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RIGAUD DE VAUDREUIL, FRANÇOIS-PIERRE DE, militaire et administrateur, né à Montréal le 8 février 1703, du mariage de Philippe de Rigaud* de Vaudreuil, gouverneur général de la Nouvelle-France, et de Louise-Élisabeth de Joybert* de Soulanges et de Marson ; décédé le 24 août 1779 au château de Colliers dans la commune de Muides (dép. de Loir-et-Cher, France).
Celui que les Canadiens appelaient « monsieur de Rigaud » appartenait à une vieille famille du Languedoc – l’Armorial de France dénombre 11 générations de Rigaud avant 1680, dont les rejetons se sont illustrés en terre canadienne. Le père de François-Pierre, débarqué à Québec en 1687, servit dans l’armée et assuma le poste de gouverneur général de la Nouvelle-France de 1703 à 1725. Ses six fils travailleront au service du roi, occupant des postes dans l’armée, la marine ou les colonies.
Cinquième fils de la famille, François-Pierre de Rigaud de Vaudreuil naît l’année où son père accède au poste de gouverneur général. On ignore tout de son enfance et de son éducation qui dut cependant être rudimentaire, car ses contemporains, s’ils le jugent brave, le disent aussi « borné » et « sans lumière ». Mettant à profit la protection du comte de Pontchartrain, son père le fait nommer à cinq ans dans la compagnie des gentilshommes gardes-marine, en dépit du règlement y exigeant 18 ans. Il lui obtient, en 1712, une enseigne dans les troupes de la Marine et une lieutenance, le 2 juin 1720 ; sa mère, qui réside à Versailles de 1709 à 1721, n’est également pas étrangère à ces nominations. Le jeune lieutenant s’initie au métier des armes en exerçant la fonction d’aide-major des troupes. En 1723, il fait un premier séjour en France et obtient une compagnie l’année suivante, toujours grâce au haut patronage dont jouissent les Vaudreuil à la cour. Rentré au Canada en 1726, il retourne en France deux ans plus tard, pour régler la succession de son père, et de nouveau en 1730 et 1731. Si l’on en croit le chanoine Pierre Hazeur de L’Orme, à l’affût des potins de la colonie, Rigaud de Vaudreuil allait y rencontrer Louise, fille de Joseph de Fleury* de La Gorgendière et de Claire Jolliet, qui avait su lui plaire. Il revient à Québec en 1732, à bord du Rubis, et se marie l’année suivante, le 2 mai, à Québec. Le couple aura cinq enfants, tous décédés en bas âge.
Rigaud de Vaudreuil n’est pas de la génération qui s’est enracinée, mais de celle qui s’est canadianisée. Militaire, trafiquant, seigneur, il est un exemple de cette oligarchie canadienne qui, tout en travaillant pour le roi, s’efforce de servir le Canada et ses propres intérêts, amenant ainsi des heurts fréquents entre coloniaux et métropolitains. De 1724, année où il obtient une compagnie, à 1741, date de sa nomination au poste de major des troupes, Rigaud de Vaudreuil joue un rôle effacé, se préoccupant surtout de son avancement et de ses intérêts. Il obtient, en 1732, en copropriété avec son frère Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial, la seigneurie de Rigaud, contiguë à leur seigneurie de Vaudreuil, le long de la rivière Outaouais. En 1736, il se fait concéder la seigneurie de Saint-Joseph-de-la-Nouvelle-Beauce, avec la charge de faire construire, avec les autres seigneurs de la région, « un grand chemin roulant de charette ». Ses obligations de seigneur ne lui pèsent point lourd ; Rigaud de Vaudreuil n’est pas un gentilhomme paysan.
Le poste de major qu’il obtient en 1741, puis la guerre de la Succession d’Autriche lui permettent enfin de faire valoir ses talents militaires. Si, en Europe, la guerre donne lieu à de grands déploiements des armées, en Amérique, les Canadiens s’en tiennent à la petite guerre – pas moins de 27 raids sèment la terreur en Nouvelle-Angleterre. Rigaud de Vaudreuil a mission de protéger le fort Saint-Frédéric (près de Crown Point, New York). Il s’y rend d’abord en août 1746 et, n’y trouvant point d’Anglais, longe la Kaskékoué (aujourd’hui rivière Hoosic) jusqu’au fort Massachusetts (Williamstown, Massachusetts), qu’il rase après une faible résistance. Sur le chemin du retour, il brûle les quelque 200 bâtiments construits en bordure de la Kaskékoué et rentre à Montréal le 26 septembre. En juin 1747, il retourne avec 780 hommes au fort Saint-Frédéric où il attend les Britanniques, mais en vain, et n’improvise aucune offensive.
En septembre de la même année, le nouveau commandant général, Roland-Michel Barrin* de La Galissonière, apporte la nouvelle de la fin des hostilités en Europe. Le traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748, instaure la paix en Europe mais n’établit qu’une trève en Amérique, où les frontières de l’Acadie et de la région de l’Ohio sont l’objet d’une âpre lutte marquée d’incessantes escarmouches ; La Galissonière s’efforce de consolider les points stratégiques aux frontières. Cette même année, Rigaud de Vaudreuil est nommé lieutenant de roi du gouvernement de Québec, poste prestigieux qui le met au centre de la société québécoise. En septembre, il obtient une seigneurie le long de la Yamaska, futur emplacement de la ville de Saint-Hyacinthe (Québec).
Le 1er mai 1749, Rigaud de Vaudreuil succède à Claude-Michel Bégon* de La Cour au poste de gouverneur de Trois-Rivières. Il se trouve alors en bonne position pour s’adonner à la traite des fourrures ; il se fait concéder, pour deux ans, le poste de Baie-des-Puants (Green Bay, Wisconsin), dont il obtiendra la concession permanente en 1759. Rigaud de Vaudreuil s’embarque pour la France en 1754. Au retour, l’année suivante, le navire Alcide, qui le ramène, s’écarte du convoi à la hauteur du cap Ray (Terre-Neuve) et des navires britanniques, commandés par le vice-amiral Edward Boscawen*, le forcent à baisser pavillon, à la suite d’une bordée « haute et basse à bout touchant ». Rigaud de Vaudreuil est fait prisonnier et amené à Halifax où, sans méfiance, il remet à un certain Thomas Pichon, un espion à la solde des Britanniques, de précieux documents sur la Louisiane. Emprisonné, par la suite, en Angleterre, il réussit à passer en France, puis à revenir à Québec le 4 mai 1756.
En juin, la France et l’Angleterre sont en guerre, officialisant ainsi l’état de guerre larvée existant aux frontières de la Nouvelle-France. Dès son arrivée, Rigaud de Vaudreuil est mis à contribution. Durant l’été, il commande l’avant-garde des forces de Montcalm* qui, le 11 août, cerne les forts de la région d’Oswego (New York). À la suite de bombardements et d’un court siège de trois jours, les Britanniques capitulèrent. Ce haut fait d’armes, dont Montcalm s’attribue les honneurs, assoit malgré tout la réputation des Canadiens et de Rigaud de Vaudreuil. En février et mars 1757, ce dernier commande un corps expéditionnaire de 1 500 hommes, dont, semble-t-il, 600 Canadiens et 300 Indiens, qui, par monts et par vaux, va ravager les alentours du fort George (aussi appelé fort William Henry ; aujourd’hui Lake George, New York), détruisant les entrepôts et les bateaux qui devaient soutenir l’armée d’invasion du Canada.
Depuis le décès du gouverneur de Montréal, Charles Le Moyne* de Longueuil, en janvier 1755, on lui cherchait un successeur. Traditionnellement, le gouverneur de Trois-Rivières remplaçait celui de Montréal, et c’est pourquoi Vaudreuil, le nouveau gouverneur général, propose son frère. Mais le ministre hésite, n’estimant pas que ce dernier ait assez de talent et de lumières pour remplacer, le cas échéant, le gouverneur général. Vaudreuil insiste, plaidant avec brio la cause de son frère et celle des Canadiens relégués à des postes de subalternes. Le 1er mai 1757, le ministre accepte. À compter de ce moment, Rigaud de Vaudreuil assume ses fonctions de gouverneur. Il doit loger les troupes, les ravitailler et assurer la défense de la région. En 1758, il effectue des manœuvres de diversion pendant que Montcalm, avec le gros des troupes, stoppe les envahisseurs à Carillon (Ticonderoga, New York). En 1759, lors de la campagne de Québec, le gouverneur de Montréal s’affaire à consolider la ligne de défense du Richelieu, dont les points d’appui sont Laprairie (La Prairie, Québec) et l’île aux Noix, à faire moissonner les récoltes, à tenir le rôle des hommes en état de porter les armes. Après la chute de Québec, Montréal devient la capitale du Canada ; Vaudreuil y installe, place Jacques-Cartier, son quartier général. Un gouverneur particulier de Montréal n’a plus sa raison d’être ; Rigaud de Vaudreuil entre dans l’ombre au moment où la Nouvelle-France entre dans l’histoire.
Alors commence la vie en exil. Un vaisseau anglais transporte en France messieurs de Vaudreuil et de Rigaud ainsi que leur suite. Liés par une solide amitié, les deux frères vivent à Paris et à Muides, au château de Colliers. En mars 1762, Rigaud de Vaudreuil, qu’on appelle en France monsieur le marquis de Rigaud, obtient une pension annuelle de 2 000# qu’il tente à plusieurs reprises de faire augmenter. Il meurt le 24 août 1779. Son épouse était décédée en février 1775, à Saint-Domingue (île d’Haïti) où elle accompagnait sa nièce.
Jean Hamelin et Jacqueline Roy
François-Pierre de Rigaud de Vaudreuil n’a point laissé d’archives personnelles. Sa correspondance et ses papiers sont éparpillés dans les grandes séries documentaires du Régime français. Pour reconstituer sa carrière, nous avons utilisé principalement les documents parus dans ANQ Rapport, APC Rapport, BRH, Coll. des manuscrits de Lévis (Casgrain) et NYCD (O’Callaghan et Fernow).
Personnage de second plan, Rigaud de Vaudreuil n’a guère retenu l’attention des historiens. Cependant, il a fait l’objet d’une thèse de maîtrise : Bernard Vinet, « François-Pierre Rigaud de Vaudreuil, 1703–1779 » (université de Montréal, 1954). Cette thèse a vieilli mais nous avons mis à contribution son cadre chronologique. De plus, Rigaud de Vaudreuil est présent dans certains ouvrages historiques : Æ. Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis, et Frégault, La guerre de la Conquête, consacrent des pages intéressantes à son rôle aux forts Oswego et George et à la question de la nomination des Canadiens à de hauts postes administratifs ; Ernest Gagnon, Le fort et le château Saint-Louis (Québec) ; étude archéologique et historique (Montréal, 1925) ; Francis Parkman, A half-century of conflict (5e éd., 2 vol., Boston, 1893) et Benjamin Sulte, « Les gouverneurs des Trois-Rivières », BRH, II (1896) : 66–72. [j. h. et j. r.]
Jean Hamelin et Jacqueline Roy, « RIGAUD DE VAUDREUIL, FRANÇOIS-PIERRE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rigaud_de_vaudreuil_francois_pierre_de_4F.html.
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Auteur de l'article: | Jean Hamelin et Jacqueline Roy |
Titre de l'article: | RIGAUD DE VAUDREUIL, FRANÇOIS-PIERRE DE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |