CALEFF, JOHN (il signait aussi Calef), chirurgien, né le 30 août 1726 à Ipswich, Massachusetts, fils de Robert Calef, drapier, et de Margaret Staniford ; le 10 décembre 1747, il épousa Margaret Rogers, d’Ipswich, et ils eurent deux enfants, puis le 18 janvier 1753, Dorothy Jewett, de Rowley, Massachusetts, et de ce mariage naquirent 15 enfants, dont 4 mort-nés ; décédé le 23 octobre 1812 à St Andrews, Nouveau-Brunswick.

De la quatrième génération des Caleff à vivre au Massachusetts, John fréquenta la Boston Latin School et reçut plus tard une « formation en physique », c’est-à-dire en médecine. En 1745, il était chirurgien à bord d’un navire de guerre des provinces américaines lors de la prise de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), par une force armée aux ordres de William Pepperrell* et de Peter Warren*. Quand la guerre reprit en 1756, Caleff servit de nouveau comme chirurgien, d’abord à l’hôpital provincial d’Albany, dans la colonie de New York, et ensuite, pendant cinq ans, dans un régiment de provinciaux, sous les ordres des généraux lord Loudoun et Amherst*. La guerre terminée, il retourna à Ipswich où pendant plusieurs années il fut magistrat et officier de milice. Élu à la General Court of Massachusetts en 1764, il comptait parmi les 17 membres de l’Assemblée qui, en 1768, s’opposèrent à la distribution d’une lettre circulaire dans laquelle on critiquait la politique de taxation des Britanniques, Sa prise de position le rendit « odieux » à beaucoup de citoyens d’Ipswich ; il fut à ce point harcelé qu’en 1774 il dut faire des excuses publiques pour avoir agi ainsi.

Au cours des années 1770, Caleff s’intéressa de plus en plus aux cantons en voie d’expansion, à l’est de la rivière Penobscot (Maine). À la fin de 1772, les habitants de la région le choisirent comme mandataire pour tenter d’obtenir, à Londres, la confirmation du roi au sujet des terres que leur avait concédées le gouvernement du Massachusetts, ou bien, si cela n’était pas possible, la création d’un gouvernement distinct pour cette région. Il ne sortit rien de cette mission. En 1779, cependant, après que les menaces des rebelles l’eurent forcé à quitter Ipswich et à s’enfuir dans la région de Penobscot, il découvrit que le gouvernement britannique et les habitants de l’endroit projetaient sérieusement d’y instaurer un gouvernement distinct. En février, Caleff se rendit en Nouvelle-Écosse pour prôner l’établissement d’un poste militaire à Penobscot ; quatre mois plus tard, des soldats, sous les ordres du général de brigade Francis McLean*, commençaient la construction du fort George (Castine, Maine). Caleff assista au fameux siège de 21 jours auquel le fort fut soumis par les forces rebelles, en juillet et août ; à cause de ses qualités de chef, McLean le nomma inspecteur, commissaire, juge de paix en chef et surintendant des Indiens à Penobscot.

En mai 1780, les habitants de Penobscot choisirent de nouveau Caleff pour promouvoir leurs intérêts à Londres. Au mois d’août de cette année-là, le gouvernement britannique approuvait la création d’un gouvernement provincial distinct dans cette région, qu’on appellerait la New Ireland, et en nommait les principaux fonctionnaires. Toutefois, la nouvelle province mourut à peine née, lorsqu’on apprit en 1781 la capitulation de l’armée du lieutenant général Charles Cornwallis à Yorktown, en Virginie, et l’abandon soudain de toutes les opérations militaires britanniques en Amérique. Caleff continua ses pressions pour la mise en œuvre du projet, en insistant sur la loyauté des habitants et sur la possibilité que Penobscot devînt une base d’opérations en vue de la reconquête des colonies de la Nouvelle-Angleterre. Mais la réalisation du projet de la New Ireland était devenue impossible, comme lord North l’en informa.

Pendant son séjour en Angleterre, Caleff publia un récit intitulé The siege of Penobscot [... ] et fut nommé aide-médecin à l’hôpital royal de la Nouvelle-Écosse. À son retour en Amérique du Nord, en 1782, il découvrit à sa grande consternation que sa commission s’était perdue en route et, plus encore, que pendant son absence ses postes d’inspecteur et de commissaire à Penobscot avaient été donnés à Robert Pagan*. Frustré et ayant le sentiment d’avoir été trompé, Caleff retourna en Angleterre en 1784 pour y obtenir une nouvelle commission et pour présenter une demande de compensation devant la commission chargée d’étudier les réclamations des Loyalistes. Les commissaires furent fortement impressionnés par les services qu’avait rendus Caleff pendant la guerre et par les pertes qu’il avait alors subies. Ils trouvèrent en lui « tant de pauvreté alliée à tant de loyauté » qu’ils recommandèrent qu’on lui donnât £50 sur-le-champ pour acquitter ses dettes à Londres et payer son voyage de retour en Amérique. Quant à la réclamation, qui s’élevait à près de £10 000, la commission lui accorda une somme forfaitaire de £2 400 et un revenu annuel de £100.

Pendant son voyage de retour, Caleff fut intercepté par un ami de la famille, qui l’avertit de rester à l’écart de la région de Penobscot. Suivant ce conseil, Caleff alla rejoindre sa femme et ses neuf enfants encore vivants, qui s’étaient réfugiés dans la nouvelle communauté loyaliste de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Le 25 août 1784, il fut nommé chirurgien de la garnison britannique du fort Howe. À Saint-Jean, il mena une vie paisible, semble-t-il, à l’exception d’un contretemps amusant qu’il eut avec l’évêque Charles Inglis. Toute sa vie, Caleff fut un homme d’une grande ferveur religieuse. En 1770, il avait tenu l’un des cordons du poêle aux funérailles du fameux prêcheur revivaliste George Whitefield ; il servit d’aumônier à temps partiel aux forts George et Howe, puis fit partie du conseil paroissial de l’église Trinity, à Saint-Jean. Au cours de l’un de ses nombreux voyages en Angleterre, il rencontra la protectrice du méthodisme, la comtesse de Huntingdon, qui était vivement intéressée à la propagation des principes méthodistes parmi les populations d’Amérique du Nord. Au cours des années 1780, elle lui envoya un grand choix de bibles, de divers recueils d’hymnes et deux ministres méthodistes pour le progrès de son œuvre. Exaspéré de ce que l’évêque Inglis refusait d’ordonner l’un de ces ministres et de permettre à l’un et à l’autre de prêcher à l’église Trinity, Caleff déchargea sa colère en répandant une rumeur selon laquelle Inglis entretenait des liens avec une prostituée de l’endroit. Offusqué, l’évêque se hâta d’assurer l’archevêque de Cantorbéry que Caleff était « un homme enthousiaste [mais] faible », chez qui se succédaient les poussées de ferveur religieuse et les crises marquées par l’ivrognerie et une conduite blasphématoire. Il menaça Caleff de le poursuivre pour diffamation ; sur quoi celui-ci désavoua ses propos « ridicules ». C’est là le seul incident scandaleux dont fassent mention les documents, au cours de sa longue carrière.

En 1791, Caleff installa sa famine à St Andrews, où vivaient la plupart de ses associés de Penobscot [V. William Gallop] ; mais il retournait assez souvent à Saint-Jean pour y conserver son poste de chirurgien de la garnison. Il fut l’un des premiers membres de la Friendly Society, fondée en 1803 par le révérend Samuel Andrews, et, au cours des années, il acquit passablement de biens fonciers dans la ville. D’après son testament, il aurait continué à pratiquer la médecine jusqu’à sa mort, en 1812. Son expérience professionnelle la plus pénible fut sans doute l’épidémie de petite vérole qui frappa St Andrews en 1800. Avec de l’aide, il vaccina et soigna plus de 500 personnes qui, à trois exceptions près, à ce qu’il rapporta fièrement, survécurent toutes à cette redoutable maladie. La femme de Caleff mourut avant lui, quelque temps après 1800, et seulement 5 de ses 17 enfants vivaient encore au moment de sa mort.

Pour les historiens, l’importance de John Caleff vient sans aucun doute du fait qu’il défendit les, intérêts des Loyalistes de la région de Penobscot. Mais on peut soupçonner un autre type de contribution de sa part, aussi sinon plus grande, dont on a gardé bien peu de traces : sa présence constante auprès des malades et des blessés, en temps de paix comme en temps de guerre, pendant plus de 60 ans. Dans le comté de Charlotte, au Nouveau-Brunswick, en particulier, où Caleff fut pendant nombre d’années le seul médecin disponible, ses services professionnels durent être une source inappréciable de réconfort et de sécurité pour les habitants de cette jeune communauté coloniale.

Ann Gorman Condon

John Caleff est l’auteur de The siege of Penobscot by the rebels ; containing a journal of His Majesty’s forces [...] (Londres, 1781). Par la suite, l’ouvrage fut édité par Nathan Goold et publié dans Magazine of Hist. with Notes and Queries, Extra Numbers (New York), 3 (1910), n° 11.

APC, MG 23, C6, sér. 1, 1 : 131s., 135–137, 139s. (transcriptions ; copies à l’UNBL).— APNB, RG 7, RS63, 1811, John Caleff ; RG 10, RS108, Pétitions de John Caleff, févr. 1785, 12 août 1802.— Clements Library, Shelburne papers, 66 : 169–173, 183–185 (transcriptions aux APC).— Musée du N.-B., H. T. Hazen coll. : Ward Chipman papers, John Caleff à Thomas Carleton, 22 nov. 1786.— PRO, AO 12/109 :45, 101s. ; AO 13, bundle 73 (mfm à l’UNBL).— G.-B., Hist. mss Commission, Report on American manuscripts in the Royal Institution of Great Britain, [B. F. Stevens, compil., H. J. Brown, édit.] (4 vol., Londres, 1904–1909), 3 : 229s.— Royal commission on American loyalists (Coke et Egerton).— Winslow papers (Raymond).— Jones, Loyalists of Mass.— Robert Calef of Boston and some of his descendants, A. C. Boardman, compil. (Salem, Mass., 1940).— Vital records of Ipswich, Massachusetts, to the end of the year 1849 [...] (3 vol., Salem, 1910–1919).— Condon, « Envy of American states ».— R. W. Sloan, « New Ireland : loyalists in eastern Maine during the American revolution » (thèse de ph.d., Mich. State Univ., East Lansing, 1971).— D. R. Jack, « The Caleff family », Acadiensis (Saint-Jean, N.-B.), 7 (1907) : 261–273.— R. L. Jackson, « Physicians of Essex County », Essex Institute, Hist. Coll. (Salem), 83 (1947) : 255s.— Henry Wilmot, « Life and times of Dr. John Caleff, a prominent loyalist », N. B. Hist. Soc., Coll., 4 (1919–1928), no 11 : 277–281.

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Ann Gorman Condon, « CALEFF (Calef), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/caleff_john_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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