STEWART, JOHN JAMES, directeur d’école, avocat, rédacteur en chef, éditeur et homme d’affaires, né le 13 mai 1844 à East Branch River Philip (Williamsdale, Nouvelle-Écosse), fils de William Stewart et de Sarah Emily Peppard ; le 13 octobre 1880, il épousa à Halifax Catherine Olivia MacKay, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 27 février 1907 à Halifax.
Formé à l’école publique d’East Branch River Philip et à l’Amherst Academy, John James Stewart dirigea ce dernier établissement à compter de 1870, puis s’installa à Halifax pour étudier le droit au cabinet de Howard Maclean (McLean). Reçu au barreau en 1874, il devint, l’année suivante, l’un des 88 actionnaires du dernier quotidien du matin fondé à Halifax au xixe siècle, le Morning Herald. Le lancement de ce journal, financé par des conservateurs bien en vue tels Simon Hugh Holmes* et John Sparrow David Thompson*, était surprenant et audacieux : dans la province très majoritairement libérale, il y avait déjà deux journaux libéraux à Halifax, l’Acadian Recorder, de Henry Dugwell Blackadar, et le Morning Chronicle.
Au début, Stewart fut moins actif que certains autres actionnaires, dont son associé l’avocat Robert Sedgewick, mais en 1876, il devint le premier président du journal et, en 1878, le troisième rédacteur en chef. Toujours en 1878, il se dissocia de Sedgewick, car leur cabinet connaissait des difficultés financières. En 1883, au prix de très grands efforts, il acheta les actions de presque tous les fondateurs et devint le premier éditeur du Herald. Le choix de cette troisième vocation abattit son frère Douglas, puis l’enchanta. Peu après avoir déclaré qu’il était « plus dommageable pour [sa propre] réputation [...] d’avoir un frère » dans l’équipe du Herald qu’à « l’asile des fous », Douglas se mit à vanter les bienfaits du journalisme pour la santé de John James.
Il s’agissait aussi bien de santé physique que de santé financière. Le Herald, auquel s’ajouta en 1879 un journal d’après-midi, l’Evening Mail, ne tarda pas à égaler ses rivaux sur les plans du tirage et de la publicité. Il les déclassait même en 1892, au moment où il devint le Halifax Herald, et pour de bon. Toujours en quête de faveurs pour ses journaux, Stewart irritait et embarrassait les ministres conservateurs d’Ottawa avec ses représentations et ses plaintes. De toute évidence, ses pressions portaient fruit. D’ailleurs, même après que les libéraux, portés au pouvoir en 1896, leur eurent retiré les contrats fédéraux de publicité et d’impression, le Herald et le Mail continuèrent de bien se porter. Ils pouvaient se passer de soutien grâce au protégé de Stewart et rédacteur à compter de 1882, William Dennis (dont Stewart avait fait la connaissance en travaillant pour la cause de la tempérance dans les années 1870), qui s’occupait de la promotion et de la diffusion, et dont les directives éditoriales côtoyaient parfois le sensationalisme. On peut déduire, du fait que Stewart accepta en 1897 que Dennis soit copropriétaire sur un pied d’égalité avec lui, qu’ils avaient des intérêts ailleurs. Par exemple, il avait des intérêts dans l’Acadia Loan Corporation et dans la People’s Bank of Halifax. Son mandat à la présidence de ce dernier établissement fut troublé par des accusations de corruption portées contre lui par un particulier et d’autres administrateurs peu de temps avant que la Banque de Montréal achète la People’s Bank en 1905.
Stewart exerçait une influence énorme au Parti conservateur provincial et par l’entremise de ses relations dans les milieux fédéraux. Il fut l’un de ceux qui encouragèrent Thompson à entrer dans la politique provinciale, puis fédérale. Avec Charles Hazlitt Cahan*, qui avait autant son franc-parler que lui et fut son éditorialiste en chef de 1886 à 1894, il fit de ses bureaux le centre de l’opposition (souvent désorganisée) au premier ministre de la province, William Stevens Fielding*. Néanmoins, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti, on doutait de son flair. S’acharner contre Fielding ne suffisait pas pour gagner des partisans aux conservateurs ; les journaux de Stewart manquaient trop souvent l’occasion de parler du programme et des grands noms du parti, y compris Cahan, député à l’Assemblée de 1890 à 1894. Stewart lui-même se porta candidat dans la circonscription provinciale de Halifax en 1890 et 1901, mais il fut défait. Entre 1887 et 1891, Thompson, Cahan et d’autres essayèrent en vain de le faire entrer dans la fonction publique fédérale. Cahan, qui aurait pris sa place au Herald et au Mail, attribuait cet échec à l’influence de sir Charles Tupper* et de son fils Charles Hibbert*, qui critiquaient à l’occasion les positions du Herald.
Fervent partisan de l’Empire britannique et du nationalisme canadien dans une province qui connut des poussées sécessionnistes à la fin des années 1860 et au milieu des années 1880, Stewart combattit (quand il s’y intéressa) les propositions qui visaient à améliorer les ententes financières entre la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral, dont au moins une modeste proposition du Parti conservateur provincial. Jusqu’à la fin, il crut fermement à la Confédération telle qu’elle avait été conclue en 1867. C’est à peine s’il s’inquiéta en voyant décliner l’influence politique et le pouvoir financier de sa province dans la première décennie du xxe siècle. À ceux, minoritaires, qui divergeaient d’avis avec lui sur ces questions et d’autres, il opposait une attitude intransigeante et répondait dans un style férocement partisan. Personne, sauf quelques amis, ne savait que, sous ce masque, se cachait un être tendre, attentionné, qui se sentait parfois bien seul. Martin Joseph Griffin, rédacteur en chef du Herald avant lui et auteur parfois virulent, saisit ce paradoxe quand il écrivit : « Vous le croyez sombre, il est gai / Vous le croyez dur, il est doux. »
John James Stewart mourut des suites de brûlures subies chez lui. Ce drame plongea sa famille dans la confusion et le chagrin. Bien qu’il ait été avocat, il mourut intestat, sans laisser d’indications claires sur l’avenir du Herald et du Mail. Faute d’une opposition efficace de la part de la famille, Dennis ne tarda pas à s’approprier les actions de Stewart. La Killam Memorial Library de la Dalhousie University hérita une collection de 3 200 livres, dont certains volumes rares. Ces livres, intéressants surtout pour l’étude de l’histoire de l’Angleterre et de celle du Canada au xixe siècle, constituent une autre preuve des forts penchants intellectuels des grands journalistes canadiens de l’époque.
L’information contenue dans les sources suivantes appuie les références à John James Stewart et à ses activités dans notre étude, Red line : the « Chronicle-Herald » and the « Mail-Star », 1875–1954 (Halifax, 1986), 4s., 13, 17–19, 22–29, 33–37, 42, 45–60, 65–67, 77–79, 87, 91–95, 212, 220, 319, 356. Les citations précises de ces sources sont notées à la fin de chaque chapitre. [w. d. m.]
On trouve des archives de Stewart dans trois collections parmi les papiers de la famille Stewart aux PANS, MG 1, 1056A–57C ; dans les papiers J. J. Stewart aux Dalhousie Univ. Arch. (Halifax), MS 2-193 ; et dans la collection J. J. Stewart de la Dalhousie Univ. Library, Special Coll., qui contient l’importante collection de livres, brochures et almanach des xviiie et xixe siècles de Stewart, ainsi que son portrait, reproduit à la p. 86 de Red line [...].
AN, MG 26, A (mfm aux PANS) ; MG 26, D ; MG 27, I, E10.— PANS, MG 3, 6149, 1 (a)–(b).— House of Lords Record Office (Londres), Beaverbrook papers, 1, dossier 1 (photocopies aux PANS, MG 3, 6149, doc. 1 a–b).— Halifax Herald, 28 févr. 1907.— William Miller, Incidents in the political career of the late Sir John Thompson not contained in Mr. J. Castell Hopkins’ book ([Arichat, N.-É., 1895]).
William D. March, « STEWART, JOHN JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stewart_john_james_13F.html.
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Auteur de l'article: | William D. March |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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