STEWART, CHARLES, fonctionnaire, avocat, homme politique, officier et agent foncier, né vers 1759 à Campbeltown, Écosse, second fils de Peter Stewart et de Helen MacKinnon ; décédé le 6 janvier 1813 à Charlottetown.

En 1775, Charles Stewart accompagna sa famille à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), où son père venait d’être nommé juge en chef. Collectionneur d’emplois publics – agissant souvent comme adjoint et faisant ainsi le travail des autres –, il fut d’abord nommé, en 1784, sous-inspecteur des pins de l’île et sous-chef du rassemblement des troupes licenciées et des Loyalistes dans l’île et en Nouvelle-Écosse. Au cours de cette année-là, il prêta main-forte à son père et à son frère aîné John* qui s’opposèrent avec succès au lieutenant-gouverneur Walter Patterson* lors des élections à la chambre d’Assemblée, et il fut reçu attorney devant la Cour suprême présidée par son père. C’est aussi vers cette époque qu’il épousa Mary Desbrisay, fille de Thomas Desbrisay, consolidant ainsi une alliance (initialement contractée entre sa sœur Margaret et Theophilus DesBrisay*) entre les deux familles les plus grandes et les plus influentes de l’île ; ils eurent 13 enfants.

Au cours du mandat du lieutenant-gouverneur Edmund Fanning, qui dura 17 ans, la carrière de Stewart connut une impulsion considérable grâce aux rapports étroits qui s’établirent entre le clan des Stewart et l’exécutif. D’abord élu à la chambre d’Assemblée en 1790 comme député de la circonscription de Prince, Stewart siégea en 1797 au comité sur la colonisation de l’île, qui recommanda de contraindre les propriétaires à se conformer aux conditions de leurs concessions sous peine de voir leurs lots confisqués et cédés aux résidents de l’île. Cette prise de position lui valut de se faire réélire sans difficulté en 1803 et 1806.

Même si en 1800 le procureur général John Wentworth releva Stewart de ses fonctions de greffier adjoint de la Cour suprême pour négligence à ses devoirs, il n’en demeura pas moins un fonctionnaire important, ayant obtenu les postes de greffier intérimaire du conseil (comme adjoint de son beaupère), coroner de la couronne, greffier aux erreurs, greffier de la Cour de la chancellerie, receveur des taxes intérieures, inspecteur des équipes de travail du service du génie, sous-ingénieur intérimaire et lieutenant (ultérieurement capitaine) dans une des compagnies de fencibles de l’île. Selon un observateur hostile, John Hill*, Stewart fut de « toutes les disputes de l’île », habituellement comme « représentant et commissionnaire du gouverneur chaque fois que celui-ci ne tenait pas à se mêler directement d’un projet qui devait être mis en plan ». La perte de son poste à la Cour suprême s’avéra finalement une bénédiction : en 1802, Stewart agissait de nouveau devant les tribunaux comme attorney et, avec le temps, il gagna la réputation d’être un des avocats les plus compétents de l’île.

En 1804, le frère aîné de Stewart quitta l’île pour devenir trésorier payeur général des forces armées à Terre-Neuve, et Charles devint son adjoint comme percepteur des redevances sur les terres. Les propriétaires absentéistes, de leur côté, eurent recours à lui de plus en plus comme représentant local puisque dès cette époque les Stewart avaient fait la paix avec les propriétaires en Grande-Bretagne et qu’ils étaient devenus les piliers de leur opposition à l’administration du lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres*. Le clan des Stewart et les propriétaires craignaient que DesBarres ne remît en cause la question des terres dans l’île, question qui avait été résolue à leur satisfaction en 1803 par le compromis relatif aux arrérages des redevances sur les terres. En 1807, Stewart fut nommé solliciteur général et, cette année-là, il vit son avenir assuré grâce au propriétaire absentéiste le plus important de l’île, le comte de Selkirk [Douglas], qui commença à lui confier ses affaires. Lors de ses visites dans l’île en 1803 et 1804, Selkirk avait été impressionné par l’efficacité et les connaissances de Stewart à tel point qu’en 1810 il était prêt à confier l’administration de ses nombreuses terres à l’attorney de Charlottetown. Stewart agissait déjà comme représentant de certains groupes, notamment des familles Dundas, Ellice et Montgomery, et son association avec Selkirk en fit, comme on le décrivait en 1810, « le premier représentant du monde des affaires à être aussi un employé dans l’île ».

À la mort du procureur général Peter Magowan en 1810, Stewart paraissait une des personnes toutes désignées pour le remplacer. DesBarres s’y opposa, alléguant que l’instruction qu’il avait reçue dans l’île n’avait pu lui inculquer que « de minces connaissances théoriques et encore moins de connaissances pratiques ». Cependant, les propriétaires britanniques craignaient James Bardin Palmer*, candidat du lieutenant-gouverneur, et, dirigés par Selkirk, réussirent à faire nommer Stewart et à imposer même une enquête sur les Loyal Electors, société que Palmer avait contribué à mettre sur pied. Ce groupe s’était lancé dans la lutte électorale en 1806 contre la clique au pouvoir, appelée « la cabale » par ses ennemis, qui dominait la scène politique depuis plusieurs années et dont le chef reconnu était alors Stewart. Peu de temps après la nomination de Stewart comme procureur général, on trouva à l’entrée de la maison du nouveau titulaire un colis contenant des lettres de change en protêt signées par Palmer, accompagné du message suivant : « Maintenant attaque-le, Amen – Peter M’Auslane Esq. » M’Auslane nia avec véhémence toute participation à l’incident qui néanmoins contribua à la crise politique qui suivit rapidement. Dans des élections chaudement disputées en 1812, Stewart mordit la poussière comme candidat à la chambre d’Assemblée. Par ailleurs, même si les Loyal Electors réussirent à augmenter le nombre de leurs représentants, ils ne purent neutraliser l’influence des propriétaires britanniques : DesBarres fut rappelé en août 1812 et Palmer se vit dépouiller de toutes ses charges publiques. Pendant que se déroulaient ces événements, Stewart reçut l’ordre d’assister à la session de septembre de la chambre d’Assemblée pour répondre de sa conduite. Il refusa, en disant selon un témoin : « si vous croyez que [je vais] assister à la session, vous vous mettez le doigt dans l’œil ». Malade, Stewart devait mourir peu de temps après.

Charles Stewart et son frère John avaient tous deux réussi, grâce à leur association, à faire avancer les intérêts économiques et politiques de leur famille. Contrairement à John, dont la notoriété et le tempérament bouillant lui avaient mérité le sobriquet de « Hellfire Jack » (Jacques, le feu de l’enfer), Charles était un homme qui préférait travailler à l’arrière-scène plutôt qu’à la vue du public. Son ami intime Caesar Colclough*, qui fit le résumé de sa vie, le décrivit comme un homme « parfaitement au fait de la situation et des opinions de chacun des habitants de l’île ». Contrairement à la majorité des hommes politiques de l’île, Stewart était avant tout un organisateur politique qui ne tira jamais profit de ses fonctions. Il mourut sans le sou et sa nombreuse famille dut vivre pauvrement pendant plusieurs années.

J. M. Bumsted

APC, MG 11, [CO 226] Prince Edward Island A, 17 : 437 ; MG 19, E1, sér. 1, 39 : 14929–14931, 14977–15005 (transcriptions) ; MG 23, D1, sér. 1, 25–27 (transcriptions aux PANS).— National Library of Ireland (Dublin), Dept. of mss, ms 20287 (5) (papiers O’Hara), Caesar Colclough à Charles O’Hara, 13 janv. 1813.— PAPEI, RG 3, House of Assembly, Journals, 1812–1813.— PRO, 226/25 : 13, 80.— SRO, GD51/6/1734 ; GD293/2/78/63–64.— Stewart, Account of P.E.I.— Weekly Recorder of Prince Edward Island (Charlottetown), 26 déc. 1811.— D. C. Harvey. « The Loyal Electors », SRC Mémoires, 3e sér., 24 (1930) ; sect. ii : 101–110.— MacNutt, « Fanning’s regime or P.E.I. », Acadiensis (Fredericton), 1, no 1 : 37–53.

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J. M. Bumsted, « STEWART, CHARLES (mort en 1813) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stewart_charles_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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