DOUGLAS, JAMES, fonctionnaire et agent foncier, né vers 1757 à Édimbourg, fils de John Douglas, écrivain, et frère cadet de John fils, qui allait devenir un avocat bien connu d’Édimbourg ; décédé le 26 septembre 1803 à l’Île–du–Prince–Édouard.

Après avoir fait des études commerciales, James Douglas passa quelque temps dans le bureau de comptabilité de la Sibbald and Company, marchands de Leith, en Écosse, qui commerçaient avec les Antilles. En 1779, il immigra en Amérique où il s’engagea, à titre de commis, pour une firme de trafiquants qui travaillaient dans la région pionnière située entre la rivière Niagara et la rivière de Detroit Compétent, honnête et tout à fait calviniste d’allure, il se plaignit en 1781 au gouverneur Haldimand que William Taylor et George Forsyth, ses employeurs du fort Niagara (près de Youngstown, New York), étaient impliqués avec le colonel Guy Johnson*, surintendant des Six–Nations, dans une vaste fraude relative aux présents du gouvernement destinés à des tribus indiennes amies. Les détournements de fonds, qui s’étaient étendus sur plusieurs années, avaient rapporté à leurs auteurs une somme nette de plus de £15 000. Douglas se rendit à Montréal en 1781 et aida le gouverneur à engager, avec succès, des poursuites contre les marchands qu’il avait dénoncés. De retour à Niagara, il se lança apparemment en affaires à son compte, mais il se vit harcelé et mis au ban de la société par tous les trafiquants de la région, fort mécontents du rôle qu’il avait joué dans la disparition d’un racket très lucratif qu’ils considéraient comme inoffensif.

Ayant subi de grosses pertes en affaires et se trouvant dans une situation intenable, Douglas, avec l’appui de Haldimand, adressa une requête au gouvernement britannique afin d’obtenir une compensation quelconque, en récompense de ses services. Mais plutôt que de recevoir une aide financière, il fut nommé contrôleur des douanes à l’île Saint–Jean (Île–du–Prince–Édouard), au maigre salaire de £40 par année. Marié, à cette époque, avec la fille d’un marchand de Detroit et ayant plusieurs enfants à sa charge, il partit pour l’île en 1787. (Apparemment, sa première femme y mourut, car il épousa Waitsill Haszard (Hassard) vers 1789 ; le couple allait avoir au moins huit enfants.) Entré en fonction dès son arrivée, à titre d’assistant du receveur des douanes, William Townshend, Douglas se retrouva au sein d’une société où les clans de fonctionnaires mal payés se battaient comme dans une jungle, à la recherche de petits profits et de promotions. Au milieu de toutes ces tensions, Douglas soutint sa haute réputation de probité et fit de son mieux pour rester à l’écart des querelles relatives aux terres, aux honoraires et aux salaires. Il n’en trouvait pas moins sa rémunération de contrôleur négligeable, à la mesure même du commerce de l’île.

En 1788, Douglas fut nommé assesseur dans une affaire pendante entre James William Montgomery, le plus grand propriétaire de l’île, et son représentant dans l’île, David Lawson. Fidèle partisan du groupe dirigé par Henry Dundas, lequel dominait la vie politique écossaise, Montgomery avait longtemps été une figure éminente de la vie publique en Ecosse, et, en 1788, il était juge en chef de la Cour de l’échiquier d’Écosse. C’était aussi un chef de file dans le domaine du progrès agricole. Ayant acquis des terres à l’île Saint–Jean, d’abord lors du fameux tirage au sort de 1767 et plus tard à titre onéreux, il avait décidé d’y créer un domaine semblable à ceux qu’il possédait en Écosse, lesquels étaient fondés sur des tenanciers compétents qui jouissaient de baux à long terme, sur une surveillance éprouvée, sur une technique agricole solide et sur des pratiques comptables rigoureuses. Compte tenu des difficultés, la tentative de Lawson en vue d’établir une ferme d’exploitation du lin sur le lot n° 34 de Montgomery eut un certain succès. Malgré cela, Lawson se brouilla avec le juge en chef de la Cour de l’échiquier, fort exigeant sur les normes comptables, et fut démis de son poste de représentant en 1788. Le rôle que joua Douglas dans l’évaluation des propriétés de Montgomery impressionna à ce point William*, le fils de ce dernier, officier en congé venu de Halifax pour veiller aux affaires de la famille dans l’île, qu’il recommanda à son père d’engager Douglas comme représentant et de le charger de la plupart de ses intérêts, lesquels étaient considérables. Douglas se vit confier la gestion des lots nos 30, 34, 12 et 7, sous la supervision du lieutenant–gouverneur Edmund Fanning. Sept ans plus tard, il visita l’Écosse et rencontra Montgomery père qui, déjà impressionné par les réalisations et l’intégrité de son représentant, s’en remit entièrement à lui comme au fidèle serviteur de ses intérêts. Certes, Montgomery avait besoin d’un tel homme, car son expérience passée, tant avec Lawson qu’avec David Higgins*, avait été lamentable. En Douglas, il trouva, comme l’historien J. M. Bumsted en a fait la remarque, « un rara avis dans l’Amérique du Nord coloniale : un homme scrupuleusement honnête ».

Avec l’aide de Fanning, Douglas parvint par la suite à régler la question compliquée qui mettait aux prises Montgomery et Lawson. Un dernier arbitrage, en 1793, établit la dette totale de Lawson envers le juge en chef de la Cour de l’échiquier à £9 219 12 shillings 22 pence, mais Montgomery, constatant que Lawson était devenu pauvre, ne se montra pas vindicatif. Au contraire, il s’arrangea pour que Douglas remît annuellement à son ancien représentant la somme de £12. Entre–temps, Douglas s’était employé à l’administration générale des biens de Montgomery. Un système de comptabilité régulière avait été institué, et les fermages courants ou en retard avaient été perçus. Dès 1789, Montgomery retirait un petit revenu de ses terres. Le nombre de ses locataires augmenta lentement mais régulièrement ; en général, on ne chassait pas les locataires qui ne payaient pas entièrement leurs fermages, Montgomery préférant avec sagesse voir ses terres occupées plutôt que d’en expulser les habitants. Mais Douglas prenait assidûment note des fermages entièrement ou partiellement impayés ; en 1802, les premiers s’élevaient à eux seuls à £3 400. L’aire de culture fut augmentée et les grandes propriétés de Montgomery progressèrent véritablement, bien qu’inégalement, sous l’intendant compétent qu’était Douglas. Ses efforts justifièrent en grande partie les dépenses initiales de son remarquable patron.

Le dévouement de Douglas pour les intérêts de son employeur l’amena par la suite à jouer un rôle politique dans l’île. Au nombre des locataires de Montgomery qui n’avaient jamais payé leurs fermages, ou qui n’en avaient payé qu’une faible partie, se trouvaient plusieurs membres du « petit cercle » de la clique dirigeante, en particulier le révérend Theophilus DesBrisay* (fils du secrétaire et greffier du Conseil de l’île Saint–Jean, Thomas Desbrisay), le conseiller Joseph Robinson et le juge en chef Peter Stewart. Quand Douglas prit des mesures contre eux, ils entreprirent de le briser. En 1797, Douglas amena le juge en chef devant les tribunaux dans un effort pour percevoir les fermages impayés, mais il se trouva paralysé par la famille Stewart, qui avait la haute main sur l’appareil judiciaire. Quelques mois plus tard, le gendre de Stewart, William Townshend, qui était le supérieur de Douglas à titre de receveur des douanes, se plaignit à Londres que ce dernier avait illégalement permis l’entrée à Three Rivers (Georgetown) d’un navire chargé de marchandises de contrebande, en provenance des États–Unis. Heureusement pour lui, Douglas eut l’appui de Montgomery en Grande–Bretagne, tandis que John MacDonald Of Glenaladale et Joseph Aplin prirent son parti dans la colonie. La querelle Montgomery–Stewart fit rage quelques années encore, pendant que le juge en chef de l’île réussissait à échapper à la reddition des comptes. La crise ne se calma qu’après sa démission comme juge, en 1800.

Irrité lui–même par les échappatoires de Stewart, Montgomery reprocha néanmoins à son représentant d’être devenu un « partisan violent » dans sa lutte contre le juge en chef. Douglas répondit carrément que ses disputes avec la clique de Stewart étaient devenues, en effet, « des questions hautement politiques ». En l’occurrence, son jugement était excellent, et son affirmation n’était que la pure vérité. La partialité du système judiciaire ne fut pas la seule question politique à laquelle il fut mêlé dans ses tentatives pour administrer les biens de son employeur. L’un des locataires de Montgomery, Joseph Robinson, menait depuis 1796 une campagne active pour la confiscation des domaines des propriétaires absentéistes qui, au contraire du juge en chef de la Cour de l’échiquier, n’avaient rien fait pour mettre leurs terres en valeur. À la longue, Douglas en était venu à croire que le lieutenant–gouverneur Fanning et le juge en chef Stewart dirigeaient en coulisse cette agitation, qu’il voyait comme une conspiration pour déposséder les propriétaires de leurs domaines et pour tenter de le ruiner personnellement.

Douglas, MacDonald et Aplin, qui étaient au cœur même de l’opposition au gouvernement de Fanning, soutenaient que l’annexion à la Nouvelle–Écosse serait la meilleure solution aux problèmes politiques et économiques de la colonie. Mais Montgomery n’y était point favorable. Il croyait que les intérêts des propriétaires souffriraient, advenant que la colonie fût gouvernée à partir de Halifax, et que leur déconfiture causerait du tort à l’île. Tout en admettant que la plupart des propriétaires absentéistes n’avaient pas respecté leurs engagements, il affirmait que la colonie ne progresserait que si des propriétaires comme lui étaient disposés à y envoyer des émigrants à leurs frais et à fournir des capitaux suffisants pour stimuler le commerce. En 1797, lorsque la chambre d’Assemblée adopta des résolutions par lesquelles on demandait au gouvernement britannique soit d’obliger les propriétaires à exploiter leurs terres, soit d’établir une cour d’escheat, on mentionna spécifiquement Montgomery comme un fort bel exemple d’un propriétaire foncier qui avait beaucoup fait pour honorer ses engagements. Au tournant du siècle, il semblait que les autorités de la métropole s’apprêtaient à donner suite à ces résolutions [V. John Stewart*] ais l’affaire fut finalement classée.

En 1802, Montgomery était devenu un vieillard ; il céda ses affaires à son héritier, tout en conservant un vif intérêt pour ses propriétés foncières de l’Île–du–Prince–Édouard, et cela jusqu’à sa mort, en avril 1803, son lointain domaine « étant la dernière chose dont il parla ». James Douglas lui–même mourut cinq mois plus tard d’« une rapide consomption asthmatique ». Homme de principes, il s’était montré un défenseur énergique des intérêts de Montgomery, d’une part – lesquels furent confiés après sa mort à James Curtis – et d’un gouvernement plus impartial, d’autre part. Par l’intégrité de ses principes, par la sauvegarde des intérêts de son employeur à travers les tripotages mesquins au milieu desquels il se trouva, et par la bravoure avec laquelle il dut se défendre plus d’une fois contre les allégations sans fondement de ses ennemis de la clique dirigeante, James Douglas paraît vraiment digne d’admiration.

David S. MacMillan

Arch. privées, Sir David Montgomery (Kinross, Écosse), Montgomery–Spottiswood corr. (copies au SRO ;les chercheurs qui désirent consulter les originaux peuvent contacter le National Register of Arch., Écosse).— National Library of Scotland (Édimbourg), Dept. of mss, ms 1399 : ff.70–71.— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of baptisms, 1790–1804 (mfm aux PAPE).— SRO, GD293/2, 293/3.— Macmillan, « New men in action », Canadian business hist. (Macmillan), 44–103.— Bumsted, « Sir James Montgomery and P.E.I. », Acadiensis (Fredericton), 7, n° 2 : 76–102.— Bruce Wilson, « The struggle for wealth and power at Fort Niagara, 1775–1783 », OH, 68 (1976) : 146.

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David S. MacMillan, « DOUGLAS, JAMES (mort en 1803) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/douglas_james_1803_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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