Titre original :  Gabriel Pellegrin 1713-1788

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PELLEGRIN (Pelegrin), GABRIEL, marin et officier de marine, né le 16 juillet 1713 dans la paroisse Saint-Louis, à Toulon, France, fils de François Pellegrin et de Marie-Anne Bonnegrâce, décédé le 19 juin 1788 à Brest, France.

Gabriel Pellegrin vint au Canada en 1734, comme pilote dans la marine française. Déchargé, peu après son arrivée, des devoirs habituels de son emploi, il assista alors le capitaine de port à Québec, Richard Testu* de La Richardière, dans l’exécution des levés hydrographiques les plus considérables jamais entrepris sous le Régime français. En 1735, ils dressèrent la carte du détroit de Belle-Isle, surtout connu des pêcheurs à cette époque ; de 1738 à 1740, ils firent les levés de la côte sud de Terre-Neuve, du golfe du Saint-Laurent et des rives de ce qui est aujourd’hui l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, depuis la baie des Chaleurs jusqu’au détroit de Canseau (Canso, Nouvelle-Écosse).

Le 18 novembre 1738, Pellegrin épousa Madeleine Boissy, à Québec, et deux enfants naquirent au cours des cinq premières années de ce mariage. Il semble que Pellegrin ait quitté la colonie pendant la guerre de la Succession d’Autriche, au cours de laquelle il fit peut-être du service dans la marine. La paix revenue, les Français tentèrent d’améliorer les conditions de la navigation sur le Saint-Laurent. Pendant plusieurs années, Québec n’avait pas eu de capitaine de port (fonctionnaire responsable de la navigation), mais Philippe-Marie d’Ailleboust de Cerry assuma ce poste en 1749 et, en 1751, Pellegrin se joignit à son personnel à titre de maître de port. Sa principale tâche consistait à piloter les vaisseaux de la marine royale, du Bic à Québec, mais sa grande connaissance du Saint-Laurent l’amena bientôt à remplir d’autres fonctions. En 1752, il fut promu lieutenant de poil et, l’année suivante, ses appointements annuels furent augmentés de 200#.

Pellegrin attira particulièrement l’attention des autorités en 1755, année où il pilota jusqu’en France une grande escadre, via le détroit de Belle-Isle, parce qu’on croyait les Britanniques à l’affût sur la route habituelle, au sud de Terre-Neuve [V. Emmanuel-Auguste de Cahideuc*, comte Dubois de La Motte ; Edward Boscawen*]. Pour sa réussite, il reçut une gratification de 4 000#, une allocation annuelle de 600# et sa promotion au poste d’adjoint au capitaine de port à Québec. Pendant son séjour en France, il dressa deux cartes représentant le Saint-Laurent dans toute sa longueur et soumit une longue critique des cartes du fleuve récemment publiées en France. Au printemps de 1756, Montcalm*, le nouveau commandant, avec qui il fit voile pour le Canada, à bord de la Licorne, conçut de lui une impression favorable. On faisait peu appel aux services de Pellegrin, cependant, mais, à l’automne, on lui confia le commandement de l’Abénaquise et la mission de porter des dépêches en France. Il emprunta de nouveau la sortie nord du golfe Saint-Laurent et, après avoir atteint la France sain et sauf, il se vit accorder le grade modeste, mais effectif, de capitaine de brûlot dans la marine ; cette promotion souleva la jalousie du capitaine de port, Cerry, qui n’avait aucun grade dans la marine. En septembre 1757, Pellegrin revint à Québec et fut nommé hydrographe du roi, en remplacement du père Joseph-Pierre de Bonnécamps. Pellegrin se plaignit à l’intendant Bigot du petit nombre de personnes qui étudiaient la navigation et le pilotage, mais des affaires plus urgentes sollicitaient la colonie, si bien que le poste de Pellegrin devint une sinécure.

Peu après son retour au Canada, Pellegrin renoua connaissance avec Montcalm et, en octobre 1757, en compagnie du premier officier de l’artillerie, Fiacre-François Potot de Montbeillard, et de Bougainville*, il inspecta la rive nord du Saint-Laurent, de Québec au cap Tourmente. À cet endroit, le groupe découvrit un emplacement propre à l’installation d’une batterie défensive, à l’abri d’une attaque et, à la fois, assez rapproché du chenal pour que les navires ennemis fussent sous le feu pendant près d’un quart d’heure. Pendant l’hiver, Pellegrin continua de développer, relativement à la défense du Saint-Laurent, des idées qui se distinguaient par leur côté pratique. Il fut probablement à l’origine des recommandations faites par Bougainville au ministre de la Marine au cours de l’hiver de 1758–1759, et qui insistaient sur le fait que la défense de la colonie devait commencer à Gaspé et à Sept-Îles. Aucun ennemi, écrivait Bougainville, ne pourrait passer à travers dix navires de guerre, bien placés, qui seraient stationnés dans le Saint-Laurent. Plusieurs de ces navires, advenant le cas où ils seraient en danger de couler après un engagement avec l’ennemi, seraient échoués et serviraient de batteries aux endroits indiqués par Pellegrin. On devrait ordonner aux autorités de la colonie de consulter Pellegrin et René-Nicolas Levasseur, le maître constructeur de navires, sur tout ce qui touchait les défenses côtières. Pendant ce temps, Montcalm faisait parvenir à Vaudreuil [Rigaud] un rapport semblable, signé par Pellegrin, auquel il donnait son approbation. Même si, en février 1759, le ministre de la Marine donna au gouverneur et à l’intendant l’ordre de recourir à Pellegrin, l’avis de ce dernier continua néanmoins d’être ignoré. Le fait de n’avoir pas mis en œuvre les recommandations de Pellegrin fut conséquent de la négligence ou de la pression d’autres intérêts, et il reste que la responsabilité en revient au gouverneur Vaudreuil.

Quand, en mai 1759, on apprit la présence dans le fleuve de navires britanniques, on proposa au conseil de guerre de couler dix des plus gros navires de la colonie dans la Traverse, le difficile passage situé au sud-est de l’île d’Orléans. Pellegrin, occupé à retirer les balises de la Traverse et à leur en substituer de fausses, pour tromper les pilotes, ne fut même pas invité à la réunion. À son retour, il fit rapport sur l’impossibilité de bloquer le passage. Six jours plus tard, le 1er juin, tous les navires, sauf quelques-uns qui transportaient des provisions et quelques frégates, furent envoyés, par mesure de sécurité, à Batiscan, à 50 milles en amont de Québec. Peu après, Pellegrin sonda le fleuve au large des battures de Beauport, afin de déterminer jusqu’à quel point les navires ennemis pourraient s’approcher pour bombarder la rive ; par la suite on refusa ses offres de service. Il ne prit aucune part, en juillet, à l’attaque des brûlots (V. François-Louis Poulin* de Courval), qui échoua, comme il l’avait prévu. Le 15 septembre, il fut parmi les signataires des articles de la capitulation de Québec.

Pellegrin retourna en France et reprit sa carrière dans la marine. En 1770, il fut créé chevalier de Saint-Louis, en reconnaissance de ses longs services et de son dévouement. Après plusieurs années passées en Orient, il fut stationné à Brest en 1773, et il y demeura jusqu’à sa retraite. Il reçut à cette époque la promotion de lieutenant de vaisseau.

Gabriel Pellegrin eut probablement, plus que quiconque en Nouvelle-France, une connaissance exacte du fleuve Saint-Laurent, mais il fut apparemment victime de son propre zèle et de sa probité, de la jalousie de son supérieur immédiat, et peut-être aussi d’autres personnes influentes possédant des droits acquis dans la marine. À la fin de juin 1759, l’auteur anonyme du « Journal du siège de Québec » notait : « cent et cent fois il a fait offre de ses services et de ses lumières, il paroit qu’on n’en veut pas absolument ; c’est cependant un parfait honneste homme ; si j’osois je dirois que c’est cette qualité qui l’empêche d’avoir de l’occupation ». La carrière canadienne de Pellegrin nous éclaire quelque peu, d’une façon indirecte mais néanmoins significative, sur la complexité des luttes intestines qui marquèrent les dernières années de la Nouvelle-France.

James S. Pritchard

AN, Col., B, 67, f.111v. ; 97 ; 103, f.13 ; 109, f.66 ; C11A 68, ff.90–93 ; 69, ff.20–21 ; 94, f.40 ; 95, f.80 ; 101, f.182 ; 103, f.234 ; E, 67 (dossier Cerry) ; Marine, B4, 68, f.215 ; C7, 240 (dossier Pellegrin) ; 3 JJ, 273 ; 4 JJ, 8, no 46 ; 6 JJ, 65, no 17 ; 126.— Bougainville, Journal (A.-E. Gosselin), ANQ Rapport, 1923–1924, 311.— Coll. des manuscrits de Lévis (Casgrain), IV : 91–94 ; VI : 24, 37, 39, 41, 307, 523–526, 535.— Journal du siège de Québec (Æ. Fauteux), ANQ Rapport, 1920–1921, 141, 160, 208.— Knox, Hist. journal (Doughty), III : 174–178.— La mission de M. de Bougainville en France en 1758–1759, ANQ Rapport, 1923–1924, 21–23, 27–29, 61.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), X : 961s.— P.-G. Roy, Inv,. ord. int., II : 243s., 291s. ; III : 174, 206.— Tanguay, Dictionnaire.

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James S. Pritchard, « PELLEGRIN (Pelegrin), GABRIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pellegrin_gabriel_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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