TOWNSHEND, GEORGE, 4e vicomte et 1er marquis TOWNSHEND, officier et artiste, né le 28 février 1723/1724 ; décédé le 14 septembre 1807 à Raynham Hall, Norfolk, Angleterre.

George Townshend était le fils aîné de Charles, 3e vicomte Townshend, et d’Audrey Harrison. Les Townshend avaient de grandes propriétés, surtout dans le Norfolk. George fit ses études au St John’s College, à Cambridge, qu’il quitta en 1742. Il s’engagea par la suite comme volontaire dans l’armée britannique qui combattait en Allemagne, attaché à l’état-major de lord Dunmore, un des officiers généraux. Il participa le 16 juin 1743 à la bataille de Dettingen et aussi, semble-t-il, le 30 avril 1745 à celle de Fontenoy (Belgique) même si Horace Walpole note dans une lettre qu’il arriva trop tard pour prendre part à cette dernière. En mai 1745, il reçut le grade de capitaine dans le régiment de Bligh (qui deviendra le 20e d’infanterie). Lors du déclenchement du soulèvement jacobite cette année-là, il regagna la Grande-Bretagne pour se joindre à son régiment et il participa à la bataille de Culloden, le 16 avril 1746. Par la suite, il retourna sur le continent comme aide de camp du duc de Cumberland. C’est à ce titre qu’il prit part à la bataille de Laffeldt (Belgique) le 21 juin 1747 et porta en Angleterre les dépêches de Cumberland. C’est pendant cette période qu’il fut élu député de Norfolk à la chambre des Communes ; il représenta cette circonscription électorale jusqu’à ce qu’il succédât à son père comme vicomte en 1764. Le 25 février 1747/1748, il reçut le grade de capitaine dans le lst Foot Guards et devint automatiquement lieutenant-colonel dans l’armée. À la fin de la guerre de la Succession d’Autriche en 1748, il retourna en Angleterre. Il se brouilla avec Cumberland, l’attaqua au Parlement et en fit une tête de Turc grâce à ses talents remarquables de caricaturiste. À la fin de l’année 1750, il quitta l’armée. Il s’identifia à la cause de la réforme de la milice, et c’est en grande partie grâce à ses interventions qu’une nouvelle loi sur la milice fut votée en 1757.

Au cours de la même année, sir John (Jean-Louis) Ligonier remplaça Cumberland comme commandant en chef. C’est alors que Townshend réintégra l’armée avec une commission de colonel, le 6 mai 1758, sans être rattaché à aucun régiment. En août, il écrivit à William Pitt lui faisant part de son désir de se battre contre les Français. En décembre, il fut mandé à Londres et nommé commandant d’une brigade qui devait participer à une expédition, sous le commandement de James Wolfe*, pour attaquer Québec par le fleuve Saint-Laurent. Cette nomination déplut sans doute à Wolfe, qui avait demandé à Ligonier la permission de choisir ses subalternes ; Townshend ne faisait pas partie de ses plans. Le document « Proposals for the expedition to Quebec », conservé dans les papiers de Pitt, mentionne trois généraux de brigade : Robert Monckton*, James Murray* et Ralph Burton*. Ce dernier, ami de Wolfe, fut éliminé pour faire place à un personnage plus influent. Dans la lettre de bienvenue que Wolfe envoya à Townshend, il écrivit : « Votre nom me fut mentionné par le maréchal [Ligonier], et ma réponse fut qu’une personne de votre rang et de votre personnalité ne peut qu’avoir la meilleure influence sur les troupes en Amérique ; et j’ai pris la liberté d’ajouter que ce qui pourrait manquer en expérience était largement compensé par de grandes qualités d’intelligence qui surmonteraient facilement les difficultés de notre entreprise. » Ces paroles laissent entrevoir les sentiments d’un officier de carrière bûcheur et de classe moyenne en face de l’héritier d’une vicomté qui avait toujours eu la vie facile. Il y a toujours lieu de croire que Townshend n’apprécia guère l’allusion à son inexpérience, quand on sait très bien qu’il avait servi plusieurs années activement dans l’armée. Voilà probablement la cause des difficultés qui devaient surgir plus tard entre les deux hommes.

Townshend, de grade inférieur à Monckton mais supérieur à Murray, était commandant en troisième de l’expédition. Il traversa l’Atlantique avec Wolfe à bord du vaisseau amiral Neptune commandé par le vice-amiral Charles Saunders*. C’est probablement pendant ce voyage qu’il peignit à l’aquarelle le portrait de Wolfe, que Robert Wright, biographe du général, jugea comme « le portrait le plus ressemblant de Wolfe qu[‘il] a[vait] vu ». Il s’agit certainement du meilleur portrait de Wolfe. Au cours de la demière semaine de juin 1759, la flotte et l’armée britanniques mouillèrent devant Québec, et Wolfe entreprit la dure tâche d’entraîner le marquis de Montcalm* dans la bataille. Les 9 et 10 juillet, les brigades de Townshend et de Murray débarquèrent sur la rive nord du Saint-Laurent au pied de la chute Montmorency où ils se retranchèrent. Déjà les rapports de Wolfe avec ses généraux de brigade, particulièrement Townshend, s’étaient détériorés. Le 7 juillet, Wolfe écrivit dans son journal : « Une divergence d’opinions sur un point décrit comme sans importance et insignifiant, et le commandant en chef est menacé de devoir subir une enquête parlementaire pour ne pas avoir consulté un officier subalterne et avoir semblé ne pas tenir compte de ses opinions ! » On présume que « l’officier subalterne » visé était le député George Townshend. Les choses s’envenimèrent après l’attaque manquée à la chute Montmorency le 31 juillet, opération militaire que les généraux de brigade n’avaient nullement appréciée. Le 6 septembre, Townshend écrivit la célèbre lettre à son épouse dans laquelle il dit : « la santé du général Wolfe est très mauvaise. Et son état de général, selon mon humble opinion, n’est guère mieux ; cela dit entre nous. » Les caricatures cruellement habiles de Wolfe dessinées par Townshend qui nous sont parvenues en disent long sur leurs rapports.

Le 27 août, ou vers cette date, Wolfe, qui se remettait d’une grave maladie, consulta officiellement les généraux de brigade pour la première fois. Il envoya une note par laquelle il les suppliait de conférer ensemble pour déterminer quelle serait la meilleure façon d’attaquer l’ennemi. Lui-même proposa trois plans d’attaque possibles, les trois étant des variantes de l’opération à la chute Montmorency qui avait échoué. Après avoir discuté avec Saunders, les généraux de brigade (il a été impossible jusqu’ici d’établir quelle a été l’attitude de chacun d’eux) rejetèrent poliment les suggestions du commandant en chef et proposèrent un plan d’attaque tout à fait différent qui prévoyait le retrait des troupes de la chute Montmorency et leur débarquement en amont de Québec ; « en établissant nos quartiers sur la rive nord, dirent-ils, le général français devra se battre à nos conditions ; notre position le séparera de ses sources d’approvisionnement et du reste de l’armée française aux prises avec le général [Jeffery Amherst*] » sur le lac Champlain. Pour la première fois, la faiblesse stratégique fondamentale de la position des Français fut soulignée et mise à profit : Québec et l’armée française cantonnée à l’extérieur de la ville devaient compter sur des provisions transportées sur le fleuve et le blocage de cette ligne de communication obligerait Montcalm à engager la bataille pour la libérer. Wolfe accepta les recommandations des généraux de brigade et ainsi rendit possible la victoire des plaines d’Abraham ; il faut souligner que c’est Wolfe qui prit la décision de risquer un débarquement à l’anse au Foulon, à proximité de la ville. Les généraux de brigade avaient opté pour un débarquement plus en amont sur le fleuve.

À la bataille des plaines d’Abraham, Townshend commandait l’aile gauche de l’armée britannique. Wolfe fut blessé mortellement et Monckton subit de graves blessures, ce qui permit à Townshend, qui ne s’y attendait pas, de se retrouver à la tête de l’armée. Dans de telles circonstances, il n’est pas surprenant que sa prise en main de la dernière phase de l’action et de ses suites ne fut pas de la plus grande efficacité. Il dut d’abord s’occuper des troupes du colonel Louis-Antoine de Bougainville qui, plus en amont, avait fait une intervention tardive ; ce qu’il fit avec succès. Mais l’armée française, battue devant Québec, avait réussi à traverser la rivière Saint-Charles et à gagner son camp ; ensuite, la nuit venue, elle contourna l’armée britannique et s’enfuit à l’ouest. Townshend se prépara à assiéger et à bombarder Québec, grâce à un grand nombre de canons qu’il fit hisser sur les plaines d’Abraham par la falaise. Mais la ville capitula le 18 septembre. Il avait offert des conditions relativement avantageuses de façon à pouvoir en prendre possession le plus rapidement possible.

On laissa le commandement de Québec à Murray, et Townshend retourna en Angleterre avant l’hiver. Il fut récompensé en obtenant le grade de colonel du 28e d’infanterie et il reçut les remerciements des membres du Parlement. Les pamphlets anonymes publiés au cours de l’année 1760, qui attaquaient ou défendaient son comportement à Québec, jettent un peu de lumière sur ce qui se passa vraiment. Le 6 mars 1761, il reçut le grade de major général et prit le commandement d’une brigade dans le contingent britannique de l’armée des alliés en Allemagne. Les 15 et 16 juillet, sa brigade fut au cœur de la bataille de Vellinghausen (République fédérale d’Allemagne). En 1762, il fut envoyé au Portugal avec le grade de lieutenant général de l’armée anglo-portugaise. Il commanda une division de cette armée qui assurait la protection du Portugal contre les armées de France et d’Espagne. On ne relève aucune opération militaire d’importance dans cette campagne avant la signature du traité de paix.

En 1767, Townshend fut nommé lord-lieutenant d’Irlande, poste qu’il occupa jusqu’en 1772. Traditionnellement, on se souvenait de lui en Irlande comme d’une personne habile à manipuler le Parlement irlandais par la corruption, et qui était grandement détestée. Toutefois, des recherches récentes révèlent qu’il fut un administrateur déterminé et efficace dont les mesures financières brisèrent le pouvoir de l’oligarchie locale ; il remit ce pouvoir à une faction du Parlement dirigée par le gouvernement de Dublin Castle. De 1772 à 1782, et pendant quelques mois en 1783, il fut maître général du Board of Ordnance. Il fut promu général en 1782 et maréchal en 1796. Nommé lord-lieutenant de Norfolk en 1792, il assuma aussi les fonctions de gouverneur de Jersey. En 1787, il devint marquis. En 1751, Townshend avait épousé Charlotte Compton, elle-même baronne Ferrers of Chartley, et, selon des sources sûres, ils eurent quatre fils et quatre filles. En 1773, trois ans après la mort de sa femme, il épousa Anne Montgomery, fille de sir James William Montgomery et sœur de William* ; on dit qu’ils eurent six enfants.

Townshend s’était montré très amer contre Wolfe en 1759, mais le temps avait dilué son amertume si bien qu’en 1774, il dissuada Murray d’attaquer la mémoire de l’intrépide héros. Même si les admirateurs de Wolfe ne ménagèrent pas Townshend et ses collègues généraux de brigade, il n’en demeure pas moins qu’ils avaient été des conseillers avisés au moment où le général pataugeait lamentablement et qu’ils avaient été, avec l’appui de Saunders, ceux qui conduisirent Wolfe sur le chemin de la victoire. Townshend avait des dons artistiques remarquables ; on l’a reconnu comme « le premier grand caricaturiste anglais ». Une nécrologie du Times de Londres rapporte que, « dans sa vie privée, il était plein de vie, naturel et bon vivant ». Sir Joshua Reynolds et Thomas Hudson firent chacun un tableau de lui.

George Townshend fut au nombre des privilégiés qui, en juillet 1767, reçurent une concession de 20 000 acres de terre dans l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) ; il devint propriétaire du lot no 56 à l’extrémité est de l’île. En 1770, il essaya mais sans succès de vendre ces terres pour couvrir la dépense faite en Irlande. Comme tant d’autres propriétaires absentéistes, il semble qu’il ne fit rien pour coloniser ou mettre en valeur cette concession. Toutefois, en 1784, il fit don du quart de ses terres « à des Loyalistes américains et à des militaires licenciés », ce qui permit la création de quelques établissements.

C. P. Stacey

La biographie écrite par le lieutenant-colonel Charles Vere Ferrers (plus tard le major général sir Charles) Townshend, The military life of Field-Marshal George, first Marquess Townshend, 1724–1807 [...] (Londres, 1901), n’est pas très bonne, mais elle contient des documents importants. L’ouvrage reproduit, aux pp.253–260 et 261–274 respectivement, les deux pamphlets anonymes publiés à Londres en 1760 : A letter to an honourable brigadier-general, commander-in-chief of his majesty’s forces in Canada, attribué plus tard à « Junius », et A refutation of the letter to an honble. brigadier-general, commander of his majesty’s forces in Canada, attribué au seul pseudonyme de « An officer » ; l’ouvrage contient aussi les portraits de Reynolds et de Hudson.

Les papiers de Townshend concernant la campagne de 1759 se trouvent dans la coll. Northcliffe aux APC (MG 18, M, sér. 2) : voir le catalogue imprimé, The Northcliffe collection [...] (Ottawa, 1926). Le portrait et les caricatures que Townshend fit de Wolfe se trouvent au musée McCord (M245, M905, M1443, M1791–1794, M19856–19857). Le portrait a souvent été reproduit ; notamment, en couleurs, dans Robin Reilly, The rest to fortune ; the life of Major-General James Wolfe (Londres, 1960). Six des caricatures sont reproduites dans Christopher Hibbert, Wolfe at Quebec (Londres et Toronto, 1959).

Une lettre, datée du 16 juin 1770, de Townshend à lady Townshend [sa mère ?] se trouve à la Clements Library, George Townshend papers, letterbooks, 5.

Parmi les sources imprimées et les études, les plus valables sont : John Stewart, An account of Prince Edward Island, in the Gulph of St. Lawrence, North America [...] (Londres, 1806 ; réimpr., [East Ardsley, Angl., et New York], 1967) ; Horace Walpole, Memoirs of the reign of King George the Second, [H. R. V. Fox, 3e baron] Holland, édit. (2e éd., 3 vol., Londres, 1846) ; The letters of Horace Walpole, fourth Earl of Oxford [...], [Helen] et Paget Toynbee, édit. (16 vol. et 3 vol. de suppl., Oxford, Angl., 1903–1925) ; Times (Londres), 19 sept. 1807 ; Burke’s peerage (1963) ; DNB ; G.-B., WO, Army list, 1763 ; 1806 ; R. [R.] Sedgwick, The House of Commons, 1715–1754 (2 vol., Londres, 1970), 2 ; Canada’s smallest prov. (Bolger) ; J. W. Fortescue, A history of the British army (13 vol. en 14, Londres, 1899–1930), 2 ; C. P. Stacey, Quebec, 1759 : the siege and the battle (Toronto, 1959) ; Thomas Bartlett, « The Townshend viceroyalty, 1767–1772 », Penal era and golden age : essays in Irish history, 1690–1800, Thomas Bartlett et D. W. Hayton, édit. (Belfast, 1979), 88–112 ; « Viscount Townshend and the Irish Revenue Board, 1767–73 », Royal Irish Academy, Proc. (Dublin), 79 (1979), sect. C : 153–175.  [c. p. s.]

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C. P. Stacey, « TOWNSHEND, GEORGE, 4e vicomte et 1er marquis TOWNSHEND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/townshend_george_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    28 novembre 2024