TASCHEREAU, MARIE-ANNE-LOUISE, dite de Saint-François-Xavier, ursuline, professeure et supérieure, née le 18 octobre 1743 à Québec, fille de Thomas-Jacques Taschereau* et de Marie-Claire de Fleury de La Gorgendière, et sœur de Gabriel-Elzéar* ; décédée le 16 mars 1825 à Québec.

Du côté paternel, Marie-Anne-Louise Taschereau descendait d’une famille anoblie vers 1492 et fixée à Tours, en France. Venu en Nouvelle-France en 1726, son père fut agent des trésoriers généraux de la Marine et membre du Conseil supérieur. Les postes prestigieux qu’il occupa et son mariage avec Marie-Claire de Fleury de La Gorgendière, née dans une riche famille [V. Joseph de Fleury* de La Gorgendière], le lièrent étroitement à la noblesse canadienne.

Quand naquit Marie-Anne-Louise, son père était depuis déjà sept ans propriétaire de la seigneurie Sainte-Marie et engagé dans sa mise en valeur. Il devait toutefois mourir à Québec le 25 septembre 1749, laissant une jeune veuve avec huit enfants, mais suffisamment pourvue. Marie-Anne-Louise commença aussitôt à fréquenter l’école des ursulines. Dotée d’un excellent naturel, d’un esprit vif et brillant ; elle faisait la joie de sa famille et de ses éducatrices. À dix ans, elle entra au pensionnat où s’épanouirent ses admirables qualités, mais elle ne manifesta, à ce moment, aucune inclination pour le cloître. Au contraire, sa vive imagination lui faisait anticiper les jouissances d’une liberté reconquise, au sortir de l’école.

Après la Conquête, Québec reprit son rythme habituel. Une vie sociale brillante et animée, où ne se comptaient ni les réceptions ni les bals, avait de quoi combler les jeunes bien nantis. Quoique très pieuse, le monde et ses plaisirs eurent pour Marie-Anne-Louise des attraits qui l’y retinrent jusqu’à l’âge de 20 ans. Pendant le carême de 1764, le père Marin-Louis Le Franc, jésuite français revenu de Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), prêcha du 4 au 12 mars la grande neuvaine à saint François-Xavier, sans doute dans la chapelle des ursulines qui servait encore d’église paroissiale. Cet éloquent prédicateur invitait les fidèles à choisir entre le bien et le mieux. C’est alors que Marie-Anne-Louise se sentit vivement attirée au service de Dieu et des âmes. D’abord frappée par l’inutilité des heures données aux plaisirs du monde, Marie-Anne-Louise alla prendre conseil auprès du prédicateur et décida finalement de se consacrer à l’apostolat. Comme elle n’était pas de nature à laisser traîner les choses, quelques semaines après avoir pris sa décision et averti sa famille, elle franchissait courageusement la porte du monastère des ursulines le 13 mai 1764, en qualité de postulante. En août, elle prenait l’habit religieux sous le nom de sœur Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier, patronyme d’un saint dont elle voulut imiter l’ardeur et le dévouement. L’une des premières novices depuis la Conquête, elle prononça ses vœux de religion le 12 août 1766, en présence de Mgr Jean-Olivier Briand*.

Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier s’appliqua à vaincre sa nature fougueuse et son caractère bouillant par l’heureuse habitude du renoncement. Fidèle en tout, elle devint en peu de temps ce qu’on appelait « une règle vivante ». Elle fut surtout portée à se pénétrer de l’esprit des anciennes : elle admirait leur aimable austérité, l’édifiante simplicité de leurs mœurs, leur assiduité à la prière et au travail.

Le pensionnat avait été réorganisé en 1761 et 1762. Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier se consacra donc à l’enseignement. Bientôt, elle devint maîtresse générale des études, charge qu’elle occupa pendant six ans, à la grande satisfaction de tous. Elle cumulait en même temps la tâche de sacristine. Comme on lui reconnaissait un talent particulier pour les affaires, les autorités la retirèrent de l’enseignement pour la nommer économe en 1787. Alarmée par l’ampleur des responsabilités matérielles et les exigences d’une bonne tenue de livres ainsi que d’une saine administration, elle s’en ouvrit à son frère, Gabriel-Elzéar, qui la rassura. Même s’il vivait à Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce, les tâches qu’on lui confiait et ses affaires personnelles l’amenaient souvent à Québec. À l’hiver de 1788, il s’appliqua à réorganiser les affaires des ursulines. Tant que se succédèrent les mandats de sa sœur, soit à l’économat, soit au supériorat, il continua sa surveillance sur les biens de la communauté.

Élue supérieure de la communauté en 1793, Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier devait assumer cette responsabilité jusqu’en 1799. Six ans plus tard, elle était appelée à remplir un nouveau mandat, qui fut renouvelé pour trois ans en 1808. Elle occupa cette fonction à nouveau de 1815 à 1818. Les choses n’allèrent pas toujours de soi. En 1807, il y eut une poursuite contre George Waters Allsopp*, au sujet de droits de passage dans leur propriété, la baronnie de Portneuf, cause qui fut du reste perdue. Il y avait également le montant des dots sur lequel il fallait délibérer, de même que les dons reçus qui devaient être consignés. D’autre part, les réparations et les agrandissements nécessaires pour les classes ne furent pas sans préoccuper la supérieure et son conseil. En 1807, Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier fit assurer contre le feu l’église, la maison et les ornements afin d’avoir un peu d’argent pour rebâtir si un incendie survenait.

La mort du seigneur Taschereau en 1809 priva les ursulines d’un bienfaiteur de taille. Elles le considéraient comme le véritable restaurateur de leurs affaires matérielles. Après lui, son gendre, le juge Olivier Perrault, porta beaucoup d’intérêt à l’administration des biens de la communauté et, comme lui, il rendit aux ursulines d’importants services. Un autre grand ami des ursulines, Philippe-Jean-Louis Desjardins, avait quitté le Bas-Canada en 1802. Pendant plus de 30 ans, la correspondance de ce prêtre resserra les liens entre les religieuses et leurs parents vivant en France. Le pieux abbé Desjardins entra en communication avec le frère de Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier, Charles-Antoine Taschereau, fait prisonnier à Montréal en 1760, envoyé en France et qui entretenait une correspondance suivie avec sa sœur. Charles-Antoine conseilla aux ursulines de rapatrier leurs rentes de France. Il sollicita, à cet effet, une procuration pour l’abbé Desjardins. Au fil des ans s’ensuivit un échange de cadeaux qui alla des reliquaires aux objets d’artisanat.

Ouverte à la consultation, disciplinée, fort intelligente, Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier tenait ferme aux décisions prises. Elle fit preuve de talent administratif, certes, mais sans s’éloigner de l’esprit de régularité et de ferveur. En 1815, elle fut la troisième supérieure en fonction à célébrer son jubilé d’or. Au cours de ses années de supériorat, Marie-Anne-Louise de François-Xavier présida, avec son conseil, à l’admission de 30 novices ; 3 d’entre elles seulement ne persévérèrent pas. La précieuse relève était donc assurée. Après 1818, Marie-Anne-Louise de Saint-François-Xavier occupa les charges de zélatrice et d’assistante en continuant à servir la communauté par son expérience et ses bons conseils. Elle s’éteignit à l’âge de 81 ans, le 16 mars 1825, à la suite d’un rhume. Son départ chagrina profondément sa famille et ses nombreux amis.

Suzanne Prince

ANQ-Q, CE1-1, 18 oct. 1743.— Arch. du monastère des ursulines (Québec), Actes d’élections des supérieures ; Actes des assemblées capitulaires, 1 ; Annales, II : 37–39 ; Cahiers des charges ; Conclusions des assemblées des discrètes, 1 ; Terrier de la seigneurie de Portneuf ; Terrier de la seigneurie de Sainte-Croix.— Allaire, Dictionnaire, 1.— Le Jeune, Dictionnaire, 2 : 697–698.— Tanguay, Dictionnaire, 7 : 263.— [Catherine Burke, dite de Saint-Thomas], les Ursulines de Québec, depuis leur établissement jusqu’à nos jours (4 vol., Québec, 1863–1866), 4 : 648–654.— [Joséphine Holmes, dite de Sainte-Croix], Glimpses of the monastery, scenes from the history of the Ursulines of Quebec during two hundred years, 1639–1839 [...] (2e éd., Québec, 1897), 166–172.— Provost, Sainte-Marie ; hist. civile, 33–57.— P.-G. Roy, la Famille Taschereau (Lévis, Québec, 1901).

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Suzanne Prince, « TASCHEREAU, MARIE-ANNE-LOUISE, dite de Saint-François-Xavier », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/taschereau_marie_anne_louise_6F.html.

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Auteur de l'article:    Suzanne Prince
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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