TUPPER, sir CHARLES HIBBERT, avocat, homme politique et auteur, né le 3 août 1855 à Amherst, Nouvelle-Écosse, deuxième fils de Charles Tupper* et de Frances Amelia Morse ; le 9 septembre 1879, il épousa à Halifax Janet McDonald, fille de James McDonald*, et ils eurent quatre fils et trois filles ; décédé le 30 mars 1927 à Vancouver.

Charles Hibbert Tupper étudia au King’s College de Windsor, en Nouvelle-Écosse, et au McGill College, où il fut boursier du gouverneur général. Diplômé en droit de la Harvard University en 1876, il fut reçu au Barreau de la Nouvelle-Écosse deux ans plus tard et s’associa en 1881 au cabinet juridique de John Sparrow David Thompson* et de Wallace Nesbit Graham*. À compter de l’accession de Thompson à la magistrature l’année suivante, Robert Laird Borden* exercerait lui aussi dans ce cabinet de Halifax. Fils du ministre fédéral des Chemins de fer et Canaux, Tupper fut élu député de Pictou à la Chambre des communes en 1882. Le premier ministre, sir John Alexander Macdonald*, lui confia le département de la Marine et des Pêcheries en 1888. C’est ainsi que Tupper devint, à 32 ans, le plus jeune ministre que le cabinet canadien ait compté jusqu’alors.

Tupper aborda l’administration de son département – où il aurait des assistants compétents, surtout en la personne du sous-ministre William Smith* – avec la plus grande énergie et le plus grand sérieux. En moins d’un an, ce farouche partisan de la préservation des richesses naturelles se mit à dos deux groupes d’intérêts : les entrepreneurs forestiers, en réglementant les déversements de sciure dans les rivières à saumon, et les pêcheurs de la côte Est, en exigeant qu’ils ne prennent pas de homards d’une taille inférieure à neuf pouces et demi. « Charly, dit Macdonald dans une note à Thompson, alors ministre de la Justice, a l’outrecuidance de son père, et il faut le mettre à sa place sans attendre. » Thompson répondit à Macdonald que Tupper serait très bien : « Il est de bonne trempe, et le meilleur du nom. »

Très soucieux du bien de sa circonscription, Tupper ne lésinait pas sur la distribution des faveurs. Ce n’est pas pour rien qu’il fut réélu en 1887, en 1891, en 1896 et en 1900. Las de ses lettres importunes, Macdonald dut lui rappeler ses véritables responsabilités en 1889 : « Vous n’êtes pas ministre depuis assez longtemps pour savoir que tout ministre du cabinet doit subordonner ses devoirs et ses intérêts envers et dans sa circonscription à l’intérêt général du dominion. »

En 1893, Tupper fut nommé représentant de la Grande-Bretagne, ou directeur de recherche, à l’arbitrage sur le litige de la mer de Béring à Paris. Il s’acquitta si bien de sa tâche que, en septembre, il reçut le titre de chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges. Après le décès de sir John Sparrow David Thompson en 1894, des rumeurs – qu’il ne dédaignait pas d’alimenter – voulurent qu’il accède au poste de premier ministre. Cependant, on craignait qu’il y ait « trop de Tupper » – un à Londres (Tupper père était alors haut-commissaire dans cette capitale), un à Ottawa. Tupper accepta donc le portefeuille de la Justice dans le cabinet de Mackenzie Bowell* malgré sa conviction que Bowell n’avait pas vraiment l’étoffe d’un chef de gouvernement.

L’opinion de Tupper sur Bowell trouva ample confirmation dans les premiers mois de 1895. Le 19 mars, sur la base du rapport de Tupper au sujet de la question des écoles du Manitoba, le cabinet accepta d’adopter une mesure réparatrice et convint qu’elle devrait être suivie d’une dissolution du Parlement. Toutefois, l’idée d’en appeler au peuple au moment où la maison était en feu déplaisait à Bowell, qui décida de tenir d’abord une autre session et de remettre le règlement de la question scolaire à plus tard. Tupper démissionna en disant à Bowell : « Vous ne pouvez, je le crains, prolonger assez longtemps la durée de la législature pour voir ce feu s’éteindre. » Aucun de ses collègues ne le suivit. Il réintégra le cabinet après que Bowell se fut engagé à faire adopter une loi réparatrice si le Manitoba ne restaurait pas les droits des catholiques. Dans cette longue histoire, Tupper se distingue par la fermeté avec laquelle il défendit la jurisprudence. La plupart des membres de son entourage – le premier ministre n’étant pas le moindre – se montrèrent au contraire hésitants et faibles. L’irrésolution de Bowell créa une situation encore plus grave en janvier 1896 : Tupper démissionna de nouveau, cette fois avec six de ses collègues. La promesse que Tupper père serait le prochain premier ministre convainquit certains démissionnaires de revenir, mais non pas Tupper fils.

Après l’échec du projet de loi réparatrice en avril et la dissolution du Parlement, Tupper se joignit au gouvernement de son père à titre de solliciteur général. Ce gouvernement fut battu aux élections générales de juin 1896. Tupper s’installa sur la côte Ouest en 1897. Il exerça le droit à Victoria, puis à Vancouver, tout en restant député de la circonscription de Pictou jusqu’en 1904. Il continua de s’intéresser à la politique presque jusqu’à la fin de sa vie et resta en relation avec les dirigeants du Parti conservateur à Ottawa et à Vancouver. Toutefois, il s’opposa à certains des conservateurs actifs sur la scène britanno-colombienne, notamment sir Richard McBride*, premier ministre de la province de 1903 à 1915. Ses contacts en Nouvelle-Écosse étaient suffisamment importants pour que Borden lui fasse faire une tournée de discours dans cette province pendant la campagne fédérale de 1911. Richard Bedford Bennett*, élu en 1911 député de la circonscription de Calgary aux Communes, était un autre homme politique fédéral avec lequel Tupper s’entendait bien. Tous deux désapprouvaient les largesses du gouvernement Borden envers la Canadian Northern Railway Company et la témérité avec laquelle le gouvernement McBride favorisait la construction du Pacific Great Eastern Railway entre Vancouver Ouest et Prince George, plus au nord. En fait, aux élections tenues en Colombie-Britannique en 1916, Tupper fit campagne pour les libéraux de Harlan Carey Brewster* contre les conservateurs dirigés par le successeur de McBride, William John Bowser*.

Tupper avait l’habitude de suggérer des nominations et des idées de politiques à Borden et, en bon Tupper, il souhaitait les voir se concrétiser sans trop attendre. Borden lui servait des réponses floues et n’agissait pas. En plus, de l’avis de Tupper, le premier ministre avait le tort de se conduire de la même manière avec son cabinet. En 1917, le ministre des Travaux publics, Robert Rogers*, fut accusé de s’être livré à des actes de corruption du temps où il détenait le même portefeuille au Manitoba. Tupper fut si ennuyé que Borden soit trop pusillanime pour démettre Rogers de ses fonctions tout de suite qu’il adressa des plaintes au chef de l’opposition, sir Wilfrid Laurier*.

La guerre de 1914–1918 creusa entre Tupper et Borden un abîme qui ne se combla jamais. Leur rupture définitive survint à la suite de la mort de l’un des fils de Tupper, Victor Gordon, à la crête de Vimy en 1917. Cette année-là, trois de ses fils étaient sur le front de l’Ouest. L’autre était revenu grièvement blessé en 1915. Tupper avait des griefs à l’encontre de Borden à propos des trois, mais surtout de Victor Gordon, pour des appuis non donnés, des promotions non accordées : « Le général et les colonels […] auraient pu le demander comme officier d’état-major, et ils l’ont fait. Mais – vous savez le reste. Il n’avait “ pas de piston ”. Si j’avais été premier ministre et si vous aviez eu des fils de valeur, je me serais démené pour qu’au moins on leur donne leur chance. » Sa femme, Janet McDonald, le suppliait de souffrir en silence, mais il fit à Borden cette réflexion caractéristique : « Je ne suis pas de force [à supporter] cela et […] je ne trouve pas honnête envers vous de cacher mes sentiments. » En outre, Tupper désapprouva le fait que le Canada signe le traité de Versailles indépendamment de la Grande-Bretagne. Selon lui, ce geste risquait d’avoir des répercussions dangereuses. En 1920, ses 40 années d’amitié avec Borden étaient révolues.

En 1923, avec l’aide du major-général Alexander Duncan McRae*, Tupper forma un parti politique en vue des élections britanno-colombiennes de l’année suivante. Il le baptisa « Parti provincial », car son but était de rassembler conservateurs et libéraux « pour sauver la province ». En Colombie-Britannique, disait-il, le nom de libéral ou de conservateur n’était « qu’un plumage d’emprunt sous lequel les hommes se pavan[aient] devant les électeurs ». Le parti remporta seulement trois sièges. Tupper continua d’exercer dans son cabinet juridique, qui comprenait alors son fils Reginald Hibbert. Dans ses temps libres, il travaillait à un livre sur son père, Supplement to the life and letters of the Rt. Hon. Sir Charles Tupper, bart., kcmg. Paru à Toronto en 1926, cet écrit était délibérément plus hagiographique que l’ouvrage qu’il complétait.

Sir Charles Hibbert Tupper avait le courage et l’éloquence des Tupper et, comme les autres membres de sa famille, il cultivait le mythe des Tupper. Il était énergique, talentueux, prompt à saisir une question et presque aussi prompt à prendre la mouche. On peut dire qu’il était incorruptible, s’il est entendu que, pour lui, le favoritisme était de la politique, non pas une forme de corruption. C’était ainsi que les affaires politiques se faisaient au Canada et ce serait ainsi encore pendant longtemps. Tupper contracta une pneumonie en mars 1927 et mourut le 30 à sa maison de Vancouver. Il fut inhumé à l’Ocean View Burial Park de Burnaby.

P. B. Waite

Les papiers de Charles Hibbert Tupper à la Univ. of B.C. Library, Special Coll. and Univ. Arch. Div. (Vancouver), M644, constituent la plus importante source manuscrite ; on peut aussi consulter les documents sur microfilm aux AN. Il y a une riche collection de lettres de Tupper dans les papiers de sir John Alexander Macdonald (AN, MG 26, A), 286–287 et 529–530. On en trouve aussi dans les papiers de sir John Sparrow David Thompson (AN, MG 26, D) et dans ceux de sir Mackenzie Bowell (AN, MG 26, E). Il y a également de la correspondance dans les papiers de sir Charles Tupper (AN, MG 26, F). On peut lire des notices nécrologiques dans l’Ottawa Citizen, la Gazette de Montréal et le Vancouver Daily Province, 31 mars 1927, ainsi que dans le Saturday Night (Toronto), 9 avril 1927. Un article sur la carrière de Tupper figure dans le Montreal Standard, 21 juin 1924. F. H. Patterson a décrit certains aspects de la carrière politique de Tupper dans « Some incidents in the life of Sir Charles Hibbert Tupper », N.S. Hist. Soc., Coll. (Halifax), 35 (1966) : 127–162. La plus importante source de documents imprimés est [I. M. Marjoribanks Hamilton-Gordon, marquise d’] Aberdeen [et Temair], The Canadian journal of Lady Aberdeen, 1893–1898, J. T. Saywell, édit. (Toronto, 1960), qui comprend une très intéressante introduction. On trouve des détails sur les relations étroites de Tupper avec sir John Sparrow David Thompson dans P. B. Waite, The man from Halifax : Sir John Thompson, prime minister (Toronto, 1985).

Il existe très peu de documentation secondaire sur Tupper ; à partir du début du Canadian Periodical Index (Toronto) en 1920 jusqu’en 1998, il y a seulement un article qui fait vaguement référence à Charles Hibbert Tupper – J. A. Russell, « Tupperiana », Atlantic Advocate (Fredericton), 53 (1962–1963), nº 12 : 31–34 – et il comprend surtout des photos, notamment une de Tupper âgé de 18 ou de 19 ans et une de sa sœur Emma. On en sait beaucoup moins sur les années de Tupper en Colombie-Britannique que sur sa carrière dans les années antérieures, mais les papiers de Tupper en donnent tout de même une bonne idée. Il est clair que la politique de l’époque a donné à Tupper l’occasion d’exercer son esprit combatif et que son activité littéraire a souvent pris la forme de longues lettres au rédacteur en chef des journaux de Vancouver et de Victoria pour défendre ses positions. [p. b. w.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

P. B. Waite, « TUPPER, sir CHARLES HIBBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tupper_charles_hibbert_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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