BRUYÈRES (Bruyère), JOHN (Jean, Joseph), officier, secrétaire du gouverneur Ralph Burton* et seigneur, décédé avant 1787.

Nous possédons peu de renseignements sur les origines de John Bruyères. On a souvent dit qu’il était Suisse – on désignait ainsi tous les protestants de langue française au Canada – mais c’est faux. Il était issu d’une famille de huguenots français probablement nobles, les de Bruyères, émigrés en Angleterre lors de la révocation de l’édit de Nantes. Venu au Canada en 1759 avec l’armée de Wolfe*, en qualité d’enseigne au 35e d’infanterie, il participa au siège de Québec et, à l’issue de la bataille des plaines d’Abraham, on lui confia la garde des prisonniers et des effets et papiers pris à l’ennemi. En 1760, Bruyères rédigea à l’intention du général de brigade George Townshend* un récit de la bataille de Sainte-Foy, puis il suivit les troupes à Montréal. Le 16 septembre, après la capitulation, Amherst, à titre de commandant en chef, nomma Burton gouverneur du district de Trois-Rivières, et celui-ci choisit Bruyères comme secrétaire. Ce choix, motivé sans doute par la connaissance que ce dernier avait de la langue française, peut s’expliquer aussi du fait que Marguerite Bruyères, sœur de John, était la maîtresse de Burton qui l’emmena vivre avec lui, au grand scandale des Trifluviens. Il devait cependant l’épouser vers 1763.

Le premier document d’importance portant la signature de Bruyères est la proclamation, datée du 22 septembre 1760, ordonnant à la population du district de Trois-Rivières de déposer les armes et de prêter le serment d’allégeance au roi George II. Puis suivirent des édits concernant notamment le recensement, les corvées, la fourniture d’aliments et d’animaux aux troupes. Certaines demandes du nouveau gouvernement pouvaient paraître sévères, mais Bruyères savait user de tact et de diplomatie dans la rédaction de ces édits, facilitant ainsi les relations entre les autorités et les Trifluviens. Il adopta cette ligne de conduite tout au long des deux années pendant lesquelles il agit à titre de secrétaire de Burton et continua de même le peu de temps qu’il passa au service de Haldimand, quand celui-ci assura l’intérim durant une absence de Burton, de mai 1762 à mars 1763.

Les Trifluviens pardonnèrent mieux à Bruyères qu’à Burton sa cohabitation avec leur compatriote Catherine-Élisabeth, fille de feu Jean-Baptiste Pommereau* et de Claire-Françoise Boucher de Boucherville remariée depuis 1745 à Joseph-Michel Legardeur de Croisille et de Montessori. Bruyères épousa d’ailleurs Catherine-Élisabeth en 1764, s’alliant ainsi ka une famille fort estimée et devenant coseigneur de Bécancour. Ce mariage mixte, célébré devant un ministre protestant, fit grand bruit. L’Église avait cependant décidé d’accorder son pardon à ces catholiques mariés à des protestants, à condition qu’ils fassent pénitence. Le 8 juillet 1764, Louis Jollivet, curé de Notre-Dame de Montréal, écrivait au vicaire général Briand que Catherine-Élisabeth Bruyères s’était amendée et qu’elle pourrait bientôt communier.

Bruyères suivit Burton à Montréal lorsque celui-ci en devint le gouverneur, le 29 octobre 1763. La dernière proclamation qu’il signa date du 1er août 1764, soit à la fin du Régime militaire à Montréal. Il demeura dans cette ville où il acheta une maison, le 11 août suivant ; elle devait être détruite par un incendie en avril 1768. En compagnie d’autres fonctionnaires, Bruyères protesta par écrit, en septembre 1764, contre une adresse des marchands anglais de Montréal a Murray, dans laquelle ceux-ci exprimaient l’espoir que cessent les emprisonnements arbitraires et les exactions commises par les employés de l’État. Le 21 juin 1771, Bruyères signait, à Trois-Rivières, un acte de cession des rentes de son fief de Bécancour en faveur de sa belle-mère « sa vie durante ». Le mois suivant, il demandait à Hector Theophilus Cramahé une concession seigneuriale jouxtant l’arrière de la seigneurie de Bécancour ; celui-ci ne semble pas avoir acquiescé à cette demande. Bruyères était en Europe en 1772 ; il s’y trouvait encore en 1774. Jean-Baptiste Badeaux, notaire de Trois-Rivières, lui servit de procureur en son absence ; il agit de même en 1784 durant le séjour de Bruyères en Angleterre. Celui-ci revint au Canada l’année suivante.

On ne connaît ni l’endroit ni la date exacte du décès de Bruyères, si ce n’est qu’il mourut avant le 18 janvier 1787, comme en témoigne une pétition faite à cette date par son fils, Ralph Henry*. Celui-ci, marié à Janet Dunbar, eut au moins quatre enfants. Sa fille Anne-Françoise épousa en janvier 1820 le riche marchand de fourrures Jean-Baptiste-Toussaint Pothier* tandis que Jeanne-Marie-Catherine, épouse du docteur David Thomas Kennelly se mariait, en secondes noces, avec l’avocat Michæl O’Sullivan*.

En collaboration avec Raymond Douville

ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 17 mai 1831.— ANQ-MBF, Greffe de J.-B. Badeaux, 21 juin 1771 ; Insinuations, 1760–1764.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), I : 75–77.— La Gazette de Québec, 20 sept. 1764, 26 mai 1785. P.-G. Roy, Inv. concessions, I : 255 ; V : 172. E.-H. Bovay, Le Canada et les Suisses, 1604–1974 (Fribourg, Suisse, 1976), 10.— Jouve, Les franciscains et le Canada : aux Trois-Rivières.— M. Trudel, Le Régime militaire.— F.-J. Audet, John Bruyères, BRH, XXXI (1925) : 342s.— Pierre Daviault, Traducteurs et traduction au Canada, SRC Mémoires, 3e sér., XXXVIII (1944), sect. i : 67–87. Gérard Malchelosse, La famille Pommereau et ses alliances, Cahiers des Dix, 29 (1964) : 193–222.

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En collaboration avec Raymond Douville, « BRUYÈRES (Bruyere), JOHN (Jean, Joseph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bruyeres_john_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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