McGILLIVRAY, DUNCAN, trafiquant de fourrures et auteur, né dans l’Inverness-shire, Écosse, probablement au début des années 1770, deuxième fils de Donald McGillivray et d’Anne McTavish, sœur de Simon McTavish ; décédé le 9 avril 1808 à Montréal.

Duncan McGillivray fut l’un des quelques parents de Simon McTavish dont l’instruction et la carrière bénéficièrent de la protection de ce marchand de fourrures montréalais. Au début des années 1790, suivant les traces de son frère William*, McGillivray avait quitté l’Écosse pour Montréal et était entré au service de la North West Company. C’est pendant les années 1794 et 1795 que sa carrière dans la traite des fourrures est le mieux connue, car à cette époque il tenait son journal au fort George (près de Lindbergh, Alberta), sur la Saskatchewan-du-Nord. Ce document contient de vivantes descriptions de la vie et des voyages dans le Nord-Ouest, des Indiens des Plaines qui, trouvant à satisfaire la plupart de leurs besoins essentiels grâce au bison, refusaient « de faire du castor », sinon pour obtenir du rhum, et des voyageurs canadiens, dont certains se mutinèrent à l’été de 1794 au poste du lac à la Pluie (Ontario), alors qu’ils accompagnaient McGillivray à l’intérieur des terres.

Commis au fort George et l’un des 110 hommes aux ordres d’Angus Shaw*, un des associés de la North West Company, McGillivray nota la vigoureuse concurrence que se livraient les Nor’Westers et William Tomison*, fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company, et ses 35 hommes du poste voisin de Buckingham House. Il arrivait cependant à ces rivaux de collaborer, par exemple, lorsqu’ils éteignirent un incendie au poste de la Hudson’s Bay Company, le 22 mars 1795. Mais, à la traite, les Nor’Westers l’emportaient, grâce à leurs ressources humaines et à l’abondance de leurs marchandises ; ils tirèrent un bon profit des « 7 nations différentes » d’Indiens qui arrivèrent au printemps de 1795. La saison suivante, la North West Company fonda le premier fort Augustus (Fort Saskatchewan, Alberta), plus haut sur la rivière ; Tomison releva le défi en construisant Edmonton House tout près. Bien qu’en novembre d’autres rivaux encore fussent venus représenter la firme montréalaise de David et Peter Grant, la concurrence se fit surtout entre les deux compagnies les mieux établies.

Les archives de la Hudson’s Bay Company indiquent qu’il y eut des changements dans les rapports personnels entre les rivaux. Tomison et les Nor’Westers ne pouvaient pas s’entendre ; mais quand, en 1796, Tomison quitta le fort Edmonton pour un congé d’un an, son collègue George Sutherland* noua des relations cordiales avec Shaw et McGillivray. Au retour de Tomison en novembre 1797, McGillivray lui écrivit pour l’exhorter, vu qu’ils seraient probablement voisins pendant quelques années, à en arriver à « une entente convenable », « à rejeter les vieux préjugés et à recommencer sur un pied nouveau [...] pour le bien des deux parties et dans l’intérêt du pays en général ». De nouvelles difficultés se firent jour, cependant, et la traite de la Hudson’s Bay Company en souffrit. Le 14 mai 1798, Tomison accusa McGillivray de voler les fourrures des Bungees (Sauteux), qui ne pouvaient en conséquence rembourser leurs dettes à la Hudson’s Bay Company, mais on ne tint pas compte, apparemment, de ses vives protestations contre cet accaparement des « biens de l’honorable Hudson’s Bay Company ».

En 1799, McGillivray se rendit à Montréal ; il y devint l’un des associés de la McTavish, Frobisher and Company, qui avait une part prépondérante dans la North West Company, et fut élu membre du Beaver Club. Par la suite, on ne connaît que partiellement son activité à l’intérieur des terres. À la fin d’octobre 1800, il était à Rocky Mountain House (Alberta), ayant remonté la Saskatchewan en compagnie d’un homme de la Hudson’s Bay Company, James Bird*, qui faisait route vers Acton House. Après un court voyage qu’il fit au mois de novembre, avec David Thompson*, aux « grands camps des Indiens peagans [Peigans] », près de l’emplacement actuel de High River, McGillivray entreprit un autre voyage plus loin dans les montagnes, à la recherche de nouveaux territoires à castor dont les Indiens avaient fait état, mais il dut rebrousser chemin à cause des neiges épaisses et du terrain accidenté. Dans une lettre du 19 février 1801, Bird écrivait : « MM. McGilvery et Thompson doivent aller l’été prochain [...] examiner la contrée située à l’ouest de la montagne, aussi loin que le bord de la mer du Sud, et, si possible, vérifier si [...] un commerce avantageux peut être poursuivi ou non avec ces régions, soit à partir d’ici, soit à partir de la Chine. » Mais de violentes attaques de rhumatisme à la fin de l’hiver et au printemps empêchèrent McGillivray de se joindre à un voyage d’exploration printanier conduit par Thompson et James Hughes. Quant à savoir si McGillivray, plus tard cette année-là, « mena en personne l’exploration projetée », comme le croyait Arthur Silver Morton*, c’est une question très discutée.

McGillivray quitta l’intérieur des terres en 1802 pour travailler plus étroitement avec le quartier général montréalais de la McTavish, Frobisher and Company (McTavish, McGillivrays and Company, à partir de 1806). Au cours des quelques années qui suivirent, il voyagea annuellement de Montréal à Kaministiquia (Thunder Bay, Ontario) pour représenter la compagnie aux rencontres estivales avec les hivernants de la North West Company ; il prôna la poursuite des explorations que Thompson et Simon Fraser* avaient entreprises en direction de l’ouest et joua un rôle important en mettant au point des arrangements précis pour les opérations de l’intérieur.

En 1803–1804, McGillivray se trouva aussi engage dans des tentatives pour négocier une alliance entre la North West Company et la Hudson’s Bay Company, afin d’enrayer l’avance dans la même direction d’Edward Ellice*, agent à Londres de la New North West Company (parfois nommée la XY Company). Depuis son expérience en Saskatchewan, McGillivray était conscient des avantages qu’il y avait à collaborer avec la Hudson’s Bay Company ; le temps semblait alors propice à quelque entente officielle. En 1803, fut fondé à l’île Charlton, dans la baie James, un avant-poste de la North West Company ; la position de cette compagnie s’en trouvait renforcée, d’autant que chacune des deux firmes montréalaises cherchait « à obtenir de la Hudson’s Bay Company une concession dont elle pourrait user au détriment de l’autre ». La mort de Simon McTavish, en 1804, fut suivie de l’union de la North West Company et de la New North West Company, de même que dune série de négociations qui durèrent de janvier 1805 à février 1806, au cours desquelles McGillivray tenta d’obtenir pour la North West Company l’autorisation d’utiliser les routes maritimes de la baie d’Hudson et, à l’intérieur, les voies d’eau allant d’York Factory (Manitoba) à la rivière Rouge ; il chercha aussi à louer à York Factory un emplacement pour un entrepôt. Les discussions aboutirent à une rupture quand la Hudson’s Bay Company se rendit compte que les Nor’Westers projetaient aussi d’expédier, à partir de la baie, des fourrures à des marchés non britanniques. Or, c’était là un privilège que sa propre charte semblait ne pas lui permettre et que la compagnie ne voulait pas concéder aux autres.

Durant les derniers mois de sa vie, McGillivray écrivit « Some account of the trade carried on by the North West Company ». Cet essai sollicitait l’aide du gouvernement britannique pour les projets de la North West Company au delà des Rocheuses. Si l’entreprise réussissait dans le Far West et au delà de l’océan, « un nouveau territoire serait ouvert à l’écoulement des produits britanniques et une vaste contrée, de même qu’une grande population, entrerait dans la dépendance de l’Empire britannique ». McGillivray prenait aussi position contre les campagnes menées par le parlementaire britannique William Wilberforce et par lord Selkirk [Douglas] en vue de prohiber la vente de spiritueux aux Indiens. McGillivray étayait ses arguments contre l’intervention gouvernementale en avançant l’idée d’un monopole : si la traite était « limitée à une seule compagnie », celle-ci serait d’elle-même amenée, « par tous les motifs que [lui] dicteraient ses propres intérêts », à réduire l’ivrognerie parmi les autochtones.

Duncan McGillivray mourut à Montréal le 9 avril 1808 et fut enseveli dans le caveau familial de Simon McTavish. Aucun mariage n’est enregistré à son nom, mais il eut un et probablement deux enfants d’une Indienne. Magdalene, née en 1801, fut baptisée à Montréal le 7 octobre 1804, en l’absence de ses parents ; William McGillivray assista à la cérémonie comme témoin. McGillivray fut probablement aussi le père d’un commis de la compagnie, William McGillivray, dont le gouverneur George Simpson* disait, en 1832, qu’il était un « sang-mêlé de la nation crise ». William entra au service de la North West Company en 1814 ; il servit plus tard dans les régions de l’Athabasca et de New Caledonia (Colombie-Britannique). Il épousa une fille d’Alexander Stewart (Stuart), agent principal de la Hudson’s Bay Company, et se noya le 31 janvier 1832 dans le Fraser.

Sylvia Van Kirk et Jennifer S. H. Brown

La bibliothèque de la Royal Commonwealth Soc. (Londres) possède le manuscrit du journal de Duncan McGillivray de même que celui de son essai « Some account of the trade carried on by the North West Company ». Des photocopies se trouvent aux APC (MG 19, A10 ; B4). L’édition de A. S. Morton de The journal of Duncan M’Gillivray of the North West Company at Fort George on the Saskatchewan, 1794–5 (Toronto, 1929) est basée sur la photocopie des APC. Le manuscrit de l’essai contient les annotations de William McGillivray, y compris le nouveau titre « Sketch of the fur trade, 1809 ». Le tout fut retravaillé et publié anonymement sous le titre de On the origin and progress of the North-West Company of Canada [...] (Londres, 1811), probablement par John Henry*, qui est souvent cité comme auteur de la brochure. L’essai, tel qu’annoté par William McGillivray, a été publié sous son titre original dans l’APC Report, 1928 : 56–73.  [s. v. k. et j. s. h. b.]

ANQ-M, CE1-63, 8 déc. 1801, 7 déc. 1804.— Les bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest (Masson), 2.— Rules and regulations of the Beaver Club (Montréal, 1819).— Saskatchewan journals and correspondence : Edmonton House, 1795–1800 ; Chesterfield House, 1800–1802, A. M. Johnson, édit. (Londres, 1967).— David Thompson, « David Thompson and the Rocky Mountains », J. B. Tyrrell, édit., CHR, 15 (1934) : 39–45 ; « David Thompson’s account of his first attempt to cross the Rockies », F. W. Howay, édit., Queen’s Quarterly (Kingston, Ontario), 40 (1933) : 333–356 ; David Thompson’s narrative, 1784–1812, R. G. Glover, édit. (nouv. éd., Toronto, 1962).— M. W. Campbell, NWC (1957).— Innis, Fur trade in Canada (1970).— Morton, Hist. of Canadian west (1973).— K. G. Davies, « From competition to union », Minn. Hist. (St Paul), 40 (1966–1967) : 166–177.— A. S. Morton, « Did Duncan McGillivray and David Thompson cross the Rockies in 1801 ? », CHR, 18 (1937) : 156–162 ; « The North West Company’s Columbian enterprise and David Thompson », CHR, 17 (1936) : 266–288.— J. B. Tyrrell, « David Thompson and the Columbia River », CHR, 18 (1937) : 12–27 ; « Duncan McGillivray’s movements in 1801 », CHR, 20 (1939) : 39s.

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Sylvia Van Kirk et Jennifer S. H. Brown, « McGILLIVRAY, DUNCAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mcgillivray_duncan_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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