FORSYTH, WILLIAM, négociant, fonctionnaire et homme politique, né vers 1749 en Écosse ; décédé le 14 octobre 1814 à Tealing, Écosse.

Avant la Révolution américaine, les maisons de gros londoniennes monopolisaient presque le commerce entre la Nouvelle-Écosse et la Grande-Bretagne [V. sir Brook Watson]. Dans les années 1780, cependant, cette hégémonie se désintégrait par suite de l’ascension de l’Écosse au rang de puissance commerciale. Cette évolution se traduisit en partie par le grand nombre d’entrepreneurs écossais qui immigrèrent en Nouvelle-Écosse après la Révolution américaine. Le plus éminent d’entre eux était William Forsyth.

On connaît peu de chose des antécédents de Forsyth. C’était un presbytérien, apparemment originaire des Lowlands. Après avoir acquis de l’expérience dans les affaires à Glasgow et aux environs, il alla s’installer à Halifax où, en juillet 1784, il se mit à faire de la réclame à titre de marchand général. Les marchandises britanniques et européennes dont s’occupait Forsyth lui étaient, pour la plupart, expédiées par ses deux associés établis à Greenock, en Écosse, George Robertson et James Hunter. De même que les autres négociants de Halifax pendant l’époque postrévolutionnaire, Forsyth s’arrangea pour ne pas dépendre exclusivement du marché de la garnison locale. Il établit des contacts commerciaux dans tout l’arrière-pays des Maritimes, et, à la fin des années 1780, la firme Forsyth and Company commerçait le long de la côte de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, jusqu’en Gaspésie et à Terre-Neuve. Les marchandises que Forsyth reçut de ses associés écossais, entre juin 1787 et décembre 1788, furent évaluées à £48 786 6 shillings 4 pence, ce qui met en évidence l’ampleur de son activité. Il fit venir d’autres cargaisons, pendant cette même période, qu’il vendit à commission pour le compte de divers fabricants britanniques. Il échangeait ces importations avec une foule de marchands de Halifax et des petits villages de pêcheurs, surtout contre du bois et du poisson, que la Forsyth and Company expédiait en Grande-Bretagne, aux Antilles et aux États-Unis.

Grâce à un registre de correspondance de son entreprise couvrant la période 1796–1798 et qui existe encore, on peut se faire une idée des difficultés qu’éprouvaient les négociants de Halifax à effectuer leurs liaisons de commerce multiples et complexes. Le manque de renseignements sérieux sur les prix des denrées aux Antilles, prix qui étaient très importants pour les négociants mais qui variaient rapidement, demeurait une source d’inquiétude constante. D’autres problèmes surgissaient sous forme de querelles à propos de la qualité du chargement, ou sous forme de discussions concernant les paiements en retard, les capitaines incompétents et souvent ivres, les équipages mutinés et déserteurs, le vol, les pertes dues aux tempêtes et à la maladie, ainsi que les tracasseries des douaniers. La guerre qui faisait alors rage entre la Grande-Bretagne et la France révolutionnaire amenait de nouvelles complications. La Forsyth and Company se plaignit à maintes reprises d’être privée des marchés continentaux, de subir des pertes au profit des corsaires ennemis, de voir des détachements de racoleurs dégarnir l’effectif de leurs équipages et de constater que la marine royale interceptait les navires américains à tel point que la guerre avec les États-Unis risqua d’éclater. Par contre, la firme découvrit que la guerre lui offrait un marché plus large auprès de la garnison et lui permettait en même temps de spéculer sur les biens des cargaisons saisies.

Le plus grand bénéfice que la Forsyth and Company retira de la guerre consistait en la brusque augmentation de la demande, par la marine royale, de bois destiné à la construction de bateaux. En 1788, la société obtint un contrat de sept ans l’engageant à fournir à la marine des mâts, des vergues et des espars ; une fois, en 1789, Forsyth s’assura ces fournitures en effectuant un accord avec William Davidson*, marchand de bois du Nouveau-Brunswick. À titre de fournisseur de bois, Forsyth s’associa intimement avec John Wentworth, inspecteur général des forêts du roi. Wentworth étant devenu lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse en 1792, il usa de son autorité pour favoriser les intérêts de Forsyth qu’il appelait « mon très respecté et précieux ami ». En conséquence, Forsyth continua de recevoir une foule de contrats gouvernementaux ; il fut nommé magistrat et directeur du bureau de bienfaisance et, en 1801, il faisait son entrée officielle dans le petit cercle de Wentworth en devenant membre du Conseil exécutif et législatif conjoint. Wentworth et Forsyth s’associèrent aussi à deux projets d’aménagement qui n’aboutirent pas, l’un de construire un canal de Halifax à la baie de Fundy, et l’autre d’ouvrir à Halifax une banque à charte. Par ailleurs, en 1802, Wentworth accorda à Forsyth et à deux autres négociants de Halifax un monopole de 21 ans sur l’exploitation des mines de charbon dans la province. Ce geste de favoritisme n’eut toutefois pas de suite, le gouvernement britannique ayant refusé de ratifier le bail.

La réussite de Forsyth comme entrepreneur se refléta dans les diverses mutations d’associés qui se produisirent au sein de son entreprise. En 1797, William Smith, son nouveau gendre, entra à la Forsyth and Company. Par la suite, Smith alla s’installer en Angleterre, à Liverpool, où il dirigea une succursale conjointement avec le fils de Forsyth, Thomas. En 1806, John Black*, gérant de la succursale de Saint-Jean et lui-même négociant indépendant, s’établit à Halifax comme associé. Trois ans plus tard, Forsyth quitta la Nouvelle-Écosse pour vivre à Greenock de façon permanente. Quoiqu’il intervînt encore dans le fonctionnement de cette entreprise transatlantique, ce fut Black qui prit en main la direction des affaires à Halifax.

Le départ de William Forsyth de Halifax ne souleva aucun commentaire, surtout parce qu’il n’avait jamais joué un grand rôle dans l’activité de son milieu. À son arrivée, il avait adhéré à la North British Society et, en 1788, il en devint président. Au milieu des années 1790, il fit partie du bureau de l’éphémère Halifax Marine Society, organisme philanthropique établi en 1786 par un groupe de capitaines de navires marchands et de négociants. Mais, au fond, Forsyth ne se distingua jamais sur le plan social et, après 1802, s’intéressa visiblement de moins en moins à la Nouvelle-Écosse ; souvent absent à cause de ses séjours en Écosse, il n’assista que peu aux réunions du Conseil de la Nouvelle-Écosse. L’expulsion de Wentworth en tant que lieutenant-gouverneur, en 1808, contribua probablement à la décision de Forsyth de retourner en Écosse. Néanmoins, sous la direction de John Black, la Forsyth and Company continua de déployer une grande activité sur les quais de Halifax pendant plus de dix ans. En outre, les liens que William Forsyth avait aidé à tisser entre la Nouvelle-Écosse et Glasgow subsistèrent pendant tout le xixe siècle.

David A. Sutherland

Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 37 : ff.273–275 ; 39 : ff.29–31, 35–36 ; 61 : ff.66–67 (mfm aux PANS).— PANS, MG 3, 150–151 ; MG 13, 2 : ff.626–635 ; 3, Alexander Anderson à Forsyth, Smith and Co., 12, 22 sept. 1802 ; 4 : 37s. ; RG 1, 49, John Wentworth à S. W. Prentice et John Henderson, 28 juill. 1792 ; Wentworth à George Pyke, 25 nov. 1805 ; 51 : ff.45–47 ; 52 : 259–261 ; 53 : 222s., 458–461 ; 458, doc. 1.— PRO, CO 217/78 : f.248.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 21 juin 1798.— Perkins, Diary, 1766–80 (Innis) ; Diary, 1780–89 (Harvey et Fergusson) ; Diary, 1790–96 (Fergusson) ; Diary, 1797–1803 (Fergusson).— Acadian Recorder, 26 nov. 1814, 30 déc. 1815, 14 sept. 1822.— Nova Scotia Royal Gazette, 12 oct. 1784, 11 janv. 1785, 16 déc. 1794, 20 sept. 1796, 12 sept. 1797, 20 sept. 1798, 21 mars, 25 juill. 1805, 28 avril, 7 juill. 1807, 20 févr., 21 nov. 1810.— An almanack [...] calculated for the meridian of Halifax in Nova-Scotia [...], Theophrastus, compil. (Halifax), 1799.— North British Soc., Annals of the North British Society, Halifax, Nova Scotia, with portraits and biographical notes, 1768–1903, J. S. Macdonald, compil. ([3e éd.], Halifax, 1905).— Murdoch, Hist. of N.S., 3.— J. R. Armstrong, « The Exchange Coffee House and St. John’s first club », N.B. Hist. Soc., Coll., 3 (1907–1914), no 7 : 60–78.

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David A. Sutherland, « FORSYTH, WILLIAM (mort en 1814) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/forsyth_william_1814_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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