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SIMONDS, JAMES, homme d’affaires, juge de paix, juge, fonctionnaire et homme politique, né le 10 décembre 1735 à Haverhill, Massachusetts, fils de Nathan Simonds et de Sarah Hazen ; le 9 novembre 1767, il épousa Hannah Peabody, et ils eurent 14 enfants, dont Charles* et Richard* ; décédé le 20 février 1831 à Portland (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick).

James Simonds était l’un des nombreux fils cadets de francs-tenanciers du Massachusetts qui atteignirent leur majorité au milieu du xviiie siècle, à l’époque même où la partie occidentale de la colonie avait de moins en moins de friches arables à leur offrir. Divisé entre plusieurs héritiers, le patrimoine des Simonds ne pouvait assurer une subsistance suffisante à aucun d’eux. C’est pourquoi, après la guerre de Sept Ans, au cours de laquelle il prit part à l’assaut lancé par James Abercromby* contre le fort Carillon (près de Ticonderoga, New York) en 1758, Simonds décida de répondre à l’invitation du gouverneur Charles Lawrence* et de s’installer en Nouvelle-Écosse. Après avoir soigneusement étudié les régions qui se prêtaient à la colonisation, il choisit une terre à l’embouchure de la Saint-Jean, dans une région qui allait bientôt être connue sous le nom de pointe Portland. Le gouvernement leur ayant promis l’obtention à court terme d’une concession de 5 000 acres, Simonds, son frère Richard et le capitaine Francis Peabody s’établirent à ce nouvel endroit en 1762. Il est difficile d’imaginer concession plus économiquement avantageuse dans la colonie. L’estuaire offrait un port abrité dont les eaux profondes recélaient un des plus riches bancs de saumons et d’aloses du littoral atlantique. À la pointe Portland, les affleurements de pierre calcaire constituaient une source importante de chaux. À l’est du port, des marais salants de 2 000 acres pourraient donner d’immenses récoltes de foin. Quant à la vallée de la Saint-Jean, qui embrassait quelque 26 000 milles carrés, elle abritait les Malécites, lesquels faisaient un peu de traite de fourrures avec des agents européens.

Simonds vint s’établir à la pointe Portland avec l’intention de devenir homme d’affaires plutôt que fermier. Il commença par exploiter les bancs de poissons et par en expédier le produit à son cousin William Hazen*, petit marchand de Newburyport, dans le Massachusetts. Les deux cousins reconnaissaient le potentiel commercial du bassin de la Saint-Jean et ils avaient besoin de capital pour l’exploiter. Ils s’associèrent donc à un parent, Samuel Blodget, grand marchand bostonien qui faisait du commerce avec les Antilles. La propriété de la nouvelle société fut divisée en quatre : Simonds, Hazen et Blodget reçurent chacun un quart des actions, tandis que le dernier quart fut réparti entre Richard Simonds, James White (autre cousin de Hazen) et Robert Peaslie (beau-frère de Hazen). Les trois associés adjoints rejoignirent Simonds dans la région de la Saint-Jean, tandis que Hazen fut chargé de la distribution des marchandises au Massachusetts et que Blodget demeura l’associé résidant. En février 1764, Simonds reçut du gouvernement de la Nouvelle-Écosse un permis d’occupation des terres à la pointe Portland ainsi qu’un permis l’autorisant à poursuivre la pêche et à calciner de la chaux. Le 1er mars, la nouvelle société commença ses activités. Plus tard, elle allait obtenir de grandes concessions à l’embouchure de la rivière.

En 1764, Simonds et White firent venir à la pointe Portland 30 hommes, dont des chaufourniers, des pêcheurs, des tonneliers et d’autres artisans qualifiés pour les diverses activités dans lesquelles ils allaient bientôt s’engager. Simonds était un entrepreneur dynamique : il conclut des ententes commerciales avec ses propres employés, avec la garnison voisine qui était postée au fort Frederick (Saint-Jean), avec les Indiens de la vallée de la Saint-Jean et avec les colons originaires de Nouvelle-Angleterre qui étaient établis à Maugerville. Parallèlement, il poursuivit un commerce important de poisson, de fourrure, de chaux et de bois avec le Massachusetts. Entre 1764 et 1774, la société eut 17 navires à son service et Simonds expédia à ses associés quelque £30 000 de fourrure et de poisson, 2 540 tonneaux de chaux, 1 171 barils de castoréum, ainsi que des milliers de bardeaux et de douves pour tonneaux. En 1764, les associés se joignirent à la Saint John River Society, connue aussi sous le nom de Canada Company, qui comptait parmi ses membres des personnages aussi influents que Thomas Hutchinson, gouverneur du Massachusetts, et le colonel Frederick Haldimand*. De plus, en y entrant, ils se retrouvèrent au nombre des propriétaires de 400 000 acres supplémentaires dans la vallée de la Saint-Jean [V. Beamsley Perkins Glasier*].

En 1765, Richard Simonds fut tué par des Indiens, Peaslie quitta la société et Hazen associa Leonard Jarvis à sa participation dans la compagnie. L’année suivante, Hazen et Jarvis rachetèrent la part de Blodget pour £2 215. Ensuite, la société fut réorganisée. En 1767, en vertu d’une nouvelle entente, Hazen et Jarvis acquirent la moitié des actions, Simonds en reçut le tiers et James White obtint le reste. En outre, toutes les terres que les associés possédaient individuellement en Nouvelle-Écosse, sauf la concession de Simonds à Maugerville, furent mises au nom de la société. La même année, Simonds épousa Hannah Peabody, fille de Francis Peabody ; il devenait ainsi le beau-frère de James White, qui avait épousé la sœur de Hannah. Il avait acheté la maison des Peabody à la pointe Portland en 1766 et allait y vivre jusqu’en 1778.

Comme il était le plus ancien résident et le principal propriétaire terrien de la région, Simonds en vint, à la fin des années 1760, à jouer un rôle important dans la vie civile de la vallée de la Saint-Jean. En 1768, la plus grande partie de la garnison fut retirée du fort Frederick, et Simonds se vit confier le commandement des quelques soldats restants, avec mission de maintenir l’ordre. À différents moments, il occupa le poste de juge de paix, de juge de la Cour d’enregistrement et d’examen des testaments, de registrateur et de receveur adjoint des douanes dans le comté de Sunbury, qui englobait la plus grande partie du futur territoire du Nouveau-Brunswick. En 1773, il fut élu député de Sunbury à la chambre d’Assemblée de la Nouvelle-Écosse en remplacement d’Israel Perley*. Il prit son siège en octobre 1774 et représenta cette circonscription jusqu’en 1782.

La société commerciale commença de décliner à l’aube de la Révolution américaine. Hazen vint à Portland en 1775 et, comme Leonard Jarvis avait quitté la compagnie, Samuel Jarvis fut chargé de s’occuper du commerce au Massachusetts. Bientôt, ce dernier eut du mal à honorer ses commandes pour Saint-Jean, et les associés de Portland commencèrent à traiter directement avec les Antilles. Au cours de l’été, le fort Frederick fut pris par les rebelles et, en septembre, Simonds se rendit en bateau à Windsor, où il demanda en vain l’aide du gouvernement. En mai 1776, les colons de Maugerville rédigèrent une déclaration d’appui aux rebelles [V. Seth Noble*] mais, lorsqu’elle circula dans la vallée de la Saint-Jean, Simonds, Hazen et White refusèrent de la signer. Quelques mois plus tard, en allant attaquer le fort Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), Jonathan Eddy* passa par Portland ; en 1777, lors de son expédition infructueuse dans la région de la Saint-Jean, John Allan* arrêta Hazen et White. Enfin, en 1778, tout commerce était interrompu. Simonds décida de quitter la compagnie. Il s’installa dans l’arrière-pays, à sa ferme de Lower Maugerville (Sheffield), et ne s’occupa plus de la compagnie. En 1780, il offrit à Hazen et à White de leur vendre sa part de toutes les terres situées à l’embouchure de la rivière. Étant donné la fragilité de la conjoncture, ils refusèrent.

De leur côté, Hazen et White se mirent à nouer des relations avec des hommes d’affaires et des hommes politiques de Halifax, dont Michael Francklin*, et s’engagèrent bientôt dans la fabrication de mâts. Comme la guerre tirait à sa fin et que le transfert de réfugiés et de régiments loyalistes en Nouvelle-Écosse semblait imminent, les deux associés qui étaient actifs dans la compagnie tournèrent de nouveau leur attention vers Portland. James White remplaça Simonds comme receveur adjoint des douanes et Hazen devint commissaire de la garnison. Les terres que les associés possédaient à Portland comprenaient deux vastes concessions qui, croyaient-ils, embrassaient tout le territoire situé au nord de la future rue Union, à Saint-Jean, jusqu’à la Kennebecasis, s’étendaient à l’est jusqu’à Great Marsh et au sud jusqu’à Red Head, et englobaient aussi, à l’ouest, la région de la pointe Portland et d’Indiantown. Avant 1778, les associés avaient respecté les conditions de leurs concessions en construisant des routes, des moulins à farine et des quais, et en attirant 30 familles de colons. Cependant, quand Hazen et White firent arpenter leurs terres en 1784, on découvrit que la plus grande partie de Great Marsh se trouvait à l’extérieur des terres qui leur avaient été attribuées. Ils persuadèrent donc un vieil officier qui avait participé à la guerre de Sept Ans, le lieutenant William Graves, de demander le marais comme partie de la concession à laquelle son service militaire lui donnait droit. Usant de leur influence auprès des autorités de Halifax, les deux associés obtinrent la concession en faveur de Graves qui, moyennant une petite commission, la leur remit.

Avec l’arrivée des loyalistes en 1783, ce qui n’était alors qu’un établissement isolé, où vivaient 30 ou 40 familles et une petite garnison britannique, devint le foyer commercial d’une nouvelle colonie, le Nouveau-Brunswick. En 1783–1784, le nombre de loyalistes qui passèrent par Saint-Jean s’élevait peut-être à 15 000 ou 20 000, et il y avait probablement 5 000 résidents, pour la plupart installés dans le secteur qui devint la ville même de Saint-Jean en 1785. La compagnie de Simonds, de Hazen et de White était propriétaire de la rive nord de l’arrière-port de Saint-Jean, et les bâtiments, moulins et quais de la pointe Portland devinrent les atouts les plus précieux de la colonie. Comme les terres de la compagnie empêchaient le centre de la ville de s’étendre au delà d’une péninsule de 600 acres, les associés s’attendaient à récolter un gros bénéfice en aménageant des rues à Portland et en vendant des lots de ville aux loyalistes. Après avoir acquis Great Marsh, Hazen et White tentèrent en 1785 d’acheter à Simonds, pour £3 000, tous ses intérêts dans la compagnie. Ce dernier refusa et, l’année suivante, il demanda une liquidation totale de la société. Comme ses associés ne réagissaient pas, il leur écrivit de nouveau pour leur présenter neuf propositions concernant la répartition des biens. Il demandait entre autres qu’on lui remette le tiers de l’ensemble des terres et fermages de la compagnie, outre tous les bâtiments qu’il avait construits. Les négociations cessèrent lorsque Simonds, s’appuyant sur l’entente d’association de 1767, réclama une part de Great Marsh. En 1791, les tentatives d’arbitrage entreprises par William Pagan* et d’autres échouèrent ; le litige fut porté devant la Cour de la chancellerie en 1808. Deux ans plus tard, Hazen et White furent obligés de verser £1 312 à Simonds. Entre-temps, les autres biens de la société avaient été répartis sans difficulté. Chacun des associés avait obtenu un titre exclusif sur de vastes concessions. Simonds et Hazen furent les principaux bénéficiaires du règlement et, après 1800, ils vécurent des loyers que leur rapportaient leurs grandes propriétés situées en zone urbaine ou suburbaine. D’abord petits commerçants de la Nouvelle-Angleterre, Simonds et Hazen étaient donc devenus, sans coup férir, de riches propriétaires terriens dans une nouvelle colonie britannique.

Entre 1768 et 1792, Hannah Peabody et James Simonds avaient eu 14 enfants qui avaient survécu à la naissance ; plusieurs d’entre eux étaient nés à Maugerville. En s’exilant pendant quelques années à l’intérieur de la province, la famille avait fait un geste qui allait influer sur son rang social et sur le rôle qu’elle jouerait dans cette société dominée par les loyalistes. Hazen, qui évolua parmi les loyalistes les plus influents de Saint-Jean à compter de 1783, commença bientôt à contracter des alliances avantageuses en mariant ceux de ses enfants qui atteignaient alors l’âge adulte à d’importants membres de la nouvelle élite. Il entra au Conseil du Nouveau-Brunswick et sa famille ne tarda pas à se retrouver au cœur de l’aristocratie des fonctionnaires loyalistes. Dans le cas de Simonds, ce processus n’eut lieu qu’une génération plus tard. Quand ses enfants se marièrent au début du xixe siècle, ce fut avec de jeunes loyalistes de la deuxième génération.

Pourtant, cette intégration sociale tardive fait écran à une réalité. Pour Simonds, l’arrivée des loyalistes représenta, autant que faire se peut, un plus grave bouleversement que la révolution. Ayant vécu dans l’isolement pendant plus de 20 ans, à Portland et à Maugerville, il avait peu de relations et aucune influence parmi les membres du nouvel ordre social et politique, qui étaient attachés à la vieille Angleterre plutôt qu’à la nouvelle. Même s’il avait rejeté la cause rebelle, il se sentait plus proche des « vieux habitants » que des victimes privilégiées de la guerre d’Indépendance. Le fait qu’il soit demeuré à Maugerville dénote ce sentiment d’appartenance. Lors des premières élections de la chambre d’Assemblée du Nouveau-Brunswick en 1785, il se présenta comme candidat des anciens habitants dans la circonscription de Sunbury. Il fut battu par les candidats loyalistes. Quelques années plus tard, il s’établit à Saint-Jean où, en 1795, il fut élu député de la circonscription de la ville et du comté de Saint-Jean. Il soutint l’opposition populaire de James Glenie* contre le conseil et participa aux manœuvres par lesquelles l’Assemblée s’employa à s’assurer le contrôle des subsides. Les radicaux parvinrent à retarder l’adoption des crédits de 1795 à 1799. Finalement, le lieutenant-gouverneur Thomas Carleton* et le conseil acceptèrent de préciser dans le projet de loi de finances le nom des personnes devant exercer les fonctions mentionnées et la rémunération qui leur serait allouée. Simonds était un démocrate ; même s’il n’adopta jamais des positions aussi extrémistes que celles de Glenie, il demeura dans l’opposition durant toute sa carrière de député. Il quitta la vie publique en 1802. Le fait que le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne lui confia aucune charge publique avant qu’il n’accède à la magistrature en 1816, à l’âge de 80 ans, indique la défaveur dans laquelle l’élite le tenait.

James Simonds vécut très vieux. Peu d’indices suggèrent qu’il participa à la vie commerciale de Saint-Jean après 1810 – il semble que son fils aîné, Charles, s’occupait des affaires familiales –, mais ses affaires continuèrent à prospérer et ses propriétés à prendre de la valeur au fur et à mesure que la ville se développait. Bien qu’il soit difficile d’évaluer les propriétés qu’il possédait dans la banlieue de Saint-Jean ou dans les quartiers commerçants et qui ne furent jamais vendues, il est très possible que la succession de ce pionnier venu de Haverhill se soit élevée à un million de dollars.

Thomas William Acheson

Les lettres écrites par James Simonds et James White pendant qu’ils vivaient dans la vallée de la Saint-Jean entre 1764 et 1785 constituent la meilleure source pour étudier la vie et la carrière de Simonds jusqu’en 1785. Ces lettres ont été éditées par W. O. Raymond et publiées sous les titres de « Letters written at Saint John by James Simonds, A.D. 1764–1785 », N.B. Hist. Soc., Coll., 1 (1894–97), no 2 : 160–186 ; « Selections from the papers and correspondence of James White, esquire, A.D. 1762–1783 », no 3 : 306–340 ; « The James White papers continued, A.D. 1781–1788 », 2 (1899–1905), no 4 : 30–72. Les Hazen family papers et les James White papers conservés au Musée du N.-B. contiennent des renseignements sur les activités de la société Simonds, Hazen and White. R. C. Campbell, dans « Simonds, Hazen and White : a study of a New Brunswick firm in the commercial world of the eighteenth century » (thèse de m.a., Univ. of N.B., Saint-Jean, 1970), a fait une bonne étude de l’activité d’affaires de Simonds. W. O. Raymond a aussi écrit sur Simonds dans The River Saint John : its physical features, legends and history from 1604 to 1784, J. C. Webster, édit. ([2e éd.], Sackville, N.-B., 1943 ; réimpr., 1950) et dans « Incidents in the early history of St. John », Acadiensis (Saint-Jean), 1 (1901) : 82–86, 151–156.  [t. w. a.]

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Thomas William Acheson, « SIMONDS, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/simonds_james_6F.html.

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Auteur de l'article:    Thomas William Acheson
Titre de l'article:    SIMONDS, JAMES
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    28 novembre 2024