GAMELIN, IGNACE, marchand, receveur des droits du Domaine du roi, capitaine de milice et juge, fils d’Ignace Gamelin* et de Marguerite Le Moyne, né le 10 décembre 1698 dans la paroisse Saint-François-Xavier (Batiscan, Québec) ; il épousa à Montréal, le 31 janvier 1731, Marie-Louise Dufrost de La Gemerais, sœur de Marie-Marguerite, et ils eurent 15 enfants ; décédé à Montréal, le 9 mars 1771.
Ignace est un des membres de cette grande famille des Gamelin, marchands bien en vue en Nouvelle-France. Initié jeune au commerce, il commence sa carrière d’homme d’affaires au début des années 1720, au moment où il semble succéder à son père, marchand à Montréal. Il élargit bientôt son champ d’action en s’associant à Charles Nolan* Lamarque et, en 1721, il investit 24 000 livres tournois dans l’équipement de voyageurs engagés pour se rendre dans les pays d’en haut. Dès lors, il démontre un esprit d’entreprise qui lui permettra de devenir une des figures marquantes du commerce des fourrures au xviiie siècle.
L’intérêt de Gamelin pour le commerce des fourrures devait l’amener à participer à la grande aventure de Pierre Gaultier* de Varennes et de La Vérendrye, oncle de son épouse. Bien que commandant du poste de l’Ouest et théoriquement détenteur du monopole du commerce des fourrures dans la région du lac Ouinipigon (Winnipeg), ce dernier manque de fonds pour réaliser le vieux rêve de découvrir la mer de l’Ouest. Il réussit à intéresser Gamelin qui consent alors à investir dans l’entreprise. En 1731, La Vérendrye forme une société de neuf membres, composée de quatre sous-sociétés distinctes, à laquelle Gamelin adhère. Dès la première expédition, Gamelin et Nolan Lamarque sont fournisseurs pour 33 000 livres tournois de marchandises de traite, payables en peaux de castor, au prix des marchands de Montréal, au retour des canots en août de l’année suivante. Au printemps de 1734, une nouvelle société remplace celle de 1731 ; Gamelin et Nolan Lamarque y participent encore, fournissant pour 26 405 livres tournois de marchandises. Les découvertes ne se faisant pas au rythme souhaité, on convient, le 18 mai 1735, de constituer une nouvelle société pour trois ans. Ce nouveau contrat stipule que La Vérendrye ne s’occupera que de la découverte, laissant à ses associés l’exploitation et le commerce. En quelque sorte, La Vérendrye afferme ses postes aux « marchands-équipeurs » en retour d’un traitement annuel de 3 000# ; les associés devront, de plus, payer au gouverneur Beauharnois* la ferme du poste Kaministiquia (Thunder Bay, Ontario). La société s’engage également à prendre toutes les marchandises de traite dans les magasins de Gamelin et de Nolan Lamarque lesquels, pour cette seule année, investissent plus de 50 000 livres tournois. Lorsque, le 21 avril 1738, une autre société remplace celle de 1735, les termes de l’entente demeurent sensiblement les mêmes.
En 1740, Nolan Lamarque et Gamelin, déçus par les retards continuels de La Vérendrye à respecter ses obligations, lui intentent un procès. Le découvreur, toujours à court d’argent depuis le début de ses entreprises, promet de payer ses dettes dans les deux années à venir. L’entente survenue, La Vérendrye nomme Gamelin son procureur, le Il’ juin 1747, et afferme pour trois ans les forts Maurepas, sur la rivière Rouge, et La Reine (Portage-la-Prairie, Manitoba), ainsi que leurs dépendances, à Pierre Gaultier* de La Vérendrye de Boumois, son fils, et à Pierre-Julien Trottier-Desrivières. Gamelin devient le seul fournisseur de marchandises et le seul bénéficiaire des fourrures provenant de ces postes. On peut à juste titre se demander pourquoi des marchands ont joué un rôle aussi important dans ces entreprises de la découverte de la mer de l’Ouest. La Vérendrye avait vainement tenté d’obtenir des fonds du ministre Maurepas qui se méfiait du découvreur. C’est pourquoi il dut recourir constamment aux marchands qui, en qualité de bailleurs de fonds, n’étaient pas les collaborateurs les plus désintéressés ; ils ont cependant le mérite d’avoir rendu ses expéditions possibles.
L’activité considérable de Gamelin dans le domaine de la traite des fourrures ne se limita pas à son association avec le découvreur. Un inventaire sommaire des contrats d’engagement démontre qu’il a signé, entre 1727 et 1752, en son nom et au nom de ses associés, plus de 370 engagements de voyageurs montant aux pays d’en haut, principalement à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) et aux nombreux postes de l’Ouest.
De plus, Gamelin a participé à une autre entreprise d’envergure. En 1729, François Poulin* de Francheville entreprend l’organisation des forges du Saint-Maurice. Or, pour mener à bien une telle entreprise, il lui faut s’allier des spécialistes, des bailleurs de fonds et des personnages constitués en autorité. Aussi, le 16 janvier 1733, Francheville s’associe avec Gamelin, Pierre Poulin*, son frère, François-Étienne Cugnet*, directeur du Domaine d’Occident, et Louis-Frédéric Bricault* de Valmur, secrétaire de l’intendant Hocquart. L’entreprise éprouve malgré tout de grandes difficultés ; en novembre 1733, le décès de Francheville suspend temporairement l’établissement des forges. À l’automne de 1735, Gamelin et Cugnet, qui ont encore foi dans le projet, s’allient avec Pierre-François Olivier de Vézin, pour réorganiser les forges, moyennant une aide financière du roi. Une nouvelle société se forme, le 16 octobre 1736, composée de Gamelin, Cugnet, Thomas-Jacques Taschereau*, agent des trésoriers généraux de la Marine en Nouvelle-France, ainsi que de deux maîtres de forges, Vézin et Jacques Simonet* d’Abergemont. Le premier feu s’allume le 20 août 1738. Gamelin, seul sociétaire natif du pays, exerce un contrôle rigoureux de l’exploitation, mais sans succès. Incapables de rendre l’opération profitable, Cugnet et Gamelin démissionnent en octobre 1741, suivis de peu par les autres associés. Cependant, Gamelin sera le seul associé à payer une partie des dettes de l’entreprise.
Outre ses activités dans les pays d’en haut et aux forges, Gamelin exploite un commerce de gros et de détail dans la région de Montréal et il est un des principaux fournisseurs de l’État pour différents produits. Il s’approvisionne à La Rochelle, notamment chez les frères Pascaud. Pour le transport des marchandises entre la France, les Antilles et la Nouvelle-France, Gamelin et ses associés, Nolan Lamarque, Francheville et Jean-François Malhiot*, peuvent compter sur leur navire, le Montréal (1731–1735), et sur une goélette, la Magnonne, propriété de Gamelin. Le brigantin Dauphin voyage aussi pour leur compte entre Montréal et Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton). On ne sait si Gamelin a fait construire ces navires en Nouvelle-France, mais en 1743 il défraie en partie la construction du Caribou. Pour les voyages aux pays d’en haut, il utilise, selon la coutume, des canots d’écorce de six à dix places, fabriqués à Trois-Rivières.
Un homme d’affaires aussi en vue que Gamelin est sollicité pour des services qui le rendent précieux à la société montréalaise. En 1734, il est nommé marguillier de la paroisse Notre-Dame. Il agit souvent comme arbitre, tuteur, estimateur et procureur. En 1739, une commission le nomme receveur des droits du Domaine du roi dans l’étendue du gouvernement de Montréal, poste qu’il occupait provisoirement depuis 1735. De plus, en 1754, il est directeur adjoint d’une corporation de marchands à Montréal. Et, de 1750 à 1760, il occupe le poste de capitaine de milice à Montréal. Le temps qu’il consacre à cette tâche pourrait expliquer la diminution de ses activités commerciales qui cesseront vers le milieu de la guerre de la Conquête.
Sous le Régime anglais, on le nomme juge au tribunal de première instance de la Chambre de milices de Montréal. Gamelin, durant ce mandat qui dura de 1760 à 1764, joue un rôle assez équivoque : siégeant avec ses collègues à ce tribunal militaire, il signe comme juge 23 sentences en des causes où il est demandeur ou partie.
À la fin du gouvernement militaire, sans fortune, Gamelin doit encore nourrir sept enfants. Les dernières années de sa vie sont très pénibles : de 1768 à sa mort, il est paralysé, sourd, muet et presque aveugle. À ses héritiers, il laisse une dette de 49 719# et des comptes à recevoir au montant de 79 543th dont plusieurs obligations, certaines datant de 1721. Un des gros marchands de Montréal, Ignace fut probablement le plus important de la famille Gamelin.
Le château de Ramezay possède un portrait non signé d’Ignace Gamelin.
ACND, Doc. du dépôt général, 13 (livres de comptes d’Ignace Gamelin, 1720–1757).— AN, Col., B, 65, pp.681, 688 ; 81, pp.304s. ; C11A, 65, pp.17, 24, 30 ; 67, pp.63, 83s. ; 73, pp.120, 122 ; 74, pp.132, 147 ; 95, f.346v. ; 110 ; 111 ; 112 ; F3, 13, pp.96, 114 (copies aux APC).— ANQ-M, Chambre des milices, 1760–1764 ; Doc. jud., Cour des plaidoyers communs, Registres, 1765–1771 ; Juridiction de Montréal, 11 ; 14, 12 avril, 12 août 1724, 22 avril, 24 mai 1725, 4 avril 1727, 20 mai, 19 juin 1739, 2 juin 1740, 9 juin 1745, 10 juin 1748, 24 mai 1749, 7 juin 1751 ; Registres des audiences pour la juridiction de Montréal, 1720–1760 ; État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 31 janv. 1731, 10 mars 1771 ; Greffe de J.-B. Adhémar, 29 janv., 4 juin 1731, 17 mai 1735 ; Greffe de L.-C. Danré de Blanzy, 29 mai 1744, 12 juill. 1747, 15 juin 1754, 13 déc. 1758 ;Greffe de F.-M. Lepallieur de Laferté, 10 juin, 14 nov. 1734, 14 juin 1735 ; Greffe de P.-F. Mézière, 18 juin 1764 ; Greffe de Pierre Panet, 26 avril 1757, 12 sept. 1765, 8 mai 1771 ; Greffe de C.-C.-J. Porlier, 25 sept. 1740 ; Greffe de J.-C. Raimbault, 25 août, 29 sept. 1732 (pour cette recherche, environ un millier d’actes ont été recensés, nous ne citons ici que les plus importants) ; Livres de comptes, Charles Nolan Lamarque, 1727–1734 ; Recensement, Compagnie des Indes, 1741.— ANQ-MBF, État civil, Catholiques, Saint-François-Xavier (Batiscan), 10 déc. 1698.— ANQ-Q, Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour, 16 janv. 1733, 23 oct. 1735, 18 oct. 1736, 30 oct. 1737.— Archives privées, J.-B.–Porlier (Boucherville, Québec), Lettres de la famille Gamelin, 1764–1777.— ASQ, Fonds Viger-Verreau, Carton 1, no 48 ; 2, no 157 ; 3, no 180 ; 8, no 28 ; 20, no 40.— Bégon, Correspondance (Bonnault), ANQ Rapport, 1934–1935, 56.— Documents sur Pierre Gaultierde La Vérendrye, J.-J. Lefebvre, édit., ANQ Rapport, 1949–1951, 51–67.— [Louis] Franquet, Voyages et mémoires sur le Canada, Institut canadien de Québec, Annuaire, 13 (1889).— [Nicolas Renaud d’Avène Des Méloizes], Journal militaire tenu par Nicolas Renaud d’Avène Des Méloizes, cher, seigneur de Neuville, au Canada, du 8 mai 1759 au 21 novembre de la même année [...], ANQ Rapport, 1928–1929, 15.— La Gazette de Québec, 27 avril 1769.— Claude de Bonnault, Le Canada militaire : état provisoire des officiers de milice de 1641 à 1760, ANQ Rapport, 1949–1951, 443.— Labrèque, Inv. de pièces détachées, ANQ Rapport, 1971, 45, 258.— P.-G.–Roy, Inv. coll. pièces jud. et not., I : 120 ; Inv. concessions, II :226, 229, 234 ; IV : 224 ; Inv. ins. Cons. souv., 218s. ; Inv. coll. pièces jud. et not., I : 120 ; Inv. concessions, II : 226, 229, 234 ; IV : 224 ; Inv. ins. Cons. souv., 218s. ; Inv. jug. et délib., 1717–1760, IV : 34, 60, 211 ; V :84s., 281 ;Inv.ord.int., I :184 ;II :186, 266 ;III : 15s., 26, 54s.— Antoine Champagne, Les La Vérendrye et le poste de l’Ouest (Québec, 1968).— Albertine Ferland-Angers, Mère d’Youville, vénérable Marie-Marguerite Du Frost de Lajemmerais, veuve d’Youville, 1701–1771 ; fondatrice des Sœurs de la Charité de l’Hôpital-général de Montréal, dites sœurs grises (Montréal, 1945).— Cameron Nish, Les bourgeois-gentils-hommes de la Nouvelle-France, 1729–1748 (Montréal et Paris, 1968) ; François-Étienne Cugnet, 1719–1751 : entrepreneur et entreprises en Nouvelle-France (Montréal, 1975).— Sulte, Mélanges historiques (Malchelosse), VI.— Tessier, Les forges Saint-Maurice.— M. Trudel, L’esclavage au Canada français.— Philéas Gagnon, Nos anciennes cours d’appel, BRH, XXVI (1920) : 346s.— É.-Z.–Massicotte, Une chambre de commerce à Montréal sous le Régime français, BRH, XXXII (1926) : 121–124.
Raymond Dumais, « GAMELIN, IGNACE (1698-1771) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gamelin_ignace_1698_1771_4F.html.
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Auteur de l'article: | Raymond Dumais |
Titre de l'article: | GAMELIN, IGNACE (1698-1771) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |