton, Early days in Upper Canada : letters of John Langton from the backwoods of Upper Canada and the Audit Office of the Province of Canada, W. A. Langton, édit. (Toronto, 1926).— T. W. Poole, A sketch of the early settlement and subsequent progress of the town of Peterborough [...] (Peterborough, Ontario, 1867 ; réimpr., 1967).— Spectator (Londres), 16 juin 1838 : 572 ; 30 juin 1838 : 614.— Tait’s Edinburgh Magazine, nouv. sér., 5 (1838) : 535–538.— The valley of the Trent, introd. d’E. C. Guillet, édit. (Toronto, 1957).— Cobourg Star (Cobourg, Ontario), 26 sept. 1838, 23 févr., 20 juill. 1842.— Mansfield and North Notts Advertiser (Mansfield, Angl.), 15 mars 1895.— Alumni oxonienses ; the members of the University of Oxford, 1715–1886 [...], Joseph Foster, compil. (4 vol., Oxford, Angl., et Londres, 1888).— Burke’s landed gentry (1900) ; (1937).— Philéas Gagnon, Essai de bibliographie canadienne [...] (2 vol., Québec et Montréal, 1895–1913 ; réimpr., Dubuque, Iowa, [1962]), 1 : 465.— M. L. Walker, A history of the family of Need of Arnold, Nottinghamshire (Londres, 1963).— M. L. Evans, « Preliminary history of Bobcaygeon Lock Station » (miméographie, Parcs Canada, Ontario Region, Trent-Severn Waterway Interpretive Program, Pub., 006, [Cornwall, Ontario, 1983]).— G. H. Needler, Otonabee pioneers : the story of the Stewarts, the Stricklands, the Traills and the Moodies (Toronto, 1953).— W. R. Riddell, « How Englishmen once came to Toronto », Canadian Magazine, 59 (mai–oct. 1922) : 274–276.
Dawn Logan, « NEED, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/need_thomas_12F.html.
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Année de la publication: | 1990 |
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