PAGAN, WILLIAM, homme d’affaires et homme politique, né en 1744 à Glasgow, Écosse, fils aîné de William Pagan et de Margaret Maxwell ; décédé célibataire le 12 mars 1819 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick.
La famille de William Pagan avait pris une part active dans le développement commercial de Glasgow à partir des années 1650. William Pagan père, important raffineur de sucre dans cette ville, acquit une solide réputation de commerçant grâce aux affaires qu’il réalisait aux Antilles, en Méditerranée et le long de la côte d’Irlande. En 1754, lui et son frère John se virent accorder le droit de cité et devinrent membres de la guilde de Glasgow, privilèges qui leur furent octroyés grâce à leur père, David, à qui l’on avait permis de s’installer comme négociant dans cette ville au début du siècle. Un autre frère, George, s’établit comme marchand à Greenock ; un troisième, Thomas, se joignit avec succès à la communauté commerçante de Londres comme marchand de soieries. D’autres liens de famille les rattachaient aussi bien au commerce de Londres et des Antilles qu’à celui du tabac de l’Amérique du Nord. Aussi, lorsqu’une deuxième génération de frères – William, John, Robert* et Thomas – quitta le port natal de Glasgow pour l’Amérique du Nord, au cours des années 1760, elle était avantagée par un réseau de liaisons commerciales, financières et politiques déjà établi.
En 1766, William Pagan fils était commandant du sloop Britannia qui faisait le commerce avec St Eustatius, dans les Antilles. Utilisant ce qui était probablement le bâtiment de son père, il participa au commerce traditionnel du sucre et du rhum entre les Antilles et la côte est de l’Amérique du Nord, se limitant surtout à la colonie de la Virginie et à celle de New York. En 1769, il était assez solidement établi en affaires, à New York, pour solliciter le titre de citoyen honoraire de la ville. Qualifié d’agent maritime et de boutiquier, il devait vraisemblablement s’occuper surtout de produits et de marchandises qui avaient un rapport avec les affaires commerciales de la famille.
En 1777, à ce qu’il semble, Pagan s’était associé à ses frères Robert et Thomas sous la raison sociale de Robert Pagan and Company. En 1769, à l’âge de 19 ans, Robert s’était établi au Massachusetts, à Falmouth Neck (Portland, Maine), où, associé de la Lee, Tucker and Company, de Greenock, il échangeait des produits des Antilles et de l’Écosse contre des mâts et du bois. Thomas, le benjamin, s’était joint à lui en 1775. Par la suite, les deux frères partirent pour la Barbade, puis se rendirent à New York, où ils fondèrent la Robert Pagan and Company. Pendant ce temps, John Pagan avait élargi ses horizons en ajoutant à ses entreprises commerciales la promotion de l’émigration en Amérique de colons écossais. En 1772, en tant que négociant de Glasgow, il avait signé un contrat par lequel il s’engageait envers la Philadelphia Company à envoyer des colons qui s’établiraient sur une vaste superficie dans la région de Pictou, en Nouvelle-Écosse [V. John Harris]. L’année suivante, il finança le navire Hector qui transporta environ 200 passagers au port de Pictou.
Les diverses opérations et les nombreux talents des frères Pagan les mirent en relation avec des hommes d’affaires et des hommes politiques importants de la côte est de l’Amérique. De plus, comme membre et directeur (1770–1775) de la prestigieuse St Andrew’s Society de New York, William fréquentait des dignitaires, qui lui témoignaient de la considération. Parmi ceux-ci, on comptait le révérend John Witherspoon, président du College of New Jersey et membre de la Philadelphia Company, James Phyn, associé dans la grande entreprise commerciale Phyn, Ellice and Company, de Schenectady, dans la colonie de New York [V. Alexander Ellice], le colonel Beverley Robinson, grand propriétaire foncier de la colonie de New York, Neil Jamieson, important négociant de tabac et représentant de la Glassford, Gordon and Company, de Glasgow, William Shedden, fils de Robert, directeur d’une importante maison de commerce de Londres, et Cadwallader Colden, lieutenant-gouverneur de la colonie de New York. Plusieurs de ces personnalités devaient plus tard maintenir des liens solides avec la Nouvelle-Écosse.
En 1780, au moment où Robert, William et Thomas allaient s’établir à Penobscot (Castine, Maine), ils avaient déjà mis au point une politique d’échanges commerciaux qui les mettaient en contact avec les maisons de commerce s’échelonnant le long de la côte est, de Halifax aux Antilles. Aiguillonnés par la perspective d’un refuge loyaliste permanent à Penobscot [V. John Caleff], les Pagan cimentèrent leurs liens avec Halifax par l’entremise de James McMaster et de ses trois frères, négociants de Boston puis plus tard de la Nouvelle-Écosse, et grâce à eux ils nouèrent d’étroites relations avec John Wentworth qui devait devenir lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse. Lorsqu’on apprit finalement que les négociations de paix, tenues au début de 1783, désigneraient la rivière Sainte-Croix et non la Penobscot comme frontière entre les États-Unis nouvellement formés et l’Amérique du Nord britannique, les frères Pagan se préparèrent à aller s’installer en Nouvelle-Écosse. En tant que représentant, avec William Gallop, des Penobscot Associated Loyalists, William aida à établir près de 430 familles à St Andrews, dans ce qui devait bientôt devenir la nouvelle colonie du Nouveau-Brunswick. Son frère Robert décida de demeurer à St Andrews, mais William remonta la côte jusqu’à Saint-Jean, où, avec Thomas, il mit sur pied la firme William Pagan and Company.
En 1795, la William Pagan and Company était reconnue comme l’une des trois plus importantes entreprises écossaises de Saint-Jean, qui en comptait 25. Elle importait des marchandises sèches, du rhum et une grande variété de produits manufacturés écossais. Au début, la compagnie rencontra des difficultés dues surtout au manque de numéraire nécessaire pour payer à la métropole les marchandises importées. Toutefois, à mesure que le commerce de bois du Nouveau-Brunswick se développait, il devint possible à Pagan d’expédier un nombre croissant de cargaisons de bois vers la rivière Clyde ainsi que vers la Mersey, où Liverpool était en voie de devenir le plus important centre d’importation de bois en Grande-Bretagne. Ces exportations consolidèrent la firme, lui permettant de réaliser un commerce florissant outre-mer et de diversifier ses affaires ; elle se lança dans différents types de commerce, légal et illégal, avec les États-Unis. En 1790, James Glenie accusa Pagan et ses frères de piller ouvertement les réserves gouvernementales de bois de mâts situées dans les régions du sud de la province. Aucune poursuite judiciaire ne fut intentée contre eux, à supposer qu’il y eut du vrai dans ces allégations. Les Pagan s’étaient lancés tôt dans la construction navale et, à la fin des années 1780, ils organisèrent un service de paquebot hebdomadaire entre Saint-Jean et St Andrews. William Pagan ne fut pas long à déduire que la pénurie et la perte des navires en Grande-Bretagne, résultant de la guerre, donneraient une grande valeur aux navires construits dans les colonies. En plus d’édifier sa propre flotte, il construisit plusieurs gros navires de plus de 200 tonneaux, destinés au marché britannique, et, pendant la guerre de 1812, il était copropriétaire de plusieurs navires de course. En 1812, sa maison représentait, à Saint-Jean, la Lloyd’s de Londres, et Pagan se trouva engagé dans les premières transactions d’assurances maritimes que connut la colonie. Contrairement à son frère Robert, il avait vite compris l’avantage que représentait la diversification des affaires. Quant à Thomas Pagan, il s’était établi après 1800 sur la côte nord du Nouveau-Brunswick, à Richibouctou ; en plus de la construction navale, il s’occupait de meunerie et de pêche.
Dans ses activités commerciales variées, William Pagan profita grandement de son vaste réseau de relations en Amérique du Nord et à l’étranger. Il raffermit des liens qu’il avait noués à New York en établissant une solide relation d’affaires, au Nouveau-Brunswick, avec John*, fils du colonel Robinson. Parmi ses autres relations en Amérique du Nord britannique, il comptait deux des plus importants hommes d’affaires des colonies, William Forsyth, de Halifax, dont la compagnie était une filiale de la Hunter, Robertson and Company, de Greenock, et James Dunlop, de Montréal. Des rapports de longue date avec John* et William* Black lui permirent d’établir de nouvelles relations à Londres et à Greenock, alors que son association avec James McMaster le mit en rapport avec des groupes d’hommes d’affaires à Boston et à Portsmouth, dans le New Hampshire. Par l’entremise de Thomas, à Richibouctou, ses relations commerciales s’étendirent jusqu’à la Miramichi et à Pictou, en Nouvelle-Écosse. John Pagan dirigeait les affaires de la famille à Québec. Toutefois, cette filiale fit faillite et ses difficultés se répercutèrent sur toute l’entreprise nord-américaine.
Ce ne fut pas seulement grâce aux affaires que William Pagan s’imposa au Nouveau-Brunswick. En 1785, au cours des premières élections de la chambre d’Assemblée, lesquelles furent controversées [V. George Duncan Ludlow], il avait été élu député de la circonscription de Saint-Jean. L’historien James Hannay* a décrit son bilan législatif comme « honorable », car il se fit constamment le champion de la cause de l’Assemblée contre ce qu’il considérait comme le pouvoir arrogant de la hiérarchie dirigeante ayant à sa tête le lieutenant-gouverneur Thomas Carleton. L’intérêt que Pagan portait aux affaires publiques se révéla également sur le plan municipal. En 1785, il devint échevin du quartier Queens, à Saint-Jean, et, six ans plus tard, il occupa la fonction de garde-feu. En 1792, Patrick Campbell* le décrivit comme l’un des hommes « hautement honorables et respectables » de la ville. Il habitait en face de l’église St Andrew, dans une maison faite de briques provenant de Londres. Ses possessions foncières dans Saint-Jean étaient considérables et comprenaient un vaste terrain, dans la partie sud, appelé Pagan Place.
Fidèle adepte de l’Eglise d’Écosse, Pagan fut l’un des membres fondateurs de l’église St Andrew et prit une part active dans le comité de construction. En 1798, il devint le premier président de la St Andrew’s Society de Saint-Jean, et il occupa ce poste jusqu’en 1801 ; il y revint en 1806, y demeura jusqu’en 1812 et l’occupa de nouveau en 1815. Parmi les membres fondateurs, qui se rencontraient à l’Exchange Coffee House, se trouvaient ses associés en affaires, John et William Black, ses collègues négociants tels Hugh Johnston*, Munson Jarvis* et Thomas Millidge*, le futur procureur général Thomas Wetmore* et le second maire de Saint-Jean, William Campbell*. En 1803, Pagan fut également membre fondateur de la Subscription Room, le premier club de Saint-Jean dont on possède encore les archives.
En 1817, William Pagan fut nommé au Conseil du Nouveau-Brunswick. C’était un événement digne de mention puisqu’il était le premier membre d’une Église autre que l’Église d’Angleterre à y accéder. Il devint ainsi membre de l’establishment qu’il avait si souvent critiqué. Lorsqu’il mourut, le 12 mars 1819, il assistait encore aux réunions du conseil. La Royal Gazette rapporta qu’« il se fit toujours remarquer par son intégrité, sa droiture et son impartialité ».
David S. Macmillan et Roger Nason
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David S. Macmillan et Roger Nason, « PAGAN, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pagan_william_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |