PAGAN, ROBERT, homme d’affaires, homme politique, juge de paix, juge et officier de milice, né le 16 novembre 1750 à Glasgow, Écosse, troisième fils de William Pagan et de Margaret Maxwell ; il épousa Miriam Pote, fille de Jeremiah Pote, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 23 novembre 1821 à St Andrews, Nouveau-Brunswick.
Robert Pagan débarqua en Amérique du Nord en 1768 ou 1769. Grâce à son père, important raffineur de sucre de Glasgow, il s’établit dans le commerce du bois et la construction de navires à Falmouth Neck (Portland, Maine), où ces activités étaient alors en pleine expansion. Associé à la Lee, Tucker and Company de Greenock, en Écosse, il entreprit de se tailler une place solide dans le commerce avec les Antilles, domaine lucratif dans lequel son frère aîné William* avait déjà fait son apprentissage. Robert Pagan étendit ses relations dans le monde des affaires grâce à un autre de ses frères, John, qui tirait profit de la promotion de l’immigration écossaise en Amérique du Nord. Dans les années 1760, John s’était associé à William Franklin, gouverneur du New Jersey, et au révérend John Witherspoon, plus tard directeur du College of New Jersey, pour attirer des colons à Boston et à Philadelphie. Réunies au sein de la Philadelphia Company, ces personnes organisèrent avec d’autres associés, en 1773, l’expédition du Hector à Pictou, en Nouvelle-Écosse [V. John Harris*]. Grâce à sa famille et à ses relations dans les milieux financiers, Robert Pagan en vint à posséder, entre 1770 et 1775, l’une des plus grosses entreprises de commerce général et de construction de navires qui existait à Falmouth. Le plus jeune de ses frères, Thomas, le rejoignit dans cette ville en 1775.
Cependant, en octobre de cette année-là, Falmouth commença à se ressentir des combats qui marquaient la guerre d’Indépendance américaine. Sur l’ordre du commandant en chef des forces navales nord-américaines, le vice-amiral Samuel Graves, qui voulait contrer les activités des rebelles dans la région, le capitaine Henry Mowat bombarda le front de mer et en détruisit bon nombre des établissements commerciaux. Des propriétés de loyalistes aussi bien que de non-loyalistes furent démolies, notamment les locaux commerciaux de Robert Pagan, de Jeremiah Pote, son beau-père, et de Thomas Wyer, son beau-frère. Dès février 1776, les menaces proférées par les comités de rebelles de Falmouth à l’endroit de ceux qui étaient soupçonnés de sympathies tories forcèrent Pagan et sa famille à s’enfuir aux Antilles. Toutefois, un an plus tard, Robert et Thomas retrouvaient leur frère William, qui faisait alors du commerce à New York.
Apprenant qu’un refuge pour loyalistes serait établi à l’embouchure de la Penobscot, les trois frères décidèrent bientôt d’installer le centre de leurs activités commerciales à cet endroit, sous la protection de la garnison britannique du fort George (Castine, Maine). Robert Pagan partit pour la Penobscot en décembre 1780 ; sa femme devait le rejoindre dès qu’il pourrait la loger convenablement. En l’espace de quelques années, ses frères et lui-même firent l’acquisition d’un chantier de bois, bâtirent deux scieries et ouvrirent deux magasins. Leur société, la Robert Pagan and Company, possédait et construisait aussi des navires. Certains bateaux construits par les frères Pagan partaient avec des cargaisons de bois vers la Grande-Bretagne pour y être vendus, et au moins un des bâtiments de leur flotte servit de navire de course. Pendant les années qu’ils passèrent à New York et à la rivière Penobscot, les frères Pagan perdirent aux mains des rebelles 36 navires dont ils étaient les uniques ou principaux propriétaires.
Deux nominations témoignent de l’importance que Robert Pagan avait dans son milieu : il fut nommé juge de paix en juin 1781 et remplaça John Caleff *, parti pour l’Angleterre en 1780, aux deux principaux postes civils du fort George, ceux d’inspecteur et de commissaire. Par malheur cependant, les délibérations diplomatiques entre la Grande-Bretagne, la France et les États américains enlevèrent toute perspective d’avenir à l’établissement. Dès le début de 1783, il devint évident que, contrairement à ce qu’avaient espéré les loyalistes, la nouvelle frontière séparant l’Amérique du Nord britannique des États-Unis ne serait pas la rivière Penobscot. Ce fut plutôt la Sainte-Croix qui fut désignée dans le traité de paix signé cette année-là. Prévoyant une évacuation, Pagan et ses frères firent appel à leurs nombreuses relations d’affaires en Nouvelle-Écosse pour qu’elles leur indiquent des endroits où ils pourraient se reloger. Ils en arrivèrent à la conclusion que la péninsule la plus proche de la Sainte-Croix était le meilleur endroit où fonder un établissement, surtout en raison des avantages qu’elle offrait pour le commerce avec les Antilles et de la présence d’un arrière-pays illimité. Robert Pagan devint le principal porte-parole des Penobscot Associated Loyalists. Avec son frère William et William Gallop*, entre autres, il organisa leur transport jusqu’à la baie de Passamaquoddy, où il supervisa aussi la répartition des concessions foncières. Évidemment, John Parr*, gouverneur de la Nouvelle-Écosse, fit de lui l’un des premiers juges de paix du district de Passamaquoddy ; les autres étaient William Pagan, Pote, Wyer et Gallop.
Au cours de la décennie qui suivit, Robert Pagan devint l’âme du nouveau village, qui fut baptisé St Andrews en 1786. Soutenu par un réseau international qui partait de Glasgow, de Greenock et de Londres, qui s’étendait jusqu’aux Antilles, à New York et à Québec et qui était fondé surtout sur des liens familiaux, il s’établit solidement comme le plus gros marchand de la baie de Passamaquoddy. Sous la raison sociale de Robert Pagan and Company, il se lança dans le commerce du bois, l’exploitation des scieries, la construction de navires, la pêche ainsi que le commerce de gros et de détail. En 1792 seulement, il construisit plusieurs long-courriers destinés au commerce avec les Antilles de même qu’un beau bâtiment de 400 tonneaux, ce qui était une jauge importante à l’époque, pour ce même commerce et pour le transport transatlantique. Tous ces navires étaient faits de bouleau noir, Pagan et ses charpentiers ayant été parmi les premiers à démontrer que ce matériau était résistant et approprié. En outre, avec son frère William, il créa un service de paquebot entre St Andrews et Saint-Jean. Ses exploitations forestières prospérèrent en dépit de la concurrence des ports américains. À ce propos, lui et ses frères furent accusés par le sous-inspecteur des forêts du roi, James Glenie*, de prendre du bois sur les terres réservées à la couronne ; mais si l’accusation avait quelque fondement, elle n’eut pas de suites. Étant le principal bailleur de fonds de nombre de colons de l’endroit, Pagan fut en mesure d’orchestrer le développement économique de la région de Passamaquoddy. Sa réussite dans la construction de navires et le commerce du bois était telle que l’on crut, dans les années 1790, que St Andrews surclasserait Saint-Jean, qui était alors le premier port et centre commercial du Nouveau-Brunswick. « C’est à son activité et à son esprit d’entreprise, notait Patrick Campbell dans un commentaire sur St Andrews, que son pays doit le succès de cette colonie. »
Pagan devint également le plus grand personnage public de la région de Passamaquoddy. Il fut élu député de Charlotte en 1785 et représenta cette circonscription jusqu’en 1819. Grâce à l’appui de son frère William et de plusieurs gros marchands de Saint-Jean, notamment William Black*, il put présenter des lois importantes qui favorisèrent la croissance économique du comté et de l’ensemble de la province, telles que la loi de 1803 visant à encourager l’immigration. Dans le cadre des comités, il rédigea des projets de loi concernant les pêcheries, les routes, les moulins, le revenu, les douanes, le commerce et les communications. Malgré leurs différends avec leur compatriote agressif, James Glenie, les deux frères firent cause commune avec lui contre le gouvernement du lieutenant-gouverneur Thomas Carleton*. Confirmé juge de paix en 1785, Robert Pagan devint aussi juge à la Cour inférieure des plaids communs du comté de Charlotte. De 1787 à 1808 environ, il commanda, à titre de colonel, la milice du comté de Charlotte. Il fit également partie de la Friendly Society de St Andrews, dont le fondateur était le révérend Samuel Andrews*. Avec un autre marchand écossais, Christopher Scott, il fut l’un des piliers de la congrégation presbytérienne Greenock de St Andrews et il versa £100 pour la construction de l’église. En 1816, à tout le moins, il fut commissaire de la grammar school locale.
Robert Pagan s’acquitta d’une importante mission pour le Nouveau-Brunswick lors des discussions que la province mena de 1796 à 1798 en vue de délimiter sa frontière commune avec le district du Maine. Il était alors l’assistant de Ward Chipman, qui défendait la position des Britanniques devant la commission de délimitation des frontières. En fait, les fouilles réalisées en 1797 par Pagan et l’arpenteur Thomas Wright* jouèrent un rôle déterminant dans le règlement du litige. En mettant au jour les ruines de constructions élevées par Pierre Du Gua* de Monts et Samuel de Champlain* en 1604, Pagan et Wright permirent en effet de déterminer laquelle des trois rivières appelées Sainte-Croix correspondait à celle qui portait ce nom dans les documents antérieurs.
En 1815, Robert Pagan comptait déjà parmi les 12 hommes les plus riches de la province ; en 1820, notamment avec John Robinson, il devint l’un des membres fondateurs et actionnaires de la Bank of New Brunswick. Les marchands du Nouveau-Brunswick avaient réalisé des profits énormes pendant les guerres napoléoniennes en suppléant à la rareté du bois et à la diminution du trafic maritime qui avaient frappé la Grande-Bretagne, et pendant la guerre de 1812 où ils avaient eu la possibilité de faire du commerce « à la frontière ». Cependant, un concours de circonstances avaient déjà commencé à ébranler l’importance commerciale que St Andrews avait acquise en peu d’années. En effet, l’accroissement de la concurrence américaine dans le commerce avec les Antilles, la décision de réserver à la couronne une grande partie des terres situées au nord de la ville et la rivalité croissante de St Stephen (St Stephen-Milltown) comme centre de transport maritime et de commerce minèrent l’influence de St Andrews et de ses représentants. En outre, Pagan subit peut-être les contrecoups financiers de l’écroulement d’autres entreprises de l’empire familial. Même si sa succession fut estimée à quelque £20 000 à sa mort, une série de décisions judiciaires la réduisit à presque rien au cours des 35 années qui suivirent. Le sens des responsabilités que Pagan avait envers sa communauté apparaît dans cette déclaration, qu’il fit sur son lit de mort : « Nul [ne doit] être emprisonné pour quelque somme due à ma succession, et je préfère perdre cette somme plutôt que de prendre pareille mesure de mon vivant. »
David S. Macmillan et Roger Nason
APNB, RG 7, RS63 ; RG 18, RS148, A1.— Charlotte County Hist. Soc. Arch. (St Andrews, N.-B.), Mowat papers.— Charlotte Land Registry Office (St Andrews), Record books.— Musée du N.-B., G.-B., Army, 74th Regiment, order-book, 1784 (transcription).— PRO, AO 12/11 : 71–72 ; 12/61 : 71 ; 12/109 : 246/1695 ; AO 13, bundles 51, 93.— SRO, RS54.— P. Campbell, Travels in North America (Langton et Ganong).— « United Empire Loyalists : enquiry into losses and services », AO Report, 1904.— New-Brunswick Royal Gazette, 11 déc. 1821.— Jones, Loyalists of Mass.— Sabine, Biog. sketches of loyalists.— C. A. Armour et Thomas Lackey, Sailing ships of the Maritimes [...] 1750–1925 (Toronto et Montréal, 1975).— M. N. Cockburn, A history of Greenock Church, St. Andrews, New Brunswick, from 1821 to 1906 (s.l., 1906).— I. C. C. Graham, Colonists from Scotland : emigration to North America, 1707–1783 (Ithaca, N. Y., 1956 ; réimpr., Port Washington, N.Y., et Londres, 1972).— MacNutt, New Brunswick.— R. P. Nason, « Meritorious but distressed individuals : the Penobscot Loyalist Association and the settlement of the township of St. Andrews, New Brunswick, 1783–1821 » (thèse de
David S. Macmillan et Roger Nason, « PAGAN, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pagan_robert_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
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