PETERS, ARTHUR, avocat et homme politique, né le 29 août 1854 à Charlottetown, plus jeune fils de James Horsfield Peters* et de Mary Cunard ; le 25 septembre 1884, il épousa dans cette ville Amelia Jane Stewart, et ils eurent deux filles et deux fils ; décédé le 29 janvier 1908 à Charlottetown.

Arthur Peters naquit au sein d’une famille qui faisait partie de ce qu’on considérait comme l’aristocratie dans l’Île-du-Prince-Édouard du xixe siècle. Comme la notice nécrologique parue à son sujet dans le Charlottetown Guardian le soulignerait, il « jouissait de l’avantage d’une naissance [dans un milieu] aristocratique, d’une vaste fortune, d’une éducation libérale et de l’aptitude innée pour la profession juridique ». En dépit de cet avantage, le jeune Peters allait vivre en quelque sorte dans l’ombre de son père, juge, et dans celle de son frère aîné Frederick, avocat. Les jeunes années d’Arthur suivirent le modèle établi dans la famille. Éduqué d’abord à Charlottetown par des précepteurs puis au Prince of Wales College, il fréquenta ensuite le King’s College, en Nouvelle-Écosse, où il obtint un diplôme en lettres, suivant ainsi les traces de Frederick. Après avoir passé quelque temps au cabinet d’Edward Jarvis Hodgson à Charlottetown, Arthur alla étudier le droit en Angleterre, comme son frère et son père avant lui. Il travailla auprès du prestigieux G. Brough Allen puis avec Richard Everard Webster, et revint à l’Île-du Prince-Édouard pour être admis au barreau en 1878 ; il avait alors 24 ans. Il fut reçu au barreau d’Angleterre un an plus tard. En 1887, il faisait partie du cabinet de Frederick à Charlottetown.

Le mariage de Peters en 1884 à la cathédrale anglicane St​ Peter fut sans aucun doute un événement social. Sa femme, Amelia Jane Stewart, était la fille du défunt Charles Stewart, ancien député provincial du 2e district de Kings County, la circonscription où il allait faire ses débuts en politique.

Peters se tailla une place dans l’establishment de l’Île-du-Prince-Édouard à la fin des années 1880, au moment où l’île atteignait le point maximum de son autosuffisance économique. À partir du début de la décennie suivante, la population de l’île diminua de façon spectaculaire, la valeur de la production de ses fermes, de ses pêcheries et de ses manufactures chuta, et il s’ensuivit un malaise économique général. Lorsque le chemin de fer vers le Pacifique fut terminé et que l’on eut adopté la Politique nationale du gouvernement fédéral comme modèle d’union transcontinentale, l’île demeura isolée du côté de l’Atlantique. Par conséquent, la politique finit par y être dominée par des questions qui découlaient du rôle réduit qu’elle jouait au sein d’une fédération en expansion et de son insularité même : la préservation de sa représentation au Parlement fédéral, la négociation de subsides fédéraux suffisants et la recherche continuelle de moyens de communication fiables avec le continent toute l’année durant.

En 1890, Frederick Peters avait fait ses débuts officiels en politique comme député à la Chambre d’assemblée ; l’année suivante, il devint premier ministre. Arthur, libéral lui aussi, entra au Parlement provincial en 1893 comme député du 2e district de Kings, qu’il allait représenter jusqu’à sa mort. La vie politique de l’île était turbulente, chauvine, et empreinte de favoritisme et de corruption mesquine. Les journaux de Charlottetown, le Daily Examiner (conservateur) et le Daily Patriot (libéral), étaient farouchement partisans et dotaient du reflet politique requis presque tout ce qui touchait les affaires publiques. Aux élections de 1893, par exemple, l’Examiner accusa le premier ministre d’avoir procédé au découpage arbitraire de Kings dans le but d’y présenter son frère inexpérimenté comme candidat, puis d’avoir recouru à l’aide d’un ancien premier ministre, Louis Henry Davies*, pour l’aider à déloger les députés conservateurs sortants.

Après son élection de 1893, Arthur Peters vécut largement dans l’ombre politique de son frère. Il passa le reste de la décennie à se faire une clientèle et à élever sa famille, la politique ne l’occupant qu’à temps partiel. En 1900, le cabinet de Peters, Peters, and Ings, qui à l’époque ne comptait qu’Arthur Peters et Ernest Ings, était installé à l’une des adresses les plus prestigieuses de Charlottetown : Victoria Row, rue Richmond. Outre ses activités juridiques, il annonçait des « fonds à prêter en versements ou en prêt ferme ». La résidence familiale d’Arthur Peters, Elmwood, était située dans un quartier chic de la ville, dans la propriété de son père, Sidmount. Le juge Peters était décédé en 1891, laissant ses fils fiduciaires de ses biens considérables.

En 1897, Frederick Peters prit une décision qui étonna son parti et qui, en dernière analyse, serait déterminante pour la carrière politique d’Arthur. Il démissionna de son poste de premier ministre et s’installa à Victoria, en Colombie-Britannique, en qualité d’associé dans le cabinet de sir Charles Hibbert Tupper*. Alexander Bannerman Warburton* lui succéda comme premier ministre, puis démissionna à son tour pour accepter une charge de juge. Donald Farquharson le remplaça, mais démissionna lui aussi pour briguer un siège au Parlement fédéral. Arthur Peters s’était joint à son gouvernement en 1900 comme procureur général et, en décembre 1901, après la démission de Farquharson, il fut choisi comme chef du parti. Le 2 janvier, le lieutenant-gouverneur Peter Adolphus McIntyre lui demanda de former le gouvernement. Pendant que la province accueillait la nouvelle année avec encore un nouveau premier ministre, plusieurs considéraient que le poste ne constituait qu’une simple étape vers un avenir meilleur.

Les six années durant lesquelles Peters occupa les postes de premier ministre et procureur général furent dominées par des thèmes établis : la représentation, les subsides et les communications hivernales. La question de la représentation contrariait particulièrment les insulaires et leurs voisins des Maritimes. Ayant obtenu six sièges à la Chambre des communes à son entrée dans la Confédération, l’Île-du-Prince-Édouard avait assisté, au cours des années 1890, au déclin de sa population en proportion de celle du Canada, et en nombre absolu. Après avoir atteint un maximum de 109 078 en 1891, le nombre d’habitants était tombé à 103 259 en 1901. La représentation de l’île avait été réduite à cinq sièges par la redistribution de 1892, et elle fut abaissée à quatre en 1903. Du début à la fin du mandat de Peters, on ne parvint pas à trouver de solution satisfaisante à cette question, même si Peters défendit toujours avec vigueur la cause de la province.

Tant devant la Cour suprême du Canada que devant le comité judiciaire du Conseil privé, Peters fit de fortes représentations au sujet du cas particulier de l’île qui, en raison de sa petite taille et des circonstances de son entrée dans la Confédération, devait avoir davantage de sièges que ce que lui allouait l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Le Nouveau-Brunswick, qui se joignit à l’appel de l’île devant la Cour suprême, prétendait, en outre, que son statut de province fondatrice devait lui garantir le même nombre de sièges qu’en 1867. La Nouvelle-Écosse fit des revendications semblables. Dans chaque cas, les démarches échouèrent. Ce ne serait pas avant 1914, à un moment où la population de l’île ne justifiait plus que trois sièges, qu’Ottawa consentirait à un compromis : le nombre de députés que compterait une province aux Communes ne devrait pas être inférieur à celui de ses représentants au Sénat. Cette entente donnerait à l’île quatre sièges aux Communes.

Peters trouvait la question de la représentation de l’île au cabinet également frustrante. Quand Donald Farquharson, nouvellement élu, voulut occuper au cabinet la place laissée vacante par sir Louis Henry Davies après sa nomination à la Cour suprême, le premier ministre, sir Wilfrid Laurier*, se montra réticent. Furieux devant ce qu’il considéra comme un affront à la plus petite des provinces, Peters écrivit avec amertume, en janvier 1902, qu’il « ne vo[yait] pas pourquoi la province dev[ait] être laissée pour compte au profit de l’Ouest ».

La question des subsides était également délicate pour les Maritimes et constituait une source importante de mécontentement régional. Des comparaisons avec les subsides accordés aux nouvelles provinces de l’Ouest étaient inévitables et révélèrent un traitement qui sembla injuste aux habitants des Maritimes. Le cas de l’île posait particulièrement un problème. Les coûts de l’administration provinciale et l’intérêt de la dette avaient grimpé. L’économie en déclin et la difficulté de collecter des recettes firent qu’on se tourna vers Ottawa pour trouver de l’aide. Dans un climat de frustration suscité non seulement par la représentation mais aussi par les communications hivernales, autre question non résolue du vivant de Peters, les négociations pour faire augmenter les subsides accaparèrent une grande partie de son temps. Avec un gouvernement libéral à Ottawa, les libéraux de l’île affichèrent sans finesse leur lien privilégié avec Laurier. « Votez pour les libéraux et une augmentation [du] subside » fut leur cri de ralliement aux élections provinciales de 1904. Le succès ne fut certes pas instantané, mais Peters et les autres premiers ministres firent certains progrès à la conférence fédérale-provinciale d’octobre 1906. Malheureusement, Peters mourut quelques jours seulement avant l’annonce, dans le discours du trône de février 1908 au Parlement provincial, que les subsides seraient augmentés.

Comme leader en politique provinciale, Peters fut à la fois respecté et efficace. Les nominations de faveur demeurèrent une réalité de la scène électorale, et une grande partie de la correspondance du premier ministre fut consacrée à en régler les détails dans le 2e district de Kings. Il avait un motif pour s’occuper de près de ce qui s’y passait. Aux élections de 1904, lui et son adversaire conservateur, Harvey D. McEwen, obtinrent un nombre de votes égal. Ce n’est qu’après une élection complémentaire qu’il remporta sans opposition, en mars 1905, que Peters revint en poste.

Dans les cercles sociaux, sportifs et juridiques où il évoluait, Arthur Peters était considéré comme un homme très attaché à sa famille. Quand il tomba malade en décembre 1907, on crut qu’il s’agissait de la grippe qui courait alors en ville et l’on s’attendit à revoir ce vigoureux premier ministre de 54 ans de retour à son bureau après une semaine. Ce ne fut pas le cas. Le 29 janvier, il mourut du mal de Bright à Elmwood. L’homologation de son testament, où il laissait tous ses biens à sa femme, révéla une modeste succession d’un peu plus de 10 000 $, dont la moitié provenait d’une police d’assurance. Sa notice nécrologique dans le Charlottetown Guardian le décrivit comme un homme qui ne fut « jamais avide de popularité facile, et parfois même quelque peu indifférent à la faveur des masses ». Peters aurait probablement estimé que c’était là une évaluation juste.

Andrew Robb

AN, MG 26, G : 61618 ; RG 31, C1, 1891, Île-du-Prince-Édouard (mfm aux P.E.I. Museum, Geneal. Div.).— PARO, RG 25, Ser. 20 ; Supreme Court of Prince Edward Island, Estates Div. records, liber 13 : f.3 ; liber 17 : ff.370s. (mfm).— Charlottetown Guardian, 30 janv. 1908.— Daily Examiner (Charlottetown), 25 sept. 1884, 17 janv., 11 févr. 1890, 21, 30 nov., 1er déc. 1893.— Daily Patriot (Charlottetown), 17 nov. 1893, 10 nov. 1904.— Annuaires, Canada, 1896–1897 ; Î.-P.-É., 1889–1890, 1900 ; Maritimes, 1900.— Canada’s smallest province : a history of P.E.I., F. W. P. Bolger, édit. ([Charlottetown], 1973), 232–327.— J. W. Driscoll, « Prince Edward Island and parliamentary representation : the beginnings of a Maritime regionalism » thèse de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1990).— Î.-P.-É., Legislative Assembly, Journal, 8 févr. 1908.— W. E. MacKinnon, The life of the party : a history of the Liberal party in Prince Edward Island (Summerside, Î.-P.-É., 1973).— Andrew Robb, « Michael A. McInnis, the Maple Leaf and migration from Prince Edward Island », Island Magazine (Charlottetown), n° 17 (été 1985) : 15–19.— Frank Schwartz, « An economic history of Prince Edward Island », Exploring Island history : a guide to the historical resources of Prince Edward Island, Harry Baglole, édit. (Belfast, Î.-P.-É., 1977), 93–116.

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Andrew Robb, « PETERS, ARTHUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/peters_arthur_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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