SABATIER, WILLIAM, fonctionnaire, marchand, juge de paix et lobbyist, baptisé le 10 mai 1753 à Londres, fils de Jean Sabatier et de Susanne Pouget ; le 26 octobre 1785, il épousa à Halifax Margaret (Peggy) Hutchinson, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 22 septembre 1826 à Devonport (Plymouth, Angleterre).

En 1817, lord Dalhousie [Ramsay*], alors lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, exprimait le jugement suivant : « Je le [William Sabatier] crois très intelligent, curieux et instruit sur l’histoire et le commerce de cette partie du Nouveau Monde. Ici [à Halifax] on le considère comme un homme très affairé qui se mêle de toutes les affaires, qu’elles soient publiques ou privées. » Cet individu « de grande taille, aux traits assez grossiers, profondément grêlé », était le fils d’un tisserand huguenot. Jeune homme, Sabatier émigra au Maryland, où il s’occupa de commerce et de culture commerciale. Étant loyaliste, il se réfugia à New York après le début de la Révolution américaine et obtint un emploi au commissariat de l’armée britannique. Au début des années 1780, il se rendit à Halifax à titre officiel ; il y retourna en 1785 pour s’établir comme marchand d’huile de baleine. Les pêcheurs qui, encouragés par le gouverneur John Parr*, s’étaient déplacés peu de temps auparavant de l’île de Nantucket, au Massachusetts, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, fournissaient la matière première. La même année, Sabatier épousa la fille (âgée de 19 ans) d’un avocat de la région et ancien haut fonctionnaire de la colonie du Massachusetts. Au cours des années suivantes, il continua de se déplacer ; il séjourna quelque temps à Philadelphie, à New York et à Londres avant de se fixer à Halifax à la fin des années 1790. À cette époque, la pêche à la baleine s’était effondrée en Nouvelle-Écosse, laissant Sabatier sans occupation précise. Mais, le revenu tiré de placements qu’il avait faits en Grande-Bretagne et des relations familiales de la région lui permirent de gagner une place importante au sein de l’oligarchie naissante de Halifax, dominée par les loyalistes, à l’époque où s’exerça l’influence du lieutenant-gouverneur John Wentworth*.

Après 1800, Sabatier concentra ses intérêts d’affaires dans l’immobilier. En association avec son beau-frère Foster Hutchinson fils, il acquit 8 000 acres de terre, dont le domaine de Joseph Scott*, à l’amont du bassin de Bedford, où il construisit une impressionnante résidence d’été en chêne norvégien. Il entreprit dans ce domaine diverses cultures expérimentales, telles que celles du chanvre et des fruits. De même, Sabatier se joignit à un certain nombre de notables de Halifax qui obtinrent, en 1803, une concession de terre de la couronne, d’une superficie de 8 500 acres environ, sur la rivière St Marys, territoire riche en bois, avec des possibilités de peuplement. L’influence dont jouissait Sabatier au sein de l’administration publique l’aida à obtenir plusieurs postes ; il fut commissaire de la Halifax Grammar School en 1802, juge de paix et président de la Halifax Poor House Commission en 1803, et shérif du comté de Halifax en 1814. Il avait tenté aussi de se faire élire à la chambre d’Assemblée en 1811, mais il avait échoué au profit de membres plus populaires de l’oligarchie.

La participation de Sabatier au Committee of Trade de Halifax constitue l’aspect le plus important de sa carrière en Nouvelle-Écosse. Créé en 1804 pour être l’organe de direction de la Halifax Commercial Society, organisme plus vaste qui fut connu par la suite sous le nom de Society for the Encouragement of Trade, Agriculture and the Fisheries, ce comité fut actif durant les 15 années suivantes, en exerçant des pressions pour le compte du groupe des marchands de la région. La parfaite connaissance des affaires et des cercles officiels londoniens que possédait Sabatier, tout comme son propre retrait des activités commerciales (prévenant tout conflit d’intérêts) lui permirent de se faire élire président du Committee of Trade. Il conserva ce poste durant toutes les années où il séjourna en Nouvelle-Écosse.

Sous la direction de Sabatier, le comité se consacrait à la mise en valeur des ressources de la colonie, selon le système du pur mercantilisme. Ses membres affirmaient que l’Amérique du Nord britannique renfermait d’immenses possibilités qui pouvaient se manifester si la Grande-Bretagne voulait seulement protéger les marchands de la concurrence étrangère. Si les Américains étaient exclus de la pêche à la morue, qui se pratiquait au Nord, et du commerce de transport avec les Antilles, ils prédisaient que l’Amérique du Nord britannique deviendrait rapidement une seconde Nouvelle-Angleterre : une base d’approvisionnement et un marché desservant les intérêts de l’Empire. Par conséquent, les membres du comité demandaient certaines mesures comme l’établissement de marchés protégés en Grande-Bretagne pour les produits coloniaux, la permission d’exploiter les gisements de charbon de la Nouvelle-Écosse, le relâchement des contraintes pesant sur le commerce colonial avec l’Europe, la constitution juridique d’une banque à Halifax, et une aide pour la construction d’un canal reliant Halifax à la baie de Fundy. Les arguments qu’ils avançaient et qui étaient réitérés de pétition en pétition furent rassemblés par Sabatier dans une brochure de 75 pages intitulée A letter to the Right Honorable Frederick J. Robinson [...] on the subject of the proposed duties on colonial timber [...] qu’il publia à compte d’auteur à Londres en 1821, trois ans après son retour en Grande-Bretagne.

Le Committee of Trade joua souvent un rôle controversé dans les affaires publiques de la province. Tout le monde s’entendait sur les grandes lignes du programme d’expansion présenté par les marchands, mais plusieurs contestaient le détail et l’ordre de priorité. Plus particulièrement, les porte-parole des fermiers exigeaient des tarifs permettant de réduire l’entrée en Nouvelle-Écosse des denrées alimentaires bon marché provenant des États-Unis. Les marchands s’opposaient à ces tarifs, en affirmant que cela ferait augmenter les coûts de la pêche, compromettant ainsi les efforts de la province en vue de capturer le marché des Antilles britanniques. Les initiatives prises par les membres du comité pour supprimer la contrebande, allouer des primes à la pêche, nommer un représentant de la province à Londres, et créer une banque privilégiée soulevèrent la controverse. Les prises de position devenaient souvent embrouillées mais, en fait, les membres du comité se retrouvaient mêlés au conflit d’intérêts sous-jacent entre les citoyens de Halifax et les habitants des villages de pêcheurs. Sabatier était suffisamment diplomate pour maintenir des relations généralement amicales avec les membres de l’Assemblée et, de temps en temps, il obtenait des subventions qui aidaient le comité à poursuivre son travail. Cependant, il dénonçait en privé les députés, les trouvant « bornés, tendus, inconstants et égoïstes ». De plus, il critiquait sévèrement la masse des fermiers qui dominaient l’électorat, en affirmant qu’ils étaient « les êtres humains les plus imbus de préjugés ».

Ces querelles se révélèrent en fin de compte moins importantes que l’opposition à laquelle le Committee of Trade se heurta à Londres. La doctrine mercantiliste perdit rapidement ses partisans dans la Grande-Bretagne de la période post-napoléonienne. Après 1815, le comité resta sur la défensive ; on le rejeta ou l’on s’en désintéressa. La mort du comité vers 1820 s’explique probablement par ce manque d’efficacité survenu à l’aube de temps durs et marqué par le départ de William Sabatier. À l’époque de sa mort, celui-ci était devenu un anachronisme dans la société métropolitaine. Pourtant, ses idéaux persistèrent au sein de la communauté des marchands de Halifax. Ces entrepreneurs coloniaux demeurèrent de farouches adversaires du libre-échange jusqu’aux années 1850. Ainsi, en fin de compte, Sabatier, le « très affairé » expatrié, incarna des valeurs essentiellement typiques de Halifax.

D. A. Sutherland

William Sabatier est l’auteur de : A treatise on poverty, its consequences, and the remedy (Londres, 1797) ; et A letter to the Right Honorable Frederick J. Robinson [...] on the subject of the proposed duties on colonial timber, and on some other colonial subjects [...] (Londres, 1821) ; on lui attribue également la publication anonyme Hints toward promoting the health and cleanliness of the city of New-York (New York, 1802).

Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 35 : fo 684 ; 36 : fo 179.— PANS, MG 1, 1845, no 5 ; RG 1, 172 : fos 122, 131 ; 173 : fo 274 ; 224, no 154 ; 225, no 20 ; 226, nos 74–75, 79 ; 287, no 171 ; 288, nos 55–56 ; 303, nos 68, 73 ; 304, nos 14, 61, 66, 79 ; RG 32, 135, 26 oct. 1785.— PRO, CO 217/79 : 217, 243 ; 217/84 : 57, 144, 146 ; 217/88 : 3 ; 217/91 : 141.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1790 ; 1803.— Acadian Recorder, 11 nov. 1815, 28 févr. 1818, 21 août 1819, 25 nov. 1826.— Nova-Scotia Royal Gazette, 21 févr. 1786, 17 août 1790, 16 avril 1799, 9 févr. 1804, 11–18 sept. 1811, 6 mai 1812.— Weekly Chronicle, 15 févr. 1811.— Murdoch, Hist. of N.S., 3 : 172.— G. F. Butler, « The early organisation and influence of Halifax merchants », N.S. Hist. Soc., Coll., 25 (1942) : 1–16.— C. B. Fergusson, « William Sabatier – public spirited citizen or meddling busybody », N.S. Hist. Quarterly, 5 (1975) : 203–230.— N.-É., Provincial Museum and Science Library, Report (Halifax), 1934–1935 : 43.

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D. A. Sutherland, « SABATIER, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/sabatier_william_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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