WENTWORTH, JOHN, avocat, fonctionnaire et homme politique, né vers 1768 à Portsmouth, New Hampshire, fils de Thomas Wentworth et d’Anne Tasker ; décédé vers 1820, probablement à Paris.

John Wentworth est issu de la famille la plus importante du New Hampshire, qui procura à la colonie plusieurs de ses principaux administrateurs. Son père mourut à l’époque de sa naissance et sa mère se remaria en 1770 au capitaine Henry Bellew ; la famille alla s’installer en Angleterre lorsque la Révolution américaine éclata. John fit ses études à l’Inner Temple de Londres et, entre 1797 et 1799, il publia une compilation juridique en dix volumes, toujours connue comme le « Wentworth on Pleading [L’art de plaider de Wentworth] ». L’ouvrage connut une grande popularité au moment de sa parution, mais n’était pas d’une valeur réelle ; même si l’auteur prétendait avoir fait œuvre originale, il n’avait que pigé dans un certain nombre de compilations semblables. Plus tard, un critique déclara que l’ouvrage « n’était aucunement recommandable » et qu’il était « rempli d’inexactitudes ». Cependant ces dix tomes attirèrent l’attention de quelqu’un au ministère de l’Intérieur, si bien qu’en 1799 Wentworth se vit nommer procureur général de l’Île-du-Prince-Édouard pour remplacer Joseph Aplin. Il est possible que le lien de parenté éloignée qui l’unissait au lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, sir John Wentworth, ait aussi favorisé sa nomination.

Devant le grand nombre de plaintes concernant la pratique du droit dans l’île, il semble qu’un homme de la compétence de Wentworth ait dû être hautement recherché par les autorités de Londres. Ayant été nommé après que les bateaux en partance pour Halifax eurent pris la mer en 1799, Wentworth fut forcé de passer par New York et n’arriva à Charlottetown qu’en mai 1800. Le lieutenant-gouverneur Edmund Fanning profita de ce retard pour forcer la nomination de son candidat préféré, le procureur général intérimaire Peter Magowan.

La situation politique et juridique dans laquelle Wentworth s’engagea était embrouillée et complexe. Pendant plusieurs années, quantité de causes furent mises aux oubliettes, en raison principalement de la difficulté d’obtenir justice devant la Cour suprême ; plusieurs des poursuites concernaient la famille de Peter Stewart, lui-même juge en chef, et de son fils Charles, greffier de la cour. Dans sa pratique privée, Wentworth se trouva inévitablement en situation de représenter des ennemis politiques de l’administration tout aussi bien que de nombreux propriétaires et de simples colons qui tentaient de poursuivre en justice les membres du gouvernement hermétique de Fanning. Il s’occupa des causes des propriétaires James William Montgomery, Edward Ellice* et John Macdonald of Glenaladale ainsi que de celles d’un grand nombre d’Acadiens qui s’opposaient à ce que John Stewart* les expulse de leurs terres. Selon John Hill*, on retint les services de Wentworth sur-le-champ pour plus de 200 procès, dont au moins 50 mettaient en cause le juge en chef et sa famille. Wentworth demanda le poste de juge en chef en remplacement de Peter Stewart et il tenta de faire démettre Charles Stewart de ses fonctions de greffier de la Cour suprême, ce qui sema la panique chez les fonctionnaires du gouvernement. À leur grand soulagement, Fanning reçut, en septembre 1800, l’autorisation de nommer Magowan procureur général, le ministère de l’Intérieur ayant tenu pour acquis que le retard de Wentworth à gagner l’île l’empêcherait d’occuper son poste. Même si la lenteur des communications aurait pu justifier que Wentworth conserve son poste, Fanning, dans un tripotage typique de l’île, ne se donna même pas la peine de soumettre son cas et procéda sans plus à sa destitution du conseil. Londres ne tint pas compte des protestations de Wentworth contre la manière dont il avait été traité, probablement parce que le lieutenant-gouverneur réussit à convaincre les autorités britanniques que, comme procureur général, Wentworth avait semé « la discorde jusque-là inconnue ». Après avoir perdu son poste, Wentworth demeura sur place pour régler ses causes ; toutefois, il se vit bientôt accusé de négligence professionnelle par John Cambridge*. Ses partisans affirmèrent qu’il pourrait prouver son innocence devant un tribunal impartial, mais il n’en fut pas moins chassé de l’île tout comme d’autres avant lui. James Douglas écrivit à William Montgomery* qu’à son retour en Angleterre, Wentworth pourrait rapporter « une liste d’actes répréhensibles commis dans l’île qui [le] stupéfierait ».

Plutôt que de retourner en Angleterre pour protester contre la façon dont il avait été traité, John Wentworth se rendit aux États-Unis et pratiqua bientôt le droit à Portsmouth. Le 7 janvier 1802, il épousa Martha Wentworth, petite-fille de l’ancien gouverneur Benning Wentworth. En 1804, il se sentait assez chez lui au New Hampshire pour faire un discours et composer un chant patriotique à l’occasion de la fête nationale du 4 juillet. Son discours appuyait le parti républicain de Thomas Jefferson et s’attaquait violemment au « régime tyrannique et corrompu » de la Grande-Bretagne, sujet que naturellement Wentworth pouvait traiter avec beaucoup de conviction. Toutefois, il ne connut pas une longue période de prospérité à Portsmouth et retourna à Londres en 1816. Il s’installa rue Charles, à Westminster, et occupa les dernières années de sa vie à défendre sa cause misérablement auprès de Whitehall comme loyaliste souffrant d’avoir injustement perdu son poste à l’Île-du-Prince-Édouard. Il mourut vers 1820, probablement à Paris où il écrivit ses dernières pétitions.

J. M. Bumsted

John Wentworth est l’auteur de : A complete system of pleading : comprehending the most approved precedents and forms of practice ; chiefly consisting of such as have never before been printed [...] (10 vol., Londres, 1797–1799) ; An oration, delivered at Portsmouth, New-Hampshire, on the fourth July, 1804 (Portsmouth, 1804) ; et « Patriotic odes ; composed for the national jubilee, July. 4th, 1804 » (affiche, s.l., [1804]) (copie à l’American Antiquarian Soc., Worcester, Mass.).

APC, MG 11, [CO 226] Prince Edward Island A, 17 : 272–277.— PAPEI, RG 6, Supreme Court, docket book, 1788–1843.— PRO, CO 226/1 : 31, 36.— SRO, GD293/2/19/1, 10.— C. H. Bell, The bench and bar of New Hampshire, including biographical notices of deceased judges of the highest court, and lawyers of the province and state, and a list of those now living (Boston et New York, 1895), 726.— John Wentworth, The Wentworth genealogy : English and American (3 vol., Boston, 1878), 554.

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J. M. Bumsted, « WENTWORTH, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wentworth_john_1768_1820_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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