BLACK, JOHN, homme d’affaires, homme politique et juge de paix, né vers 1764 à Aberdeen, Écosse ; décédé le 4 septembre 1823 dans la même ville.
On sait peu de chose sur la jeunesse de John Black. Les Black d’Aberdeen étaient une famille de commerçants aisés qui possédaient, depuis 1745, des intérêts dans des fabriques de toile et de lainages, ainsi que dans d’autres industries locales comme la salaison du hareng et la chaufournerie. John Black arriva à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, en 1786. Il y venait à titre d’agent de l’Amirauté, chargé de la fourniture des mâts et d’autres bois de choix, et comme représentant d’une firme écossaise spécialisée dans le commerce du bois, la Blair and Glenie, qui avait transféré son siège social à Londres afin de soumissionner pour obtenir des contrats de l’Amirauté. Black ne fut pas long à constater que le commerce du bois au Nouveau-Brunswick avait de bonnes perspectives d’avenir. Ayant vite compris que Saint-Jean et la baie de Passamaquoddy pouvaient servir d’entrepôts dans le cadre d’un commerce bilatéral avec les États-Unis et lors d’échanges commerciaux entre le Nouveau-Brunswick et les États-Unis d’une part, et les Antilles d’autre part, il fonda sa propre maison de commerce à Saint-Jean en 1787. Il invita par la suite quelques-uns de ses parents, notamment son jeune frère William* et deux de ses cousins, à exploiter l’entreprise avec lui.
Le commerce, à Saint-Jean, était dominé par les Écossais ; le principal secteur commercial était appelé « le rang des Écossais » et les transactions s’effectuaient à la McPherson’s Tavern. Black se fit un grand nombre d’amis et de relations utiles par l’intermédiaire de ses compatriotes, spécialement les frères William* et Thomas Pagan, qui importaient surtout leurs produits de la rivière Clyde et qui connaissaient beaucoup de gens dans le commerce du bois. Bientôt, une des principales activités commerciales de Black fut d’approvisionner les établissements de pêche en sel importé d’Écosse, en rhum, en vêtements et en vivres. Cela lui permit de se lancer aussi dans l’exportation du poisson salé aux Antilles. L’entreprise devenait des plus lucratives lorsque, en retour, il obtenait à bas prix du sucre et de la mélasse qu’il expédiait en Grande-Bretagne. Ces échanges constituaient ainsi une sorte de « commerce triangulaire ». Dès 1790, Black fut représentant de plusieurs compagnies situées dans d’autres villes, dont une firme de construction navale à Greenock, la Scott and Company [V. Christopher Scott] ; il représentait aussi William Forsyth*, important marchand de Halifax, et James Dunlop* de Montréal, qui était le plus entreprenant des commerçants du Bas-Canada. En 1792, Black s’était bâti une flotte d’au moins neuf navires, lesquels transportaient du bois de charpente et du poisson séché et salé aux Antilles, ainsi que du bois d’œuvre à Greenock et à Aberdeen, où sa compagnie avait un représentant à plein temps pour la manutention et la vente des cargaisons. Il fut ainsi un pionnier du commerce du bois en Amérique du Nord britannique. En 1805, sa compagnie comptait déjà des filiales à Miramichi, à Fredericton, à St Andrews et à Montréal.
Black s’occupa également de promouvoir la culture du chanvre au Nouveau-Brunswick. À titre de principale puissance maritime, la Grande-Bretagne avait besoin de cordages pour ses navires et devait importer son chanvre de Russie. Comme cette source d’approvisionnement devenait coûteuse et incertaine, Black persuada plusieurs fermiers et propriétaires fonciers de cultiver le chanvre. Il finança lui-même les expériences, mais celles-ci n’aboutirent à rien. Il eut cependant du succès avec ses autres entreprises et en vint à jouer un rôle de premier plan comme importateur. Les marchandises qu’il importait d’Écosse en grandes quantité, telles que des lainages, de la ferronnerie, des poêles en fer, du fer en barre, des cordages et de la poudre à canon, trouvaient rapidement bon preneur. Son commerce avec les Antilles se développa au fur et à mesure que les Britanniques remportèrent des victoires dans cette région par suite de la déclaration de guerre de 1793, et les îles Trinidad et Turks devinrent de nouvelles destinations pour ses navires.
Les marchands écossais, et surtout la famille Black, jouèrent un rôle prépondérant dans la vie économique de Saint-Jean. En 1798, ils fondèrent la St Andrew’s Society, organisme qui tenait à la fois du club de marchands et de l’association de bienfaisance et qui ressemblait à une chambre de commerce. Black fut le premier secrétaire de l’organisme et occupa ensuite la présidence durant deux ans. Amusant et jovial, doué d’un sens aigu des affaires, il était le chef naturel du groupe. En 1793, avec Ward Chipman, il avait été élu député de la circonscription de Northumberland à la chambre d’Assemblée ; il appuya toutes les mesures visant à améliorer les pratiques commerciales et à développer le commerce de la colonie. En 1802, il exerça les fonctions de juge de paix.
En 1804, l’empire maritime et commercial de Black s’étendait jusqu’à Halifax. Deux ans plus tard, attiré par la vague de prospérité résultant de la guerre, il alla s’établir dans cette ville où il s’associa à William Forsyth. Il se fit construire, près de la résidence du gouverneur, une magnifique demeure qui, paraît-il, était faite de granit apporté par ses navires en provenance d’Aberdeen, la principale destination de ses chargements de bois. En 1808, il occupait déjà la charge de secrétaire du Committee of Trade, lequel servait d’organe de direction à une association de marchands de Halifax appelée la Halifax Commercial Society [V. William Sabatier]. Ceux-ci cherchaient avant tout à obtenir que le commerce du poisson destiné aux Antilles soit réservé aux exportateurs coloniaux et ils avaient déjà réussi à exercer des pressions efficaces sur le gouvernement britannique. En 1808, à titre de secrétaire de l’organisme, Black fit campagne en faveur de cet objectif auprès des marchands de Québec. Il mena cette entreprise par l’intermédiaire de ses représentants de Québec, l’importante firme Irvine, McNaught and Company, dont James Irvine était actionnaire. Cette dernière faisait partie d’un vaste réseau de contacts, qui était entièrement composé de compagnies écossaises et que Black avait minutieusement établi dans les colonies de l’Amérique du Nord, dans les Antilles, en Angleterre, en Écosse et en Méditerranée.
Les idées de Black n’étaient ni étroites ni chauvines. Il souhaitait que toutes les colonies et tous les marchands des divers ports et centres de commerce soient libres de développer leurs entreprises, et que les gouvernements des colonies et de la métropole favorisent cette liberté et accordent au besoin des primes d’encouragement et des concessions. Pour atteindre ces objectifs, Black et le Committee of Trade, qui était dominé par des Écossais, firent des propositions au gouvernement britannique par l’entremise de l’influent vicomte Melville, principal défenseur des intérêts tories en Écosse, ancien président du Board of Control et premier lord de l’Amirauté de 1812 à 1827. En 1813, Black fut nommé au Conseil de la Nouvelle-Écosse. Il y souligna l’importance du commerce avec les Antilles et insista pour qu’aucune concession dans le domaine des pêcheries terre-neuviennes ne soit accordée à la France ou aux États-Unis, au cas où un traité de paix serait conclu. Grâce à l’influence qu’il avait auprès de Melville, il fit valoir ses arguments à Londres afin d’assurer des contrats importants aux constructeurs de navires du Bas-Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et de procurer aux fournisseurs de l’Amérique du Nord britannique de grosses commandes de l’Amirauté en mâts et en bois d’œuvre. Son succès contribua à stimuler toute l’économie de guerre dans la région atlantique et dans le Bas-Canada.
À Halifax et à Saint-Jean, Black fut considéré comme une figure marquante de la grande communauté écossaise et, à ce titre, il exerça les fonctions de président de la North British Society en 1809. Il comptait parmi ses intimes John Young*, mieux connu sous le pseudonyme d’ Agricola, qui fit du commerce clandestin « sur la frontière » à Castine, port du Maine qui avait été pris durant la guerre de 1812. Il y a tout lieu de croire que Black, comme Christopher Scott et d’autres respectables marchands de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, fut largement engagé dans ce genre de commerce lucratif mais illégal et que Young était son représentant. Ce trafic prit fin lorsque la paix fut rétablie en 1814. En même temps, Black dut cesser une autre activité commerciale qu’il avait menée pendant la guerre : la spéculation sur des navires et des cargaisons qui avaient été capturés et ensuite réformés par la Cour de vice-amirauté à Halifax. Une organisation frauduleuse avait été mise sur pied, grâce à laquelle les navires capturés et leur chargement, n’ayant pas été inspectés officiellement d’une manière convenable, pouvaient être adjugés à bas prix à certains soumissionnaires qui possédaient des renseignements confidentiels. De nombreux officiers de marine, fonctionnaires et marchands s’édifièrent ainsi de vastes fortunes. Le commerce en temps de guerre, légal et illégal, l’achat de prises de guerre et la participation à des entreprises de course, tout concourait à faire des années 1806–1814 la période la plus active et la plus profitable de la carrière de Black. Les neuf dernières années de sa vie furent marquées par l’apparition du marasme d’après-guerre, mais sa compagnie était suffisamment bien établie et possédait les fonds nécessaires pour survivre, surtout parce que le commerce d’exportation du bois d’œuvre en Grande-Bretagne continua d’être prospère jusqu’en 1825. En 1820 et 1821, Black s’intéressa à des projets de développement bancaire et s’associa à Christopher Scott, de St Andrews, et à d’autres marchands écossais de Halifax et de Saint-Jean dans des entreprises de navigation à vapeur. Malheureusement, il ne vécut pas assez longtemps pour voir la réussite qui fut atteinte dans ces deux domaines.
Ardent patriote britannique, Black s’était fait remarquer à Saint-Jean lorsqu’il avait illuminé sa maison pour célébrer les victoires d’Aboukir et de Trafalgar. Il fut actif au sein de la congrégation Trinity à Saint-Jean et fit don de £450 pour l’achat d’un orgue qu’il transporta gratuitement sur l’un de ses navires. Il continua à faire partie de cette congrégation après s’être installé à Halifax, où il s’occupa activement des affaires ecclésiales et donna généreusement aux œuvres de charité. En 1797, il avait épousé une prénommée Mary, veuve de John McGeorge, qui fut député de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, pendant la première législature. Sa femme mourut deux ans plus tard et, le 3 février 1807, il se remaria avec Catherine Billopp, fille de Christopher Billopp, membre du Conseil du Nouveau-Brunswick. Du premier mariage naquit une fille, et du second naquirent un fils et une fille ; la plus jeune des filles, Rosina Jane, épousa James Boyle Uniacke*.
La santé de John Black se mit à décliner après 1819. Avant sa mort, il voyagea quelque temps en Grande-Bretagne dans l’espoir de se remettre. Il avait été un des marchands les plus innovateurs et les plus entreprenants des Maritimes, et il commandait le respect et l’attention de ses contemporains. La notice nécrologique qui lui fut consacrée dans l’Acadian Recorder soulignait son « intégrité » comme homme d’affaires et louait « son attitude calme et réservée », « la bonté de son cœur », « la sûreté de son jugement et l’indépendance de son esprit ».
Halifax County Court of Probate (Halifax), Wills, 4 : fos 125–128 (mfm aux PANS).— NLS, Dept. of mss, mss 3847–3851.— St Paul’s Anglican Church (Halifax), Reg. of baptisms, 19 janv. 1808, 11 févr. 1810.— Acadian Recorder, 25 oct. 1823.— New-Brunswick Courier, 12 juill. 1816.— Royal Gazette (Saint-Jean, N.-B.), 1785–1806.— Annals, North British Society, Halifax, Nova Scotia, with portraits and biograpkical notes, 1768–1903, J. S. Macdonald, compil. ([3e éd.], Halifax, 1905).— N.B. vital statistics, 1784–1815 (Johnson et al.).— I. A. Jack, History of St. Andrew’s Society of St. John, N.B., Canada, 1798 to 1903 (Saint-Jean, 1903).— Lawrence, Judges of N.B. (Stockton et Raymond).— Macmillan, « New men in action », Canadian business hist. (Macmillan), 44–103.— J. R. Armstrong, « The Exchange Coffee House and St. John’s first club », N.B. Hist. Soc., Coll., 3 (1907–1914), no 7 : 60–78.— G. F. Butler, « The early organisation and influence of Halifax merchants », N.S. Hist. Soc., Coll., 25 (1942) : 1–16.
David S. Macmillan, « BLACK, JOHN (mort en 1823) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/black_john_1823_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
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