MOUET DE LANGLADE, CHARLES-MICHEL, trafiquant de fourrures, officier dans les troupes de la Marine et employé au département des Affaires indiennes, baptisé le 9 mai 1729 à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), fils d’Augustin Mouet de Langlade, trafiquant en vue, et de Domitilde, sœur de Nissowaquet ; il épousa à Michillimakinac, le 12 août 1754, Charlotte-Ambroisine, fille de René Bourassa, dit La Ronde, et ils eurent deux filles ; il avait également un fils, Charles, né d’une liaison antérieure avec une Outaouaise ; décédé au cours de l’hiver de 1800–1801 à La Baye (Green Bay, Wisconsin).
Durant toute sa longue et active carrière, Charles-Michel Mouet de Langlade se fit connaître par l’influence dont il jouissait auprès des Indiens. Son ascendant procédait de ses liens de parenté avec l’important chef Nissowaquet ainsi que de ses qualités personnelles, mais aussi d’un incident qui remontait à son enfance. Il avait dix ans lorsqu’il accompagna Nissowaquet dans une expédition contre les Chicachas, expédition qui fut couronnée de succès. Les Outaouais, qui avaient essuyé deux défaites auparavant, en conclurent que le jeune garçon était sans aucun doute habité par un esprit tutélaire.
En 1750, Langlade était cadet dans les troupes de la Marine. Ses premiers exploits militaires consignés eurent pour théâtre Pickawillany (Piqua, Ohio) en 1752. Britanniques et Français se livraient une chaude lutte pour la mainmise sur la vallée de l’Ohio et sa population indigène. Devant l’incapacité de Pierre-Joseph Céloron* de Blainville de convaincre les Miamis dirigés par Memeskia (La Demoiselle) de quitter Pickawillany qui était sous l’influence des Britanniques, on y délégua Langlade avec une petite armée de quelque 300 hommes, Indiens et Français. Ils attaquèrent le 21 juin, à un moment où la plupart des Miamis étaient partis à la chasse, et Langlade contraignit à se rendre les quelques habitants demeurés au village ainsi que les commerçants britanniques. Memeskia fut capturé, ébouillanté et mangé. Le gouverneur Duquesne écrivit de Langlade : « on luy accorde icy beaucoup de bravoure, beaucoup de crédit sur l’esprit des Sauvages, et beaucoup de zèle quand on le commande pour marcher ».
Promu enseigne le 15 mars 1755, Langlade participa activement à la guerre de Sept Ans. Il affirma avoir conçu le plan de l’embuscade qui amena la défaite d’Edward Braddock par Jean-Daniel Dumas près du fort Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie), en 1755. Il y retourna en mission de reconnaissance en août 1756, accompagné de ses fidèles Indiens. Ils demeurèrent dans l’Est tout au long de l’hiver et, le 21 janvier 1757, ils firent partie du détachement qui dressa l’embuscade dans laquelle tombèrent Robert Rogers et ses rangers près du fort Carillon (Ticonderoga, New York). Langlade était à ce moment-là enseigne à la demi-solde. Pendant qu’il servait sous les ordres de Montcalm*, lors du siège du fort George (également connu sous le nom de fort William Henry ; aujourd’hui Lake George, New York), au cours de l’été de 1757, il contribua à la capture d’une flottille britannique. En septembre 1757, le gouverneur Vaudreuil [Rigaud] le nomma commandant en second à Michillimakinac. Deux ans plus tard, Langlade était présent au siège de Québec. Si les renforts qu’il avait demandés à Lévis étaient arrivés à temps, avec ses Indiens il aurait peut-être anéanti le détachement dont Wolfe* avait pris la tête pour aller procéder à une reconnaissance en amont de la rivière Montmorency, le 26 juillet. Au lieu de cela, les deux corps se replièrent après une brève escarmouche. En 1760, Langlade quitta Michillimakinac pour se rendre à Montréal où il apprit qu’il avait été promu lieutenant avec demi-solde. Ayant reçu l’ordre de quitter la ville tout juste avant sa capitulation, il retourna à Michillimakinac dont il assuma le commandement jusqu’à l’arrivée des Britanniques, en septembre 1761.
Le service des armes n’avait toutefois pas absorbé toute l’énergie de Langlade. En octobre 1755, le commandant de Michillimakinac lui avait ordonné d’aller établir un poste de traite à l’embouchure de la Grande Rivière (Grand Haven, Michigan) et de l’utiliser pour chercher à maintenir l’emprise sur les Outaouais et les Potéouatamis le long de la rive ouest du lac Michigan. Langlade continua à se livrer à son commerce d’hiver à cet endroit jusqu’à la fin de 1790 ; jusqu’à 15 hommes travaillèrent pour lui.
À l’instar de bon nombre des habitants de Michillimakinac, il semble que Langlade se soit accommodé sans trop de difficulté de la domination britannique. Lorsqu’en 1763 lui parvinrent les rumeurs d’un soulèvement chez les Sauteux, il en prévint le commandant, George Etherington, mais celui-ci négligea l’avertissement et les Sauteux, ayant à leur tête Madjeckewiss*, s’emparèrent du fort. Au péril de sa vie, Langlade arracha Etherington et William Leslye au poteau de supplice. On l’a critiqué parce qu’il ne permit pas à Alexander Henry*, l’aîné, de trouver refuge dans sa maison, mais Langlade ne tenait pas à mettre en danger la sécurité de sa famille ; il vit toutefois à ce que Henry soit sauf : grâce à son aide et à celle des Outaouais de sa parenté, les survivants de l’attaque finirent par regagner Montréal. Langlade prit le commandement du fort jusqu’à ce que les Britanniques affirment de nouveau leur présence l’année suivante. Il alla ensuite élire domicile à La Baye où vivait déjà son père.
Au début de la guerre d’Indépendance américaine, le gouverneur Guy Carleton* disait de Langlade, alors capitaine au département des Affaires indiennes, qu’il était « un homme dont on avait tout lieu d’être satisfait et qui pouvait être très précieux en raison de son influence sur les Indiens de ce district ». Langlade conduisit les Indiens à Montréal en 1776 afin qu’ils participent à la défense de la ville puis, avec Luc de La Corne, il alla se joindre à Burgoyne au cours de l’été de 1777. Bon nombre des Indiens de Burgoyne partirent, mais Langlade et ses fidèles Outaouais demeurèrent jusqu’au moment de l’attaque de Bennington (Vermont). Lorsque Langlade quitta Montréal et retourna dans l’Ouest à l’automne de 1778, on lui demanda de mettre sur pied une troupe d’Indiens pour appuyer Henry Hamilton dans son attaque contre des partisans des rebelles à Vincennes (Indiana). Langlade n’y parvint pas au début parce que c’était l’automne et que les Indiens s’étaient retirés dans leurs territoires de chasse pour l’hiver, mais, au printemps, il réussit à former une troupe. Les Indiens refusèrent toutefois de bouger quand ils apprirent la capture de Hamilton aux mains de George Rogers Clark. Celui-ci détacha un agent, Daniel-Maurice Godefroy de Linctot, avec mission de saper l’influence de Langlade sur les Indiens, mais Langlade et son neveu, Charles Gautier de Verville, maintinrent leur position en faisant de généreux présents. En 1780, Langlade amena une troupe d’Indiens au pays des Illinois pour apporter du renfort à l’attaque de la ville espagnole de St Louis (Missouri), mais fut refoulé jusqu’au lac Michigan par les cavaliers de Linctot [V. Wahpasha*].
La guerre terminée, Langlade continua à travailler pour le département des Affaires indiennes. Il recela des marchandises que Gautier avait soustraites au magasin des Britanniques sur l’île de Mackinac ; Gautier fut découvert et déchu de son poste de magasinier et d’interprète en 1793, mais Langlade ne fut pas inquiété. Il demeura actif jusqu’à sa mort et il se plaisait à parler des 99 combats auxquels il avait pris part. Évoquant la conduite de Langlade, un de ses compagnons déclarait qu’il « n’avait jamais connu un homme aussi maître de soi et aussi intrépide sur le champ de bataille ».
AN, Col., C11A, 98, p.27 (copie aux APC).— APC, MG 25, 186 ; RG 10, A2, 1 824, pp.107–114, 487–493 ; 1 828, pp.8 021–8 024.— Newberry Library (Chicago), Edward E. Ayer coll.,
Paul Trap, « MOUET DE LANGLADE, CHARLES-MICHEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mouet_de_langlade_charles_michel_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
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