PASCAUD, ANTOINE, important marchand de Montréal et de La Rochelle, né à La Prade, dans l’Angoumois, vers 1665, fils de Guillaume Pascaud et de Catherine Berteau, décédé à La Rochelle en janvier 1717.

Antoine Pascaud arriva au Canada au début des années 1680 et se fixa à Montréal. En 1688, Catherine Thierry, veuve de Charles Le Moyne* de Longueuil et de Châteauguay, le prit comme associé pour trois ans. Il avait été entendu que, moyennant un tiers de tous les bénéfices, Pascaud aiderait la veuve à diriger les affaires de son défunt mari, dont le fonds de commerce était évalué à 58 215#. Il est fort possible que Pascaud se soit servi de cet argent pour s’établir à son compte car, entre 1690 et 1700, c’était un personnage en vue dans la communauté commerçante canadienne. À cette époque, il fournissait des marchandises à la Compagnie du Nord et à d’importants trafiquants de fourrures, comme Pierre Le Sueur, Antoine Laumet, dit de Lamothe Cadillac, et aux frères Henri et Alphonse Tonty.

Pascaud joua un rôle très important dans la fondation de la Compagnie de la Colonie en 1700. C’était la première fois que des intérêts canadiens parvenaient à dominer le commerce des fourrures, depuis la faillite de la Compagnie des Habitants, entre 1650 et 1660. Plutôt que d’accepter, pour les peaux de castor, le tarif réduit proposé par les gens du Domaine d’Occident, qui avaient le monopole de l’achat des fourrures, les Canadiens, en 1699, envoyèrent Pascaud et Charles Juchereau de Saint-Denys en France avec mission d’obtenir pour la colonie le droit de vendre ses peaux, en toute liberté, sur le marché de la métropole. Pascaud ne se borna pas à exécuter ces instructions. Pour éviter une pléthore de fourrures sur le marché, il acheta également, pour 350 000#, les réserves de peaux invendues du Domaine d’Occident. Ce furent les banquiers parisiens Pasquier, Bourlet et Gayot [Goy] qui lui prêtèrent la somme nécessaire à la transaction. Le ministre de la Marine décida alors que la propriété de ces fourrures et la direction du commerce des peaux de castor devraient être confiées à une compagnie canadienne, qui mettrait en vente des actions à prix modique pour permettre au plus grand nombre possible de colons d’en acheter. En octobre 1700, une assemblée d’environ 90 Canadiens éminents, convoquée par le gouverneur et l’intendant, ratifia la proposition du ministre et les transactions effectuées par Pascaud. C’est ainsi que fut fondée la Compagnie de la Colonie. Selon le ministre, cette entreprise aurait pu permettre au Canada d’obtenir l’autonomie d’un pays d’état, comme il en existait en France. L’affaire était malheureusement vouée à l’échec, en raison des conditions économiques défavorables qui régnaient au début du xviiie siècle. En 1704, Pascaud fut de nouveau envoyé en France, mais cette fois par le gouverneur Rigaud de Vaudreuil et l’intendant François de Beauharnois*. Il s’agissait d’expliquer au ministre la situation dans laquelle se trouvait la compagnie et tenter d’obtenir de J’aide. Il échoua dans cette mission et, en 1706, la Compagnie de la Colonie fut mise en liquidation et le monopole des peaux de castor cédé à la maison Aubert, Néret et Gayot en France.

En plus de son commerce de fourrures et de son magasin de Montréal, Pascaud s’intéressa aussi à l’exploitation forestière et à la culture du chanvre, mais il ne posséda aucune seigneurie et il ne semble pas qu’il ait prêté de l’argent aux colons. Contrairement à Charles Aubert de La Chesnaye, il préféra placer en France l’argent qu’il gagnait au Canada. Vers 1710, il transféra sa base d’opérations à La Rochelle où il s’établit avec sa femme et sa famille. L’un de ses associés, Pierre de Lestage*, resta au Canada pour diriger ses affaires.

À La Rochelle, les activités de Pascaud dans le commerce entre la France et l’Amérique du Nord prirent encore de l’expansion. Il obtint de l’administration des contrats de fourniture de blé et de pois à Plaisance (Placentia) et en Acadie. Avec un de ses associés, nommé Jacques Le Clerc, il escomptait à 10 p. cent des lettres de change tirées sur Néret et Gayot (Aubert, le troisième membre de l’association formée en 1706 était mort depuis). Ceux-ci s’aperçurent, en 1715, qu’ils étaient à court d’argent pour rembourser 150 000# en lettres de change détenues par Pascaud et Le Clerc. Néret et Gayot consentirent donc à ce que Pascaud et Le Clerc saisissent des cargaisons de peaux de castor en provenance du Canada, et acceptèrent d’honorer dorénavant leurs lettres de change en priorité. Quand la nouvelle de cet accord fut connue au Canada, elle provoqua un tollé général. Les marchands de Montréal et de Québec affirmaient que « le Sr Pascaud ne cherche qu’a ruiner tous les commerçants de ce pays [...] il veut reduire tous les negotians de ce pays a la necessité de n’adresser a autres qu’a luy les Lettres de change pour avoir les marchandizes dont ils ont besoins pour leurs commerce ».

Pascaud mourut à La Rochelle en janvier 1717. Il avait épousé, à Montréal le 21 janvier 1697, Marguerite Bouat, fille d’Abraham Bouat, aubergiste, et de Marguerite de Névellet. Sa femme lui survécut ainsi que cinq de leurs huit enfants. Les affaires de la famille prospérèrent encore, sous l’habile gestion de la veuve et de ses deux fils, Antoine et Joseph-Marie. En 1741, on estimait que les Canadiens devaient aux marchands français une somme d’environ 450 000#, dont les deux tiers étaient dus à la Compagnie des Indes occidentales et à la veuve Pascaud. Pendant un certain temps, les deux fils eurent le monopole des pêcheries de phoques des îles de la Madeleine, et furent souvent chargés du transport, entre la France et le Canada, de fournitures de l’État. Ils employèrent une partie de leurs bénéfices à l’achat de charges officielles et entrèrent ainsi dans les rangs de la noblesse de robe. Antoine fut successivement juge à la Monnaie royale et président-trésorier de France. Son frère fut président-trésorier de la généralité de La Rochelle et maire de cette ville de 1749 à 1750, puis obtint l’office de secrétaire du roi en 1758.

Yves F. Zoltvany et Donald J. Horton

AJM, Greffe d’Antoine Adhémar ; Greffe de Bénigne Basset ; Greffe de Jean-Baptiste Pottier.— AJQ, Greffe de Louis Chambalon ; Greffe de François Genaple ; Greffe de Gilles Rageot.— AN, Col., B, 22, ff.102v., 141–143v., 144, 145–147 ; 74, ff.426, 482, 483 ; 76, ff.389, 389v. ; 78, ff.303, 303v., 320, 320v. ; Col., C11A, 12, 18, 19, 20, 21, 22, 31, 36, 76, 77, 78, 80, 125.— Documents relatifs à la monnaie sous le régime français (Shortt).— Jug. et délib., III, IV, V.— F. M. Hammang, The Marquis de Vaudreuil, New France at the Beginning of the Eighteenth Century (Bruges, 1938).— Ægidius Fauteux, La Famille Pascaud, BRH, XXXIII (1927) : 84–88.— Guy Frégault, La Compagnie de la Colonie, Revue de luniversité dOttawa, XXX (1960) : 5–29, 127–149.— É.-Z. Massicotte, La Famille Bouat, BRH, XXX (1924) : 10–13.— P.-G. Roy, La Famille Guillimin, BRH, XXIII (1917) : 97–116.— Régis Roy, Pacaud, secrétaire du roi, BRH, XXXIII (1927) : 17–18.

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Yves F. Zoltvany et Donald J. Horton, « PASCAUD, ANTOINE (mort en 1717) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pascaud_antoine_1717_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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