TESTU DE LA RICHARDIÈRE, RICHARD, navigateur, officier de marine, capitaine de port à Québec, né le 15 avril 1681 à L’Ange-Gardien (Québec), fils de Pierre Testu Du Tilly, marchand, et de Geneviève Rigault ; il épousa, à Québec le 22 juillet 1709, Marie Hurault, puis, dans la même ville, le 17 octobre 1727, Madeleine-Marie-Anne Tarieu de La Pérade ; décédé sans enfant à Québec le 24 octobre 1741.
Nous ne savons rien de la jeunesse de La Richardière. Il se peut que durant les années 1690 il ait appris à naviguer et à piloter avec Louis Jolliet* et peut-être plus tard avec Jean Deshayes*. Selon le témoignage ultérieur de l’intendant Dupuy*, aucun autre officier n’avait mieux contribué à améliorer la sécurité de la navigation sur le Saint-Laurent et l’apprentissage des pilotes de la colonie.
La Richardière s’embarqua probablement avant 1720, date à laquelle il est signalé comme capitaine de la Suzanne (130 tonneaux), acheté peu auparavant par Joseph de Fleury de La Gorgendière. Trois ans plus tard, La Gorgendière lui confia le commandement d’un bateau plus récent, la Marguerite, de 150 tonneaux. La Richardière pilota ces navires entre La Rochelle et Québec tous les ans jusqu’en 1726, au moment où, probablement à cause de la perte du vaisseau du roi, le Chameau, l’année précédente, et grâce à son expérience, il fut choisi pour piloter le vaisseau du roi à Québec. Arrivé à cet endroit, il sollicita le poste de capitaine de port, qui se trouvait inoccupé depuis la mort de Louis Prat*. À titre personnel d’abord, puis conjointement avec le gouverneur Charles de Beauharnois, l’intendant Dupuy favorisa la candidature de La Richardière. Celui-ci obtint temporairement le poste de capitaine de flûte, peut-être grâce à son service dans la marine en 1726 et 1727, mais il retourna à Québec comme capitaine de port en 1727.
Alors que Prat n’avait pas été beaucoup plus qu’un maître de port, La Richardière quant à lui s’était vu confier la responsabilité de la navigation sur le fleuve Saint-Laurent. Il devait à chaque printemps sonder les bas-fonds et les rives du fleuve que les glaces, emportées par le courant, venaient altérer. Il devait mettre des bouées en place dans le chenal durant la saison de la navigation et les enlever à l’automne. À lui revenait aussi de placer des phares sur les principaux caps et promontoires. Une autre de ses tâches était de conserver en bon état la zone d’ancrage de Québec, appelée Cul-de-Sac, et d’effectuer les réparations nécessaires sur les bateaux. Il lui incombait aussi de se renseigner sur les rives du fleuve et sur la profondeur des baies et des rivières et de mettre ses connaissances à la disposition des patrons des autres bateaux. On exigea même qu’il fit le relevé des forêts de chênes et de pins de la colonie et des rivières qui pourraient servir à la flottaison du bois et qu’il se familiarise avec les problèmes d’arrimage du bois pour les voyages en mer. Il n’est donc pas étonnant qu’au lieu du salaire de 150# de Prat, La Richardière ait reçu annuellement 500#. En 1728, il reçut l’ordre de piloter les vaisseaux du roi à travers le passage situé au sud-ouest de l’île d’Orléans, connu sous le nom de la Traverse, sans frais supplémentaires pour la couronne.
Étant donné les nombreuses responsabilités de La Richardière, il n’est pas surprenant qu’il n’ait jamais fait le relevé des forêts. Il tenta une fois d’établir des frais de pilotage de 3# par pied de tirant d’eau pour chaque navire marchand qui faisait appel à ses services, mais sa demande fut rejetée par le ministre de la Marine qui lui ordonna de négocier un taux acceptable de part et d’autre, chaque fois qu’il piloterait un navire marchand sur le fleuve. Par la suite, La Richardière devait abandonner ces réclamations pour consacrer plus de temps à améliorer ses connaissances de la navigation sur le fleuve.
Cette nécessité fut confirmée en 1729, lorsqu’un des navires du roi, l’Éléphant, s’échoua sur les haut-fonds, au large du cap Brulé : sans attendre le pilote royal, le capitaine, Louis-Philippe de Rigaud de Vaudreuil, s’était empressé de remonter le fleuve la nuit et avait comme conséquence perdu son navire. La Richardière et ses hommes passèrent les mois de septembre et d’octobre à retirer les canons et les marchandises du navire échoué. Il s’ensuivit que Beauharnois et le nouvel intendant, Hocquart*, appuyèrent avec insistance la candidature de La Richardière au poste de capitaine de flûte, mais le ministre n’envoya pour toute réponse qu’une recommandation. Un an plus tard, le commandant du vaisseau du roi recommanda à son tour La Richardière, attestant qu’ « il [était] toujours prêt à accomplir son devoir et [qu’]il serait très difficile de le remplacer ». En retour de ces témoignages, La Richardière reçut, en 1731, une gratification de 300#.
Chaque année, à partir de 1730, un ou deux pilotes du vaisseau du roi étaient laissés à Québec pour acquérir une meilleure connaissance du Saint-Laurent, en étudiant les cartes marines au cours de l’hiver ; durant l’été qui suivait, ils assistaient La Richardière dans ses relevés hydrographiques en aval du fleuve. Au printemps de 1731, Pierre Dizet et un équipage de cinq hommes accompagnèrent La Richardière lors du premier de ces nombreux voyages. Ceux-ci comportaient de grandes difficultés. Au cours du premier, La Richardière fut incapable de faire le relevé hydrographique de la rive sud ; « le voyage qu’il a fait cette année, écrivaient Beauharnois et Hocquart au ministre, dans lequel il n’a vécu que de biscuits et de lard sallé équivaut à une campagne de 3 ou 4 mois ». L’année suivante, le nouveau pilote était Jean-Baptiste Garnier. Les voyages de 1733 et 1734 ayant été contrariés par la maladie, on reprit les relevés hydrographiques en 1735. Un autre pilote, Jean Galochau, mena le vaisseau du roi en amont, laissant à La Richardière une plus grande liberté pour ses travaux d’hydrographie. Les trois ou quatre années qui suivirent constituent l’époque des plus importantes études hydrographiques et des meilleures améliorations de la navigation de tout le régime français.
En 1735, La Richardière et un jeune pilote, Gabriel Pellegrin*, se familiarisèrent avec tout le parcours du fleuve et effectuèrent un relevé important du détroit de Belle-Isle. Le gouverneur et l’intendant s’étaient préoccupés de l’absence de renseignements concernant cette région ; ils recommandèrent que ce passage soit considéré comme une seconde entrée dans le Saint-Laurent. Jusqu’alors, la Nouvelle-France pouvait être soumise à un blocus par des navires qui croiseraient entre Terre-Neuve et l’île Royale (île du Cap-Breton). Seuls les pêcheurs français, principalement de Saint-Malo, utilisaient régulièrement les eaux du détroit de Belle-Isle. Le voyage de La Richardière à ce détroit fut le plus long du genre. Son expédition quitta Québec au milieu de mai et ne revint que quatre mois plus tard. Une de ses cartes et un journal contenant ses observations furent envoyés au Dépôt des cartes et plans de la Marine à Paris, où ils furent incorporés à ce centre de documentation sans cesse grandissant. Vingt ans plus tard, Gabriel Pellegrin retourna dans ces eaux pour guider à travers le détroit des unités de la marine française qui retournaient en France et qui avaient emprunté cette route dans le but d’éviter des forces navales anglaises qui croisaient à la hauteur de l’entrée principale du golfe du Saint-Laurent [V. Emmanuel-Auguste de Cahideuc].
En 1736, accompagné du pilote Julien Joly, La Richardière fit un relevé systématique des îles du golfe du Saint-Laurent. Deux ans plus tard, en compagnie de ses assistants, il explora la côte sud de Terre-Neuve. En 1739 et 1740, ils continuèrent à travailler dans le golfe, faisant le relevé de l’île Saint-Jean, de la baie des Chaleurs et du détroit de Canseau (Canso). Pour diminuer les coûts, l’intendant commença à engager des navires locaux voyageant entre Québec et Louisbourg, île Royale, pour transporter La Richardière et son équipe d’hydrographes à leur destination, plutôt que d’équiper un bateau à cet effet.
À l’automne de 1736, La Richardière était parti pour la France. Il revint en 1737 avec le grade de capitaine de brûlot, au salaire annuel de 1 000#, auxquels s’ajoutaient des gratifications, preuve de l’estime qu’on avait pour lui. Pendant le voyage de retour, La Richardière reprit sa vieille idée d’installer des amers pour la navigation dans la Traverse. Aidé de pilotes du vaisseau du roi, de 20 membres de l’équipage et de 10 bûcherons canadiens, il dégagea un sentier de 100 pieds de large et de 1 000 pieds de long à travers l’île aux Ruaux. En 1739, on érigea en bordure du fleuve deux grands panneaux de bois sur des fondations de pierre à Pointe Saint-Jean et à Saint-François, île d’Orléans, où étaient situées deux pointes si basses qu’elles étaient visibles normalement par temps clair seulement. Les premières constructions n’étant pas assez hautes, on les agrandit l’année suivante.
La santé de La Richardière ne fut pas toujours florissante. Il se peut qu’il n’ait pas effectué de relevés hydrographiques d’importance en 1741, mais il continua de travailler jusqu’à sa mort survenue à Québec le 24 octobre ; il revenait alors de piloter le vaisseau du roi jusqu’à La Prairie, île aux Coudres. N’eût été la période de dépression et de guerre qui suivit sa mort, le programme de La Richardière aurait pu être poursuivi, mais personne ne fut nommé à cet effet, si ce n’est plusieurs années plus tard. Québec fut privé d’un capitaine de port jusqu’après le traité d’Aixla-Chapelle. On ne renouvela pas les relevés annuels de La Richardière sur le Saint-Laurent ; toutefois les résultats de son travail effectué durant les années 1730 constituèrent la base des cartes de navigation françaises publiées deux décades plus tard.
AN, Col., C11A, 46, p. 300 ; 48, pp. 82–83, 261 ; 50, p. 58 ; 51, pp. 103v.s., 106 ; 52, pp. 48–49 ; 54 ; 56, pp. 14–14v. ; 59, pp. 117–119 ; 61, pp. 29–30 ; 65, pp. 8–9 ; 67, pp. 5, 7–8 ; 71, p. 20 ; 75, p. 92 ; 114, pp. 55–55v., 300, 326–326v. ; Marine, B4, 41, pp. 5v.–6v. ; C7, 319 ; 4 JJ, 8, nos 41, 46 (copies aux APC).— P.-G. Roy, Inv. ord. int., II : 225s., 243s., 291s.— Tanguay, Dictionnaire.— P.-G. Roy, Les capitaines de port à Québec, BRH, XXXII (1926) : 65–78.
James S. Pritchard, « TESTU DE LA RICHARDIÈRE, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/testu_de_la_richardiere_richard_3F.html.
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Auteur de l'article: | James S. Pritchard |
Titre de l'article: | TESTU DE LA RICHARDIÈRE, RICHARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |