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BOUAT, FRANÇOIS-MARIE, lieutenant général au tribunal de la juridiction royale de Montréal, seigneur de Terrebonne et négociant, fils d’Abraham Bouat et de Marguerite de Névellet, baptisé à Montréal, le 25 mars 1676, inhumé dans la même ville le 18 mai 1726.
Bouat est le type du fonctionnaire subalterne qui n’a aucun scrupule à mêler la fonction de juge à celle de marchand de fourrures. Fils de cabaretier, il s’adonne très jeune au commerce et est condamné en 1695 pour trafic d’alcool. Jusqu’en 1709, il paraît avoir parcouru les grandes routes de la traite, notamment celles des pays d’en haut et de la haute Louisiane. Le 20 avril 1709, sa nomination au poste de lieutenant du prévôt de la maréchaussée de Montréal met un terme à ses excursions dans l’arrière-pays, mais non à son négoce. Ses fonctions consistent, en général, à assurer l’ordre public à Montréal avec l’aide d’archers qu’on met à sa disposition. En 1711, tout en conservant son poste à la maréchaussée, il reçoit une commission de lieutenant particulier au tribunal de la juridiction royale de Montréal et, à ce titre, il doit seconder le lieutenant général Jacques-Alexis de Fleury Deschambault dans son rôle de juge royal au civil et au criminel. Passé en France en 1715, à la suite de la mort de Deschambault, Bouat réussit à y décrocher le poste de lieutenant général pour lequel il reçoit commission le 27 avril 1716. Il exercera ses fonctions de juge royal jusqu’à sa mort.
Bouat n’en négligea pas pour autant ses intérêts dans le commerce, ce goût prononcé pour le trafic lui valut d’être suspendu de ses fonctions et condamné à un mois de prison par un conseil de guerre, en 1718, alors que contrevenant aux ordres de Rigaud de Vaudreuil il avait équipé trois canots au lieu de deux, qu’il destinait à Alphonse Tonty, commandant à Détroit. Mis au courant de la désobéissance du juge avant le départ des engagés, Claude de Ramezay, gouverneur de Montréal, avait exigé que Bouat s’en tînt rigoureusement à la permission de Vaudreuil. Bouat passa outre sans sourciller. Condamné, il ne lui restait que le recours au roi. Il ne manqua pas de s’en prévaloir en utilisant l’appui de sa sœur Marguerite, femme d’Antoine Pascaud, qui, creancière de Ramezay, prétendit que le gouverneur de Montréal trouvait là prétexte à exercer une vengeance. En juin 1720, Louis XV entérina le jugement du conseil de guerre, mais n’en rétablit pas moins le juge Bouat dans ses fonctions. Il en profita pour semoncer le prevaricateur et affirmer que le poste qu’il occupait lui interdisait tout commerce exercé directement ou comme entremetteur. L’avertissement resta lettre morte. Un document indique que le juge s’adonnait toujours au commerce en 1724.
Bouat fut mêlé à un autre incident qui mit aux prises le gouverneur de Vaudreuil et l’intendant Bégon*. À la suite de l’incendie qui, en 1721, avait ravagé la plus vieille partie de Montréal, Vaudreuil alors sur place avait donné ordre que le marché se tînt dorénavant ailleurs sur un emplacement situé plus au nord, Bouat, qui ne l’entendit pas de cette oreille, permit la réouverture du marché au même endroit. Ramezay tenta de faire exécuter l’ordre de Vaudreuil, mais Bouat se rendit à Québec et mit l’intendant Bégon au courant ; ce dernier, jaloux de ses prérogatives, décida de reconduire l’ordonnance de 1706 qui fixait l’emplacement du marché à l’endroit initial. L’affaire fut soumise au Conseil de Marine qui trancha le litige en faveur de l’intendant et permit à Bouat, de ce fait, de chanter victoire.
Le 1er octobre 1718, le juge Bouat se porta acquéreur de la seigneurie de Terrebonne en vertu d’un contrat signé avec Marie-Catherine de Saint-Georges veuve de Louis Le Conte Dupré. Mais il ne la conserva que deux ans : le 12 septembre 1720, il la revendait à Louis Lepage* de Sainte-Claire, curé de l’île Jésus, dont le nom est resté lié aux premiers essais de l’industrie canadienne.
Le 18 mai 1726, François-Marie Bouat était inhumé à Montréal. Le 7 juin 1700, il avait d’abord épousé à Québec Madeleine Lambert Dumont, fille d’Eustache Lambert Dumont et de Sophie Vanneck. Ils eurent 13 enfants dont sept survécurent à leur mère qui mourut en décembre 1722. Huit mois plus tard, soit le 8 août 1723, il convolait avec Agathe Legardeur de Repentigny et le couple eut deux enfants.
AJM, Greffe de Pierre Raimbault, 1er oct. 1718 12 sept. 1720,— P.-G. Roy, Inv. concessions, III II 6–122.— Godbout, Nos ancêtres, RAPQ, 1959–60 : 284s.— É.-Z. Massicotte, La Famille Bouat, BRH, XXX (1924) : 39–45, 198, 409 ; La maréchaussée à Montréal, BRH, XXII (1916) : 16–18 ; Les juges de Montréal sous le régime français, 1648–1760, BRH, XXVII (1921) : 181.
Jean Blain, « BOUAT, FRANÇOIS-MARIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bouat_francois_marie_2F.html.
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Auteur de l'article: | Jean Blain |
Titre de l'article: | BOUAT, FRANÇOIS-MARIE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |