LE VASSEUR, NAZAIRE (baptisé Louis-Nazaire-Zéphirin), journaliste, fonctionnaire, militaire, musicien et écrivain, né le 6 février 1848 à Québec, fils de Zéphirin Levasseur et de Madeleine Langevin ; le 5 juin 1872, il épousa dans cette ville Phédora Venner, et ils eurent quatre enfants, notamment Irma*, première femme médecin canadienne-française de la province de Québec ; décédé le 8 novembre 1927 à Québec.

Issu d’un milieu commerçant dont l’hospitalité était « large et abondante », ainsi qu’il le dit lui-même dans ses Réminiscences d’antan, Nazaire Le Vasseur grandit dans une atmosphère propice aux arts : son père, alors directeur d’un chantier de construction navale et amateur de musique, fait de sa maison un « rendez-vous d’intellectuels » et reçoit des personnalités très en vue, dont le négociant Abraham Hamel, frère du peintre Théophile Hamel*, la famille du notaire Louis-Édouard Glackmeyer*, le pianiste Charles Sabatier [Wugk*] et le compositeur et organiste français Marie-Hippolyte-Antoine Dessane*. Aîné d’une famille de trois enfants, Le Vasseur est initié dès l’âge de cinq ans à la musique par Dessane et, au fil des années, il étudiera le piano, le violoncelle, le violon, la flûte et l’orgue.

Le Vasseur fait ses études classiques au petit séminaire de Québec de 1857 à 1866 puis il entre à la faculté de médecine de l’université Laval, mais, en raison de difficultés financières familiales, il doit quitter l’établissement au bout de trois ans, comme il le précise, même si l’on ne le retrouve pas parmi les élèves inscrits en 1868–1869. Il collabore alors à l’Événement, récemment fondé par Hector Fabre* ; il en est successivement premier reporter, rédacteur adjoint et, enfin, rédacteur en chef jusqu’en 1878. Son appartenance au monde du journalisme lui permet de fréquenter des personnalités politiques, qu’il conseille ou appuie au moment de leurs campagnes électorales, comme ce sera le cas pour Wilfrid Laurier* en 1877. Son mariage en 1872 avec la fille d’un banquier confirme sa réussite sociale.

Le 2 octobre 1878, Le Vasseur entre au service du gouvernement fédéral à titre d’inspecteur du gaz et des compteurs à gaz ; il occupera ce poste jusqu’en 1915. Parallèlement, il continue de s’intéresser au journalisme. Il fonde, en avril 1883, un journal du soir, la Presse, mais les fonds manquent et la publication est suspendue après la première livraison. Onze ans plus tard, il lance avec Émile La Salle la Revue commerciale, qui sera remplacée dès août 1894 par la Semaine commerciale, à laquelle il collabore jusqu’en 1904. Il signe aussi régulièrement des articles pour l’Événement. Ses nombreuses activités ne l’empêchent pas de s’engager comme milicien dans le 9e bataillon des Voltigeurs de Québec et de participer en 1885 à la campagne du Nord-Ouest contre les Métis de Louis Riel*, ce qui lui vaut, à son retour, le grade de major. Entre 1898 et 1913, Le Vasseur sera nommé consul, à Québec, de plusieurs pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, dont le Nicaragua, le Guatemala, le Brésil et le Chili.

Le Vasseur a fait partie, en 1877, des membres fondateurs de la Société de géographie de Québec. Homme d’une « insatiable curiosité intellectuelle » selon le Bulletin de la société, il signe entre 1883 et 1921 près d’une cinquantaine d’articles sur des sujets aussi diversifiés que le lac Winnipeg, le bassin du grand fleuve Mackenzie, la comète de Halley, la Russie. Secrétaire archiviste adjoint de la société en 1880, vice-président en 1889, Le Vasseur sera nommé président honoraire en 1896, « en reconnaissance de services rendus à la Société », et président de 1898 à 1905. Dès 1895, il se lie avec le capitaine Joseph-Elzéar Bernier* et l’encourage, par l’entremise de la Société de géographie de Québec et au moyen de campagnes de financement, à réaliser entre 1904 et 1911 ses expéditions dans l’Arctique. Le Vasseur est également un des membres fondateurs du Cercle des Dix à Québec en 1893 ; cette société regroupe, notamment, des littéraires, des musiciens et des journalistes tels que Napoléon Legendre*, Narcisse-Henri-Édouard Faucher* de Saint-Maurice et James MacPherson Le Moine*.

Le Vasseur participe aussi à la vie musicale de Québec. Il succède à Dessane comme organiste à Saint-Roch de 1873 à 1881. Aux côtés de son maître, il a contribué à fonder en 1869 la Société musicale Sainte-Cécile de l’église Saint-Roch. À la tête de ce chœur de 1873 à 1885, il dirige des messes de Haydn, de Rossini et de Gounod, ainsi que l’opéra la Perle du Brésil de Félicien David. Sa femme, cantatrice, prend part comme soliste à certains de ces concerts. Secrétaire de la Société harmonique en 1870, Le Vasseur est l’année suivante cofondateur et violoniste du Septuor Haydn, qui deviendra en 1903 le noyau de la Société symphonique de Québec (le futur Orchestre symphonique de Québec) [V. Joseph Vézina]. Il sera entre 1903 et 1907 contrebassiste de ce nouvel orchestre. À sa mort, ses collègues regretteront, à l’occasion d’une de leurs assemblées, l’« ouvrier de la première heure qui s’est beaucoup dépensé pour le succès de [la] société ». En 1880, Le Vasseur succède à Calixa Lavallée* comme chef d’un chœur appelé le Quatuor vocal de Québec et agit la même année comme secrétaire du comité chargé d’organiser à Québec les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste au cours desquelles sera créé l’Ô Canada. En 1887, il est nommé membre de l’Académie de musique, qui cherche, notamment, à développer l’intérêt pour la musique et à réglementer davantage les études musicales. Il a donc marqué par sa présence les organismes musicaux les plus en vue de Québec.

Bien que sa vue se détériore sérieusement à compter de 1908, Le Vasseur continue à collaborer, avec « deux paires de lunettes sur le nez » selon le chef de l’information de l’Événement Edmond Chassé, au Bulletin de la Société de géographie de Québec. Le Vasseur songeait depuis 1881 à écrire une histoire de la musique à Québec et, entre 1919 et 1922, son projet se transforme en une quarantaine d’articles publiés dans la revue la Musique : même s’ils comportent certaines lacunes et inexactitudes, relevées par la musicologue Vivianne Émond, ces documents, agrémentés de souvenirs personnels, ont longtemps servi de référence aux historiens de la musique québécoise, surtout en ce qui concerne le xixe siècle. En 1925, il rédige la biographie de son ami le chirurgien Ferdinand-Philéas Canac-Marquis, dans laquelle, toutefois, l’aspect anecdotique et les récits de voyages du médecin l’emportent sur sa contribution à la science. Deux autres ouvrages, Têtes et Figures et Réminiscences d’antan, parus en 1920 et 1926 respectivement, témoignent d’une belle plume et d’un sens de la narration qui, dans le cas de Têtes et Figures, mêle avec finesse l’imagination aux coutumes canadiennes-françaises.

Nazaire Le Vasseur meurt dans une modeste pension du Vieux-Québec. Ses funérailles, célébrées avec solennité à la basilique Notre-Dame de Québec en présence de nombreux dignitaires, magistrats, militaires et musiciens, témoignent du prestige et de l’influence dont jouissait cet érudit passionné et attachant. Pendant près d’un demi-siècle, il a été omniprésent dans la vie culturelle, sociale et politique de Québec. Homme d’une grande culture et d’une grande curiosité d’esprit, à la plume facile, il a été de tous les comités, il a participé à la fondation de bon nombre d’associations et il a tissé autour de lui tout un réseau de relations qui partageaient ses affinités et ses passions. Après avoir baigné dès son enfance dans une atmosphère artistique, il n’a jamais cessé de se consacrer à la musique et, tout en demeurant un amateur en ce domaine, il a contribué, comme interprète, comme historien et comme chroniqueur, à poser les jalons d’une vie musicale dont la postérité peut lui être reconnaissante.

Irène Brisson

Outre ses articles dans l’Événement, le Soleil, la Semaine commerciale (Québec), la Musique (Québec) et le Bull. (Québec) de la Soc. de géographie de Québec, Nazaire Le Vasseur est l’auteur de : Honorable Ph.-Aug. Choquette, ancien sénateur, juge de la Cour des sessions de la paix, Québec (Québec, 1920) ; Têtes et Figures (Québec, 1920) ; Ferdinand-Philéas Canac-Marquis, médecin-chirurgien : esquisse biographique (Québec, 1925) ; Réminiscences d’antan ; Québec il y a 70 ans ([Québec, 1926]). Il a également écrit, avec Narcisse-Henri-Édouard Faucher de Saint-Maurice et Joseph-Étienne-Eugène Marmette, le Canada et les Basques (Québec, 1879). À sa mort, il a laissé en manuscrit une traduction du livre de Napoléon-Alexandre Comeau, Life and sport on the north shore of the lower St. Lawrence and gulf (Québec, 1909) qui sera publiée à Québec en 1945 sous le titre la Vie et le Sport sur la Côte Nord du bas Saint-Laurent et du golfe, et réimprimée en 1983. Il a aussi fait la traduction de The trail of the sword (New York, 1894) du Canadien Horatio Gilbert George Parker*, sous le titre Femme, ou sabre ([Québec], 1898).

Comme compositeur, Le Vasseur a laissé quelques pages de salon et de circonstance correspondant au goût du jour, mentionnées par Gilles Potvin dans l’Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et al.), 2 : 1912s.

ANQ-Q, CE301-S22, 7 févr. 1848, 5 juin 1872 ; P152.— BAC, MG 30, B21.— F.-X. Chouinard, « In memoriam : le major Nazaire Le Vasseur », Soc. de géographie de Québec, Bull., 21 (1927) : 193–200.— DOLQ, 2.— Vivianne Émond, « « Musique et Musiciens à Québec : souvenirs d’un amateur » de Nazaire LeVasseur (1848–1927) : étude critique » (mémoire de m.mus., univ. Laval, 1986).— Robert Germain, « Sur tous les claviers… Louis-Nazaire Levasseur », Cap-aux-Diamants (Québec), 5 (1989–1990), no 2 : 41–44.— Christian Morissonneau, la Société de géographie de Québec, 1877–1970 (Québec, 1971), 53–55, 258.— Victor Morin, « les Dix », Cahiers des Dix, 1 (1936) : 22–25.

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Irène Brisson, « LE VASSEUR, NAZAIRE (baptisé Louis-Nazaire-Zéphirin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_vasseur_nazaire_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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