GAMELIN, PIERRE-JOSEPH (il signait Pierre), garde-magasin, négociant, capitaine de milice et juge de paix, né à Saint-François-du-Lac (Québec) le 16 avril 1736, fils de Joseph Gamelin, marchand, et d’Angélique Giasson ; il épousa le 29 janvier 1759, à Lachine (Québec), Marie-Louise de Lorimier (ils eurent six filles), et, en secondes noces, le 15 septembre 1785 à Saint-Vincent-de-Paul (Laval), Marie-Anne Lemaître-Lamorille (ils eurent un fils) ; décédé à Montréal, le 19 octobre 1796.

Ondoyé le jour de sa naissance, Pierre-Joseph Gamelin reçut les cérémonies supplétives du baptême le 5 juin de la même année, du chanoine Joseph-Thierry Hazeur* ; il a pour marraine Jeanne-Charlotte de Fleury Deschambault, future épouse de son parrain, Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial, alors gouverneur de Trois-Rivières. Issu d’une famille commerçante renommée de Montréal, Gamelin est initié jeune au monde des affaires. À l’âge de 22 ans, il est garde-magasin du roi au fort Frontenac (Kingston, Ontario), puis au fort La Présentation (ou Oswegatchie ; aujourd’hui Ogdensburg, New York).

Ayant exercé ces fonctions pendant le gouvernement de Bigot, Gamelin sera accusé de complicité dans l’Affaire du Canada. Le 29 mars 1762, le Châtelet décrète la prise de corps de Gamelin, qui subit son procès par contumace. Le jugement du 10 décembre 1763, condamnant Bigot et ses complices, réservait le cas de Gamelin pour un « plus ample informé avant de prononcer la contumace ». Soucieux de maintenir sa réputation et de faire lever le doute planant sur ses agissements, Gamelin, pour se défendre, se rend à Paris où il sera finalement acquitté. Le 4 avril 1767, il demande au Conseil de Marine le remboursement de 69 000# de papier du Canada dont il est porteur, alléguant qu’il a droit à cette faveur, en raison de fortes dépenses engagées pour venir se justifier en France.

Depuis au moins 1762, Gamelin est établi à Montréal comme marchand grossiste et détaillant. Ses livres de comptes, tenus de 1766 à 1778, indiquent que les Canadiens composent 70 p. cent de sa clientèle ; parmi ses fournisseurs, on remarque les marchands Davis et Sharp, John et Robert Barclay, qui lui intenteront des procès en 1786, Aymare Mavit et Daniel Vialars, et Ogier Renaud & Cie, de Londres. Cette dernière firme, dont il était agent, lui sert souvent d’intermédiaire avec ses fournisseurs européens : les sociétés Paillet & Meynardie et Tourons & Frères, de La Rochelle. Gamelin s’associe également avec Antoine Vitally et Jérôme Jugier, fabricants de tabac au pays, mais la société fait faillite en 1786. De plus, il continue à s’intéresser aux pays d’en haut : au printemps des années 1789 et 1794, il engage 22 voyageurs, la plupart pour Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan). Le 18 mai 1795, il effectue une dernière transaction commerciale, cédant à Grant, Campion & Cie des marchandises, dont quelques caisses de rhum de la Jamaïque, expédiées à Michillimakinac l’automne précédent.

En 1762, des Britanniques prennent l’initiative de réunir une trentaine de citoyens, dont dix Canadiens, en vue de fonder une loge maçonnique à Montréal. Désireux de se lier à la haute société anglaise, Gamelin s’associe au groupe. Par contre, le 27 décembre 1770, il est nommé troisième marguillier de la paroisse Notre-Dame de Montréal. Une semaine plus tard, le 3 janvier 1771, devenu maître de loge, il se manifeste publiquement lors d’une cérémonie maçonnique. Stupéfait, le clergé, qui feint d’ignorer l’activité des francs-maçons, envisage la possibilité de le destituer en tant que marguillier, mais l’importance de Gamelin et le rôle considérable joué par sa famille au sein de l’Église et de la société montréalaise depuis la fin du xviie siècle incitent à la prudence. Ne voulant pas, de surcroît, aggraver une affaire qui fait déjà trop de bruit, le clergé décide de régler le différend à l’amiable. Après s’être concertés, le curé Louis Jollivet, le grand vicaire Étienne Montgolfier et Mgr Briand pressent Gamelin de se démettre de l’une ou l’autre de ses fonctions jugées incompatibles. Gamelin se soumet probablement aux vœux des ecclésiastiques ; en effet, le 30 juin de la même année, lors de la reconstruction de l’église Notre-Dame-de-Bonsecours, il pose, en qualité de marguillier, une des pierres angulaires. En outre, quatre de ses filles épousent des Britanniques dont trois sont protestants ; Gamelin n’assistera pas à ces derniers mariages à cause de « certaines raisons de religion ».

Membre de l’élite commerçante du xviiie siècle et propriétaire de terrains à Saint-Vincent-de-Paul, à Prairie-de-la-Madeleine (La Prairie), à l’île Bouchard et surtout à Verchères, où il afferme 190 arpents de terre, Gamelin se voit confier quelques fonctions importantes. Capitaine de milice pendant l’invasion américaine, il fut fait prisonnier lors de la prise de la garnison de Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu) en novembre 1775. En 1784–1785, il se rendit à Londres avec des compatriotes [V. Jean-Baptiste-Amable Adhémar] pour y défendre les intérêts des Canadiens, notamment pour réclamer des prêtres dont le Canada avait un pressant besoin. Lors de la première élection en 1792, Gamelin pose sa candidature dans le comté d’Effingham mais il sera battu par Jacob Jordan, seigneur de Terrebonne. Cette même année, il devient juge de paix. Gamelin avait acheté, en 1769, une maison de pierres, à deux étages, construite sur l’emplacement actuel du marché Bonsecours. Après son deuxième mariage, il vit à Saint-Vincent-de-Paul ; en 1795, on le retrouve à Montréal où, le 14 septembre 1796, malade, il rédige son testament.

Négociant important sous le Régime anglais, Pierre-Joseph Gamelin dut composer avec les conquérants. À sa mort, on évalua ses biens à £4 172 et ses dettes à £4 455, alors que ses comptes à recevoir se chiffraient à £88 104. Pierre-Joseph fut, semble-t-il, le dernier représentant des marchands de la dynastie des Gamelin qui en compta pas moins de dix au xviiie siècle, dont Ignace*, père, Ignace, fils, et Pierre Gamelin* Maugras.

Raymond Dumais

ANQ-M, Chambre des milices, 13 juill. 1762, 14 janv., 7 sept. 1763, 24 juill. 1764 ; Doc. jud., Cour des plaidoyers communs, Registres, 1765–1796 ; État civil, Anglicans, Christ Church (Montréal), 30 janv. 1784, 17 sept. 1793 ; Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 20 oct. 1766, 7 janv. 1783 ; Saint-François-du-Lac, 5 juin 1736 ; Saints-Anges (Lachine), 29 janv. 1759, 20 févr. 1784 ; Saint-Vincent-de-Paul (Laval), 15 sept. 1785, 31 mai 1789 ; Greffe de J. G. Beek, 30 janv. 1784, 17 sept. 1793 ; Greffe de Louis Chaboillez, 8, 11, 15, 22, 29 mai 1789, 5, 10, 13, 14 juin 1794, 7 déc. 1796, 5 juill. 1797, 27 mars 1798 ; Greffe de Jean Delisle, 29 mars 1780 ; Greffe de J.-G. Delisle, 13 nov. 1791 ; Greffe de J.-C. Duvernay, 8 août 1762, 13 juin 1766, 9 oct. 1767, 21 sept. 1771, 9 oct. 1772, 28 juill., 5 août, 5 oct. 1773 ; Greffe d’Antoine Foucher, 9 avril 1782, 10 juill. 1786, 23 mars, 1er mai 1787 ; Greffe de François Leguay, 4 janv. 1783, 16 juin 1785 ; Greffe de P.-F. Mézière, 18 janv. 1779 ; Greffe de Pierre Panet, 27 janv., 27 févr. 1759, 12 août 1766, 3 déc. 1767, 30 juin 1769, 13 juin. 1770, 12 déc. 1772, 4 janv., 21 févr., 29 mars 1774, 23 févr. 1775 ; Greffe de Joseph Papineau, 20 févr. 1784, 14 nov. 1792, 18 mai 1795, 6 févr., 4 sept. 1796 ; Greffe de François Simonnet, 22 juill. 1768, 2 juin, 30 août 1769 ; Greffe de L.-J. Soupras, 20 juin 1783 ; Greffe d’André Souste, 2 juill. 1764 ; Tutelles et curatelles, 15 juin 1785, 19 mars 1795, 1er déc. 1796.-APC, MG 24, D3, 1.— Archives paroissiales, Notre-Dame (Montréal), Registre des délibérations d’assemblées générales des marguilliers, I, ff.342, 346, 347, 354, 355, 359 ; II, ff.18, 93, 94, 95, 96.— ASQ, Fonds Viger-Verreau, Carton 9, no 1 ; 17, no 51.— AUM, P 58, Corr. générale, Pierre Gamelin à Mlle Despinassy, 21 oct. 1772.— Jugement rendu souverainement et en dernier ressort, dans l’Affaire du Canada, par messieurs les lieutenant général de police, lieutenant particulier et conseillers arc Châtelet, et siège présidial de Paris, commissaires du roi en cette partie, du 10 décembre 1763 (Paris, 1763), 6, 4547, 77. MM. Adhémar et Delisle, BRH, XII (1906) : 325, 353. Première réunion de la grande loge de Montréal, APC Rapport, 1944, xxxii.— La Gazette de Québec, 12 oct. 1780, 17 nov. 1785, 7 août, 13 nov. 1788, 15 juill. 1790.— F.-J. Audet et Édouard Fabre Surveyer, Les députés un premier parlement du Bas-Canada (1792–1796) [...] (Montréal, 1946), 282. Thomas Chapais, Cours d’histoire dry Canada (8 vol., Québec et Montréal, 19191934), I : 235237. A.-H. Gosselin, L’Église dit Canada après la Conquête, I : 380384.— Lemire-Marsolais et Lambert, Hist. de la CND de Montréal, IV :192194, 432 ; V : 232s. P.-G. Roy, Bigot et sa bande, 191193. Ægidius Fauteux, Marguillier et franc-maçon, BRH, XXVI (1920) : 240. La première loge maçonnique, BRH, LI (1945) : 179. Louis-Richard, La famille Lœdel, BRH, LVI (1950) : 7889.

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Raymond Dumais, « GAMELIN, PIERRE-JOSEPH (Pierre) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gamelin_pierre_joseph_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
Date de consultation:    1 décembre 2024