AINSSE (Ainse, Hains, Hins), JOSEPH-LOUIS (Louis-Joseph), trafiquant de fourrures et interprète, né le 1er mai 1744 à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), fils de Joseph Ainsse, maître charpentier, et de Constante Chevalier, fille de Jean-Baptiste Chevalier* ; le 6 octobre 1775, il épousa à Michillimakinac Marie-Thérèse Bondy ; décédé le 12 mars 1802 à Varennes, Bas-Canada.
Pendant la tourmente de la guerre de Sept Ans, le jeune Joseph-Louis Ainsse alla vivre avec un de ses oncles dans l’île Perrot, près de Montréal. Il y résidait encore au moment de la conquête du Canada par les Britanniques, et c’est là qu’il prononça le serment d’allégeance. En 1762, il se lança dans la traite des fourrures et, au printemps de 1763, il était de retour à Michillimakinac. Le 2 juin, des Sauteux de l’endroit s’emparèrent du fort [V. Madjeckewiss], et Ainsse accourut dans les environs pour essayer de sauver les soldats et les trafiquants britanniques. Le capitaine George Etherington l’envoya bientôt porter à Detroit la nouvelle du soulèvement. Même si certains l’accuseront plus tard de s’être enrichi à même les marchandises pillées à Michillimakinac, Ainsse était à cette époque si pauvre qu’il portait de vieilles frusques. Pendant toute l’année suivante, ou à peu près, il travailla comme manœuvre et passa un hiver à couper du bois de corde. Cherchant à améliorer son sort, Ainsse descendit au fort de Chartres (près de Prairie du Rocher, Illinois) et se rendit par la suite au fort Saint-Joseph (Niles, Michigan), où son oncle Louis-Thérèse Chevallier était un commerçant en vue. Il fit aussi un voyage à La Nouvelle-Orléans, vers 1767. Pendant ses déplacements, il devint expert dans plusieurs langues indiennes et réussit finalement à maîtriser neuf d’entre elles.
Ce fut probablement en 1767 que Robert Rogers*, commandant de Michillimakinac, invita Ainsse à revenir de Saint-Joseph pour servir d’interprète. À son arrivée, toutefois, Ainsse ne se vit pas accorder officiellement cette fonction, peut-être parce qu’il ne comprenait pas bien l’anglais. Le 6 décembre 1767, Rogers fut soudainement arrêté et accusé de trahison ; Ainsse s’entretint souvent avec lui au cours de son emprisonnement. Pendant ce temps, la femme de Rogers enseigna l’anglais au jeune Ainsse, et tous deux discutèrent de la possibilité d’organiser l’évasion de l’ancien commandant. À la fin de janvier 1768, Ainsse fit rapport de ses conversations au capitaine Frederick Christopher Spiesmacher, l’officier qui exerçait le commandement. Quand Ainsse produisit un billet à ordre, daté du 4 février 1768, et qu’il prétendit que Rogers le lui avait donné contre sa participation à l’évasion projetée, Rogers fut mis aux fers. Ainsse reçut en récompense le poste convoité d’interprète du roi ; son salaire de un dollar par jour, versé par le département des Affaires indiennes, commençait à courir le 25 janvier.
La fonction d’interprète était une responsabilité de premier ordre à Michillimakinac. Comme l’officier britannique qui y commandait pouvait rarement parler les diverses langues indiennes, ne fût-ce qu’une seule, l’interprète servait d’intermédiaire entre les autorités et les Indiens. Michillimakinac était un centre d’une grande importance pour les négociations avec les Indiens des lacs Supérieur, Huron et Michigan, et les mois d’été étaient particulièrement remplis, puisque des milliers d’entre eux venaient y tenir conseil ou trafiquer. Pour être efficace, un interprète devait avoir la confiance tant de l’officier commandant que des Indiens, car une traduction inexacte pouvait occasionner de graves malentendus.
À l’automne de 1768, Ainsse fit un voyage à Montréal pour témoigner au procès de Rogers devant un conseil de guerre. Il y donna des preuves accablantes. Pour miner sa crédibilité, le trafiquant Henry Bostwick témoigna qu’Ainsse avait pillé ses marchandises et ordonné à un Indien de le tuer pendant le soulèvement de 1763 ; et pour donner plus de force à ses accusations, il fit arrêter Ainsse. Rogers fut acquitté, et Ainsse languit en prison d’octobre 1768 jusqu’à la tenue de son procès, en mars 1769. Le jésuite Pierre Du Jaunay*, le capitaine Spiesmacher, Benjamin Roberts*, entre autres, témoignèrent de sa bonne réputation, et le jury le déclara non coupable. Au départ des premiers canots pour Michillimakinac, en mai, Ainsse retourna chez lui ; néanmoins, Joseph Tucker, qui l’avait remplacé comme interprète, conserva ses fonctions. Mais, l’année suivante, la conduite d’Ainsse au cours d’une échauffourée avec un Indien qui avait attaqué un trafiquant non armé lui fit reprendre son poste. George Turnbull, l’officier commandant à Michillimakinac, fut si favorablement impressionné qu’il le réintégra dans ses fonctions le 8 juin 1771. Ainsse, affirma-t-il, « connaît personnellement chaque Indien ».
Au cours de la Révolution américaine, l’interprète joua un rôle de premier plan à Michillimakinac, car les Britanniques comptaient sur les Indiens alliés pour conserver les lacs Supérieur, Huron et Michigan. De plus, les responsabilités d’Ainsse ne furent point limitées à ce poste. Le 17 juin 1776, le commandant Arent Schuyler DePeyster* lui donna ordre de prendre la tête d’une bande de guerriers outaouais de Michillimakinac pour aider à reprendre Montréal. À la fin d’octobre 1778, De Peyster l’envoya au fort Saint-Joseph aider Charles-Michel Mouet* de Langlade et Charles Gautier de Verville à rallier les Potéouatamis à leur cause, expédition qui, apparemment, obtint peu de résultats. Pendant l’année critique de 1779, après que George Rogers Clark eut fait prisonnier le lieutenant-gouverneur Henry Hamilton* à Vincennes (Indiana), Ainsse distribua aux Indiens pour des milliers de livres de présents et participa, à l’Arbre Croche (Cross Village, Michigan), au grand conseil tenu par DePeyster, dont l’objectif était de s’assurer l’appui des Outaouais et de nombreuses tribus de l’Ouest.
Ainsse prit sa retraite du département des Affaires indiennes en 1779 et, à l’automne, il s’en alla à Montréal pour y passer l’hiver avec sa famille. Il était vraiment devenu un trafiquant éminent pendant son séjour dans l’Ouest : il vendit pour 12 513# de fourrures cette année-là et acheta la seigneurie de l’Île-Sainte-Thérèse, de même qu’une résidence à Varennes. Quand il retourna à Michillimakinac pour ses affaires au printemps de 1780, le nouveau lieutenant-gouverneur du poste, Patrick Sinclair, le dépêcha au fort Saint-Joseph en compagnie de Nissowaquet*, afin de ramener Chevallier et les autres résidents à Michillimakinac, où ils seraient moins vulnérables dans l’éventualité d’une attaque américaine. Ainsse réussit sa mission mais, peu après son retour, Sinclair le confina à l’intérieur du fort et refusa de lui rembourser ses dépenses. Indigné, Ainsse versa une caution et partit pour Québec où, le 5 octobre, il adressa une requête au gouverneur Haldimand afin d’obtenir justice. Quand Haldimand demanda à Sinclair de s’expliquer, celui-ci affirma avoir refusé les comptes parce qu’Ainsse avait acheté les ravitaillements de ses propres fonds, plutôt que de s’approvisionner au General Store, entreprise de traite sans lendemain que les commerçants de Michillimakinac avaient conjointement mise sur pied en 1779. Sinclair refusa à Ainsse l’autorisation de retourner au poste, mais approuva par la suite certains de ses comptes.
En février 1785, Ainsse fut l’un des membres fondateurs du Beaver Club, avec des trafiquants aussi connus que James McGill et Joseph Frobisher. Cette année-là, une guerre entre tribus indiennes [V. Wahpasha] perturba le commerce dans la région ouest des Grands Lacs. Au printemps de 1786, les trafiquants les plus en vue de la région suggérèrent que des représentants fussent envoyés, munis de présents, pour négocier avec les tribus. Comme Sinclair avait, à cette époque, quitté Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), ils recommandèrent Ainsse comme le meilleur homme pour aller rencontrer les Outaouais, les Folles-Avoines, les Puants, les Sauks et les Renards, ainsi que les Sioux. Ainsse fut désigné et, en août, l’expédition partit. Au printemps suivant, il conduisit une délégation assez nombreuse de représentants des tribus de l’Ouest à Michillimakinac, afin d’y tenir un conseil de paix. Ceux-ci demandèrent à Ainsse d’hiverner avec eux une fois de plus, et il accepta malgré son désir de retrouver sa famille à Varennes.
Le 10 août 1787, James Aird, Charles Paterson et d’autres commerçants présentèrent une pétition au commandant de Michillimakinac, Thomas Scott, dans laquelle ils prétendaient qu’au cours de l’expédition de l’hiver précédent Ainsse avait vendu des marchandises du département des Affaires indiennes destinées à être distribuées, sous forme de présents, aux Indiens. Apparemment, il les avait vendues à meilleur marché que Paterson, un trafiquant en vue, qui voulait se venger. On n’entreprit aucune enquête avant qu’Ainsse fût de nouveau parti pour hiverner à l’intérieur ; à son retour, toutefois, il fut arrêté sur-le-champ. Le 24 juin 1788, Scott convoqua un conseil d’enquête qui entendit des témoins pour l’établissement de la preuve. Paterson s’occupait de la poursuite. Ce fut seulement le 1er mai 1790, au cours d’une séance d’un comité du Conseil législatif, à Québec, qu’Ainsse et son coaccusé, John Dease, agent adjoint des Affaires indiennes à Michillimakinac, eurent l’occasion de réfuter les accusations. Le procureur général Alexander Gray et le solliciteur général Jenkin Williams estimèrent les accusations justifiées et leurs conclusions furent partagées par le comité dans un rapport du 28 octobre. Les relations d’Ainsse avec le département des Affaires indiennes prenaient fin d’une manière peu glorieuse.
Joseph-Louis Ainsse passa apparemment le reste de sa vie à Varennes, où il mourut le 12 mars 1802. Son fils Joseph lui succéda comme seigneur et son fils de sang mêlé, Ance, fut connu comme chef de tribu au détroit de Mackinac.
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David A. Armour, « AINSSE (Ainse, Hains, Hins), JOSEPH-LOUIS (Louis-Joseph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ainsse_joseph_louis_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |