TASCHEREAU, THOMAS-JACQUES, agent des trésoriers généraux de la Marine, conseiller au Conseil supérieur, seigneur, né à Tours, France, le 26 août 1680, fils de Christophe Taschereau de Sapaillé, conseiller du roi, directeur de la monnaie et trésorier de la ville de Tours, et de Renée Boutin, décédé à Québec le 25 septembre 1749.
Pierre-Georges Roy* fait de la famille Taschereau une famille anoblie de longue date. Quoi qu’il en soit, elle appartenait à la noblesse de robe et elle avait perdu beaucoup de prestige lorsque son premier et unique représentant, Thomas-Jacques Taschereau, vint au Canada. Il était issu d’une lignée de fonctionnaires royaux ou municipaux dont le surnom toponymique était Sapaillé ; mais il implanta ici celui de Linière, propre à une autre branche demeurée en France.
Thomas-Jacques Taschereau, ondoyé à sa naissance, ne reçut les cérémonies supplétives du baptême qu’à l’âge de 14 ans et put ainsi signer l’acte de son baptême ; presque aussitôt après, il perdit son père et sa mère. Nous ignorons la suite de son existence jusqu’au jour où Claude-Thomas Dupuy*, nommé intendant de la Nouvelle-France, l’amena comme secrétaire particulier. S’il accompagna son maître sur le même navire pour le voyage vers le Canada, Taschereau serait alors parti de Paris en juin 1726, pour arriver à Québec le 28 août suivant.
Pendant son bref séjour de deux ans, l’intendant Dupuy déploya une immense activité, et son secrétaire ne dut point languir dans l’inaction. Mais à la suite de l’agitation qui se produisit après la mort de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*], Dupuy fut rappelé et retourna en France à l’automne de 1728. Taschereau, qui comptait peut-être trop sur la stabilité de son emploi, s’était marié le 17 janvier précédent ; il était temps d’y songer puisqu’il avait déjà 48 ans. Il épousa une Canadienne de la noblesse, qui n’avait pas encore 20 ans, Marie-Claire, fille de Joseph de Fleury de La Gorgendière et petite-fille du découvreur Louis Jolliet*. Ainsi engagé, Taschereau demeura quelque temps à Québec ; en février 1729, il y fit baptiser son premier enfant qui sera inhumé quelques jours plus tard. Puis il retourna en France, où il se trouvait, avec sa femme, en février 1732, lorsqu’il fut désigné pour succéder à Nicolas Lanoullier de Boisclerc, comme agent des trésoriers généraux de la Marine au Canada. Le chanoine Pierre Hazeur* de L’Orme, alors à Paris, écrit à son frère Joseph-Thierry Hazeur à ce sujet : « M. Taschereau a sa place de trésorier. Il repasse cette année avec sa femme... je crois qu’il fera bien dans le pays. Nous avons toujours été fort bons amis depuis qu’il est revenu de Canada. Pour M. Dupuy et sa femme, je ne les ai point été voir. S’ils avaient suivi l’un et l’autre les conseils de Taschereau, ils n’en seraient pas où ils en sont aujourd’hui. »
En plus de la charge d’agent qui en était déjà une de prestige et relativement lucrative, Taschereau se vit octroyer, le 1er avril 1735, celle de conseiller au Conseil supérieur, une des plus hautes responsabilités de la colonie. De plus, habitué à administrer les fonds publics, l’agent songea à spéculer pour son compte en s’associant, le 16 octobre 1736, avec François-Étienne Cugnet, Pierre-François Olivier* de Vézin, Jacques Simonet d’Abergemont et Ignace Gamelin* (fils) pour l’exploitation des forges du Saint-Maurice. Le manque d’expérience du gérant de la compagnie, Olivier de Vézin, conduisit l’entreprise à la faillite dès 1740 et le roi, qui avait fait le gros des avances, la prit en main.
Toutefois, l’œuvre la plus notoire et la plus durable de Thomas-Jacques, ancêtre de la vaste et illustre famille Taschereau du Canada, reste sa contribution à l’établissement de la seigneurie de Sainte-Marie et au développement de la Nouvelle-Beauce. Trois seigneuries voisines et de mêmes dimensions furent concédées, le 23 septembre 1736, par le gouverneur Charles de Beauharnois et par l’intendant Hocquart* à Joseph de Fleury de La Gorgendière et à ses deux gendres, Taschereau et Pierre de Rigaud* de Vaudreuil de Cavagnial. Les seigneuries de Sainte-Marie, de Saint-Joseph et de Saint-François furent arpentées par Noël Bonhomme, dit Beaupré, en décembre 1737. Derrière les seigneuries de Lauzon et de Jolliet, à partir de l’île au Sapin, Taschereau reçut la première concession « de trois lieues de terre de front et de deux lieues de profondeur, des deux côtés de la rivière dite du Sault de la Chaudière ».
La colonisation de la Beauce débuta en 1738 et les trois seigneurs exécutèrent ponctuellement la condition, posée par les autorités, « de faire un chemin roulant et de charette qui sera pris du bord du fleuve » jusqu’à l’île au Sapin. Le 2 août 1738, naissait dans la seigneurie de Sainte-Marie le premier beauceron, Joseph-Marie Raymond, fils d’Étienne Raymond et de Marie-Cécile Mignot. En moins de deux ans, Taschereau concéda 28 terres, formant ainsi un embryon de paroisse, tandis que les concessions de Fleury de La Gorgendière et de Rigaud de Vaudreuil constituaient un noyau distinct, centré sur la chapelle de la seigneurie de Saint-Joseph. À l’automne de 1739, la région de la Nouvelle-Beauce comptait déjà 262 habitants.
Au cours de l’un des premiers arpentages sur sa seigneurie, Taschereau avait fait marquer la place de l’église et réserver une terre pour le curé ; il en fera ensuite une donation formelle à l’évêque de Québec, qui était alors Mgr de Pontbriand [Dubreil], par un acte du 25 février 1746. Il fit davantage pour la vie religieuse de ses censitaires. En 1741, il avait commandé à Paris, pour la chapelle alors installée dans la maison seigneuriale, au lieu appelé « le Domaine », tous les articles du culte et donné de son propre mobilier une belle peinture de la Madone, patronne déjà choisie pour la paroisse, en l’honneur de la dame seigneuresse.
Accaparé à Québec par ses fonctions d’agent et de conseiller, le seigneur Taschereau ne dut venir que très rarement dans sa seigneurie ; en aucun moment les documents ne signalent sa présence. Le 1er juillet 1745, il confia l’organisation matérielle de sa seigneurie à un procureur, Étienne Parent, que l’intendant Hocquart avait commissionné l’année précédente pour servir d’arpenteur dans la Nouvelle-Beauce. La vie paroissiale et seigneuriale prit dès lors son essor décisif.
Thomas-Jacques Taschereau possédait à sa mort, survenue le 25 septembre 1749, une des deux maisons qui devaient constituer plus tard l’emplacement du palais épiscopal de Québec ; son arrière-petit-fils, Elzéar-Alexandre Taschereau*, devait s’y illustrer comme premier cardinal canadien. Après la mort de son époux, la veuve Taschereau restait avec suffisamment de biens, et, malgré les longs services de son mari, « fort honnête homme du reste », elle ne put se faire accorder une pension royale. Elle fit instruire ses 8 enfants qui lui restaient des 14 qu’elle avait mis au monde. Marie-Louise entra chez les ursulines de Québec et fut supérieure du monastère ; Gabriel-Elzéar*, le benjamin, devint le seul continuateur de la lignée et le second seigneur de Sainte-Marie. La veuve Taschereau mourut à Québec le 19 février 1797, après être demeurée plusieurs années avec son fils au manoir de la seigneurie de Sainte-Marie.
AN, Col., B, 56, f.140 1/2 ; 58, f.465 1/2; 62, f.20 1/2 ; 63, f.462 1/2 ; 64, f.421 ; 65, ff.413, 423 1/2, 436 1/2 ; 66, ff.13, 24, 249 ; 76, ff.44, 86 1/2 ; 81, f.66 ; 87, f.26 1/2 ; 89, f.23 ; 91, f.30 ; Col., C11A, 66, f.249 ; 92, f.58 ; 93, ff.29, 193.— ANDQ, Registres des baptêmes, mariages et sépultures, 25 sept. 1749.— ANQ, Greffe de Jacques Imbert ; Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour ; AP, Famille Taschereau.— APC, MG 18, H17.— ASQ, Fichier des écoliers.— Contrat de concession d’un terrain pour l’église de Sainte-Marie, Nouvelle-Beauce, BRH, XIII (1907) : 372s.— Lettre du comte de La Galissonière à madame Thomas-Jacques Taschereau, BRH, VIII (1902) : 328.— Recensement de la Nouvelle-France, 1739 (Census of Canada).— Gaumond, Les forges de Saint-Maurice.— Honorius Provost, Sainte-Marie de la Nouvelle-Beauce : histoire civile (Québec, 1970) ; Sainte-Marie de la Nouvelle-Beauce : histoire religieuse (Québec, 1967).— P.-G. Roy, La famille Taschereau (Lévis, 1901).— Henri Têtu, Le chapitre de la cathédrale de Québec et ses délégués en France, BRH, XVI (1910) : 206, 226.
Honorius Provost, « TASCHEREAU, THOMAS-JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/taschereau_thomas_jacques_3F.html.
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Auteur de l'article: | Honorius Provost |
Titre de l'article: | TASCHEREAU, THOMAS-JACQUES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |